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University of Ottawa
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PENSÉES
DE PASCAL
PUBLIÉES DANS LEUR TEXTE AUTHENTIQUE
UNE INTRODUCTION, DES NOTES ET DES REMARQUES
PAK
ERNEST HAVET
NOUVELLE ÉDITION REVUE ET CORRIGEE
Vendent opéra interrupta.
TOME SECOND
PARIS
LIBRAIRIE DELAGRAVE
15, RUE SOUK FLOT, 15
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\
A LA MÊME LIBRAIRIE
ISOCRATE. Discours sur lui-môme, intitulé : Surl'àntidosis,
traduit en français pour la première fois par Aurj. Cartellier,
revu et publié avec le texte, une introduction et des notes,
par M. Ernest Havet, professeur au Collège de France. Grand
in-8° raisin (Imprimerie nationale), 1862 8 »
PASCAL. Opuscules philosophiques, comprenant : De l'auto-
rité en matière de philosophie; — Réflexions sur la géométrie
en général ; — De l'art de persuader. Nouvelle édition, avec une
notice sur Pascal, des notes et des remarques, par M. Ernest
Havet, professeur au Collège de France. 1 vol. in-12. Prix, br. » 75
PASCAL. Provinciales CI, IV et XIII), nouvelle édition, avec
une introduction et des notes, par M. Ernest Havet, membre
de l'Institut. 1 vol. in-12, broché, 1880 1 50
37-2-17. — Coulommiers. Imp. Paul BRODARI). — ï-18.
/
PENSÉES
DE PASCAL
PUBLIEES DANS LEUR TEXTE AUTHENTIQUE
AVEC
UNE INTRODUCTION, DES NOTES ET DES REMAKQUES
1' A K
ERNEST HAVET
Membre de l'Institut
SEPTIEME EDITION REVUE ET CORRIGEE
Pendent opéra inierrupta
(Voir page ci.)
TOME SECOND
PARIS
LIBRAIRIE DELAGRAYE
15, RUE SOU FF LOT, 15
1918
Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation
réservés pour tous pays.
S
PENSÉES DE PASCAL
ARTICLE XVI
1.
Il y a des figures claires et démonstratives ; mais il y en a
d'autres qui semblent un peu tirées par les cheveux, et qui ne
prouvent qu'à ceux qui sont persuadés d'ailleurs. Celles-là sont
semblables aux apocalyptiques l. Mais la différence qu'il y a est
qu'ils n'en ont point d'indubitables. Tellement qu'il n'y a rien
de si injuste que quand ils montrent que les leurs sont aussi
bien fondées que quelques-unes des nôtres ; car ils n'en ont pas
de démonstratives comme quelques-unes des nôtres. La partie
n'est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces
choses parce qu'elles semblent être semblables par un bout,
étant si différentes par l'autre. Ce sont les clartés qui méritent,
quand elles sont divines, qu'on révère les obscurités.
1 bis.
Moïse d'abord enseigne la Trinité, le péché originel, le
Messie. David, grand témoin : roi, bon, pardonnant, belle
âme, bon esprit, puissant ; il prophétise, et son miracle ar-
rive ; cela est infini. Il n'avait qu'à dire qu'il était le Messie, s'il
eût eu de la vanité ; car les prophéties sont plus claires de lui
que de Jésus-Christ. Et saint Jean de même 2.
i. C'est-à-dire, à celles des apocalyptiques, de ceux, comme s'exprime Port-Royal, « qui
fondent des prophéties sur l'Apocalypse, qu'ils expliquent à leur fantaisie. »
î. Le premier Jean, celui qu'on appelle Jean- Baptiste.
2 PENSÉES DE PASCAL
2.
Jésus- Christ, figuré par Joseph, bien-aimé de son père, en-
voyé du père pour voir ses frères, etc., innocent, vendu par
ses frères vingt deniers, et par là devenu leur seigneur, leur
sauveur, et le sauveur des étrangers, et le sauveur du monde ;
ce qui n'eût point été sans le dessein de le perdre, la vente et
réprobation qu'ils en firent.
Dans la prison, Joseph innocent entre deux criminels ; Jésus-
Christ en la croix entre deux larrons. Il prédit le salut à l'un,
et la mort à l'autre, sur les mêmes apparences : Jésus- Christ
sauve les élus, et damne les réprouvés, sur les mêmes crimes1.
Joseph ne fait que prédire : Jésus-Christ fait. Joseph demande
à celui qui sera sauvé qu'il se souvienne de lui quand il sera
venu en sa gloire ; et celui que Jésus-Christ sauve lui demande
qu'il se souvienne de lui quand il sera en son royaume.
3.
La synagogue ne périssait point, parce qu'elle était la figure,
mais, parce qu'elle n'était que la figure, elle est tombée dans la
servitude. La figure a subsisté jusqu'à la vérité, afin que l'Église
fût toujours visible, ou dans la peinture qui la promettait, ou
dans Tenet,
Pour prouver tout d'un coup les deux, il ne faut que voir si
les prophéties de l'un sont accomplies en l'autre. Pour exa-
miner les prophéties, il faut les entendre; car, si on croit
qu'elles n'ont qu'un sens, il est sûr que le Messie ne sera
point venu ; mais si elles ont deux sens, il est sûr qu'il sera
venu en Jésus- Christ. Toute la question est donc de savoir
si elles ont deux sens2...
5.
Pour montrer que l'ancien Testament n'est que figuratif, et
que les prophètes entendaient par les biens temporels d'autres
biens, c'est, premièrement, que cela serait indigne de Dieu ;
secondement, que leurs discours expriment très-clairement la
! , Car, quand il y aurait un élu qui n'eût jamais péché, il aurait encore à expier 1*
crime commun, originel.
2. En titre dans l'autographe, Preuve des deux Testaments à la fois.
ARTICLE XVI 3
promesse des biens temporels, et qu'ils disent néanmoins que
leurs discours sont obscurs, et que leur sens ne sera point
entendu. D'où il paraît que ce sens secret n'était pas celui qu'ils
exprimaient à découvert, et que, par conséquent, ils enten-
daient parler d'autres sacrifices, d'un autre libérateur, etc. Ils
disent qu'on ne l'entendra qu'à la fin des temps. Jer. xxx. ult. f
La troisième preuve est que leurs discours sont contraires et
se détruisent, de sorte que, si l'on pense qu'ils n'aient entend»?
par les mots de loi et de sacrifice autre chose que celle de
Moïse, il y a contradiction manifeste et grossière. Donc ils en-
tendaient autre chose, se contredisant quelquefois dans un
même chapitre 2- -
6.
Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu'elle plaise
à Dieu et qu'elle ne lui déplaise point. S'ils sont figures, il
faut qu'ils plaisent et déplaisent. Or, dans toute l'Ecriture, ils
plaisent et déplaisent.
Il est dit que la loi sera changée ; que le sacrifice sera
changé; qu'ils seront sans roi, sans prince et sans sacrifices;
qu'il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renou-
velée, que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons ;
que leurs sacrifices sont abominables ; que Dieu n'en a point
demandé.
Il est dit, au contraire, que la loi durera éternellement ; que
cette alliance sera éternelle ; que le sacrifice sera éternel ; que
le sceptre ne sortira jamais d'avec eux, puisqu'il n'en doit point
sortir que le Roi éternel n'arrive. Tous ces passages mar-
quent-ils que ce soit réalité ? Non. Marquent-ils aussi que ce
soit figure? Non : mais que c'est réalité, ou figure. Mais les
premiers, excluant la réalité, marquent que ce n'est que figure.
Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réa-
lité ; tous peuvent être dits de la figure : donc ils ne sont pas
dits de la réalité, mais de la figure. Agnus occisus est ab ori-
gine mundi \
1. C'est-à-dire, chapitre xxx, dernier verset : In novissimo dierum intelligetis ea.
2. En titre dans l'autographe, Figures.
3. « L'agneau a été tué dès le commencement du monde. » Ces paroles, prises de l'A-
pocalypse, xiii, 8, répondent à la pensée de Pascal, que le sacrifice des Juifs n'était que
la figure passagère du sacrifice éternel, qui est celui de Jésus-Christ. — En titre dan»
l'autographe, Figures,
k PENSÉES DE PASCAL
7.
Un portrait porte absence et présence, plaisir et déplaisir.
La réalité exclut absence et déplaisir.
Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité ou figure, il
faut voir si les prophètes, en parlant.de ces choses, y arrêtaient
leur vue et leur pensée, en sorte qu'ils n'y vissent que cette
ancienne alliance ; ou s'ils y voient quelque autre chose dont
elle fût la peinture ; car dans un portrait on voit la chose figu-
rée. Il ne faut pour cela qu'examiner ce qu'ils en disent.
Quand ils disent qu'elle sera éternelle, entendent-ils parler
de l'alliance de laquelle ils disent qu'elle sera changée ; et de
même des sacrifices, etc. ?
Le chiffre à deux sens *. — Quand on surprend une lettre
importante où l'on trouve un sens clair et où il est dit néan-
moins que le sens en est voilé et obscurci ; qu'il est caché, en
sorte qu'on verra cette lettre sans la voir et qu'on l'entendra
sans l'entendre; que doit-on penser, sinon que c'est un chiffre
à double sens ; et d'autant plus qu'on y trouve des contrariétés
manifestes dans le sens littéral ? Combien doit-on donc estimer
ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à con-
naître le sens caché ; et principalement quand les principes
qu'ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs î C'est ce
qu'a fait Jésus-Christ, et les apôtres. Ils ont levé le sceau, il a
rompu le voile et a découvert l'esprit. Ils nous ont appris pour
cela que les ennemis de l'homme sont des passions ; que le
Rédempteur serait spirituel et son règne spirituel ; qu'il y au-
rait deux avènements : l'un de misère, pour abaisser l'homme
superbe, l'autre de gloire, pour élever l'homme humilié ; que
Jésus-Christ serait Dieu et homme. Les prophètes ont dit clai-
rement qu'Israël serait toujours aimé de Dieu, et que la loi se-
rait éternelle ; et ils ont dit que l'on n'entendrait point leur
sens et qu'il était voilé 2.
8.
Jésus -Christ n'a fait autre chose qu'apprendre aux hommes
qu'ils s'aimaient eux-mêmes , qu'ils étaient esclaves , aveu-
i. Et non, le chiffre a deux sens. C'est une espèce de titre qui annonce la pensée qui
suit.
1 ^u titre dans l'autographe, Figure?,
ARTICLE XVI* 5
gles, malades, malheureux et pécheurs; qu'il fallait qu'il les
délivrât, éclairât, béatifiât et guérît; que cela se ferait en se
haïssant soi-même, et en le suivant par la misère et la mort de
la croix.
8 bis.
La lettre tue. Tout arrivait en figures. Voila le chiffre que
saint Paul nous donne. Il fallait que le Christ souffrît. Un
Dieu humilié. Circoncision de cœur, vrai jeûne, vrai sacrifice,
vrai temple. Les prophètes ont indiqué qu'il fallait que tout
cela fût spirituel '.
S ter.
Double loi, doubles tables de la loi, double temple, double
captivité*.
9.
... Et cependant ce Testament, fait pour aveugler les uns et
éclairer les autres, marquait, en ceux mêmes qu'il aveuglait,
la vérité qui devait être connue des autres. Car les biens visi-
bles qu'ils recevaient de Dieu étaient si grands et si divins,
qu'il paraissait bien qu'il était puissant de leur donner les in-
visibles3, et un Messie.
Car la nature est une image de la grâce, et les miracles visi-
bles sont image des invisibles. Ut sciatis, tibi dico, Surge 4
Isaïe, li, dit que la rédemption sera comme le passage de la
mer Rouge 5.
Dieu a donc montré en la sortie d'Egypte, de la mer, en la
défaite des rois6, en la manne, en toute la généalogie d'Abra-
ham 7, qu'il était capable de sauver, de faire descendre le pain
1. En titre dans l'autographe, Que la loi était figurative. Figures,
ï. En titre dans l'autographe, Figures particulières.
3. Latinisme, pour dire, ayant le pouvoir de leur donner.
4. A la page 43 du manuscrit, on trouve : Ut sciatis quod Filius habet potestatem re-
mittendipeccata. libi dico, Surge. Le texte complet est, Filius hominis habet potestatem in
terra. Marc, n, 10, et Luc, v, 20-24. Jésus a dit au paralytique : «Tes péchés te sont re-
mis. » Et les Juifs s'écriant que Dieu seul peut remettre les péchés, Jésus reprend :
« Quel est le plus facile de dire, Tes péchés te sont remis, ou de dire à celui qui ne peut
se mouvoir, Lève-toi et marche? Afin donc que vous sachiez que le Fils de l'homme a le
pouvoir ici-bas de remettre les péchés, je te l'ordonne, lève-toi et marche. »
5. A la page 43 du manuscrit, on trouve au contraire que la mer Rouge, c'est-à-dire
la sortie de la mer Rouge, est l'image de la Rédemption. Ce sont les versets 10 et 11 du
chapitre u d' Isaïe que Pascal interprète ainsi.
6. Nombres, xxi.
7. A moins que Pascal n'entende par là simplement la postérité d'Abraham, je ne vois
pas bien ce qu'il veut dire.
6 PENSÉES DE PASCAL
du ciel, etc. ; de sorte que le peuple ennemi est la figure et la
représentation du même Messie qu'ils ignorent, etc.
Il nous a donc appris eniin que toutes ces choses n'étaient
que figures, et ce que c'est que vraiment libre, vrai Israélite,
vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.
Dans ces promesses-là, chacun trouve ce qu'il a dans le fond
de son cœur, les biens temporels ou les biens spirituels, Dieu
ou les créatures; mais avec cette différence, que ceux qui y
cherchent les créatures les y trouvent, mais avec plusieui s
contradictions, avec la défense de les aimer, avec Tordre de
n'adorer que Dieu et de n'aimer que lui, ce qui n'est qu'une
même chose1, et qu'enfin il n'est point venu Messie pour eux;
au lieu que ceux qui y cherchent Dieu le trouvent, et sans au-
cune contradiction, avec commandement de n'aimer que lui, et
qu'il est venu un Messie dans le temps prédit pour leur don-
ner les biens qu'ils demandent
Et ainsi les Juifs avaient des miracles, des prophéties qu'ils
voyaient accomplir ; et la doctrine de leur loi était de n'adorer
et de n'aimer qu'un Dieu : elle était aussi perpétuelle. Ainsi
elle avait toutes les marques de la vraie religion : aussi elle
l'était. Mais il faut distinguer la doctrine des Juifs d'avec la doc-
trine de la loi des Juifs. Or la doctrine des Juifs n'était pas
vraie, quoiqu'elle eût les miracles, les prophéties et la perpé-
tuité, parce qu'elle n'avait pas cet autre point, de n'adorer et
n'aimer que Dieu.
10.
Un Dieu humilié, et jusqu'à la mort de la croix : un Messie
triomphant de la mort par sa mort. Deux natures en Jésus-
Christ, deux avènements, deux états de la nature de l'homme2.
10 bis.
On ne peut faire une bonne physionomie qu'en accordant
1. C'est-à-dire, que l'ordre de n'aimer que Dieu est la même chose que la défense d'ai-
mer les créatures. Pascal a sans doute dans l'esprit ces passages du Pentateuque : « Tu
n'adoreras point les créatures. » Exod. xx, 5. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de
tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta force. » Deui. vi, 5. a Tu craindras le
Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul. » lbid. x, 20. C. Malth. xxn, 37, etc.
2. Avant et après le péché d'Adam. — En titre dans l'autographe: Sources des contra-
riétéi,
ARTICLE XVI 7
toutes nos contrariétés1, et il ne suffît pas de suivre une suite
de qualités accordantes sans accorder les contraires. Pour en-
tendre le sens d'un auteur, il faut accorder tous les passages
contraires.
Ainsi, pour entendre l'Écriture, il faut avou un sens dans le-
quel tous les passages contraires s'accordent. Il ne suffit pas
d'en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants,
mais d'en avoir un qui accorde les passages même contraires.
Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires
s'accordent, ou il n'a point de sens du tout. On ne peut pas
dire cela de l'Écriture et des prophètes ; ils avaient assurément
trop bon sens. 11 faut donc en chercher un qui accorde toutes
les contrariétés.
Le véritable sens n'est donc pas celui des Juifs; mais en
Jésus-Christ toutes les contradictions sont accordées.
Les Juifs ne sauraient accorder la cessation de la royauté et
p incipauté prédite par Osée avec la prophétie de Jacob2.
Si on prend la loi, les sacrifices, et le royaume, pour réali-
tés, on ne peut accorder tous les passages. Il faut donc par né-
cessité qu'ils ne soient que figures. On ne saurait pas même
accorder les passages d'un même auteur, ni d'un même livre, ni
quelquefois d'un même chapitre. Ce qui marque trop quel était
le sens de l'auteur3. Gomme quand Ézéchiel, ch. xx, dit qu'or
vivra dans les commandements de Dieu et qu'on n'y vivra pas 4.
il.
Il n'était point permis de sacrifier hors de Jérusalem, qui
était le lieu que le Seigneur avait choisi, ni même de manger
ailleurs les décimes. Deut. xn, 5, etc. Deut. xiv, 23, etc. ; xv,
20; xvi, 2,7,11, 15*.
Osée a prédit qu'ils seraient sans roi, sans prince, sans sa-
1. Port-Royal : » On ne peut bien faire le caractère d'une personne, etc » Je ne
pense pas qu'il s'agisse du caractère, mais de la figure, dont on ne peut bien rendre
l'expression dans un portrait, ce que Pascal appelle faire une bonne physionomie, sans
accorder les contraires, par exemple la sévérité et la douceur, la tristesse et l'agré-
ment, etc. Car les expressions opposées se rencontrent souvent dans une même fi-
gure.
î. Osée, m, 4; Gen. xlix, 10.
3. C'est-à-dire, plus même qu'il n'est nécessaire.
4. Je n'aperçois pas dans ce chapitre la contradiction indiquée par Pascal. Aussi P. R.
a supprimé cette citation. — En titre dans l'autographe, Contradiction.
5. Oq retrouve dans tous ces passages la formule, in loco quem elegerit Dominus.
8 PENSÉES DE PASCAL
crifice et sans idole ; ce qui est accompli aujourd'hui, ne pou-
vant faire sacrifice légitime hors de Jérusalem \
12.
Quand la parole de Dieu, qui est véritable, est fausse litté-
ralement, elle est vraie spirituellement. Sede a dextris meis 2.
Gela est faux littéralement ; donc cela est vrai spirituellement.
En ces expressions, il est parlé de Dieu à la manière des
hommes ; et cela ne signifie autre chose, sinon que, l'intention
que les hommes ont en faisant asseoir à leur droite, Dieu l'aura
aussi. C'est donc une marque de l'intention de Dieu, non de
sa manière de l'exécuter.
Ainsi quand il dit : Dieu a reçu l'odeur de vos parfums et
vous donnera en récompense une terre grasse 3, c'est-à-dire, la
même intention qu'aurait un homme qui, agréant vos parfums,
vous donnerait en récompense une terre grasse, Dieu aura la
même intention pour vous, parce que vous avez eu pour [lui]
la même intention qu'un homme a pour celui à qui il donne
des parfums. Ainsi iratus est, « Dieu jaloux. », etc. \ Car les
choses de Dieu étant inexprimables, elles ne peuveut être dites
autrement, et l'Eglise aujourd'hui en use encore : quia confor-
tavit seras, etc. 5.
Il ne nous est pas permis d'attribuer à l'écriture les sens
qu'elle ne nous a pas révélé qu'elle a. Ainsi, de dire que le
mem fermé d'Isaïe signifie 600, cela n'est pas révélé. Il eût pu
dire que les tsadê final et les he déficientes signifieraient des
mystères. Il n'est donc pas permis de le dire, et encore moins
de dire que c'est la manière de la pierre philcsophale. Mais
nous disons que le sens littéral n'est pas le vrai, parce que les
prophètes l'ont dit eux-mêmes 6
1. Et Jérusalem n'étant plus à eux. — Sans idoles n'est pas dans le texte.
2. Ps. cix. « Assieds-toi. à ma droite. »
3. Le sens de ce que dit ici Pascal est partout dans les prophéties, mais s'il y a tel
verset particulier dont cette phrase soit la traduction, je ne l'ai pas trouvé.
4. Exod. xx, 5; Is. v, 25, etc.
5. Ps. cxlvit, 13 : a Loue le Seigneur, ô Jérusalem, parce qu'il a rendu tes portes im-
prenables. » Il y a dans la Vulgate quoniam. Ce psaume se chante à l'office du mercredi
a Laudes.
6. Expliquons tous ces mystères. On distingue en hébreu le mem ou m ouvert, dont la
figure est en effet ouverte par en bas, et qui s'emploie au commencement ou au milieu
des mots, et le mem ou m fermé, qui ne s'emploie qu'à la fin. On sait que la plus fa-
meuse des prophéties touchant le Messie est celle qu'on lit au chapitre ix d'Isaïe, ver-
eet 6 : Parvuhu enim nalus est nobis, etc. Dans le texte hébreu se trouvent les mots le'
marbé hamisra, répondant à ceux-ci de la Vulgate, mulliplicabilur ejus imperium. Le mem
ARTICLE XVI 9
13.
Tout ce qui ne va point à la charité est figure.
L'unique objet de l'Écriture est la charité. Tout ce qui ne va
point à l'unique but en est la figure : car, puisqu'il n'y a qu'un
but, tout ce qui n'y va point en mots propres est figuré.
Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité pour sa-
tisfaire notre curiosilé, qui recherche la diversité, par cette di-
versité, qui nous mène toujours à notre unique nécessaire. Car
une seule chose est nécessaire *, et nous aimons la diversité;
et Dieu satisfait à l'un et à l'autre par ces diversités, qui mè-
nent au seul nécessaire.
13 bis.
Changer de figure, à cause de notre faiblesse.
du mot lemarbé devrait être un mem ouvert, et au contraire les manuscrits portent un mem
fermé ou final. Les rabbins ont vu dans cette faute d'orthographe toutes sortes de mys-
tères. Ils out dit que le mem fermé (mem clausum) indiquait que le Messie devait naître
d'une femme vierge (ex virgine clausa). Et ils poussent cette idée jusqu'au détail le plus
indécent. Ils se sont surtout attachés à la valeur numérale des lettres, car les lettres sont
des chiffres en hébreu aussi bien qu'en grec. Or, tandis que le mem ouvert vaut 40, le mem
fermé vaut 600. Cette anomalie signifie donc, suivant eux, que le Messie doit venir au
bout de 600 ans. Pascal avait lu ces rêveries dans le Pugio fidei adversus Mauros et Ju-
dœos de Raymond Martin, un de ces vieux livres du moyen-âge, qui semblent faits pour
n'être ouverts que par les savants. Mais ce livre, écrit en 1278 par un moine de Cata-
logne, était demeuré inédit pendant près de quatre cents ans, et ne fut imprimé qu'eu
1651. C'était donc encore un livre 'nouveau, et qui devait faire assez de bruit autour de
Pascal pour qu'il s'avisât d'y regarder. Pugio, c'est ce qu'on appelait autrefois Yépée de
chevet- Sous le nom des Maures, l'auteur combat, nou pas le mahométisme ni le Coran,
mais la philosophie arabe.
Le tsadé final diffère du tsadé ordinaire par sa valeur numérale, comme le mem fermé
du mem ouvert. Quant aux hé déficientes, il y a en hébreu certaines lettres finales,
parmi lesquelles le hé on h, qui ne se prononcent pas, mais qui doivent s'écrire. Quand
elles ne sont pas écrites, ce qui est une faute, les hébraïsants les appellent déficientes.
La manière de la pierre philosophale signifie sans doute la manière de trouver la pierre
philosophale. Je ne sais si Pascal a ici en vue quelqu'un en particulier, mais les rêveries
des alchimistes sur la pierre philosophale s'étaient mêlées de bonne heure à celles des
rabbins sur le Messie. Et il ne faut pas croire qu'au temps de Pascal la cabale eût perdu
tout crédit. Au siècle même de Uescartes, et tout à côté de lui, florissait le célèbre caba-
liste Robert Fludd, dont les idées étranges avaient encore assez de vogue pour que Gas-
sendi se soit donné la peine d'en faire la critique, à la prière de Mersenne. Or voici ce
qu'écrivait Robert Fludd, dans sa Mcdicina catholica (Francfort, 1629, sect. I, part. II,
livre I, ch. i) : « On expose dans ce chapitre que Dieu opère dans ce monde la maladie
comme la guérison par l'intermédiaire de créatures angéliques; et que tous les anges,
ou autrement toute la nature angéliqu", est renfermée dans ce grand ange Miltalron
que les Ecritures appellent la Sagesse. » Et plus loin (p. 67), après avoir décrit cette
vertu surnaturelle répandue dans la création, et principe de toute opération mystérieuse,
il ajoute : « Les cabalistes l'appellent Mitlairon, d'autres y reconnaissent le Messie...,
d où vient que le Christ est appelé ange en plusieurs endroits de la sainte Ecriture. Et
vocatur nomen ejus, dit le prophète, magni consilii angélus. » On remarquera que ce pas-
sage, qui est d'isaie (ix, 6-7), est celui où se trouve le fameux mem, qui devait donc servir
à trouver le Mitlatron, l'agent du grand œuvre, aussi bien que le Messie. — Dans le livre
de Reuchlin De arte cabalistica, on lit que le mem ouvert représente la sphère de Jupi-
ter, et le mem fermé la sphère de Mars (Hagen, lb30, p. lxxix, au verso). 11 distingue
aussi les deux tsadé. — En titre dans l'autographe, ligures.
1. Ce sont les paroles mêmes de l'Evangile Luc, m, 42 : Porro unum est necessarium.
îî> PENSÉES DE PASCAL
14,
Les rabbins prennent pour figure les mamelles de l'Epouse '
et tout ce qui n'exprime pas l'unique bnt qu'ils ont, des biens
temporels. Et les Chrétiens prennent même l'Eucharistie pour
figure de la gloire où ils tendent.
15.
Il y en a qui voient bien qu'il n'y a pas d'autre ennemi de
l'homme que la concupiscence, qui le détourne de Dieu, et
non pas Dieu; ni d'autre bien que Dieu, et non pas une terre
grasse. Ceux qui croient que le bien de l'homme est en la
chair, et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens, qu'il
s'en soûle et qu'il y meure. Mais ceux qui cherchent Dieu
de tout leur cœur, qui n'ont de déplaisir que d'être privés de
sa vue, qui n'ont de désir que pour le posséder et d'ennemis
que ceux qui les en détournent, qui s'affligent de se voir environ-
nés et dominés de tels ennemis; qu'ils se consolent, je leur an-
nonce une heureuse nouvelle : il y a un libérateur pour eux,
je le leur ferai voir ; je leur montrerai qu'il y a un Dieu pour
eux ; jenele ferai pas voir aux autres. Je ferai voir qu'un Messie
a été promis, qui délivrerait des ennemis, et qu'il eu est venu
un pour délivrer des iniquités, mais non des ennemis.
16.
Quand David prédit que le Messie délivrera son peuple de
ses ennemis, on peut croire charnellement que ce sera des
Égyptiens ; et alors je ne saurais montrer que la prophétie soit
accomplie*. Mais on peut bien croire aussi que ce sera des
iniquités : car, dans la vérité, les Égyptiens ne sont pas enne-
mis, mais les iniquités le sont. Ce mot d'ennemis est donc
équivoque.
Mais s'il dit ailleurs, comme il fait, qu'il délivrera son peu-
ple de ses péchés3, aussi bien qu'Isaïe et les autres4, l'équivo-
que est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens
1. Dans le Cantique des Cantiques.
2. Je ne sais à quel passage des Psaumes Pascal fait ici allusion. Ou sait que l'Eglise
attribue les Psaumes à David, comme le Pentateuque à Moïse. Mais pourquoi les Egyp-
tiens? Est-ce à cause du verset : In exilu h-aèl de jEgyplo (Ps. cxm)? Ce n'est pas là une
prédiction.
3. Ps. cxxix (c'est le De profundis).
4. Isaïe, xliii, 25, etc.
ARTICLE XVI 11
simple d'iniquités; car, s'il avait dans l'esprit les péchés, il les
pouvait bien dénoter par ennemis; mais s'il pensait aux enne-
mis, il ne les pouvait pas désigner par iniquités.
Or, Moïse, et David, et Isaïe usaient des mêmes termes. Qui
dira donc qu'ils n'avaient pas même sens, et que le sens de
David, qui est manifestement d'iniquités lorsqu'il parlait d'en-
nemis, ne fut pas le même que celui de Moïse en parlant d'en-
nemis?
Daniel, ix, prie pour la délivrance du peuple de la captivité
de leurs ennemis 1 ; mais il pensait aux péchés : et, pour le
montrer, il dit que Gabriel lui vint dire qu'il était exaucé et
qu'il n'y avait plus que soixante-dix semaines à attendre; après
quoi le peuple serait délivré d'iniquité, le péché prendrait fin;
et le Libérateur, le Saint des saints, amènerait la justice éter-
nelle, non la légale, mais l'éternelle 2.
16 bis.
Dès qu'une fois on a ouvert ce secret, il est impossible de ne
pas le voir. Qu'on lise le vieil Testament en cette vue, et qu'on
voie si les sacrifices étaient vrais, si la parenté d'Abraham était
la vraie cause de l'amitié de Dieu, si la terre promise était le
véritable lieu de repos. Non. Donc c'étaient des figures. Qu'on
voie de même toutes les cérémonies ordonnées, tous les com-
mandements qui ne sont pas pour la charité, on verra que c'en
sont les figures 3.
16 ter.
Tous ces sacrifices et cérémonies étaient donc figures ou sot-
tises. Or, il y a des choses claires trop hautes, pour les estimer
des sottises.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XVI
Fragment 1. — « 11 y a des figures... qui semblent un peu tirées
par les cheveux. » Port-Royal a mis seulement, qui semblent moins
naturelles.
1. Le mot d'ennemis ne se trouve pas dans ce chapitre, mais l'idée y est.
2. Et finem accipiat peccatum, et deleatur iniquit as... et adducatur justilia sempiternel..
€t ungatur sanctus sanctorum.
3. En titre dans l'autographe, ligures.
12 PENSÉES DE PASCAL
Fragment 1 bis. — Il faut bien de la subtilité pour trouver dans ce
que Pascal appelle Moïse, le Messie, et encore plus pour y découvrir la
Trinité.
« David... bon... belle âme, etc. » On sait que Bayle, dans son Dic-
tionnaire, a fait de David un portrait tout autre, qui fit dans toute la
chrétienté le plus grand scandale, et que Voltaire remet à chaque
instant sous les yeux de ses lecteurs.
« Les prophéties sont plus claires de lui que de Jésus-Christ. » On
comprend que MM. de Port- Royal n'aient pas voulu reproduire ce frag-
ment dans leur édition.
Fragment 2. — Pascal ne s'avise même pas de se demander si les
rapports qu'il signale entre Joseph et Jésus ne viennent pas de ce que
la légende de Jésus se compose en grande partie de réminiscences de
l'Ancien Testament, comme l'a montré le docteur Strauss; si, par
exemple, la vente des trente deniers n'est pas une imagination qui dé-
rive de celle des vingt deniers, et l'histoire des deux larrons de celle
des deux officiers du roi d'Egypte.
Le nom de Sauveur du monde donné à Joseph {Gen. xli, 45), est
une de ces rencontres heureuses qui ne manquent jamais à ceux qui
s'adonnent à cet art des rapprochements.
Fragment 6. — « Or dans toute l'Écriture ils plaisent et déplaisent.»
La prétendue contradiction que Pascal poursuit ici dans la Bible
n'existe pas. Les passages qui témoignent pour la Loi sont les seuls
qui aient bien le sens qu'il leur prête. Voir Genèse, xvm, 13 etc., et
xlix, 10; Jérémie, xxxm; Baruch, iv, 1. Mais ce serait par une pure
illusion qu'on croirait trouver dans d'autres passages le désaveu du ju-
daïsme, comme dans Isdie, i, 13 ; Jérémie, xxxi, 31 ; Ézéchiel, xx, 25;
Osée, m, 4, et vi, 6 ; Daniel, ix, 27. Je prendrai pour exemple le pas-
sage d'Ezéchiel auquel se rapportent ces paroles, que les préceptes
qu'ils ont reçus ne sont pas bons. « Ils avaient négligé mes lois, rejeté
mes préceptes, violé mes sabbats, et leurs yeux s'étaient retournés»
vers les idoles de leurs pères. A mon tour, je leur ai fait suivre des
préceptes qui ne sont pas bons, et des lois sous lesquelles ils ne pros-
péreront pas. Et je les ai souillés dans les offrandes qu'ils faisaient do
tous les premiers nés K J'ai fait cela à cause de leurs péchés, et ils
sauront que je suis le Seigneur. » Il est clair que Dieu ne dit pas ici
que la Loi des Juifs ne soit pas bonne, mais au contraire qu'il a livré
les Juifs, pour les punir, à des écarts et à des coutumes étrangères
1. ibié. 31, et IV liais, xxm, 40.
àfcTïCtï XVI. 13
qui los perdront, jusqu'au jour du repentir *. Le premier texte d'Osée
nvst qu'une allusion à la captivité de Babylone ; celui de Daniel se
rapporte à la profanation du temple par Antiochus. Celui d'Isaïe et le
second d'Osée disent seulement que Dieu ne se soucie pas du culte que
lui rendent les méchants. Celui de Jérémie signifie que Dieu reviendra
à son peuple quand son peuple reviendra à lui. Il n'y a rien, dans
aucun de ces textes, de ce que Pascal y voit et veut y faire voir.
Fragment 9. — « Ce Testament, fait pour aveugler les uns et éclairer
les autres. » Port-Royal a corrigé « fait de telle sorte qu'en éclairant
les uns il aveugle les autres.» C'est la même chose moins franchement
dite, car Dieu sait sans doute ce qu'il fait.
Fragment 10 bis. — « Les Juifs ne sauraient accorder la cessation
de la royauté et principauté prédite par Osée avec la prophétie de
Jacob. »
Voici cette prophétie, tel que Pascal la lisait dans la Vulgate, car le
texte même est très-controversé entre les commentateurs : « Le sceptre
ne sera pas ôté de Juda, ni le chef ne sera pas pris hors de sa race,
jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé, et qui doit être l'at-
tente des nations. » Or ce texte se concilie avec celui d'Osée de deux
manières également satisfaisantes. Premièrement, si on le suppose an-
térieur à la captivité de Babylone, tandis que celui d'Osée serait posté-
rieur. Secondement, si on entend simplement par ces paroles, comme
c'est l'interprétation la plus naturelle, que la tribu de Juda restera
toujours la première en Israël, et que Jérusalem demeurera jusqu'à
la fin capitale des Juifs.
Fragment 12. — « Ainsi quand il dit : Dieu a reçu l'odeur de vos
parfums, et vous donnera en récompense une terre grasse ; c'est-à-dire,
la même intention qu'aurait un homme qui, agréant vos parfums, vous
donnerait en récompense une terre grasse, Dieu aura la même inten-
tion pour vous, parce que vous avez eu pour [lui] la même intention
qu'un homme a pour celui à qui il donne des parfums. »
Cette analyse est bien d'un mathématicien. Au reste, il est vra;
qu'une métaphore consiste dans deux rapports pareils, et par consé-
quent dans une espèce de proportion, comme l'a montré Aristote (Poét
21); mais il est permis de douter que ces expressions de la Bible ne
soient que des métaphores, et que Dieu n'y promette pas réellement
aux Juifs une terre fertile.
i. Montesquieu n'a pas suffisamment compris ce passage, faute de s'être reporté au
texte. {Esprit des Lois, XIX, 2i.)
H. 2
14 PENSÉES DE PASCAL
Fragment 14. — «Et les chrétiens prennent même V Eucharistie pour
figure de la gloire où ils tendent. » Port-Royal supprime cette fin,
craignant de scandaliser en appelant l'Eucharistie une figure, même
dans un sens très-différent de celui des protestants. Les ennemis de
Port-Royal, entre autres calomnies, l'accusaient de ne pas croire le
mystère de la transsubstantiation, ni la présence réelle de Jésus-Christ
dans l'Eucharistie (xvie Provinciale).
Le raisonnement de Pascal est celui- ci. Les rabbins eux-mêmes sont
obligés de reconnaître de pures figures dans l'Écriture, par exemple
dans les images d'amour et de volupté que présente le Cantique des
Cantiques; à plus forte raison est-il permis aux chrétiens de ne pas
prendre les textes saints à la lettre. Et les vrais chrétiens sont si spiri-
tuels que, non contents de considérer la manne comme une figure de
l'Eucharistie, ils ne considèrent l'Eucharistie elle-même que comme
figurant la possession de Dieu dans le ciel. Pascal n'en croit pas moins
à la présence réelle, comme il croit que la manne est réellement tom-
bée dans le désert. On lit dans la seizième Provinciale : « L'état des
Chrétiens, comme dit le cardinal Du Perron, d'après les Pères, tient le
milieu entre l'état des bienheureux et l'état des Juifs. Les bienheureux
possèdent Jésus-Christ réellement, sans figure et sans voile. Les Juifs
n'ont possédé de Jésus-Christ que les figures et les voiles, comme
étaient la manne et l'agneau pascal. Et les Chrétiens possèdent Jésus-
Christ dans l'Eucharistie véritahlement et réellement, mais encore cou-
vert de voiles... Et ainsi l'Eucharistie est parfaitement proportionnée
à notre état de foi, parce qu'elle enferme véritablement Jésus-Christ,
mais voilé. De sorte que cet état serait détruit si Jésus-Christ n'était
pas réellement sous les espèces du pain et du vin, comme le préten-
dent les héritiques ; et il serait détruit encore si nous le recevions à
découvert comme dans le ciel ; puisque ce serait confondre notre état
ou avec l'état du judaïsme, ou avec celui de la gloire. »
Fragment 15. — « Qu'il s'en soûle et qu'il y meure. » On croit être
au milieu d'un raisonnement paisible, et tout à coup il part de là un
coup qui ioudroie.
Puis après c'est un attendrissement austère : « Je leur montrerai
qu'il y a un Dieu pour eux, je ne le ferai pas voir aux autres. » Port-
Royal a réduit cette phrase à ces seuls mots : « Il y a un Dieu pour eux. »
Le rude et l'étrange ont disparu, mais aussi l'émotion et l'éloquence.
Fragment 16. — Quel raisonnement! Les psaumes disent que le
Messie délivrera les Juifs de leurs ennemis, mais il disent aussi ailleurs
que le Messie délivrera les Juifs de leurs péchés; donc les psaumes
ARTICLE XVÎt 15
entendent par ennemis les péchés, et non-seulement les psaumes,
mais les livres attribués à Moïse! Si on se donne la peine de jeter seu-
lement les yeux sur les principaux passages du Pentateuque où se
trouve le mot d'ennemis, on saura bien vite ce que vaut l'idée de Pas-
cal. Voir Gen., xxii, 17; xlix, 8; Nombres, x, 2-9; Deutéron., vi, 19,
xxni, 14; et xxviii, 1-7 : « Le Seigneur fera tomber devant ta face les
ennemis qui s'élèveront contre toi ; ils viendront par un chemin, et ils
s'enfuiront par sept routes, etc. »
ARTICLE XVII
1.
La distance infinie des corps aux esprits figure la distance
infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est sur-
naturelle1.
Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens
qui sont dans les recherches de l'esprit. La grandeur des gens
d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous
ces grands de chair. La grandeur de la Sagesse, qui nest nulle
sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d esprit.
Ce sont trois ordres différents en genre.
Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur,
leur victoire et leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs
charnelles, où elles n'ont pas de rapport*. Ils sont vus, non
des yeux, mais des esprits; c'est assez. Les saints ont leur
empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre, et n'ont nul be-
soin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont
nul rapport, car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de
Dieu et des anges, et non des corps, ni des esprits curieux :
Dieu leur suffit.
Archimède, sans éclat, serait en même vénération 3. Il n'a
1. Ce car se rapporte aux mots infininvnt plus infinie, comme s'il y avait : fioure la
distance des esprits à la charité, d.stauce infiniment, plus infinie, car elle est surnaturelle.
2. C'est-à-dire, sfins doute, où leurs grandeurs à eux n'ont pas de rapport. De même
plus loia Port-Royal a mi3 : des grandeurs charnelles, qui n'ont nul rapport av> c elles
qu ils cherchent Et plus loin : des grandeurs charnelles nu spirituelles qui ne tout pas de
leur ordre et qui n'ajou ent ni notent à la grandeur qu'ils désirent.
3. Pourquoi ce conditionnel? parce qu'Arcbimède avait cet éclat terrestre, il était
pc'nce ; voir plus bas.
16 PENSÉES DE PASCAL
pas donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous
les esprits ses inventions. Oh ! qu'il a éclaté aux esprits 1 Jé-
sus-Christ, sans bien et sans aucune production au dehors de
science, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'in-
vention, il n'a point régné ; mais il a été humble, patient, saint,
saint à Dieu 4, terrible aux démons, sans aucun péché. Oh!
qu'il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magni-
ficence, aux yeux du cœur, qui voient la Sagesse !
Il eût été inutile à Archimède de faire le prince dans ses li-
vres de géométrie, quoiqu'il le fût 2. Il eût été inutile à Notre-
Seigneur Jésus-Christ, pour éclater dans son règne de sain-
teté, de venir en roi : mais il y est bien venu avec F éclat de son
ordre.
Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de Jésus-
Christ, comme si cette bassesse est du même ordre duquel
est la grandeur qu'il venait faire paraître. Qu'on considère
cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscu-
rité, dans sa mort, dans l'élection des siens, dans leur aban-
don 3, dans sa secrète résurrection, et dans le reste , on la verra
si grande, qu'on n'aura pas sujet de se scandaliser d'une bas-
sesse qui n'y est pas. Mais il y en a qui ne peuvent admirer
que les grandeurs charnelles, comme s'il n'y en avait pas de
spirituelles; et d'autres qui n'admirent que les spirituelles,
comme s'il n'y en avait pas d'infiniment plus hautes dans la
Sagesse.
Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses
royaumes, ne valent pas le moindre des esprits ; car il connaît
tout cela, et soi; et les corps, rien. Tous les corps ensemble,
et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne
valent pas le moindre mouvement de charité ; cela est d'un
ordre infiniment plus élevé.
De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir
une petite pensée : cela est impossible, et d'un autre ordre. De
1. Cette répétition parait inspirée par le Sanctus, sanctus, sanctus, dans la Préface de
la messe (d'après Isaïe, vi, 3).
2. Il était parent du roi Hiéron, dit Plutarque (Afarcellus, H). Mais cette parenté arec
le roi ou plutôt le rvpv.vvoç d'une cité grecque ne faisait pas ce que nous appelons un
prince. Et Cicéron parle d'Archimède comme d'un homme obscur, qui n'était rien en
dehors de sa géométrie: Humilem homunculum a puloere et radio excilabo. (Tascul.V,<23.)
3. C'est-à-dire, lorsqu'ils l'abandonnent; Port-Royal a mis, dans leur fuite.
ARTICLE XVII 17
tous 1rs corps et esprits, on n'en saurait tirer un mouvement
de vraie charité; cela est impossible, et d'un autre ordre, sur-
naturel.
2.
... Jésus-Chiust dans une obscurité (selon ce que le monde
appelle obscurité) telle, que les historiens, n'écrivant que les
importantes choses des États, l'ont à peine aperçu.
Quel homme eut jamais plus d'éclat! Le peuple juif tout en-
tier le prédit, avant sa venue. Le peuple gentil l'adore, après
sa venue. Les deux peuples gentil et juif le regardent comme
leur centre. Et cependant quel homme jouit jamais moins de
cet éclat ! De trente-trois ans, il en vit trente sans paraître.
Dans trois ans *, il passe pour un imposteur ; les prêtres et les
principaux le rejettent; ses amis et ses plus proches le mépri-
sent. Enfin, il meurt trahi par un des siens, renié par l'autre,
et abandonné par tous.
Quelle part a-t il donc à cet éclat? Jamais homme n'a eu
tant d'éclat; jamais homme n'a eu plus d'ignominie. Tout cet
éclat n'a servi qu'à nous, pour nous le rendre reconnaissable ;
et il n'en a rien eu pour lui.
4
Jésus-Christ a dit les choses grandes si simplement, qu'il
semble qu'il ne les a pas pensées ; et si nettement néanmoins,
qu'on voit bien ce qu'il en pensait. Cette clarté, jointe à cette
naïveté, est admirable 2.
5.
Qui a appris aux évangélistes les qualités d'une âme parfai-
tement héroïque, pour la peindre si parfaitement en Jésus-
Glu ist? Pourquoi le font-ils faible dans son agonie? Ne sa-
vent-ils pas peindre une mort constante? Oui, car le même
saint Luc peint celle de saint Etienne plus forte que celle de
Jésus-Christ 3. Ils le font donc capable de crainte avant que la
nécessité de mourir soit arrivée, et ensuite tout fort. Mais
1. Port-Roy.il corrige, dans les trois aiifrrs.
î. En titre dans l'autographe, Preuocs <l>' Jf'-svs-Cnrist.
3. Dans les Actes des Apùtres, vu. L'auteur des Astes est le même que celui du troi-
sième évangile, attribué à saint Luc. C est précisément cet évangile surtout qui peint I*
Christ faible dans son agonie, soutenu par un ange, et suant une sueur de sang : xxn, 43,
18 PENSÉES DE PASCAL
quand ils le font si troublé, c'est quand il se trouble lui-même;
et, quand les hommes le troublent, il est tout fort.
6.
L'Église a eu autant de peine à montrer que Jésus-Christ
Hait homme, contre ceux qui le niaient, qu'à montrer qu'il
était Dieu; et les apparences étaient aussi grandes i.
7.
Jésus-Christ est un Dieu dont on s'approche sans orgueil,
et sous lequel on s'abaisse sans désespoir.
8.
La conversion des Païens n'était réservée qu'à la grâce du
Messie. Les Juifs ont été si longtemps à les combattre sans
succès ; tout ce qu'en ont dit Salomon et les prophètes a été
inutile. Les sages, comme Platon et Socrate, n'ont pu le per-
suader.
9.
L'Evangile ne parle de la virginité de la Vierge que jusques
à la naissance de Jésus -Christ. Tout par rapport à Jésus-
Christ.
10.
... Jésus-Christ, que les deux Testaments regardent, l'An-
cien comme son attente, le Nouveau comme son modèle ; tous
deux comme leur centre.
11.
Les prophètes ont prédit, et n'ont pas été prédits. Les saints
ensuite prédits, non prédisants. Jésus- Christ prédit et pré-
disant.
12.
Jésus-Christ pour tous, Moïse pour un peuple.
Les Juifs bénis en Abraham : « Je bénirai ceux qui te béni-
ront [ Gen., xn, 3 J. » Mais, a Toutes nations bénies en sa se-
mence* [Ibid., xxii, 18]. »
Lumen ad revelationem gentium 3.
Non fecit taliter omni nationi , disait David en parlant de la
1. C'est la fameuse hérésie d'Eutychès, opposée à celle de Nestorius.
2. C'est-à-dire, suivant Pascal, en .Tésus-Chrtst, qui descend d'Abraham,
î. • Lumière qui doit éclairer les Gentils. » lue, u, 32.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XVTI. 19
Loi1. Mais, on parlant de Jésus-Christ, il faut dire : Fecit ta-
liter oui ni nationi.
Pamm est ut. etc. [haïe, xlix, G]8. Aussi c'est à Jésus-Christ
d'être universel. L'Église même n'offre le sacrifice que pour les
fidèles; Jésus-Christ a offert celui de la croix pour tous 3.
REMARQUES SUR L ARTICLE XVII.
Fragment 1. — Ce magnifique portrait de Jésus-Christ a été
fort maltrait é dans l'édition de Port-Royal. « Ils sont vus, non des
yeux, mais des esprits ; c'est assez. » Port-Royal met : « Ils sont vus
des esprits, non des yeux, mais c'est assez. » Qui ne voit que l'inver-
sion est maladroite, que le mais affaiblit le trait final au lieu de lui
donner de la force; que les arrangeurs ont enlevé à la touche du maî-
tre ce qu'elle avait de senti, de vif et de fier?
« Tl n'a pas donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous
les esprits ses inventions.» Port-Royal : « Il n'a pas donné des batail-
les, mais il a laissé à tout l'univers des inventions admirables.» On
ne cesse de s'étonner que Port-Royal ait si peu compris le style de
Pascal. Comment a-t-on pu effacer cette antithèse des yeux et des
esprits, qui met la pensée en pleine lumière ? On a trouvé bizarre des
batailles pour les yeux, mais toutes les œuvres du monde sont pour
les yeux, pour l'apparence, suivant Pascal. On a voulu enrichir la fin
de la phrase, qui semblait pauvre. Mais il s'agit bien de tout l'univers
Comme si l'espace ajoutait quelque chose à la grandeur spirituelle. Et
que cette épithète à' admirables est froide ici!
« Oh ! qu'il a éclaté aux esprits !» Il a fallu que Port-Royal défigurât
encore ainsi cette exclamation superbe : « Oh ! qu'il est grand et écla-
tant aux yeux de l'esprit ! » Ils ont cru rendre la phrase plus correcte ;
éclater aux esprits, ils ont trouvé que cela ne se disait pas. Mais l'o
riginalité de ce langage, fruit de l'originalité de la pensée est précisé-
ment d'avoir dit, éclater aux esprits, comme on disait éclater aux yeux,
et que cela paraisse tout naturel et tout simple.
« Saint, saint à Dieu. » Port- Royal écrit une seule fois, saint
i. • Il n'en a pas fait autant pour toute nation. » Ps. cxlvii, 20.
2. Voici le texte entier : Parum est ut sis raihi serous ad suscitandas tribus Jacob et
fœces Israël convertendas. Ecce dedi te in lucem g n/ium, ut sis salus mea usqae ad extre-
mvm lerrœ. « C'est peu que tu me serves à relever les tribus de Jacob, et à purifier la
fange d'Israël. Je t'établis pour être la lumière des nations, et le salut que j'envoie
usqu'au bout de la terre. »
3. Dans la messe du vendredi saint seulement, où il n*y a pas de consécration et de
acriûce, l'Eglise pris pour les infidèles et pour les Juifs, jjro perfidis Judœis.
20 PENSÉES DE PASCAL
devant Dieu Ils ont peur peut-être que les paroles sacrées, ainsi em-
ployées hors de l'église, n'étonnent et ne fassent rire les mondains.
Pascal n'a pas tant de précautions, parce qu'il n'a pas tant de sang-
froid. Port-Royal discute, Pascal adore.
Mais comment comprendre que Condorcet ait supprimé ce morceau,
et l'ait confondu dans la foule des pensées pieuses qu'il retranche
comme ne présentant pas d'intérêt à ses lecteurs ! Voir les Remarques
sur le fragment 33 de l'article xxiv.
« Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui
sont dans les recherches de l'esprit. » Voilà ce qui nous explique tant
de passages où Pascal s'exprime sur les dignités du monde et sur la
royauté même avec une liberté qui a effrayé Port-Royal. Il voit bien
bas ces grands de chair, les considérant, non-seulement des hauteurs
de l'esprit, mais de celles de la sainteté où il aspire.
« La grandeur de la sagesse. » Port-Royal met de la sagessi qui
vient de Dieu. Port-Royal semble reconnaître ainsi deux espèces de
sagesse. Pour Pascal il n'y en a qu'une, comme pour les stoïciens ;
mais pour lui, elle n'est pas dans cet idéal que les stoïciens appelaient
le Sage ; elle est en Dieu. C'est elle dont parle l'Écriture, et qui se
nomme absolument la Sagesse.
a Tous les corps, le firmament, les étoiles ... ne valent pas le moin-
dre des esprits ; car il connaît tout cela, et soi, et les corps, rien. » C'est la
même idée et le même orgueil qu'on a déjà vu exprimés dans le frag-
ment du Roseau pensant, i, 6. Si Pascal est si éloquent et si fort, c'est
qu'il ne dit que des choses dont il est plein. Mais cette pensée, qui
semble assez haute pour faire la conclusion d'une philosophie, n'est que
le point de départ d'où celle de Pascal va s'élever.
«Tous les corps ensemble ne valent pas le moindre mouvement
de charité. » C'est-à-dire d'amour de Dieu. Que cette simplicité est
haute, et que cette sorte d'élévation est touchante ! L'esprit, qui était
tout, n'est plus rien. Pour Aristote, Dieu est la pensée pure, et la fin
de l'homme, c'est de penser. Le Dieu de Pascal n'est pas seulement in-
telligence, mais amour. Un élan du cœur atteint à lui mieux que tout
l'effort de la science. C'est le Dieu des petits, mais combien il les fait
grands !
Je ne sais s'il y a rien dans les Pensées qui surpasse la beauté de
ce fragment. Relisez de suite ces paroles, pleines de négligences, mais
si fermes et si ardentes. Il y règne un sublime qui étonne l'esprit et
qui remplit le cœur. Voilà quelles méditations consolaient Pascal de
ses souffrances, et le soutenaient contre les humiliations du dehors.
Quand, parmi tant de génies illustres en différents genres, sa pensée
ÀRTTCT.F XVIII 21
va choisir le prince des physiciens et des géomètres, comment douter
qu'il ne songe à lui-même, et à ses propres inventions! Lorsque Ra-
cine, à propos de Corneille, osait proclamer que la postérité ferait
marcher de pair le çrand poëte et le grand monarque, ce n'était t)as
pour Corneille seulement qu'il parlait. Et lorsque Pascal élevait si
haut Archimède, il fixait la place de Pascal. Mais tout à coup il oublie
cet orgueil de la pensée ; il se prosterne, plein de vénération et de ten-
dresse, devant Jésus pauvre et humilié, mais saint et sans tache. Il se
confond, il est ébloui, il le voit radieux et céleste; c'est une transfigu-
ration, mais intérieure et spirituelle. Il n'a pas besoin du Thabor;
trois mots suffisent, sans aucun péché! Et aussitôt il s'écrie: a Oh!
qu'il est venu en grande pompe aux yeux du cœur i » Et on le sent
ravi jusqu'au plus profond de son être. L'idée du saint resplendit dans
cette âme, éclat voilé, jouissance austère, mais incomparable. Rappro-
chez de ce fragment les effusions que Pascal a jetées ailleurs sous ce
titre : Le Mystère de Jésus. On les trouvera immédiatement à la suite
des Pensées.
Fragment 4. — « Jésus-Christ a dit les choses grandes si simple-
ment qu'il semble qu'il ne les a pas pensées. » Croirait-on que Port-
Royal a mis, qu'il semble qu'il n'y a pas pensé?
Fragment 12. — « Les Juifs bénis en Abraham ... mais, toutes na-
« tions bénies en sa semence. » Pascal applique à Jésus-Christ ces
dernières paroles, mais à l'endroit même de la Genèse qu'il citait d'a-
bord, en même temps que Dieu dit à Abraham : Je ferai sortir de toi
une grande nation, et je te bénirai, et je bénirai ceux qui te béniront;
le texte ajoute ; Et en toi seront bénies toutes les familles de la terre.
ARTICLE XVIII
1.
La pins grande des preuves de Jésus-Christ sont les prophé-
ties. C'est aussi à quoi Dieu a le plus pourvu ; car l'événement
qui les a remplies est un miracle subsistant depuis la nais-
sance de l'Église jusques à la fin. Aussi Dieu a suscité des
prophètes durant seize cents ans ; et pendant quatre cents ans
après , il a dispersé toutes ces prophéties avec tous les
Juifs, qui les portaient dans tous les lieux du monde. Voilà
22 PENSÉES DE PASCAL
quelle a été la préparation à la naissance de Jésus-Christ,
dont l'Évangile devant être cru de tout le monde, il a fallu non-
seulement qu'il y ait eu des prophéties pour le faire croire, mais
que ces prophéties fussent par tout le monde, pour le faire em-
brasser par tout le monde.
2.
Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions
de Jésus-Christ l, pour le temps et pour la manière, et que
Jésus-Christ serait venu conformément à ces prophéties, ce
serait une force infinie. Mais il y a bien plus ici. C'est une
suite d'hommes, durant quatre mille ans, qui, constamment et
sans variation, viennent, l'un ensuite de l'autre, prédire ce
même avènement. C'est un peuple tout entier qui l'annonce, et
qui subsiste depuis quatre mille années, pour rendre en corps
témoignage des assurances qu'ils en ont, et dont ils ne peuvent
être divertis par quelques menaces et persécutions Qu'on leur
fasse : ceci est tout autrement considérable2.
3.
Le temps, prédit par l'état du peuple juif, par l'état du peu-
ple païen, par l'état du temple, par le nombre des années. Il
faut être hardi pour prédire une même chose en tant de ma-
nières.
Il fallait que les quatre monarchies idolâtres ou païennes, la
fin du règne de Juda, et les soixante-dix semaines arrivassent
en même temps, et le tout avant que le deuxième temple fût
détruit 3.
4.
... Qu'en la quatrième monarchie, avant la destruction du
second temple, avant que la domination des Juifs fût ôtée, en
la septantième semaine de Daniel, pendant la durée du second
temple, les Païens seraient instruits, et amenés à la connais-
sance du Dieu adoré par les Juifs ; que ceux qui l'aiment se-
1. C'est-à-dire, des prédictions ayant pour objet Jésus-Christ.
2. Eu titre dans l'autographe, Prophéties.
3. Chacune des parties de cette plir.ise répond à chacune des parties de la précédente.
Les quatre monarchies, c'est l'état du peuple païen; la fin du règne de Juda, c'est l'état
du peuple juif; les 70 semaines (semaines d'années), c'est le nombre des années; avant
que le deuxième temple fût détruit, c'est l'état du temple. — En titre dans l'autographe,
Prophéties,
ARTICLE XVIII 23
raient délivrés de leurs ennemis, remplis de sa crainte et de
son amour.
Et il est arrivé qu'en la quatrième monarchie, avant la des-
truction du second temple, etc., les Païens en foule adorent
Dieu et mènent une vie angélique ; les filles consacrent à Dieu
leur virginité et leur vie ; les hommes renoncent à tous plaisirs.
Ce que Platon n'a pu persuader à quelque peu d'hommes
choisis et si instruits, une force secrète le persuade à cent mil-
lions d'hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles.
Les riches quittent leur bien, les enfants quittent la maison
délicate de leurs pères pour aller dans l'austérité d'un désert,
etc. (voyez Philon juif) *. Qu'est-ce que tout cela? C'est ce qui
a été prédit si longtemps auparavant. Depuis deux mille années,
aucun païen n'avait adoré le Dieu des Juifs 2 ; et dans le temps
prédit, la foule des païens adore cet unique Dieu. Les temples
sont détruits, les rois mêmes se soumettent à la croix. Qu'est-
ce que tout cela? c'est l'esprit de Dieu qui est répandu sur la
terre. (Nul païen depuis Moïse jusqu'à Jésus-Christ, selon les
rabbins mêmes. La foule des païens, après Jésus -Christ, croit
en les livres de Moïse et en observe l'essence et l'esprit, et n'en
rejette que l'inutile 3.)
5.
Effundamspiritum meum.. Tous les peuples étaient dans l' infi-
délité et dans la concupiscence ; toute la terre fut ardente de
charité. Les princes quittent leurs grandeurs ; les filles souffrent
le martyre. D'où vient cette force? C'est que le Messie est ar-
rivé. Voilà l'effet et les marques de sa venue 4.
6.
... Il est prédit qu'aux temps du Messie, il viendrait B établir
une nouvelle alliance, qui ferait oublier la sortie d'Egypte
1. De la Vie contemplative : « Après s'être dégagés de leurs richesses, n'ayant plus
aucun appât qui les retienne, ils fuient sans regarder en arrière, ils abandonnent frères,
enfants, femmes, pères et mères,... la patrie où ils sont venus au monde et où ils ont été
nourris;... ils s'établissent en dehors des villes dans des lieux infréquentés, poursuivant
la solitude. » Philon parle de la secte juive des Thérapeutes, mais Pascal suit la pensée
de plusieurs Pères, qui ont soutenu que ces Thérapeutes étaient des Chrétiens. Voir le
texte au tome II, p. 475 de l'éd. de Mangey.
2. C'est-à-dire, depuis Abraham.
3. En titre dans l'autographe, Prédictions.
4. En titre dans V.mtngraphe, Sainteté. Le texte est de Joël, n, Î8.
5. C'est-à-dire, Dieu.
24 PENSÉES DE PASCAL
[Jérém. xxm, 5; Is. xliii, 16j ; qui mettrait sa loi, non dans l'ex-
térieur, mais dans les cœurs; que Jésus-christ mettrait sa
crainte, qui n'avait été qu'au dehors, dans le milieu du cœur.
Qui ne voit la loi chrétienne en tout cela1?
7.
... Que les Juifs réprouveraient Jésus-Christ, et qu'ils se-
raient réprouvés de Dieu, par cette raison que la vigne élue ne
donnerait que du verjus 2. Que le peuple choisi serait infidèle,
ingrat et incrédule, populum non credenfem et contradicenlem*.
Que Dieu les frappera d'aveuglement, et qu'ils tâtonneraient en
plein midi comme les aveugles ; qu'un précurseur viendrait
avant lui 4.
8.
... Que Jésus-Christ serait petit en son commencement et
croîtrait ensuite. La petite pierre de Daniel [n, 35].
9.
... Qu'alors l'idolâtrie serait renversée; que ce Messie abat-
trait toutes les idoles [Ezéch., xxx, 13] et ferait entrer les
hommes dans le culte du vrai Dieu.
Que les temples des idoles seraient abattus, et que, parmi
toutes les nations et en tous les lieux du monde, lui serait of-
ferte une hostie pure [Malach., i, 11], non pas des animaux.
10.
Qu'il enseignerait aux hommes la voie parfaite [Is., il, 3].
Et jamais il n'est venu, ni devant ni après, aucun homme
qui ait enseigné rien de divin approcbant de cela.
11.
... Qu'il serait roi des Juifs et des Gentils [Ps. lxxi, 11]. Et
voilà ce roi des Juifs et des Gentils, opprimé par les uns et les
autres qui conspirent à sa mort, dominateur des uns et des au-
tres, et détruisant, et le culte de Moïse dans Jérusalem, qui en
était le centre, dont il fait sa première église, et le culte des
1. fsale, U, 7 ; Jérémie, xxxi, 33; xxxn, 40. — En tilre dans l'autographe, Prédiction.
2. Isaîe, v, 2, etc.
3. Isaïe, lxv, 2, où on lit seulement populum inrrcduhim. Mais Pascal donne ici ce
verset d'après Paul (Rom. x, 21J, et là on lit dans le latin, non credentem et contrad>
centem.
4. Ueuter. xxvm, 28, — En titre dans l'autographe, Prophétie.
ARTICLE XVIII 25
idoles dans Rome, qui en était le centre et dont il fait sa prin-
cipale église.
12
... Alors Jésus-Christ vient dire aux hommes qu'ils n'ont
point d'autres ennemis qu'eux-mêmes; que ce sont leurs plis-
sions qui les séparent de Dieu; qu'il vient pour les détruire,
et pour leur donner sa grâce, afin de faire d'eux tous une église
sainte; qu'il vient ramener dans cette église les païens et les Juifs;
qu'il vient détruire les idoles des uns et la superstition des autres.
A cela s'opposent tous les hommes, non-seulement par l'op-
position naturelle de la concupiscence, mais, par-dessus tous,
les rois de la terre s'unissent pour abolir cette religion nais-
sante, comme cela avait été prédit : Quare fremuerunt {/entes.
Reges terrai aduer sus Christum1. Tout ce qu'il y a de grand sur
la terre s'unit, les savants, les sages, les rois. Les uns écrivent,
les autres condamnent, les autres tuent. Et, nonobstant toutes
ces oppositions, ces gens simples et sans force résistent à toutes
ces puissances, et se soumettent même ces rois, ces savants,
ces sages, et ôtent l'idolâtrie de toute la terre. Et tout cela se
fait par la force qui l'avait prédit *.
13.
... Les Juifs, en le tuant pour ne le point recevoir pour Messie,
lui ont donné la dernière marque de Messie. Et, en continuant
à le méconnaître, ils se sont rendus témoins irréprochables ■ et
en le tuant, et continuant à le renier, ils ont accompli les pro-
phéties. Is. lv [5], lx [4, etc.], Ps lxxi [11, 18, etc.]3
14.
...JEnigmatis*. Ezéch. xvn [2].
Son précurseur. Malach. m [1].
Il naîtra enfant. Is. ix [6].
Il naîtra de la ville de Bethléem. Mich. v [2]. Il paraîtra
1. Ps. il, i. Et Act., iv, 255.
2. Port-Royal, par la force de cette parole. Mais Pascal veut dire en général la force
de Dieu. 11 semble qu'il traduise ces derniers mots du chapitre xvn d'Ézéchiel : Ego
dominus locutus sum et feci. « J'ai dit et j'ai fait, moi le Seigneur, o
3. Ces passages expriment plutôt la vocation des Gentils que l'exclusion des Juifs,
mais aux yeux de Pascal, c'est la même chose. Port-Royal a supprimé ces indications.
4. « En énigmes. » La forme œnùjmatis n'est nulle part dans la Vulgate, mais on lit
dans la première épître aux Corinthiens, xm, 12 : Videmus nunc per spéculum in œnig-
xnate, tune autem fade ad faciem.
26 PENSÉES DE PASCAL
principalement en Jérusalem * et naîtra de la famille de Juda
et de David 2.
Il doit aveugler les sages et les savants, Js., vi [10], vin [14,
15,] xxix [10, etc.], et annoncer l'Évangile aux petits, Js., xxix
[18, 19], ouvrir les yeux des aveugles, et rendre la santé aux
infirmes, et mener à la lumière ceux qui languissent dans les
ténèbres. Is., lxi [1] 3.
(Les prophéties doivent être inintelligibles aux impies, Dan.
xii ; Osée, ult. 1 0 ; mais intelligibles à ceux qui sont bien instruits.
Les prophéties qui le représentent pauvre, le représentent
maître des nations, Is. lu, 14, etc., lui. Zach. ix, 9.
Les prophéties qui prédisent le temps ne le prédisent que
maître des Gentils, et souffrant, et non dans les nuées, ni juge.
Et celles qui le représentent ainsi jugeant et glorieux ne mar-
quent point le temps 4.
Quand il est parlé du Messie comme grand et glorieux, il est
visible que c'est pour juger le monde, et non pour le racheter.)
Il doit enseigner la voie parfaite, et être le précepteur des
Gentils. Is. lv [4], xlii [1-7].
... Qu'il doit être la victime pour les péchés du monde. Is.
xxxix6 lui [5], etc.
Il doit être la pierre fondamentale précieuse. Js., xxviii [16].
Il doit être la pierre d'achoppement et de scandale. Is . vin
[14]. Jérusalem doit heurter contre cette pierre.
Les édifiants doivent réprouver cette pierre. Ps. cxvn [22].
Dieu doit faire de cette pierre le chef du coin 6.
Et cette pierre doit croître en une immense montagne et
doit remplir toute la terre. Dan., n [35].
Qu'ainsi il doit être rejeté, Ps. cvm [8]7, méconnu [Is. lui, 2,3],
i. Voir Malach. m, 1 et Agg. n, 10.
2. Voir les passages suivants, Gen. xlix, 10. Is. vu, 13, 14.
3. Voir encore, ibid. xxxv, 5, 6; xlii, 16.
4. Maître des Nations est dans le sens de dominateur; maître des Gentils dans celui
de précepteur. Voir plus loin, il doit enseigner, etc., endroit où Pascal cite deux textes
d'isaïe. Mais ces texles ne marquent pas le temps.
5. Citation qui parait inexacte, et qui n'a pas été reproduite dans les éditions.
6. Même psaume, même verset. Pascal traduit mot à mot l'expression latine, caput
anguli, la tete de l'angle, la pierre angulaire.
7. On ne voit pas que ce verset contienne précisément l'équivalent du mot rejeté.
Aussi cette citation a été supprimée dans les éditious. Cependant Pascal peut très-bien
appliquer à Jésus-Christ les malédictions contre le juste qu'on lit dans ce psaume. Lo
verset 8 est celui-ci : Fiant dies ejus pauci, et episcopatum ejus accipiat alter.
ARTICLE XVIII 27
trahi [Ps. xl, 10], vendu, Zac/t. xi, [12]; craché, souffleté [Fs.
l, 6], moqué, [Ps. xxxiv, 16], affligé en une infinité de manières1,
abreuvé de fiel, Ps. lxvui [22], transpercé, Zach, xn [i0], les
pieds et les mains percés [Ps. xxi, 17], tué [Dan. ix, 26], et ses
habits jetés au sort [Ps. xxr, 19].
Qu'il ressusciterait, Ps. xv [10], le troisième jour, Osée, vi [3].
Qu'il monterait au ciel pour s'asseoir à la droite. Ps. cix [-1].
Que les rois s'armeraient contre lui. Ps. n [2].
Qu'étant à la droite du Père, il serait victorieux de ses en-
nemis.
Que les rois de la terre et tous les peuples l'adoreraient. Is.
Lx[li]2.
Que les Juifs subsisteront en nation. Jérémie [xxxi, 36].
Qu'ils seraient errants [Amos, ix, 9], sans rois, etc.
Osée, in [4], sans prophètes, Amos; attendant le salut et ne
le trouvant point. Is., lix [9] 5.
Vocation des Gentils par Jésus-Christ, ls. lu, 15; lv [5], lx
[4, etc.], Ps. lxxi [11, 18, etc.]4.
15.
... Sauveur, père, sacrificateur, hostie, nourriture, roi, sage,
législateur, affligé, pauvre, devant produire un peuple, qu'il
devait conduire, et nourrir, et introduire dans sa terre5...
16.
Il devait lui seul produire un grand peuple, élu, saint et
choisi; le conduire, le nourrir, l'introduire dans le lieu de re-
pos et de sainteté; le rendre saint à Dieu ; en faire le temple de
Dieu, le réconcilier à Dieu, le sauver de la colère de Dieu, le
i. Les éditions renvoient au Ps. lxviii, 27, c'est-à-dire san3 doute à ces mots, et super
dolôrem vulnerum meorum addiderunt.
2. Cette indication, conservée dans Port-Royal, a été supprimée depuis, sans doute
parce que dans ce verset il est parlé de Jérusalem, et non du Messie. On y a substitué,
Ps. lxxi, 11.
3. Les éditions suppriment la citation d'Amos, pensant qu'elle n'est pas à sa place, et
qu'elle se rapporte aux mots, qu'ils seront errants. Voir ci-dessus. Cependant Pascal n'a-
t-il pas pu, pour les mots, sans prophètes, renvoyer à Amos, vin, 12? Circuibunt quœ-
rentes verbum Domini, et non inventent. Les éditions citent Ps. cxxm, 9.
4. En titre dans l'autographe, Pendant la durée du Messie. Ce titre parait signifier,
pendant l'attente du Messie; signes r'ïi ont été donnés de lui pendant qu'il tardait, qu'il
durait à venir.
5. En titre dans l'autographe. Figures. Ce titre doit signifier que tous ces attributs de
Jésus-Christ existent en figures dans l'Ancien-Testament. Ainsi il est figuré comme sau-
veur par Noé, ou Joseph, ou Moïse, comme père par Abraham etc., comme affligé, pau-
vre, par Job, eLc
28 PENSÉES DE PASCAL
délivrer de la servitude du péché, qui règne visiblement dans
l'homme ; donner des lois à ce peuple, graver ces lois dans leur
cœur, s'offrir à Dieu pour eux, se sacrifier pour eux, être une
hostie sans tache, et lui-même sacrificateur, devant s'offrir lui-
même, son corps et son sang, et néanmoins offrir pain et vin à
Dieu1.
Prophéties : Transfixerunt. Zach.xu, 10*.
17.
... Qu'il devait venir un libérateur, qui écraserait la tête au
démon, qui devait délivrer son peuple de ses péchés, ex omni-
bus iniquitatibus [Ps. cxxix, 8] ; qu'il devait y avoir un Nouveau-
Testament, qui serait éternel ; qu'il devait y avoir une autre
prêtrise, selon l'ordre de Melchisédech [Ps. cix, 4]; que celle-là
serait éternelle ; que le Christ devait être glorieux, puissant,
fort, et néanmoins si misérable qu'il ne serait pas reconnu ;
qu on ne le prendrait pas pour ce qu'il est; qu'on le rebuterait,
quon le tuerait; que son peuple, qui l'aurait renié, ne serait
plus son peuple; que les idolâtres le recevraient, et auraient
recours a lui , qu'il quitterait Sion pour régner au centre de
l'idolâtrie; que néanmoins les Juifs subsisteraient toujours;
qu'il devait être de Juda, et quand il n'y aurait plus de roi.
18.
Qu'on considère que, depuis le commencement du monde,
l'attente ou l'adoration du Messie subsiste sans interruption;
qu'il s'est trouvé des hommes qui ont dit que Dieu leur avait
révélé qu'il devait naître un Rédempteur qui sauverait son
peuple; qu'Abraham est venu ensuite dire qu'il avait eu révé-
lation qu'il naîtrait de lui par un iils qu'il aurait ; que Jacob a
déclaré que, de ses douze enfants, il naîtrait de Juda; que
Moïse et les prophètes sont venus ensuite déclarer le temps et
la manière de sa venue ; qu'ils ont dit que la Loi qu'ils avaient
n'était qu'en attendant celle du Messie ; que jusque-là elle se-
rait perpétuelle, mais que l'autre durerait éternellement;
qu'ainsi leur Loi, ou celle du Messie, dont elle était la pro-
messe, seraient toujours sur la terre ; qu'en effet elle a toujours
\. Comme fait Melchisédech, Gen. xiv, 18.
2. En titre daDS l'autographe, Jésus-Christ, Offices. C'est-à-dire ses offices, ses fonc-
tions.
ARTICLE XVIIi 29
duré ; qu'enfin est venu Jésus-Christ dans toutes les circons-
tances prédites. Gela est admirable ».
19.
Si cela est si clairement, prédit aux Juifs, comment ne l'ont-
ils pas cru? ou comment n'ont-ils point été exterminés2, de
résister à une chose si claire?
Je réponds : premièrement , cela a été prédit, et qu'ils ne
croiraient point une chose si claire, et qu'ils ne seraient point
exterminés. Et rien n'est plus glorieux au Messie ; car il ne
suffisait pas qu'il y eût des prophètes; il fallait qu'ils fussent
conservés sans soupçon. Or, etc.
20.
Les prophéties mêlées des choses particulières, et de celles
du Messie, afin que les prophéties du Messie ne fussent pas
sans preuves et que les prophéties particulières ne fussent
pas sans fruit *.
21.
Non habemus regem nisi Cœsarem 4. Donc Jésus-Christ était
le Messie, puisqu'ils n'avaient plus de roi qu'un étranger, et
qu'ils n'en voulaient point d'autre.
22.
Les 70 semaines de Daniel sont équivoques pour le terme
du commencement, à cause des termes de la prophétie; et
pour le terme de la lin, à cause des diversités des chronologis-
tes. Mais toute cette différence ne va qu'à 200 ans 6.
1. En titre dans l'autographe, Perpétuité.
î. Pascal avait mis d'abord punis. Voyez xix, 5.
3. Pour Pascal, tout ce qui ne conduit pas à Jkscs-Christ et à la grâce est sans fruit.
Mais ces prophéties particulières ne sont plus sans fruit du moment qu'elles donnent
crédit à celles qui annoncent le Messie.
4. C'est la réponse des Juifs à Pilate, Jean, xix, 15 : a Nous n'avons point de roi, si
ce n'est César. »
5. Daniel, ix, 20. Voici la traduction que Pascal lui-même avait faite de ce passage,
avec des notes que je place entre parenthèses :
« Comme je priais Dieu de tout mon cœur, et qu'en confessant mon péché et celui de
tout mon peuple, j'étais prosterné devant mon Dieu, voici que Gabriel, lequel j'avais vu en
vision dès le commencement, vint à moi et me toucha, au temps du sacrifice du vêpre, et mo
donnant l'intelligence, me dit : Daniel, je suis venu à vous pour vous ouvrir la connaissance des
choses. Dès le commencement de vos prières, je suis venu pour vous découvir ce que
vous désirez, parce que vous êtes l'homme de désirs. Entendez donc la parole, et entrez
dans l'intelligence de la vision. Soixante-dix semaines sont prescrites et déterminées sur
votre peuple et sur votre sainte cité, pour expier les crimes, pour mettre tin aux péchés,
et abolir l'iniquité, et pour introduire la justice éternelle, pour accomplir les visions et les
prophéties, et pour oindre le saint des saints.
(Après quoi ce peuple ne sera plus votre peuple ni cette cité la sainte cité. Le temps
de colère sera passé, les ans de grâce viendront pour jamaisj
II. 3
30 PENSÉES DE PASCAL
REMARQUES SUR i/ARTICLE XVIII
Fragment 3 . — Pascal avait écrit, et on trouve dans le cahier au-
tographe, la traduction d'une suite de passages de forme prophétique
pris dans le livre qui porte le nom de Daniel, et qui étaient présenta
à sa pensée quand il écrivait ce fragment. Je reproduis ces traductions»
avec les notes explicatives de Pascal, que je mets entre parenthèses.
« Daniel, n. Tous vos devins et vos sages ne peuvent vous découvrir
le mystère que vous demandez.
» Mais il y a un Dieu au ciel, qui le peut, et qui vous a révélé
dans votre songe les choses qui doivent arriver dans les derniers
temps. (Il fallait que ce songe lui tînt bien au cœur.)
» Et ce n'est point par ma propre science que j'ai eu la connais-
sance de ce secret, mais par la révélation de ce même Dieu, qui me
l'a découverte pour la rendre manifeste en votre présence.
» Votre songe était donc de cette sorte. Vous avez vu une statue
grande, haute et terrible, qui se tenait debout devant vous : la tête
en était d'or, la poitrine et les bras étaient d'argent; le ventre et les
cuisses étaient d'airain, et les jambes étaient de fer, et les pieds étaient
mêlés de fer et de terre (argile). Vous la contempliez toujours en
cette sorte, jusqu'à ce que la pierre taillée sans mains ! a frappé la
statue par les pieds mêlés de fer et de terre et les a écrasés.
» Et alors s'en sont allés en poussière et le fer, et la terre, et l'ai-
rain, et l'argent, et l'or, et se sont dissipés en l'air ; mais cette pierre
qui a frappé la statue est crue en une grande montagne, et elle a rem
pli toute la terre. Voilà quel a été votre songe, et maintenant je vous
en donnerai l'interprétation.
• Sachez donc et entendez. Depuis que la parole sortira pour rétablir et réédifier Jé-
rusalem, jusqu'au prince Messie, il y aura sept semaines et soixante-deux semaines.
(Les Hébreux ont accoutumé de diviser les nombres et de mettre le petit le premier ;
ces 7 et 62 font donc 69 : de ces 70 il en restera donc la 70e, c'est-à-dire les 7 dernière»
années, dont il parlera ensuite).
> Après que la place et les murs seront édifiés dans un temps de-trouble et d'affliction,
et après ces soixante-deux semaines.
(Qui auront suivi les 7 premières. Le Christ sera donc tué après le» 69 semaines, c'est-
à-dire en la dernière semaine.)
» Le Christ sera tué, et un peuple viendra avec son prince, qui détruira la ville et le
sanctuaire, et inondera tout; et la fin de cette guerre consommera la désolation.
> Or une semaine (qui est la 70e qui reste)
» Établira l'alliance avec plusieurs ; et même la moitié de la semaine (c'est-à-dire les
derniers trois ans et demi) abolira le sacriâce et l'hostie, et rendra étonnante l'étendu*
de l'abomination, qui se répandra et durera sur ceux mêmes qui s'en étonneront et du-
rera jusqu'à la consommation. •
Il s'agit de semaines ou septaines d'années. — En titre dans l'autographe, Prophéties.
1. Le sens du texte est : détaché sans main, qui se détache de la montagne sans qu'une
main la pousse.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XVIII 31
» Vous qui êtes le plus grand des rois, et à qui Dieu a donné une
puissance si étendue, que vous êtes redoutable à tous les peuples
vous êtes représenté par la tète d'or de la statue que vous avez vue.
» Mais un autre empire succédera au vôtre, qui ne sera pas si puis-
sant; et ensuite il en viendra un autre d'airain, qui s'étendra par
tout le monde.
» Mais le quatrième sera fort comme le fer, et de même que le fer
brise et perce toutes choses, ainsi cet empire brisera et écrasera tout.
» Et ce que vous avez vu, que les pieds et les extrémités des pieds
rt aient composés en partie de terre et en partie de fer, cela marque
que cet empire sera divisé, et qu'il tiendra en partie de la fermeté du
fer et en partie de la fragilité de la terre.
» Mais comme le fer ne peut s'allier solidement avec la terre, de
même ceux qui sont représentés par le fer et par la terre, ne pour-
ront faire d'alliance durable, quoiqu'ils s'unissent par des mariages.
» Or ce sera dans le temps de ces monarques que Dieu suscitera
un royaume qui ne sera jamais détruit, ni jamais transporté à un
autre peuple. Il dissipera et finira tous ces autres empires, mais pour
lui il subsistera éternellement, selon ce qui vous a été révélé de cette
pierre qui, n'étant pas taillée de main, est tombée de la montagne,
et a brisé le fer, la terre, et l'argent et l'or. Voilà ce que Dieu vous
a découvert des choses qui doivent arriver dans la suite des temps.
Ce songe est véritable, et 1 interprétation en est fidèle. — Lors Na-
buchodonosor tomba le visage contre terre, etc. »
« Daniel, vin, 8. Daniel ayant vu le combat du bélier et du bouc
qui le vainquit, et qui domina sur la terre : duquel la principale
corne étant tombée, quatre autres en étaient sorties vers les quatre
vents du ciel; de l'une desquelles étant sortie une petite corne, qui
s agrandit vers le midi, vers l'orient, et vers la terre d'Israël, et s'é-
leva contre l'armée du ciel, en renversa des étoiles, et les foula aux
pieds, et enfin abattit le Prince, et fit cesser le sacrifice perpétuel, et
mit en désolation le sanctuaire....
« Voilà ce que vit Daniel. Il en demandait l'explication, et une voix
cria en cette sorte : Gabriel, faites-lui entendre la vision qu'il a eue
Et Gabriel lui dit :
» Le bélier que vous avez vu est le roi des Mèdes et des Perses, et
le bouc est le roi des Grecs, et la grande corne, qu'il avait entre les
yeux, est le premier roi de cette monarchie.
» Et ce que, cette corne étant rompue, quatre autres sont venues
en la place, c'est que quatre rois de cette nation lui succéderont,
mais non pas en la même puissance.
32 PENSÉES DE PASCAL
a Or, sur le déclin de ces royaumes, les' iniquités étant accrues, il
s'élèvera un roi insolent et fort, mais d'une puissance empruntée,
auquel toutes choses succéderont à son gré : et il mettra en désola-
tion le peuple saint, et réussissant dans ses entreprises avec un esprit
double et trompeur, il en tuera plusieurs, et s'élèvera enfin contre le
prince des princes, mais il périra malheureusement, et non pas
néanmoins par une main violente. »
« Daniel, ix, 20 '. »
« Daniel, xi. L'ange dit à Daniel :
» Il y aura encore (Après Gyrus, sous lequel ceci est encore) trois
rois de Perse (Gambyse, Smerdis, Darius), et le quatrième qui vien-
dra ensuite (Xerxès) sera plus puissant en richesses et en forces,
et élèvera tous ses peuples contre les Grecs.
» Mais il s'élèvera un puissant roi (Alexandre), dont l'empire aura
une étendue extrême, et qui réussira en toutes ses entreprises selon
son désir. Mais quand sa monarchie sera établie, elle périra, et sera
(avisée en quatre parties vers les quatre vents du ciel (Gomme il avait
dit auparavant, vu, 6 ; vin, 8), mai9 non pas à des personnes de sa race ;
et ses successeurs n'égaleront pas sa puissance, car même son royaume
sera dispersé à d'autres outre ceux-ci (ces quatre principaux succes-
seurs).
» Et celui de ses successeurs qui régnera vers le midi (Egypte Pto-
lémée, fils de Lagus 2) deviendra puissant; mais un autre le surmon-
tera (Séleucus, roi de Syrie), et son État sera un grand État (Appianus
dit que c'est le plus puissant des successeurs d'Alexandre).
» Et dans la suite des années, ils s'allieront ; et la fille du roi du
Midi (Bérénice, fille de Ptolémée Philadelphe, fils de l'autre Ptolémée)
viendra au roi d'Aquilon (à Antiochus Deus, roi de Syrie et d'Asie,
neveu de Séleucus Lagidas), pour établir la paix entre ces princes.
» Mais ni elle ni ses descendants n'auront pas une longue autorité ;
car elle, et ceux qui Favaient envoyée, et ses enfants, et ses amis,
seront livrés à la mort (Bérénice et son fils fut tué par Séleucus Cal-
linicus).
» Mais il s'élèvera un rejeton de ses racines (Ptolemeus Evergetes
naîtra du même père que Bérénice), qui viendra avec une puissante
armée dans les terres du roi d'Aquilon, où il mettra tout sous sa
sujétion et emmènera en Egypte leurs dieux, leurs princes, leur or,
leur argent et toutes leurs plus précieuses dépouilles (s'il n'eût pas
t. On trouvera ce passage dans la note au bas de la page 29.
1. Pascal écrit Ptolomée.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XVIII 33
été rappelé en Egypte par des raisons domestiques, il aurait entière-
ment dépouillé Séleucus, dit Justin) ; et sera quelques années sans
que le roi d'Aquilon puisse rien contre lui.
» Et ainsi il reviendra en son royaume; mais les enfants de l'autre,
irrités, assembleront de grandes forces (Séleucus Ceraunus, Antiochus
Magnus).
» Et leur armée viendra et ravagera tout; dont le roi du Midi, étant
irrité, formera aussi un grand corps d'armée, et livrera bataille (Pto-
lomeus Pbilopator contre Antiochus Magnus, à Raphia), et vaincra ; et
ses troupes en deviendront insolentes, et son cœur s'en enflera (ce
Ptolomeus profana le temple : Josèphe) : il vaincra des milliers d'hom-
mes, mais sa victoire ne sera pas ferme. Car le roi d'Aquilon (Antio-
chus Magnus) reviendra avec encore plus de forces que la première
fois, et alors, avec un grand nombre d'ennemis, s'élèvera contre le
roi du midi (le jeune Ptolémée Epiphanes, régnant), et alors aussi un
grand nombre d'ennemis s'élèveront contre le roi du Midi ; et même
des hommes apostats, violents, de ton peuple, s'élèveront afin que les
visions soient accomplies, et ils périront (Ceux qui avaient quitté leur
religion pour plaire à Evergetes quand il envoya ses troupes à Scopas
car Antiochus reprendra Scopas et les vaincra). Et le roi d'Aquilon
détruira les remparts et les villes les mieux fortifiées, et toute la force
du Midi ne pourra lui résister, et tout cédera à sa volonté; il s'arrêtera
dans la terre d'Israël, et elle lui cédera. Et ainsi il pensera à se rendre
maître de tout l'empire d'Egypte (méprisant la jeunesse d'Epiphane,
dit Justin). Et pour cela il fera alliance avec lui et lui donnera sa fille
(Cléopâtre, afin qu'elle trahît son mari ; sur quoi Appianus dit que
se défiant de pouvoir se rendre maître d'Egypte par force, à cause de
la protection des Romains, il voulut l'attenter par finesse). Il la voudra
corrompre, mais elle ne suivra pas son intention ; ainsi il se jettera
à d'autres desseins et pensera à se rendre maître de quelques îles
(c'est-à-dire lieux maritimes), et il en prendra plusieurs (comme dit
Appianus),
» Mais un grand chef s'opposera à ses conquêtes (Scipion l'Africaiiij
qui arrêta les progrès d'Antiochus Magnus, à cause qu'il offensait les
Romains en la personne de leurs alliés) et arrêtera la honte qui lui
en reviendrait. Il retournera donc dans son royaume, et y périra (il
fut tué par les siens), et ne sera plus.
» Et celui qui lui succédera (Séleucus Philopator ou Soter, fils
d'Antiochus Magnus) sera un tyran, qui affligera d'impôts la gloire
du royaume (qui est le peuple) * ; mais, en peu de temps, il mourra,
1. Pascal veut dire »:e c'est là une expression orientale pour dire le peuple.
34 PENSÉES DE PASCAL
et non par sédition ni par guerre. Et il succédera à sa place un homme
méprisable, et indigne des honneurs de la royauté, qui s'y introduira
adroitement et par caresses.
» Toutes les armées fléchiront devant lui; il les vaincra, et même le
prince avec qui il avait fait alliance; car, ayant renouvelé l'alliance
avec lui, il le trompera, et venant avec peu de troupes dans ses pro-
vinces calmes et sans crainte, il prendra les meilleures places , et fera
plus que ses pères n'aient jamais fait, et ravageant de toutes parts, il
formera de grands desseins pendant son temps.
» 25. [C'est-à-dire verset 25. Pascal n'a pas continué.] » L'homme
méprisable dont il est parlé dans ces derniers versets est Antiochus
Epiphane, le plus violent ennemi des Juifs. Le prince qu'il vaincra
est le roi d'Egypte, mari de sa sœur.
Ce n'est pas ici le lieu de discuter, ni la traduction de Pascal compa-
rée à la Vulgate, ni la Vulgate elle-même comparée au texte. Les
quatre monarchies sont celles des Assyriens, des Mèdes, des Perses
et des Grecs ou des successeurs d'Alexandre ; la pierre qui les brise,
est-elle l'empire romain ? On voit assez que ce prétendu livre de
Daniel a été écrit postérieurement à tous les événements auxquels il
fait allusion, c'est-à-dire au temps d' Antiochus Epiphane.
Fragments 4 et 5. — Ces beaux fragments ont été encore altérés et
gâtés dans Port-Royal.
Fragment 9. — « Lui serait offert une hostie pure, non pas des
animaux. » Cette interprétation, non pas des animaux, n'est pas dans
le texte de Malachie. Au contraire, il est clair que le prophète parle de
véritables victimes, puisqu'au verset 13 le Seigneur se plaint qu'on
ne réserve pour les lui offrir que les bêtes estropiées ou malades.
Fragment 12. — « Les uns écrivent, les autres condamnent, les au-
tres tuent. » On sent qu'une si vive peinture des obstacles où se heurte
la vérité dans le monde n'est pas faite d'imagination. Pascal avait vu
la doctrine, qu'il croyait sainte, réfutée par les savants, censurée par
les sages, et les disciples fidèles proscrits, sinon tués, par les rois.
L'indignation qui a fait les Provinciales gronde encore ici.
— La merveille de l'établissement du christianisme avait été expo-
sée par Balzac dans le Socrate chrétien (premier et troisième discours)
avec beaucoup de noblesse, mais non pas avec cette vigueur et cette
passion.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XVIII 35
Fragment 14. — « Qu'il ressusciterait le troisième jour; qu'il monte-
rait au ciel pour s'asseoir à la droite. »
Voici les passages où Pascal a cru lire cela, et auxquels il nous ren-
voie :
Ps. xv, 10 : « Tu ne laisseras pas mon âme dans les enfers, tu ne
permettras pas que ton saint connaisse la corruption du tombeau. »
Osée, vi, 1-3 : « Du sein de leurs tribulations, ils se lèveront pour re«
venir à moi. Allons, diront-ils, retournons au Seigneur. C'est lui qui'
nous frappe, c'est lui qui nous guérira. Au bout de deux jours;
il nous rendra la vie; nous nous relèverons le troisième jour. »
Ps. cix, 1 : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez- vous à ma
droite, et je vais réduire vos ennemis à vous servir de marchepied. »
Voilà où il a vu prophétisées la Résurrection et l'Ascension ! L'étude
critique de tous les autres textes dont Pascal s'autorise ne donnerait
pas des résultats beaucoup plus satisfaisants, mais je ne m'arrêterai
pas à la poursuivre. H suffira de dire en général que parmi les traits
dont ce portrait se compose, les uns ne se rapportent à rien, comme
ceux que je viens de citer; d'autres conviennent dans tous les temps à
tous les justes persécutés, d'autres au contraire à tout grand homm-
qui est l'espoir d'un peuple ; car il faut remarquer que toutes ces cir-
constances ne sont nulle part réunies dans la Bible en un seul tableau,
et que rien n'y marque que tout cela doive s'accomplir en un seul
temps et dans un seul personnage. Enfin certains détails n'ont proba-
blement été supposés dans Jésus que parce qu'on était habitué à les
rassembler dans l'idéal du Messie. Ainsi par exemple : « Il naîtra de
la ville de Bethléem. Mich. v. » Voici le passage : « Et toi, Beth-
léem,... c'est de toi que je ferai sortir celui qui doit régner en Israël. »
Ce qui peut s'entendre en ce sens, que le Messie, sortant de la race
de David, sort par conséquent de Bethléem, d'où David lui-même est
sorti. Mais on avait fini, comme il arrive d'ordinaire, par prendre le
passage au sens littéral et par croire que le Messie devait naître à
Bethléem. Or, la famille de Jésus était notoirement de Nazareth et y
était toujours restée. On supposa donc une circonstance extraordinaire
qui avait conduit Marie enceinte à Bethléem (Luc, n, 4), de manière
que Jésus y était né suivant ce qui est écrit dans le prophète
(Matth. ii, 5). Et cette locution, afin que la prophétie fut accomplie, re-
vient souvent dans les Evangiles *.
Fragment 19. — « Si cela est si clairement prédit aux Juifs, com-
ment n'ont-ils point été exterminés ? »
1. Voyez le ragment xxui, 16.
36 PENSÉES DE PASCAL
L'édition de MM. de Port-Royal ne reproduit pas cet odieux di-
femme. Est-ce parce qu'il est odieux, ou parce qu'il leur a semblé em-
barrassant?
Fragment. 22. — « Les 70 semaines, etc. »
Prenons une à une toutes les parties de la phrase de Pascal.
Il y a, dit-il, équivoque pour le commencement, a cause des termes
de la prophétie. Voici ces termes, suivant la Vulgate : Ab exitu ser-
monis ut iterum œdificetur Jérusalem. Pascal traduit : « Depuis que la
parole sortira pour rétablir et réédifier Jérusalem. » Les uns enten-
dent par cette parole l'édit donné par Gyrus en faveur des Juifs et de
la restauration du Temple, dans la première année de son règne (Es-
dras, i) ; d'autres, l'un ou l'autre de ceux qu'Artaxerce accorda, le
première Esdras, dans la septième année de son règne (ibid., vu) le
second à Néhémie, dans la vingtième (Néhém. n). Il en est enfin qui
traduisent le texte de la manière suivante : « Depuis qu'est sortie la pa-
role qui annonce le rétablissement de Jérusalem. » Et ils croient que
cette parole est la prophétie de Jérémie sur laquelle Daniel est repré-
senté méditant au commencement du chapitre, et à propos de laquelle
il reçoit la révélation des 70 semaines. Ils prennent donc pour le terme
du commencement la date de cette prophétie de Jérémie, date marquée
par la Bible (Jérém. xxv) à la quatrième année du roi Joachim. Il y a
entre cette date et celle du second édit d'Artaxerce, d'après la chro-
nologie, aujourd'hui reçue, une différence de plus de 150 ans.
Je dis, d'après la chronologie aujourd'hui reçue, car ici viennent,
selon Pascal, ces diversités des chronoiogistes, à cause desquelles, après
qu'on aura placé ici ou là le point de départ, il y aura encore équi-
voque pour le terme de la fin. Pascal ne veut pas parler, je pense, de
la petite difficulté qui consiste à placer le commencement du règne
d'Artaxerce, huit ans plus tard ou huit ans plus tôt, suivant qu'on ne
le fait régner qu'après la mort de son père, ou qu'on le suppose asso-
cié à Xerxès encore vivant, selon l'hypothèse de ceux qui veulent faire
ahoutir examinent les 70 semaines à la mort de Jésus-Christ. Cette
difficulté est la seule que se fassent aujourd'hui les chronologistes. Mais
les livres qui contiennent les traditions des Juifs suivent, à ce qu'il pa-
raît, une chronologie toute différente, d'après laquelle la durée du second
temple n?est que de 420 ans (au lieu d'être de plus de 520); ils ne donnent
à la monarchie des Perses depuis Cyrus qu'une cinquantaine d'années
(au lieu de 200). Ils se trompent; cela ne mérite pas d'être appelé une
chronologie, ce n'est qu'une grossière ignorance ; mais dans les té-
nèbres du moyen âge, ceux mêmes qui combattaient les Juifs ne sa-
REMARQUES SUR L'ARTICLE XVIII 37
vaient pas s'en défendre. Dans le Pugio fidei (voyez les notes sur
xvi, 12) on trouve, au sujet des 70 semaines, une discussion fondée tout
entière sur cette chronologie des rabbins. J'ajoute qu'à la lumière même
du seizième siècle, Pierre Galatin, que Pascal lisait dans le môme vo-
lume que le Pugio fidei et qui ne fait guère que le copier, rectifie bien
d'abord ces erreurs grossières par le secours de la science moderne,
mais il n'en conserve pas moins ensuite tout au long la discussion de
Raymond Martin, comme devant servir dans l'hypothèse où on ad-
mettrait la chronologie des livres juifs. Tout cela, un peu confondu
peut-être dans la tête de Pascal, que son génie ne portait pas à appro-
fondir ces sortes de questions, a suffi pour lui laisser cette impression
générale, que les diversités des chronologistes s'ajoutaient ici à la dif-
ficulté d'expliquer les termes de la prophétie !
On voit combien se sont trompés ceux qui ont imaginé de corriger
le texte de Pascal et d'écrire 20 ans au lieu de 200 ans. Mais comment
Pascal a-t-il pu dire : « Toute cette différence ne va qu'à 200 ans » ?
Est-ce qu'une différence de 200 ans, sur un compte de 490 ans, n'est
pas énorme? C'est que Pascal fait ici un argument ad hominem, qui
n'a pas besoin d'être bon en soi, mais seulement pour ceux à qui on
l'adresse. Il répond aux Juifs, qui nient que le Messie soit venu ; et il
leur oppose la prophétie de Daniel, car cette prophétie se rapporte au
Messie, suivant la tradition juive elle-même. Et comme ils se retran-
chent dans l'obscurité du texte, il consent qu'ils l'interprètent comme
ils voudront, qu'ils placent ou bon leur semblera leur point de départ,
et qu'ils mesurent l'intervalle de telle façon ou de telle autre. Ils se-
ront toujours enfermés dans un espace qu'il porte à 200 ans, et il faudra
que le Messie ait paru, plus tôt ou plus tard, entre ces limites. Il est
donc venu dans toute hypothèse, et les Juifs sont confondus.
Il est clair que Pascal n'admettait pas pour son propre compte cette
latitude dans l'interprétation de la prophétie, et qu'il la regardait
comme accomplie en Jésus-Christ. Bossuet, qui prend toujours de très-
haut tout ce qui touche aux fondements de la foi, et qui refuse de
s'arrêter aux embarras de détail, non-seulement ne dit pas un mot, et il
a raison, de l'absurde chronologie des rabbins, mais ne s'inquiète pas
même de l'équivoque que Pascal reconnaît dans les termes de la pro-
phétie. Il ne veut apercevoir ici d'autre difficulté que celle de détermi-
ner exactement où tombe la vingtième année d'Artaxerce; il écarte
tout le reste avec mépris, et dit de son ton superbe que huit ou neuf
ans au plus, dont on pourrait disputer sur un compte de 490 ans, ne se-
1. Voyez sur Pierre Galatin 'a Biographie universelle de Michaud, tome 65 (Supplé-
ment), 1838.
38 PENSÉES DE PASCAL
ront jamais une importante question. (Discours sur l'histoire univer-
selle, H, îv, vers la fin.)
Pour Bossuet donc, la 70e semaine d'années doit être et est celle au
milieu de laquelle meurt Jésus-Christ ; ce milieu tombe donc en l'an 33
de notre ère, qui est la date reçue pour cette mort; la semaine finit avec
l'an 36, et par conséquent les 70 semaines ou les 490 ans commencent
l'an 454 avant notre ère, qui est la date où on peut placer le second
édit d'Artaxerce.
Mais pour ceux qui ne doutent pas que le livre de Daniel ne soit
écrit, au plus tôt, du temps d'Antiochus Epiphane et ne se rapporte
à l'histoire, aujourd'hui si obscure, de ce que les Juifs ont alors souf-
fert ou espéré, les 70 semaines finissent nécessairement vers l'an 160
avant notre ère, quel que soit le temps où l'écrivain ait prétendu les
faire commencer, et quel que soit le sens de chacun des détails de la
prophétie. Car elle ne contient pas un mot qui n'ait ses difficultés, à
commencer par le mot que Pascal traduit par le Christ.
ARTICLE XTX
1.
Les apôtres ont été trompés, ou trompeurs. L'un ou Vautre
est difficile. Car il n'est pas possible de prendre un homme
pour être ressuscité...
Tandis que Jésus-Christ était avec eux, il les pouvait soute-
nir; mais après cela, s'il ne leur est apparu, qui les a fait agir?
1 bis.
L'hypothèse des apôtres fourhes est bien absurde. Qu'on la
suive tout au long ; qu'on s'imagine ces douze hommes, assem-
blés après la mort de Jésus-Christ, faisant le complot de dire
qu'il est ressuscité : ils attaquent par là toutes les puissances.
Le cœur des hommes est étrangement r" chant à la légèreté,
au changement , aux promesses, aux biens. Si peu qu'un de
ceux-là se fût démenti par tous ces attraits, et, qui plus est, par
les prisons, par les tortures et par la mort, ils étaient perdus.
Qu'on suive cela \
t. En titre dans l'autographe, Preuve de Jksus-Chkist.
ARTICLE XIX 39
Le stylo de l'Évangile est admirable en tant de manières, et
entre autres en ne mettant jamais aucune invective contre les
bourreaux et ennemis de Jésus-Christ. Car il n'y en a aucune
des historiens contre Judas, Pilate, ni aucun des Juifs.
Si cette modestie des historiens évangéliques avait été affec-
tée, aussi bien que tant d'autres traits d'un si beau caractère,
et qu'ils ne l'eussent affectée que pour la faire remarquer; s'ils
n'avaient osé le remarquer eux-mêmes, ils n'auraient pas man-
qué de se procurer des amis, qui eussent fait ces remarques à
leur avantage. Mais comme ils ont agi de la sorte sans affecta-
tion, et par un mouvement désintéressé, ils ne l'ont fait re-
marquer à personne. Et je crois que plusieurs de ces choses
n'ont point été remarquées ; et c'est ce qui témoigne la froi-
deur avec laquelle la chose a été faite.
1 bis.
Un artisan qui parle des richesses, un procureur qui parle
de la guerre, de la royauté, etc. Mais le riche parle bien des
richesses ; le roi parle froidement d'un grand don qu'il vient
de faire, et Dieu parle bien de Dieu 4.
3.
Jésus-Christ a fait des miracles, et les apôtres ensuite, et les
premiers saints en grand nombre; parce que, les prophéties
n'étant pas encore accomplies et s'accomplissant par eux, rien
ne témoignait, que les miracles. 11 était prédit que le Messie
convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût- elle
accomplie, sans la conversion des nations? Et comment les na-
tions se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce
dernier effet des prophéties qui le prouvent8? Avant donc
qu'il ait été mort, ressuscité, et converti les nations, tout n'é-
tait pas accompli; et ainsi il a fallu des miracles pendant tout
ce temps. Maintenant il n'en faut plus contre les Juifs, car les
prophéties accomplies sont un miracle subsistant...
1. Voir la Préface de Port-Royal, dans l'Introduction, page lvi.
2. C'est-à-dire la conversion même des nations, ce qui fait un cercle vicieux. On en
■ort par les miracles.
40 PENSÉES DE PASCAL
4.
C'est une chose étonnante et digne d'une étrange attention,
de voir ce peuple juif subsister depuis tant d'années et de le
voir toujours misérable : étant nécessaire, pour la preuve de
Jésus-Christ, et qu'il subsiste, pour le prouver, et qu'il soit
misérable, puisqu'ils l'ont crucifié ; et, quoiqu'il soit contraire
d'être misérable et de subsister, il subsiste néanmoins toujours
malgré sa misère.
4 bis.
Quand Nabuchodonosor emmena le peuple, de peur qu'on
ne crût que le sceptre fût ôté de Juda, il leur fut dit aupara-
vant qu'ils y seraient peu l, et qu'ils seraient rétablis. Ils fu-
rent toujours consolés par les prophètes; leurs rois continuè-
rent. Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablis-
sement, sans prophètes, sans rois, sans consolation, sans espé-
rance, parce que le sceptre est ôté pour jamais.
4 ter.
Ce n'est pas avoir été captif que de l'avoir été avec assurance
d'être délivré dans 70 ans. Mais maintenant ils le sont sans au-
cun espoir.
Dieu leur a promis qu'encore qu'il les disperserait aux bouts
du monde, néanmoins, s'ils étaient fidèles à sa loi, il les ras-
semblerait. Ils y sont très-lidèles , et demeurent opprimés» ...
5.
Si les Juifs eussent été tous convertis par Jésus-Christ, nous
n'aurions plus que des témoins suspects ; et s'ils avaient été
exterminés, nous n'en aurions point du tout 3.
5 bis.
Les Juifs le refusent, mais non pas tous : les saints le reçoi-
vent, et non les charnels. Et tant s'en faut que cela soit contre
sa gloire, que c'est le dernier trait qui l'achève. Comme la rai-
son qu'ils en ont, et la seule qui se trouve dans tous leurs écrits,
1. Dans la captivité, à Babylone.
2. Le raisonnement est resté inachevé. Pescal veut dire que Dieu parlait donc d'une
autre loi que celle qu'ils appellent la loi. — En titre dans l'autographe, Preuves de Jb-
sos-Christ.
3. Voyez xvni, 19.
ARTICLE XIX 41
dans le Talmud et dans les rabbins i, n'est que parce que Jé-
sus-Christ n'a pas dompté les nations en main armée, gladium
tuum, potentissime K N'ont-ils que cela à dire? Jésus-Christ a
été tué, disent-ils, il a succombé ; il n'a pas dompté les Païens
par sa force ; il ne nous a pas donné leurs dépouilles ; il ne
donne point de richesses. N'ont-ils que cela à dire? C'est en
cela qu'il m'est aimable. Je ne voudrais pas celui qu'ils se fi-
gurent. Il est visible que ce n'est que sa vie qui les a empê-
chés de le recevoir 8; et par ce refus, ils sont des témoins sans
reproche 4, et qui plus est, par là, ils accomplissent les pro-
phéties.
6.
Qu'il est beau de voir, par les yeux de la foi, Darius et Cy-
rus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode agir, sans le
savoir, pour la gloire de l'Évangile!
7.
La religion païenne est sans fondement *.
La religion mahométane a pour fondement l'Alcoran et Ma-
homet •. Mais ce prophète, qui devait être la dernière attente
du monde, a-t-il été prédit? Quelle marque a-t-il, que n'ait
aussi tout homme qui se voudra dire prophète? Quels mira-
cles dit-il lui-même avoir faits? Quel mystère a-t-il enseigné,
selon sa tradition même? Quelle morale et quelle félicité?
La religion juive doit être regardée différemment dans la
tradition des livres saints et dans la tradition du peuple (et
toute religion est de même ; car la chrétienne est bien diffé-
rente dans les livres saints et dans les casuistes). La morale
et la félicité en est ridicule, dans la tradition du peuple, mais
elle est admirable, dans celle de leurs saints. Le fondement en
I. Le Talmud est le recueil des traditions sacrées des Juifs, regardé par eux comme un
complément do la Bible. Voyez le fragment 144 de l'article xxv.
î. Ps. iuv, 4 : Accingere gladio tuo super fémur tuum, polentissimc : ■ Ceins ton épca
sur ta cuisse., puissant guerrier. •
3. C'est-à-dire, l'obscurité, l'humilité de sa vie.
4. En termes de palais, qu'on ne peut reprocher, récuser, comme dans les Plaideurs i
Nous en avons pourtant, et qui sont sans reproche.
C'est dans ce même sens que Pascal avait dit ailleurs, des témoins irréprochables.
5. Pascal avait écrit d'abord : « sans fondement aujourd'hui. On dit qu'autrefois elle
en a eu, par les oracles qui ont parlé. Mais quels sont les livres qui nous en assuient?
Sont-ils si dignes de foi par la vertu de leurs auteurs? Sont-ils conservés avec tant
de soin qu'on ne puisse s'assurer qu'ils ne sont point corrompus? •
*. On sait qu'il faut dire le Coran : al n'est que l'article arabe.
42 PENSÉES DE PASCAL
est admirable . c'est le plus ancien livre du monde, et le plus
authentique ; et au lieu que Mahomet, pour faire subsister le
sien, a défendu de le lire l, Moïse, pour faire subsister le sien,
a ordonné à tout ie monde de le lire *.
Notre religion est si divine , qu'une autre religion divine
n'en a été que le fondement.
7 bis.
Mahomet, sans autorité 3. Il faudrait donc que ses raisons fus
sent bien puissantes, n'ayant que leur propre force. Que dit-il
donc? Qu'il faut le croire!
8.
De deux personnes qui disent de sots contes, l'un qui a dou-
ble sen-, entendu dans la cabale, l'autre qui n'a que ce sens, si
quelqu'un, n'étant pas du secret, entend discourir les deux en
cette sorte, il en fera même jugement. Mais si ensuite, dans le
reste du discours, l'un dit des choses angél*ques, et l'autre tou-
jours des choses plates et communes, il jugera que l'un parlait
avec mystère, et non pas l'autre : l'un ayant assez montré qu'il
est incapable de telle sottise , et capable d'être mystérieux ;
l'autre, quil est incapable de mystère, et capable de sottise.
9.
Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur dans Mahomet, et qu'on
peut faire passer pour un sens mystérieux, que je veux qu'on
en juge, mais par ce qu'il y a de clair, par son paradis, et par
le reste. C'est en cela qu'il est ridicule. Et c'est pourquoi il
n'est pas juste de prendre ses obscurités pour des mystères, vu
que ses clartés sont ridicules. Il n'en est pas de même de l'É-
criture. Je veux qu'il y ait des obscurités qui soient aussi bi-
zarres que celles de Mahomet ; mais il y a des clartés admira-
bles, et des prophéties manifestes accomplies. La partie n'est
donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les chose?
qui ne se ressemblent que par l'obscurité, et non pas par la
clarté,qui mérite qu'on révère les obscurités.
1. Voir plus loin, fragment 10 bis.
2. Deutéron. xx.xi, 11.
3. C'est-à-dire, qu'il n'est pas autorisé, qu'il n'a pas de tradition qui l'autorise, qu'il
n'a pas été prédit.
ARTICLE XiX 43
9 bis.
L'Alcoran n'est pas plus de Mahomet, que l'évangile, de saint
Matthieu, car il est cité de plusieurs auteurs de siècle en siè-
cle *. Les ennemis mêmes, Gelse et Porphyre, ne l'ont jamais
désavoué a.
L'Alcoran dit que saint Matthieu était homme de bien.
Donc, Mahomet était faux prophète, ou en appelant gens de
bien des méchants, ou en ne demeurant pas d'accord de ce
qu'ils ont dit de Jésus-Christ 3.
10.
Tout homme peut faire ce qu'a fait Mahomet ; car il n'a
point fait de miracles, il n'a point été prédit. Nul homme ne
peut faire ce qu'a fait Jésus-Christ.
\0bis.
Mahomet, non prédit; Jésus-Christ, prédit. Mahomet, en
tuant; Jésus-Christ, en faisant tuer les siens. Mahomet, en
défendant de lire ; les apôtres, en ordonnant de lire 4. Enfin,
cela est si contraire, que, si Mahomet a pris la voie de réussir
humainement, Jésus-Christ a pris celle de périr humainement
Et qu'au lieu de conclure que, puisque Mahomet a réussi, Jé-
sus-Christ a bien pu réussir, il faut dire que, puisque Maho-
met a réussi, Jésus-Christ devait périr.
1. Le tour employé par Pascal dans cette phrase est un latinisme. Nous dirions plutôt,
ce oui d'ailleurs revient au même : L'évangile de saint Matthieu n'est pas moins de
saint Matthieu, que l'Alcoran n'est de Mahomet; car il est cité, etc.
î. Grotius. de Xerilate relig. III, 2, dit en termes généraux que ni les Juifs ni les Païens
n'ont jamais contesté l'authenticité des Evangiles. Il ajoute que Julien en particulier
l'admet formellement; et cela est vrai, mais il ne s'est conservé aucun témoignage sem-
blable de Celse ou de Porphyre.
3. Je ne crois pas que le Coran nomme saint Matthieu. Grotius (VI, 3) dit seulement
en termes généraux que Mahomet reconnaît pour de saints personnages les apôtres de
Jésus, et cela est vrai. Voir à la fin du chapitre de la lable (v), etc. Mais Mahomet
soutient que tes apôtres reconnaissaient Jésus comme envoyé de Dieu, et non comme
Dieu {ibidA — En titre dans l'autographe, Contre Mahomet.
4. Montaigne, Apol., p. 117 : « Manomet qui, comme j'ay entendu, iuterdict la science
« ses hommes. ■ Grotius (VI, 2) dit en effet que le mahométi'*«we repousse l'esprit
d'examen . et que la lecture du Coran est interdite à la multitude, mais il ne cite aucun
texte à l'appui de cette dernière assertion. — Paul, Lettre à limolhée, iv, 13 : • Appli-
que-toi à la lecture, » attente lectioni. — En titre, dans l'autographe : Différence entre
Jési; Zkriji *>' Maksxat.
44 PENSÉES DE PASCAL
REMARQUES SUR L'ARTICLE XIX
Fragments 1 et 1 bis. — « Les apôtres ont été trompés ou trom-
peurs, etc.» Pascal n'examine pas si les évangiles ont été réellement
écrits par les apôtres, et s'ils peuvent être regardés comme des témoi-
gnages. Quant à Pauî . qui n'est devenu chrétien que long-temps
après la mort de Jésus, il n'a pas été témoin de la résurrection, et il ne
dit pas qu'aucun des témoins lui ait certifié ce qu'on en raconte. Il a
seulement ouï dire que Jésus est apparu à plusieurs et il ajoute en
passant, et en un seul mot : il m'est apparu une fois aussi, sans dire
d'ailleurs ni où, ni quand, ni comment, et sans s'expliquer sur les
circonstances de cette apparition.
Aucun vrai critique ne supposera que les Douze aient fait le complot
de dire que Jésus était ressuscité. Ces sortes de croyances se répandent
de l'un à l'autre sans complot. Ils n'ont pas eu à se démentir par la
crainte des tortures ou de la mort, car aucun pouvoir n'a jamais pré-
tendu les contraindre, sous aucune peine, à avouer que Jésus n'était
pas ressuscité. Jamais il n'a été fait sur cette résurrection aucune en-
quête; il n'y a jamais eu ni rapport, ni procès- verbal. Pascal trans-
porte les habitudes de son temps et du nôtre dans des temps pro-
fondément différents.
Fragment 2. — « Le style de l'Évangile est admirable en tant de
manières, et entre autres en ne mettant jamais aucune invective contre
les bourreaux et ennemis de Jésus-Christ. »
Il est vrai qu'il n'y a jamais d'invectives dans les Évangélistes, parce
qu'ils n'ont jamais le ton oratoire sur aucun sujet. Ils racontent tout
aussi simplement le meurtre de Jean, sans apprécier ni la conduite de
Salomé ni celle d'Hérode. Ils racontent de même la légende de ce
qu'on appelle le massacre des innocents, et n'en ont pas même l'air
étonnés.
Quant à Pilate, je ne crois pas que les auteurs des Évangiles pen-
sent sur lui comme on a pensé plus tard. Ils songent moins à le con-
damner pour avoir livré Jésus qu'à le représenter comme témoignant
pour lui et cornue désavouant les Juifs. Ils tiennent à faire entendre
que ce sont les Juifs qui sont les ennemis du Christ et des siens, et non
l'autorité romaine, qu'ils paraissent bien aises de ménager et de main-
tenir dans une neutralité bienveillante.
Fragment 3. — « Et aussi il a fallu des miracles pendant tout ce
REMARQUES SUR L'ARTICLE XIX 45
temps ; maintenant il n'en faut plus contre les Juifs. » Pascal sous-
entend qu'il en faut encore contre les Jésuites. II pense au miracle de
Port-Royal, au miracle de la Sainte-Epine. Voyez sa Vie et tout l'ar-
ticle XXIII.
Fragment 4. — J'ai relevé ce fragment dans l'Étude sur les Pensées,
page xxvi.
Fragment 6. — m Qu'il est beau de voir, par les yeux de la foi,
Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode agir,
sans le savoir, pour la gloire de l'Évangile! » M. Sainte-Beuve (Port-
Royal, lre édit., t. m, p. 364) : «Quand Pascal interprète les Prophé-
ties, et lève les sceaux du Vieux-Testament, quand il explique le rôle
des apôtres parmi les Gentils, et l'économie merveilleuse des desseins
de Dieu, il devance visiblement Bossuet, le Bossuet de Y Histoire uni-
verselle; il ouvre bien des perspectives que l'autre parcourra et rem-
plira. » — Et plus loin : « Bossuet avait lu les Pensées, il y avait ren-
contré celle-ci : Qu'il est beau de voir, etc. C'était tout un programme,
que son génie impétueux dut à l'instant embrasser, comme l'oeil d'aigle
du grand Gondé parcourait l'étendue des batailles. »
Fragment 7. — «La religion païenne est sans fondement. » On a vu
quil y a là quelques lignes barrées sur les oracles. Peut-être que Pas-
cal, qui, dans ce passage, paraît nier les oracles païens, a hésité sur
cette question. L'opinion qu'il y avait eu chez les Païens de vrais ora-
cles, rendus par les démons avec la permission de Dieu, était encore
générale parmi les croyants à cette époque; Fontenelle a l'honneur,
par son Histoire des Oracles, de l'avoir fait abandonner.
« Quels miracles dit- il lui-même avoir faits ! » On lit dans le Coran,
au chapitre du Voyage de nuit (xvn) : « La plus grande partie du peuple
s'éloigne de la vérité et dit : Nous ne te croirons pas, que tu ne nous
fasses sortir des fontaines de dessous la terre, et que tu ne fasses en ce
lieu un jardin orné de palmiers et de vignes, avec des ruisseaux qui
coulent au milieu, ou que nous ne voyions descendre du ciel une par-
tie des peines que tu nous prêches : nous ne te croirons pas que Dieu
et les Anges ne te viennent secourir, que ta maison ne soit de fin or,
et que nous ne voyions le livre de vérité envoyé du ciel... Dis leur
[c'est Dieu qui parle au prophète] : Loué soit mon Seigneur ! Suis-je
autre chose qu'un homme envoyé de sa part? » Et plus haut (c'est tou-
jours Dieu qui parle) : « Rien ne nous a empêché de faire paraître les
miracles que désirent voir les habitants de la Mecque, que le mépris
que leurs prédécesseurs en ont eu. » Traduction de Du Ryer, 1647. —
h. 4
46 PENSÉES DE PASCAL
Mahomet ne dit donc pas lui-même avoir fait des miracles, mais les
siens n'ont pas manqué de lui en attribuer. Voir Grotius, de Verit.
relig. VI, 5. — Le complément de la pensée de Pascal est que Moïse,
au contraire, s'est attribué à lui-même des miracles, puisque le Penta-
teuque lui en attribue, et que Pascal ne met pas en doute que le Pen-
tateuque n'ait été écrit par Moïse.
Quant à Jésus, ce sont ses disciples qui racontent ses miracles
dans les Évangiles, mais ils le représentent comme les avouant lui-
même et faisant profession d'une puissance supérieure. Matth. xi, 4, etc.
« Quelle morale ! » Voir Grotius, VI, 8. — Le mahométisme pèche
contre la morale en autorisant le divorce, la polygamie, et l'esprit de
guerre et d'extermination. Tout cela se trouve aussi chez les Juifs, et
semble consacré par leur religion. Mais Pascal va nous dire ce qu'il
pense de la religion juive. Ces points graves mis à part, la morale du
Coran est d'ailleurs charitable, pure et sévère.
Port- Royal a supprimé ce qui suit, ne voulant pas sans doute avouer
cette étrange pensée, que la morale de la Bible, prise à la lettre, est
ridicule.
Fragment 8. — « De deux personnes qui disent de sots contes. »
Port-Royal met, des choses qui paraissent basses, « L'un qui a double
sens, entendu dans la cabale. » Port-Royal, entendu par ceux qui le
suivent. On comprend que ces deux personnages, c'est Mahomet et
l'Esprit saint ; ces sots contes apparents, c'est le Coran et la Bible. Il
faut être dans la cabale pour les entendre. C'est mystère ou sottise (il
dit ailleurs, figure ou sottise, xvi, 16, à la fin) ; mais dans la Bible c'est
mystère, c'est sottise dans le Coran. Hasardeux parallèle, dont Port-
Royal ne pouvait trop atténuer les expressions. Le monde n'aurait pu
porter la pensée toute nue, telle qu'elle sortait de cette tête géométri-
que et ardente, amoureuse des chiffres (xvi, 7) et des curiosités.
De même, dans cette phrase du fragm. 9 : « Je veux qu'il y ait des
obscurités qui soient aussi bizarres que celles de Mahomet », Port-
Royal supprime les mots soulignés.
Fragment 9 bis. — a Car il est cité de plusieurs auteurs de siècle en
siècle. » Le plus ancien de ces témoignages est celui de Papias, qui
ne nous est pas arrivé directement, mais qui est allégué dans Y Histoire
ecclésiastique d'Eusèbe, III, 36. Ce n'est pas ici le lieu de discuter ce
passage.
Fragment 10 bis. — « Les apôtres en ordonnant de lire. » Malgré la
recommandation de Pau) à Timothée, l'esprit de l'Eglise catholique
ARTICLE XX 47
est plutôt do défendre de lire , et Montaigne l'approuve (I, 56, t. n.
p. 285). — Nous avons une Lettre de Fénelon à levèque d'Arras sur
la lecture de V Écriture sainte en langue vulgaire. Il examine s'il est à
propos d'autoriser les laïques à lire l'Ecriture, et il se prononce néga-
tivement. Il va jusqu'à dire : « Il faut avouer que, si un livre de piété,
tel que l'Imitation de Jèsus-Ghrist, ou le Combat spirituel, ou le Guide
des pécheurs, contenait la centième partie des difficultés qu'on trouve
dans l'Ecriture, vous croiriez en devoir défendre la lecture dans votre
diocèse. » Mais répandre et faire lire l'Ecriture est un besoin pour
toute secte indépendante, et tout Port-Royal en soutenait le droit et
le devoir. Cf. Sainte-Beuve, Port-Royal, lre édit. t. n, p. 348.
ARTICLE X:£
1.
Dieu a voulu racheter les hommes, et ouvrir le salut à ceux
qui le chercheraient. Mais les hommes s'en rendent si indignes,
qu'il est juste que Dieu refuse à quelques-uns, à cause de leur
endurcissement, ce qu'il accorde aux autres par une miséri-
corde qui ne leur est pas due. S'il eût voulu surmonter l'obsti-
nation des plus endurcis, il l'eût pu, en se découvrant si ma-
nifestement à eux, qu'ils n'eussent pu douter de la vérité de
son essence; comme il paraîtra au dernier jour, avec un tel
éclat de foudres, et un tel renversement de la nature, que les
morts ressusciteront, et les plus aveugles le verront.
Ce n'est pas en cette sorte qu'il a voulu paraître dans son avè-
nement de douceur ; parce que tant d'hommes se rendant in-
dignes de sa clémence, il a voulu les laisser dans la privation
du bien qu'ils ne veulent pas. Il n'était donc pas juste qu'il
parût d'une manière manifestement divine, et absolument ca-
pable de convaincre tous les hommes ; mais il n'était pas juste
aussi qu'il vînt d'une manière si cachée, qu'il ne pût être re-
connu de ceux qui le chercheraient sincèrement. Il a voulu se ^
rendre parfaitement connaissable à ceux-là; et ainsi, voulan
paraître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur cœur,
et caché à ceux qui le fuient de tout leur cœur, il tempère sa
4$ PENSÉES DE PASCAL
connaissance, en sorte qu'il a donné des marques de soi visi-
bles à ceux qui le cherchent et non à ceux qui ne le cherchent
pas. Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que
de voir et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition
contraire. Il y a assez de clarté pour éclairer les élus et assez
d'obscurité pour les humilier. Il y a assez d'obscurité pour
aveugler les réprouvés et assez de clarté pour les con-
damner et les rendre inexcusables. (Saint Augustin, Montai-
gne, Sebonde '.)
2.
Si le monde subsistait pour instruire l'homme de Dieu, sa
divinité reluirait de toutes parts d'une manière incontestable ;
mais, comme il ne subsiste que par Jésus-Christ et pour Jésus-
Christ, et pour instruire les hommes et de leur corruption et
de leur rédemption, tout y éclate des preuves de ces deux vé-
rités. Ce qui y paraît ne marque ni une exclusion totale, ni
une présence manifeste de divinité, mais la présence d'un
Dieu qui se cache : tout porte ce caractère.
S'il n'avait jamais rien paru de Dieu, cette privation éternelle
serait équivoque, et pourrait aussi bien se rappoiter à l'ab-
sence de toute divinité, ou à l'indignité où seraient les hom-
mes de la connaître. Mais de ce qu'il paraît quelquefois, et non
pas toujours, cela ôte l'équivoque. S'il paraît une fois, il est
toujours; et ainsi on n'en peut conclure, sinon qu'il y a un
Dieu, et que les hommes en sont indignes.
3.
Dieu veut plus disposer la volonté que l'esprit. La clarté
parfaite servirait à l'esprit et nuirait à la volonté. Abaisser la
superbe.
3 bis.
S'il n'y avait point d'obscurité, l'homme ne sentirait point
sa corruption; s'il n'y avait point de lumière, l'homme n'espé-
rerait point de remède. Ainsi, il est non seulement juste, mais
1 . Je pense que Pascal renvoie à ce passage de Montaigne dans l'Apologie de Sebonde
(p. 231) : « Ce sainct m'a faict grand plaisir : Ipsa veritatis occultatio aut humilitatis
exercitatio est, aut elationis attritio [Aug. de Civ. Dei, XI, 22]. • Montaigne dit
tncore (p. 120) : « Melius seilur Deus nesciendo, dict sainct Augustin [de Ordine, il, 16]. •
ARTICLE XX 49
utile pour nous, que Dieu soit caché en partie, et découvert en
partie, puisqu'il est également dangereux à l'homme de con-
naître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa mi-
sère sans connaître Dieu.
4.
... Il est donc vrai que tout instruit l'homme de sa condi-
tion, mais il le faut bien entendre : car il n'est pas vrai que
tout découvre Dieu, et il n'est pas vrai que tout cache Dieu.
Mais il est vrai tout ensemble qu'il se cache à ceux qui le ten-
tent, et qu'il se découvre à ceux qui le cherchent, parce que
les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu, et capables
de Dieu ; indignes par leur corruption, capables par leur pre-
mière nature.
5.
Il n'y a rien sur la terre qui ne montre, ou la misère de
l'homme, ou la miséricorde de Dieu; ou l'impuissance de
l'homme sans Dieu, ou la puissance de l'homme avec Dieu.
5 bis,
... Ainsi, tout l'univers apprend à l'homme, ou qu'il est cor-
rompu, ou qu'il est racheté; tout lui apprend sa grandeur
ou sa misère. L'abandon de Dieu paraît dans les Païens ; la
protection de Dieu paraît dans les Juifs.
6.
Tout tourne en bien pour les élus, jusqu'aux obscurités de
l'Écriture , car ils les honorent, à cause des clartés divines ; et
tout tourne en mal pour les autres, jusqu'aux clartés; car ils
les blasphèment, à cause des obscurités qu'ils n'entendent pas.
7.
Si Jésus-Christ n'était venu que pour sanctifier, toute l'Écri-
ture et toutes choses y tendraient, et il serait bien aisé de con-
vaincre les infidèles. Si Jésus-Christ n'était venu que pour aveu-
gler, toute sa conduite serait confuse, et nous n'aurions aucun
moyen de convaincre les infidèles. Mais comme il est venu in
sanctificationem et in scandalum, comme dit Isaïe1, nous ne pou-
I. It. vin, 14. Ce ne sont pas tout à fait les mots du texte.
50 PENSÉES DE PASCAL
vons convaincre les infidèles, et ils ne peuvent nous con-
vaincre ; mais, par là même, nous les convainquons, puisque
nous disons qu'il n'y a point de conviction dans toute sa con-
duite de part ni d'autre.
8.
Jésus-Christ est venu aveugler ceux qui voyaient clair, et
donner la vue aux aveugles ; guérir les malades et laisser mou-
rir les sains; appeler à la pénitence et justifier les pécheurs, et
laisser les justes dans leurs péchés ; remplir les indigents, et
laisser les riches vides.
9.
Que disent les prophètes de Jésus-Christ? Qu'il sera évi-
demment Dieu? Non : mais qu'il est un Dieu véritablement
caché; qu'il sera méconnu; qu'on ne pensera point que ce
soit lui ; qu'il sera une pierre d'achoppement, à laquelle plu-
sieurs heurteront, etc. Qu'on ne nous reproche donc plus le
manque de clarté, puisque nous en faisons profession.
10.
... Mais, dit-on, il y a des obscurités. — Et sans cela, on ne
serait pas aheurté à Jésus-Christ, et c'est un des desseins
formels des prophètes : Excœca... [Isaïe, vi, 10.]
11.
Dieu, pour rendre le Messie connaissable aux bons et mé-
connaissable aux méchants, l'a fait prédire en cette sorte. Si la
manière du Messie eût été prédite clairement, il n'y eût point
eu d'obscurité, même pour les méchants. Si le temps eût été pré-
dit obscurément, il y eût eu obscurité, même pour les bons; car
la bonté de leur cœur ne leur eût pas fait entendre que, par
exemple, le mem fermé signifie six cents ans. Mais le temps a
été prédit clairement, et la manière en figures '•
Par ce moyen, les méchants, prenant les biens promis pou?
matériels, s'égarent malgré le temps prédit clairement, et les
bons ne s'égarent pas; car l'intelligence des biens promis
dépend du cœur, qui appelle bien ce qu'il aime ; mais l'intelli-
I. Sur le mem, voyez le fragment 12 de l'article xvi.
ARTICLE XX 51
gence du temps promis ne dépend point du cœur; et ainsi la
prédiction claire du temps, et obscure des biens, ne déçoit que
les seuls méchants.
12.
Gomment fallait-il que fût le Messie, puisque par lui le scep-
tre devait être éternellement en Juda, et qu'à son arrivée le
sceptre devait être ôté de Juda?
... Pour faire qu'en voyant ils ne voient point, et qu'en en-
tendant ils n'entendent point, rien ne pouvait être mieux fait.
13.
La généalogie de Jésus-Christ dans l'ancien Testament est
mêlée parmi tant d'autres inutiles, qu'elle ne peut être dis-
cernée. Si Moïse n'eût tenu registre que des ancêtres de Jésus-
Christ, cela eût été trop visible. S'il n'eût pas marqué celle de
Jésus-Christ, cela n'eût pas été assez visible. Mais, après tout,
qui y regarde de près voit celle de Jésus-Christ bien dis-
cernée par Thamar, Ruth, etc *.
14.
... Mais que l'on connaisse la vérité de la religion dans l'ob-
scurité même de la religion, dans le peu de lumière que nous
en avons, dans l'indifférence que nous avons de la connaître.
15.
Jésus-Christ ne dit pas qu'il n'est pas de Nazareth, pour
laisser les méchants dans l'aveuglement, ni qu'il n'est pas fils
de Joseph.
16.
Comme Jésus-Christ est demeuré inconnu parmi lea hom-
mes, ainsi sa vérité demeure parmi les opinions communes,
sans différence à l'extérieur3 : ainsi l'Eucharistie parmi le pain
commun.
17.
Que si la miséricorde de Dieu est si grande, qu'il nous instruit
salutai rement, même lorsqu'il se cache, quelle lumière n'en
devons nous pas attendre lorsqu'il se découvre 8 ?
I. Voir la Genèse, xxxvm, 29, et Ruth, iv, 17-22.
i. Cette vérité est sans doute le jansénisme.
3. Comme il a fait à Port-Royal ©ar le miracle de la sainte Epine.
52 PENSÉES DE PASCAL
18.
Obj. Visiblement l'Écriture pleine de choses non dictées du
Saint-Esprit. — R. Elles ne nuisent donc point à la foi. — Ob.
Mais l'Église a décidé que tout est du Saint-Esprit. — R. Je ré-
ponds deux choses ; 1, que l'Église n'a pas décidé cela; l'autre,
que quand elle l'aurait décidé, cela se pourrait soutenir.
Les prophéties citées dans l'Évangile, vous croyez qu'elles
sont rapportées pour vous faire croire. Non; c'est pour vous
éloigner de croire.
19.
On n'entend rien aux ouvrages de Dieu, si on ne prend pour
principe qu'il a voulu aveugler les uns et éclairer les autres.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XX
Tous les fragments compris dans cet article peuvent se résumer en
celui-ci, qui est le dernier. «On n'entend rien aux ouvrages de Dieu, si
on ne prend pour principe qu'il a voulu aveugler les uns et éclairer
les autres. » C'est là, en effet, comme je l'ai montré dans l'Étude sut-
les Pensées, la clef de l'argumentation de Pascal. Port-Royal a ims, qu'il
aveugle les uns et éclaire les autres, correction timide et peu franche,
car si Dieu l'a fait, c'est sans doute qu'il Ta voulu.
Pascal lui-même renvoie (Frag. 10) à un passage d'Isaïe, où cette idée*
peut être saisie comme à sa source. Je le citerai tout entier : « Et
j'entendis la voix du Seigneur disant : Quienverrai-je?et qui est-ce qui
ira de ma part? Et je dis, Me voici, envoie-moi. Et il dit, Va, et tu
diras à ce peuple : Ecoutez pour n'entendre point, et voyez pour ne
reconnaître point. Aveugle l'esprit de ce peuple, bouche ses oreilles et
ferme ses yeux ; il ne faut pas que ses yeux voient, que ses oreilles
entendent, que son esprit comprenne, qu'il revienne à moi et que je
le sauve. Et je dis, Jusqu'à quand, Seigneur? Et il dit, Jusqu'à ce que
les villes soient dépeuplées d'habitants, que toute maison soit vide et
toute terre dévastée Et ce qui reste reviendra à moi, et repoussera
comme le térébinthe et comme le chêne. »
Ce n'est-là, comme on voit, qu'un mouvement lyrique, l'impatience
d'un prophète qui pousse jusqu'à l'excès sa mordante hyperbole, qui dit :
Vous ne croirez pas avant que le malheur soit venu, et avec le malheur
le repentir. Mais ce qu'il disait aux Juifs avec un zèle plein d'amour
REMARQUES SUR L'ARTICLE XX 53
sous l'&preté du langage, leur fut répété dans une pensée d'amertume
et de hnine parles premiers chrétiens qui se détachaient du judaïsme et
que le judaïsme persécutait. Quels aveugles que ceux qui avaient tué
le Christ ! Et s'ils l'avaient tué en vertu de la Loi et de la parole de Dieu,
n'était-ce pas que Dieu avait voulu les perdre par cette Loi môme mal
comprise, qui devenait leur condamnation? Voyez Marc, iv, 11 ;
Jean, xii, 40, et surtout Paul, II Cor. iv, 4; Rom., xi, 8, etc. C'est
Paul qui a transformé en un dogme théologique un cri de colère. Les
calvinistes et les jansénistes ont adopté ce dogme avec passion, pour le
tourner contre l'Église régnante, qu'il regardaient comme la synago-
gue de leur temps. Pascal lui-même l'avait déjà développé dans la
quatrième Provinciale. Parmi les Pensées diverses de Nicole, on en
trouve une, la trente-septième, où la doctrine du Deus absconditus est
résumée dans un style digne de Pascal par la fermeté et la précision,
et inspirée sans doute du souvenir de ses entretiens : « Dieu cache sa
vérité. — Dieu a caché la connaissance de l'immortalité de notre âme
dans la ressemblance de la naissance et de la mort des animaux : Idem
interitus hominis et jumentorum : L'homme paraît et il disparaît dans
le monde comme les chevaux. Il a caché la véritable religion dans la
multitude des fausses religions, les véritables prophéties dans la mul-
titude des fausses prophéties, les véritables miracles dans la multitude
des faux miracles, la véritable piété dans la multitude des fausses pié-
tés, la voie du ciel dans la multitude des voies qui conduisent en
enfer. »
Enfin, Louis Racine s'écriait, dans la poëme janséniste de la Reli-
gion :
Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire.
D'un autre côté, voici comment Saurin parlait dans la chaire pro-
testante :
« C'est que le Saint-Esprit se retire; c'est qu'il cesse de frapper à la
porte de nos cœurs, c'est qu'il nous abandonne à nous-mêmes quand
nous persistons à lui résister. Ce sont là ces consciences cautérisées ; ce
sont ces esprits fascinés, ce sont ces hommes livrés h un esprit dépourvu
dépens ; ce sont ces cœurs engraissés ; ce sont ces yeux qui voient et qui
n'aperçoivent point, ces intelligences qui entendent et qui ne compren-
nent point, selon le style de l'Écriture. Et si les raisonnements que nous
avons pressés dans nos discours précédents ont été incapables de vous
convaincre, ne nous contestez pas du moins ce que vous voyez tous les
jours, et qui se passe sous vos yeux. Après cela, prédicateurs, éton-
nez-vous si vos raisonnements, si vos preuves, si vos démonstrations,
si vos exhortations, si vos instances les plus pathétiques et les plus
54 PENSÉES DE PASCAL
tendres ont souvent si peu de succès. Dieu combat lui-même contre
vous. Vous démontrez, et Dieu aveugle les yeux; vous exhortez,
et Dieu endurcit le cœur; et cet Esprit, cet Esprit qui, par sa puissance
victorieuse, travaille avec nous pour illuminer les simples, et pour faire
entendre son secret h ceux qui le craignent, cet Esprit, par une puissance
vengeresse, affermit les autres dans leur insensibilité volontaire. »
Et il parlait comme avait parlé Calvin dans son Institution chrétienne :
Ecce vocem ad eos dirigit, sed utmagis obsurdescant; lumen accendit, sed
ut reddanlur cœciores ; doctrinam profert, sed qua magis obstupescant ;
remedium adhibet, sed ne sanentur, III, 24, n° 13, cité par M. Audin
dans sa Vie de Calvin. C'est avec ces pensées qu'on arrive à être sans
pitié pour ceux qui se trompent ; on ne les condamne qu'à la suite de
Dieu.
Pascal en était venu à écrire ces paroles, que MM. de Port-Royal
ont supprimées dans leur édition :
« Les prophéties citées dans l'Évangile, vous croyez qu'elles sont
rapportées pour vous faire croire. Non, c'est pour vous éloigner de
croire » {fragment 18).
Il est difficile, dit M. Faugère, de comprendre le sens de cette réflexion
de Pascal. Je crois que cela est devenu facile ; Pascal devait nécessai-
rement aller jusque là. Et Fénelon lui-même, d'ailleurs si peu sym-
pathique au jansénisme, est-il donc si loin de Pascal, quand il dit, dans
sa Lettre à l'évêque d'Arras : « L'Écriture est comme Jésus-Christ,
qui a été établi pour la chute et pour la résurrection de la multitude
[Luc, II, 34]... La même parole est un pain qui nourrit les uns, et
un glaive qui perce les autres... Dieu a tellement tempéré la lumière
et les ombres dans sa parole, que ceux qui sont humbles et dociles n'y
trouvent que vérité et consolation, et que ceux qui sont indociles et pré-
somptueux n'y trouvent qu'erreur et incrédulité. » Seulement il ne
croyait pas qu'on fût du nombre des humbles et des croyants en vertu
de la grâce nécessitante des jansénistes (voir la même Lettre). Nul n'a
eu plus d'antipathie pour le jansénisme que Fénelon.
On trouvera ailleurs un fragment (xxm, 18), où Pascal semble
avoir voulu conjurer le péril d'une pareille doctrine.
Fragment 1. — « Dieu refuse à quelques-uns, à cause de leur
endurcissement, etc. » Il semble que Pascal, épouvanté lui-même du
mystère qu'il annonce, cherche à l'atténuer en réduisant, au moins
dans l'expression, le nombre de ceux à qui Dieu s'est refusé. Le jan-
sénisme est plus franc dans ce passage de Saint-Cyran : a Quand je
considère que les Chrétiens ne sont, pour parler ainsi, qu'une poignée
REMARQUES si'R I, 'ARTICLE XX 55
de gens, en comparaison des autres hommes répandus dans toutes les
nations du monde, et dont il se perd un nombre infini hors de l'Église;
et que dans ce peu d'hommes qui sont entrés, par une vocation
de Dieu, dans sa maison pour y faire leur salut, il y en a peu qui se
sauvent, etc. » (Cité par M. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. III, p. 290,
1™ édition.)
■ S'il eût voulu surmonter l'obstination des plus endurcis, il l'eût
pu en se découvrant si manifestement à eux, qu'ils n'eussent pu douter
delà vérité de son essence. » Port-Royal met, de son existence. Ce n'est
pas cela. Il ne s'agit pas de l'existence de Dieu en général, mais de
l'avènement de Dieu chez les Juifs en la personne de Jésus- Christ (voir
plus bas). Or les Juifs ne méconnaissaient pas l'existence de Jésus-
Christ, mais son essence ; ils ne niaient pas qu'il fût, mais qu'il fût Dieu.
« Il y a assez de clarté pour éclairer les élus, et assez d'obscurité
pour les humilier. »
Voilà bien l'impression que devait ressentir cet esprit avide de clarté,
enveloppé de ces ténèbres.
Fragment 7. — «Puisque nous disons qu'il n'y a point de conviction
dans toute sa conduite de part ni d'autre. » Port-Royal n'a pas voulu
dire cela, et a mis : « qu'il n'y a point de conviction pour les esprits
opiniâtres, et qui ne cherchent pas sincèrement la vérité. »
Fragment 13. — Les passages de la Bible indiquées dans ce frag-
ment ne contiennent que la généalogie de David, mais, aux yeux de
Pascal, c'est la même que celle de Jésus-Christ.
Fragment 15. — « Jésus-Christ ne dit pas qu'il n'est pas de Na-
zareth. » La famille de Jésus était de Nazareth, et lui-même y avait
toujours vécu ; les Evangiles même appellent Nazareth sa patrie
{Matth. xiii, 54, etc.). Mais on croyait que le Messie devait naître à
Bethléem ; on voulut donc que Jésus y fût né en effet. (Voir les re-
marques sur le fragment 14 de l'article xvm).
Cependant quand les Juifs l'appellent Jésus de Nazareth, il ne les
contredit pas : Dixit eis, Quem quœritis? Responderunt ei, Jesum
Nazarenum. Dixit eis Jésus, Ego sum : « Il leur dit : Qui cherchez-
vous? Ils répondirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C'est
moi. » Jean, xvm, 4, et vu, 40.
« Ni qu'il n'est pas fils de Joseph. » Matthieu, ibidem : Nonne hic
est fabri filius? Nonne mater ejus dicitur Maria?... et scandalizabantur
in eo. Jésus autem dixit eis : Non estpropheta sine honore nisi in pa-
56 PENSÉES DE PASCAL
tria sua : « N'est-ce pas le fils du charpentier? Sa mère ne s'appelle-
t-elle pas Marie? Et il leur était un objet de scandale. Jésus leur dit :
Un prophète n'est nulle part si peu en honneur que dans sa patrie. »
Or, on croyait que le Messie devait être le fils d'une vierge. (Matth., i,
22, etc.) Jésus laissait donc les Juifs dans l'aveuglement, en laissant
dire de lui ce qui ne pouvait être dit du Messie.
ARTICLE XXI
La religion des Juifs semblait consister essentiellement en la
paternité d'Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cé-
rémonies, en l'arche, au temple, en Hiérusalem, et enfin en la
Loi et en l'Alliance de Moïse.
Je dis qu'elle ne consistait en aucune de ces choses, mais
seulement en l'amour de Dieu, et que Dieu réprouvait toutes
les autres choses.
Que Dieu n'acceptait pas la postérité d'Abraham1.
Que les Juifs seront punis de Dieu comme les étrangers,
s'ils l'offensent. Deut. vin, 19 : « Si vous oubliez Dieu, et que
vous suiviez des dieux étrangers, je vous prédis que vous
périrez de la même manière que les nations que Dieu a exter-
minées devant vous. »
Que les étrangers seront reçus de Dieu comme les Juifs,
s'ils l'aiment. Is. lvi, 3 : « Que l'étranger ne dise pas : Le Sei-
gneur ne me recevra pas. Les étrangers qui s'attachent à Dieu
seront pour le servir et l'aimer : je les mènerai en ma sainte
montagne, et recevrai d'eux des sacrifices; car ma maison
est la maison d'oraison. »
Que les vrais Juifs ne considéraient leur mérite que de Dieu,
et non d'Abraham. Is. lxiii, 16 : a Vous êtes véritablement
notre père, et Abraham ne nous a pas connus, et Israël n'a
pas eu de connaissance de nous; mais c'est vous qui êtes
notre père et notre rédempteur. »
i. C'est-à-dire, qu'il n'en faisait point acception.
ARTICLE XXI 57
Moïse même leur a dit que Dieu n'accepterait pas les per-
sonnes. Deut. x, 17 : Dieu, dit-il, « n'accepte pas les person-
nes, ni les sacrifices. (Le sabbat n'était qu'un signe, Ex. xxxi,
13, et en mémoire de la sortie d'Egypte, Deut. v, 15. Donc il
n'est plus nécessaire, puisqu'il faut oublier l'Egypte. La cir-
concision n'était qu'un signe, Gen. xvn, 11. Et de là vient
qu'étant dans le désert ils ne furent pas circoncis, parce qu'ils
ne pouvaient se confondre avec les autres peuples. Et qu'après
que Jésus-Christ est venu, elle n'est plus nécessaire.)
Que la circoncision du cœur est ordonnée. Deut. x, 16; Jé-
rém. iv, 1 : « Soyez circoncis de cœur, retranchez les super-
fluités de votre cœur, et ne vous endurcissez plus ; car votre
Dieu est un Dieu grand, puissant et terrible, qui n'accepte pas
les personnes. »
Que Dieu dit qu'il le ferait un jour. Deut. xxx, 6 : « Dieu
te circoncira le cœur, et à tes enfants, afin que tu l'aimes de
tout ton cœur. »
Que les incirconcis de cœur seront jugés. Jér. ix, 26. Car
Dieu jugera les peuples incirconcis, et tout le peuple d'Israël,
parce qu'il est « incirconcis de cœur. »
Que l'extérieur ne sert à rien sans l'intérieur. Joël, n, 13 :
Scindite corda vestra i, etc. Is. lviii, 3, 4, etc.
L'amour de Dieu est recommandé en tout le Deutéronome,
Deut. xxx, 19 : « Je prends à témoin le ciel et la terre que j'ai
mis devant vous la mort et la vie, afin que vous choisissiez
la vie, et que vous aimiez Dieu et que vous lui obéissiez; car
c'est Dieu qui est votre vie. »
Que les Juifs, manque de cet amour, seraient réprouvés pour
leurs crimes, et les Païens élus en leur place. Os. i [10]. Deut.
zxxii, 20 : a Je me cacherai d'eux, dans la vue de leurs derniers
crimes : car c'est une nation méchante et infidèle. Ils m'ont
provoqué à courroux par les choses qui ne sont point des
dieux ; et je les provoquerai à jalousie par un peuple qui
n'est pas mon peuple, et par une nation sans science et sans
intelligence. » Is. lxv [1] *
1. • Déchires vos cœurs, et non vos vêtements. •
1. Le passage d'Osée (i, 10) est cité par Paul (Rom. a, 25), de même que le verset
d'isaïe cité à la fin. (Rom., x, 20.) Le passage traduit est celui du Deutéronome, cité
aussi par Paul (Rom. x, 19).
58 PENSÉES DE PASCAL
Que les biens temporels sont taux, et que le vrai bien est d'ê-
tre uni à Dieu. Ps. gxliii, 15.
Que leurs fêtes déplaisent à Dieu. Amos, v, 21.
Que les sacrifices des Juifs déplaisent à Dieu. /*. lxvi [1-3];
j, H1. Jérém. vi, 20. David, Miserere [18] *. — Même de la
part des bons, Exspectavi*. Ps. xlix, 8-14. Qu'il ne les a éta-
blis que pour leur dureté. Michée, admirablement, vi [6-8] 4. J.
R. B xv, 22 ; Osée, vi, 6.
Que les sacrifices des Païens seront reçus de Dieu, et que
Dieu retirera sa volonté des sacrifices des Juifs. Malach. i, 11.
Que Dieu fera une nouvelle alliance par le Messie, et que
l'ancienne sera rejetée. Jérém. xxxi, 31. Mandata non bona.
Ezéch. [xx, 25.]
Que les anciennes choses seront oubliées. Is. xliii, 18, 19;
lxv, 17, 18.
Qu'on ne se souviendra plus de l'arche. Jérém. m, 15, 16.
Que le temple serait rejeté. Jér. vu, 12-14.
Que les sacrifices seraient rejetés, et d'autres sacrifices purs
établis. Malach. i, 11.
Que l'ordre de la sacrificature d'Aaron sera réprouvé, et
celle de Melchisédech introduite par le Messie. Dixit Do-
minus 6.
Que cette sacrificature serait éternelle. Ibid.
Que Hiérusalem serait réprouvée , et Rome admise. Que
i. Le second passage d'Isaïe est celui dont s'est inspiré Racine : Quo mihi multUu-
dinem victimarum vestrarum ? dicit Dominus, etc.
Quel fruit me revient-il de tous vos sacrifices?
Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses?
2. Cest-à-dire, David, dans le psaume qu'on appelle Miserere, parce qu'il commence
par ce mot. C'est le psaume l, l'un des sept psaumes de la pénitence.
3. Ce mot désigne le Ps. xxxix. commençant par ceE mots : Exspectans exspectavi.
4. « Qu'ofirirai-je au Seigneur qui soit digne de lui? Lui offrirai-je des holocaustes, et
le veau d'un an? Le Seigneur sera-t-il donc apaisé par tous les béliers de la terre,
par des milliers de boucs engraissés? Donnerai-je mon premier né pour l'expiation de
mon crime? le fruit de mes entrailles pour le péché que j'ai commis? 0 homme , je
vais te dire ce qu'il y a à faire et ce que le Seigneur demande de toi : c'est de prati-
quer la justice, d'aimer la miséricorde et de marcher avec zèle dans la voie où est ton
Dieu. » On comprend l'admiration de Pascal pour ce passage si peu juif et si chré-
tien. Toute cette argumentation sur les sacrifices se trouve dans Grotius, de Veritata
relig. V, 3.
5. C'est-à-dire, premier livre des Rois.
6. Ce sont les premiers mots du psaume cix. Pascal a dans la pensée le verset 4 de ce
psaume : Tu es sacerdos in œternum secundum ordinem Melchisédech.
ARTICLE XXII 59
le nom des Juifs serait réprouvé, et un nouveau nom donné.
ls ., LXV, 15.
Que ce dernier nom serait meilleur que celui de Juifs, et
éternel. Is., lvi, 5.
Que les Juifs devaient être sans prophètes (Amos), sans roi,
sans princes, sans sacrifice, sans idole.
Que les Juifs subsisteraient toujours néanmoins en peuple.
Jérém. xxxi, 36 â.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXI.
« ls. lvi, 3 : Que l'étranger ne dise pas : « Le Seigneur ne me recevra
pas. » Port-Royal a retranché cette citation, probablement parce qu'il
n'est parlé dans ce passage que des étrangers qui suivront la loi juive :
qui custodierint sabbata mea et tenuerint fœdus meum ; et non de ceux
qui seront les chrétiens.
« Que vous aimiez Dieu et que vous lui obéissiez, car c'est Dieu qui
est votre vie. » Pascal ne traduit pas la fin du verset, où les promesses
temporelles reparaissent : Ipse est enim vita tua, et longitudo dierurn
tuorum, ut habites in terra pro qua juravit Dominus patribus tuis,
Abraham, Isaac et Jacob, ut daret eam Mis : « Afin que tu habites la
terre que le Seigneur a promise par serment à tes pères, Abraham,
Isaac et Jacob. »
« Que les sacrifices des Juifs déplaisent à Dieu... Même de lapart des
bons. Exspectans. Ps. xlix, 8-14. » Dans le psaume Exspectans, voir
le verset : Sacrificium etoblationemnoluisti. G' est le prophète qui parle
de ses propres offrandes; Dieu ne veut donc pas des sacrifices, même
des bons. Quant au Ps. xlix, Port- Royal fait remarquer que Dieu y
parle de même, avant que d'adresser son discours aux méchants par ces
paroles, Peccatori autem dixit Deus. Il est facile néanmoins de voir
uue ces passages n'impliquent en aucune façon le désaveu de la loi
juive, malgré toutes les subtilités de Pascal et de Port-Royal.
1 . En titre dans l'autographe. Pour montrer que les vrais Juifs et les vrais Chrétiens
%'ont qu'une même religion.
60 PENSÉES DE PASCAL
ARTICLE XXII
1.
Première partie : Misère de l'homme sans Dieu.
Seconde partie : Félicité de l'homme avec Dieu.
Autrement. Première partie : Que la nature est corrompue.
Par la nature même.
Seconde partie : Qu'il y a un réparateur. Par l'Écriture1.
2.
Préface de la seconde partie : Parler de ceux qui ont traité
de cette matière 2.
J'admire avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent
de parler de Dieu, en adressant leurs discours aux impies.
Leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvra-
ges de la nature.
Je ne m'étonnerais pas de leur entreprise s'ils adressaient
leurs discours aux fidèles, car il est certain [que ceux] qui ont
la foi vive dedans le cœur voient incontinent que tout ce qui
est n'est autre chose que l'ouvrage du Dieu qu'ils adorent. Mais
pour ceux en qui cette lumière s'est éteinte et dans lesquels
on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi
et de grâce, qui, recherchant de toute leur lumière tout ce
qu'ils voient dans la nature qui les peut mènera cette connais-
sance, ne trouvent qu'obscurité et ténèbres : dire à ceux-là
qu'ils n'ont qu'à voir la moindre des choses qui les environ-
nent, et qu'ils y verront Dieu à découvert, et leur donner,
pour toute preuve de ce grand et important sujet, le cours C>
la lune et des planètes 3, et prétendre avoir achevé sa preuve
avec un tel discours, c'est leur donner sujet de croire que les
preuves de notre religion sont bien faibles, et je vois par rai-
1. • Parla nnture même, » c'est-à-dire, cela prouvé par la nature même. De même
par l'Écriture, c'est-à-dire, cela prouvé par l'Ecriture.
2. C'est ainsi que la préface de la première partie, sur la nature humaine (vi, 33),
commence par ces mots : Parler de ceux qui ont traité de la connaissance de soi-même.
3. Comme fait Grotius, de Veril. relig. christ. I, 7.
ARTICLE XXIT 61
son et par expérience que rien n'est plus propre à leur en faire
naître le mépris.
Ce n'est pas de cette sorte que l'Écriture, qui connaît mieux
les choses qui sont de Dieu, en parle. Elle dit au contraire que
Dieu est un Dieu caché; et que, depuis la corruption de la
nature, il lésa laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent
sortir que par Jésus-Christ, hors duquel toute communication
avec Dieu est ôtée : Nemo novit Patrem, nisi FUius, et cui volue-
rit Filius revelare i.
C'est ce que l'Écriture nous marque, quand elle dit en tant
d'endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent 2. Ce n'est
point de cette lumière qu'on parle, comme le jour en plein midi.
On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi,
ou de l'eau dans la mer, en trouveront; et ainsi il faut bien
que l'évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi
elle nous dit ailleurs : Vere tu es Deus absconditus.
3.
Le Dieu des chrétiens ne consiste pas en un Dieu simple-
ment auteur des vérités géométriques et de l'ordre des élé-
ments ; c'est la part des païens et des épicuriens. Il ne consiste
pas seulement en un Dieu qui exerce sa providence sur la vie
et sur les biens des hommes, pour donner une heureuse suite
d'années à ceux qui l'adorent ; c'est la portion des Juifs. Mais
le Dieu d'Abraham, le Dieu dlsaac, le Dieu de Jacob, le Dieu
des chrétiens, est un Dieu d'amour et de consolation : c'est un
Dieu qui remplit l'âme et le cœur de ceux qu'il possède : c'est
un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère, et sa
miséricorde infinie; qui s'unit au fond de leur âme; qui la
remplit d'humilité, de joie, de confiance, d'amour ; qui les rend
incapables d'autre fin que de lui-même.
4.
Le Dieu des chrétiens est un Dieu qui fait sentir à l'âme
qu'il est son unique bien ; que tout son repos est en lui, et
qu'elle n'aura de joie qu'à l'aimer; et qui lui fait en même
1. Matth. xi, 27. Le texte est, neque Pairem quis novit : « Nul ne connaît le Père que
le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, d
1 J'ai déjà cité Matthieu, vu, 7 : Quœrite et invenietis. Cf. Luc, xi, 9, etc.
II. 5
62 PENSÉES DE PASCAL
temps abhorrer les obstacles qui la retiennent, et l'empêchent
d'aimer Dieu de toutes ses forces. L'amour-propre et la concu-
piscence, qui l'arrêtent, lui sont insupportables. Ce Dieu lui fait
sentir qu'elle a ce fond d'amour-propre qui la perd, et que lui
seul la peut guérir.
5.
La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l'or-
gueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le
désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu, parce
que nous y trouvons et Dieu et notre misère.
6.
Tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ, et qui
s'arrêtent dans la nature, ou ils ne trouvent aucune lumière
qui les satisfasse, ou ils arrivent à se former un moyen de con-
naître Dieu et de le servir sans médiateur : et par là ils tom-
bent, ou dans l'athéisme, ou dans le déisme, qui sont deux
choses que la religion chrétienne abhorre presque également.
7.
... Nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ. Sans ce
médiateur, est ôtée toute communication avec Dieu ; par Jésus-
Christ, nous connaissons Dieu. Tous ceux qui ont prétendu
connaître Dieu et le prouver sans Jésus-Christ n'avaient que
des preuves impuissantes. Mais, pour prouver Jésus-Christ,
nous avons les prophéties, qui sont des preuves solides et pal-
pables. Et ces prophéties, étant accomplies, et prouvées véri-
tables par l'événement, marquent la certitude de ces vérités,
et partant la preuve de la divinité de Jésus-Christ. En lui et
par lui nous connaissons donc Dieu. Hors de là et sans l'Écri-
ture, sans le péché originel, sans médiateur nécessaire promis
et arrivé, on ne peut prouver absolument Dieu, ni enseigner
une bonne doctrine ni une bonne morale. Mais par Jésus-
Christ et en Jésus-Christ, on prouve Dieu, et on enseigne la
morale et la doctrine. Jésus-Christ est donc le véritable Dieu
des hommes.
Mais nous connaissons en même temps notre misère, car ce
Dieu n'est autre chose que lé réparateur de notre misère.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXII 63
Ainsi nous ne pouvons bien connaître Dieu qu'en connaissant
nos iniquités.
Aussi ceux qui ont connu Dieu sans connaître leur misère
ne l'ont pas glorifié, mais s'en sont glorifiés. Quia non cognovit
per sapientiam, placuit Deo per stultitiam prœdicationis salvos
facere '.
8.
Non-seulement nous ne connaissons Dieu que par Jésus-
Christ, mais nous ne nous connaissons nous-mêmes que par
Jésus-Christ. Nous ne connaissons la vie, la mort, que par
Jésus-Christ. Hors de Jésus-Christ, nous ne savons ce que
c'est que notre vie, ni que notre mort, ni que Dieu, ni que
nous-mêmes.
Ainsi, sans l'Écriture, qui n'a que Jésus-Christ pour objet,
nous ne connaissons rien, et ne voyons qu'obscurité et confu-
sion dans la nature de Dieu et dans la propre nature.
9.
Sans Jésus-Christ, il faut que l'homme soit dans le vice et
dans la misère; avec Jésus-Christ, l'homme est exempt de
vice et de misère. En lui est toute notre vertu et toute notre
félicité. Hors de lui, il n'y a que vice, misère, erreurs, ténèbres,
mort, désespoir.
10.
Sans Jésus-Christ, le monde ne subsisterait pas ; car il fau-
drait, ou qu'il fût détruit, ou qu'il fût comme un enfer.
REMARQUES SUR L ARTICLE XXII
Fragment 2. — « J'admire avec quelle hardiesse ces personnes entre-
prennent de parler de Dieu, en adressant leurs discours aux impies.
Leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de
la nature.
I. I Cor. î, 21. Le texte est : Nam quia in Dei sapientia non cognovit mundus per sap.
Deum, pi. Deo ver stult. prœd. salv. fac. credentes. « Le monde, avec sa sagesse, ayant
méconnu Dieu dans sa sagesse divine, il a plu à Dieu de sauver par la folie de la
prédication ceux qui croiront. • J'ai cité ailleurs la traduction de ce passage par
Montaigne (notes sur x, 1). — En titre dans l'autographe, Dieu par Jésus-Christ.
64
PENSÉES DE PASCAL
» Je ne m'étonnerais pas de leur entreprise s'ils adressaient leurs dis-
cours aux fidèles, car il est certain [que ceux] qui ont la foi vive de-
dans le cœur voient incontinent que tout ce qui est n'est autre chose
que l'ouvrage du Dieu qu'ils adorent. »
L'édition de Port-Royal transforme ainsi ce commencement :
« La plupart de ceux qui entreprennent de prouver la divinité aux im-
pies commencent d'ordinaire par les ouvrages de la nature, et ils y
réussissent rarement. Je n'attaque pas la solidité de ces preuves, consa-
crées par l'Écriture sainte; elles sont conformes a la raison; mais sou-
vent elles ne sont pas assez conformes et assez proportionnées à la
disposition de l'esprit de ceux pou qui elles sont destinées. Car il faut
remarquer qu'on n'adresse pas ce discours à ceux qui ont la foi vive
dans le cœur, et qui voient incontinent que tout ce qui est n'est autre
chose que l'ouvrage du Dieu qu'ils adorent. C'est à eux que toute la
nature parle pour son auteur et que les deux annoncent la gloire de
Dieu. Mais pour ceux, etc. » Rien de plus infidèle que ces additions au
texte de Pascal. C'était bien attaquer la solidité de ces preuves que de
déclarer qu'elles ne convainquent que ceux qui sont déjà persuadés. Et
en effet il les attaque, non-seulement ici, mais dans d'autres fragments
qui appartenaient sans doute à la même préface (x, 5, 6 ; et plus loin).
Au lieu de les croire consacrées par l'Ecriture sainte, il soutenait con-
tre les philosophes que l'Écriture ne les a jamais employées. Loin de
les juger conformes a la raison, il dit plus bas qu'il voit par raison
que rien n'est plus propre à rendre la religion méprisable. Port-Royal,
sous l'influence de la philosophie de Descartes, fait parler Pascal en
cartésien.
Ce n'est pas non plus la nature qui parle de Dieu à Pascal, c'est
lui, si l'on peut s'exprimer ainsi, qui en parle à la nature, qui rapporte
la nature au Dieu qu'il trouve dans son cœur. La nature elle-même
est muette, ou tout au moins équivoque (xiv, 2, xx, 2; etc.).
« Mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte, et dans lesquels
on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi et de
grâce, qui, recherchant de toute leur lumière tout ce qu'ils voient dans la
nature qui les peut mener à cette connaissance, ne trouvent qu'obscu-
rité et ténèbres : dire à ceux-là qu'ils n'ont qu'à voir la moindre des
choses qui les environnent, et qu'ils verront Dieu à découvert, et leur
donner, pour toute preuve de ce grand et important sujet, le cours de
la lune «et des planètes, et prétendre avoir achevé sa preuve avec un
tel discours, c'est leur donner sujet de croire que les preuves de notre
religion sont bien faibles, et je vois par raison et par expérience que
rien n'est plus propre à leur en faire naître le mépris. » Port-Royal
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXII 65
donne : « Mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte, et dans les-
quels on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi
et de charité, qui ne trouvent que ténèbres et obscurité dans toute la
nature, il semble que ce ne soit pas le moyen de les ramener, que de
ne leur donner pour preuve de ce grand et important sujet que le cours
de la lune ou des planètes, ou des raisonnements communs, et contre
lesquels ils se sont continuellement raidis. L'endurcissement de leur
esprit les a rendus sourds à cette voix de la nature qui a retenti conti-
nuellement a leurs oreilles : et l'expérience fait voir, que bien loin
qu'on les emporte par ce moyen, rien n'est plus capable au contraire
de les rebuter, et de leur ôter l'espérance de trouver la vérité, que de
prétendre les en convaincre seulement par ces sortes de raisonne-
ments, et de leur dire qu'ils y doivent voir la vérité à découvert. »
En supprimant ces mots, destitués de grâce. Port- Royal ôtait à ce mor-
ceau la marque essentielle du jansénisme. Les jansénistes seuls soute-
naient que la grâce pouvait manquer à quelqu'un, et on se serait cho-
qué de l'entendre répéter dans les Pensées. Le monde disait alors vo-
lontiers comme Anne d'Autriche à une autre époque : Fi9 fi de la
grâce ! Cette autre phrase, recherchant de toute leur lumière, a paru
aussi trop contraire au mot de l'Evangile : Cherchez et vous trouverez
(Math, vu, 7). Dans le reste, Pascal est également désavoué, ou, tout
au moins, adouci et, comme dirait Montaigne, assagi. On n'y voit plus
cette fougue d'un grand logicien, plein de dédain pour la logique et
pour les systèmes des autres, et tellement emporté qu'il ne prend plus
garde si ses paroles indiscrètes ne découvrent pas ce qu'il défend.
Ainsi dans Pascal : « La moindre des choses... Dieu a découvert : »
Port- Royal fait disparaître le sarcasme qui est dans cette antithèse.
« Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché. » Port-Royal a
cru que ces paroles avaient encore besoin d'explication et de correctifs :
« Elle nous dit bien que la beauté des créatures fait connaître celui qui
en est l'auteur, mais elle ne nous dit pas qu'elles fassent cet effet dans
tout le monde. Elle nous avertit au contraire, que quand elles le font,
ce n'est pas par elles-mêmes, mais par la lumière que Dieu répand en
même temps dans l'esprit de ceux à qui il se découvre par ce moyen.
Quod notum est Dei, manifestum est in illis. Deus enim illis manifesta-
vit (Rom. i, 19). Elle nous dit généralement que Dieu est un Dieu ca-
ché, Vere tu es Deus abscondttus. » On voit que Port- Royal essaie ha-
bilement de concilier Pascal avec l'Écriture, et de Vautoriser d'elle ;
mais Pascal en est réellement bien loin.
Dans un article sur les Pensées de Pascal, publié à l'occasion de
mon édition dans le Constitutionnel du 29 mars 1852, M. Sainte-Beuve,
66 PENSÉES DE PASCAL.
après avoir cité le début de ce fragment, ajoutait ce qui suit : a II est
curieux de remarquer que la phrase un peu méprisante de Pascal, J'ad-
mire,etc., avait d'abord été imprimée dans la première édition de ses
Pensées, et la Bibliothèque nationale possède depuis peu un exemplaire
unique, daté de 1669, où on lit textuellement cette proposition (page
150). Mais bientôt les amis, ou les examinateurs et les approbateurs
du livre, etc. » "Voici le texte entier de ce passage dans l'édition de
1669 : « J'admire avec quelle hardiesse quelques personnes entrepren-
nent de parler de Dieu en adressant leurs discours aux impies. Leur
premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de la
nature. Je n'attaque pas la solidité de ces preuves, mais je doute
beaucoup de l'utilité et du fruit qu'on en peut tirer ; et, si elles me
paraissent assez conformes h la raison, elles ne me paraissent pas as-
sez conformes et assez proportionnées à la disposition de l'esprit de
ceux pour qui elles sont destinées. » On voit que ce texte de 1669,
qui a paru devoir encore être corrigé, était pourtant bien éloigné déjà
delà pensée véritable de Pascal. En général, le travail d'épuration en-
trepris par MM. de Port Royal était déjà entièrement accompli dans
le texte de 1669, comme je m'en suis assuré en le parcourant.
Fragment 3. — « Mais le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu
de Jacob, le Dieu des chrétiens. » Port-Royal met seulement : Mais le
Dieu d'Abraham et de Jacob, le Dieu des chrétiens. Il y a un bien autre
élan dans les invocations répétées du texte. Le meilleur commen-
taire ici est le fameux papier touvé dans l'habit de Pascal.
Fragment 6. — « Ou dans l'athéisme ou dans le déisme, qui sont
deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également. »
Là est le fond de l'irritation de Pascal contre Descartes et la philoso-
phie. 11 semble que dans le déisme, de Descartes Pascal ait pressenti
celui de Voltaire.
ARTICLE XXIII
1.
... Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine dis-
cerne les miracles.
ARTICLE XXIII 67
Il y a de faux et de vrais. Il faut une marque pour les con-
naître ; autrement, ils seraient inutiles. Or, ils ne sont pas inu-
tiles, et sont au contraire fondement. Or, il faut que la règle
qu'il nous donne soit telle, qu'elle ne détruise pas la preuve
que les vrais miracles donnent de la vérité, qui est la lin prin-
cipale des miracles1.
Moïse en a donné deux : que la prédiction n'arrive pns,
Deut. xviii [22], ei qu'ils ne mènent point à l'idolâtrie, Deut.
xiii [4] ; et Jésus-Christ une 2.
Si la doctrine règle les miracles, les miracles sont inutiles
pour la doctrine. Si les miracles règlent3...
1 bis.
Si les miracles sont vrais, pourra t-on persuader toute doc-
trine? Non, car cela n'arrivera pas. Si angélus 4...
4 ter.
Règle. Il faut juger de la doctrine par les miracles, il faut
juger des miracles par la doctrine. Tout cela est vrai, mais
cela ne se contredit pas. Car il faut distinguer les temps.
2.
... Dans le Vieux Testament, quand on vous détournera da
Dieu. Dans le Nouveau, quand on vous détournera de Jésus-
Christ. Voilà les occasions d'exclusion à la foi des miracles
marquées. Il ne faut pas y donner d'autres exclusions.
... S'ensuit-il de là 5 qu'ils avaient droit d'exclure tous les
prophètes qui leur sont venus? Non. Ils eussent péché en
n'excluant pas ceux qui niaient Dieu, et aussi péché d'exclure
ceux qui ne niaient pas Dieu.
D'abord donc qu'on voit un miracle, il faut, ou se soumettre,
ou avoir d'étranges marques du contraire. Il faut voir s'il nie
un Dieu, ou Jésus- Christ, ou l'Église.
i. Qu'il nous donne; qui, i7? Pascal parle-t-il de Dieu, ou bien de quelque adversaire
qu'il réfute?
2. Voir Marc, ix, 38 : • Il n'est pas possible quun homme fasse un miracle en mon
nom, et qu'en même temps il parle mal de moi. »
3. En titre dans l'autographe, Commencement.
4. Paul, Gai. i, 8 : Sed licet nos, aut angélus de cœlo, etc. • Quand un ange du ciel
tous annoncerait un autre Évangile, qu'il soit anathème. •
5. C'est-à-dire, de la recommandation que Moïse fait aux Juifs de ne pas croire les
faux prophètes. Leur disait-il par là qu'ils auraient droit d'exclure, etc.?
68
PENSÉES DE PASCAL
3.
S'il n'y avait point de faux miracles, il y aurait certitude.
S'il n'y avait point de règle pour les discerner, les miracles se-
raient inutiles, et il n'y aurait pas de raison de croire. Or, il n'y
a pas humainement de certitude humaine, mais raison K
4.
Toute religion est fausse, qui, dans sa foi, n'adore pas un
Dieu comme principe de toutes choses, et qui, dans sa mo-
rale, n'aime pas un seul Dieu comme objet de toutes choses.
5.
Les Juifs avaient une doctrine de Dieu comme nous en avons
une de Jésus-Christ, et confirmée par miracles ; et défense de
croire à tous faiseurs de miracles, et, de plus, ordre de re-
courir aux grands-prêtres et de s'en tenir à eux 2. Et ainsi
toutes les raisons que nous avons pour refuser de croire les
faiseurs de miracles, ils les avaient à l'égard de leurs pro-
phètes. Et cependant ils étaient très coupables de refuser les
prophètes, à cause de leurs miracles, et n'eussent pas été cou-
pables s'ils n'eussent point vu les miracles : Nisi fecissem,
peccatum non haberent 3. Donc toute la créance est sur les
miracles.
5 bis.
La prophétie n'est point appelée miracle.
6.
Les preuves que Jésus-Christ et les apôtres tirent de l'Écri-
ture ne sont pas démonstratives ; car ils disent seulement que
1. Cette fin, retranchée dans Port-Royal comme obscure, paraît se rapporter encore
au miracle de la Sainte-Épiue. C'est un miracle où il n'y a pas la certitude qu'il y aurait
s'il n'existait pas de faux miracles, mais où il y a raison de croire, d'après la règle qui
sert à discerner. Mais pourquoi ces mots, humainement, certitude humaine? Probable-
ment parce que Pascal et les siens se croyaient assurés du miracle par une espèce de
révélation supérieure à la certitude humaine.
2. Deutér. xvn, 12. Malach. il, 7.
3. Le texte est : Si opéra non fecissem in eis quœ nemo alius fecit, peccatum non hâ-
tèrent. Jean, xv, 24 : « Si je n'avais pas fait parmi eux des œuvres que personne u'a
faites, ils ne seraient pas en péché. »
ARTICLE XXIII 69
Moïse a dit qu'un prophète viendrait, mais ils ne prouvent pas
par là que ce soit Celui-là, et c'était toute la question. Ces
passages ne servent donc qu'à montrer qu'on n'est pas con-
traire à l'Écriture, et qu'il n'y paraît point de répugnance,
mais non pas qu'il y ait accord. Or cela sullit, exclusion de ré-
pugnance, avec miracles.
7.
Jésus-Christ dit que les Écritures témoignent de lui, mais
il ne montre pas en quoi.
Même les prophéties ne pouvaient pas prouver Jésus-Christ
pendant sa vie l. Et ainsi on n'eût pas été coupable de ne pas
croire en lui avant sa mort, si les miracles n'eussent pas suffi
sans la doctrine. Or ceux qui ne croyaient pas en lui encore
vivant étaient pécheurs, comme il le dit lui-même, et sans ex-
cuse*. Donc il fallait qu'ils eussent une démonstration à la-
quelle ils résistassent. Or ils n avaient pas la nôtre, mais seu-
lement les miracles ; donc ils suffisent, quand la doctrine n'est
pas contraire, et on doit y croire.
8.
Jésus-Christ a vérifié qu'il était le Messie, jamais en véri-
fiant sa doctrine sur l'Écriture et les prophéties, et toujours
par ses miracles. Il prouve qu'il remet les péchés, par un mi-
racle *.
Nicodème reconnaît, par ses miracles, que sa doctrine est
de Dieu : Scimus quia venisti a Deo magister; nemo enim
potest facere quse tu facis, nisi fuerit Deus cum Mo 4. Il ne
juge pas des miracles par la doctrine, mais de la doctrine par
les miracles.
9.
Il y a un devoir réciproque entre Dieu et les hommes. H faut
I. Cela a été expliqué ailleurs (xix, 3).
I. Dans un passage déjà cité, Jean, xv, 22 : Nunc autem excmationem non habent de
peccato suo.
3. Pascal fait allusion à un passage qu'il a cité ailleurs (xvr, 9) : Ut sciatis, etc.
4. Jean, m, î : « Nous savons que tu es venu comme un maître envoyé de Dieu; car
personne ne peut faire les miracles que tu fais, si Dieu n'est avec lui •
70 PENSÉES DE PASCAL.
lui pardonner ce mot :Quid debui *? « Accusez-moi, » dit Dieu
dans Isaïe 2. Dieu doit accomplir ses promesses 3, etc.
Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion qu'il leur
envoie. Dieu doit aux hommes de ne les point induire en er-
reur. Or ils seraient induits en erreur, si les faiseurs [de] mi-
racles annonçaient une doctrine qui ne parût pas visiblement
fausse aux lumières du sens commun, et si un plus grand faiseur
de miracles n'avait déjà averti de ne les pas croire. Ainsi s'il y
avait division dans l'Église, et que les ariens, par exemple,
qui se disaient fondés en l'Écriture comme les catholiques,
eussent fait des miracles, et non les catholiques, on eût été in-
duit en erreur. Car, comme un homme qui nous annonce les
secrets de Dieu n'est pas digne d'être cru sur son autorité pri-
vée, et que c'est pour cela que les impies en doutent; aussi
un homme qui, pour marque de la communication qu'il a avec
Dieu, ressuscite les morts, prédit l'avenir, transporte les
mers, guérit les malades, il n'y a point d'impie qui ne s'y
rende *, et l'incrédulité de Pharao et des Pharisiens est l'effet
d'un endurcissement surnaturel. Quand donc on voit les mira-
cles et la doctrine non suspecte tout ensemble d'un côté, il
n'y a pas de difficulté. Mais quand on voit les miracles et doc-
trine suspects d'un même côté, alors il faut voir quel est le
plus clair. Jésus- Christ était suspect.
10.
Il y a bien de la différence entre tenter, et induire en erreur.
Dieu tente, mais il n'induit pas en erreur. Tenter est procu-
rer les occasions, qui n'imposant point de nécessité, si on
n'aime pas Dieu, on fera une certaine chose 5. Induire en er-
reur, est mettre l'homme dans la nécessité de conclure et sui-
vre une fausseté.
1 . Isaïe, v, 4 : Quid est quod debui ultra facere vinece meœ, et non feci ei ? « Qu'ai-je
donc dû faire à ma vigne, que je n'aie pas fait ?» Il faut pardonner ce mot de devoir
à celui qui l'a employé, puisque Dieu l'emploie lui-même.
t. Isate, i, 18 : Et arguite me, dieit Dominus.
3. C'est moins ici, je crois, un texte particulier, que ce qui résulte des divers textes.
4. Pascal mêle daus cette phrase les miracles de Moïse et ceux de Jésus.
5. Par exemple, on ne se promettra du Messie que de» biens temporels : voyez xv, 7.
Ou bien on croira avec facilité celui qui appelle à l'idolâtrie et au péché par de faux mi-
racles .
ARTICLE XXIII VI
11.
H est impossible, par le devoir de Dieu, qu'un homme ca-
chant sa mauvaise doctrine, et n'en faisant paraître qu'une
bonne, et se disant conforme à Dieu et à l'Église, fasse des mi-
racles pour couler insensiblement une doctrine fausse et sub-
tile ; cela ne se peut. Et encore moins que Dieu, qui connaît
les cœurs, fasse des miracles en faveur d'un tel.
12.
II y a bien de la différence entre n'être pas pour Jésus-Christ,
et le dire, ou n'être pas pour Jésus-Christ, et feindre d'en être.
Les uns peuvent faire des miracles, non les autres ; car il est
clair des uns qu'ils sont contre la vérité, non des autres ; et
ainsi les miracles sont plus clairs.
13.
Les miracles discernent aux choses douteuses : entre les peu-
ples juif et païen ' ; j uif et chrétien * ; catholique, hérétique ; ca-
lomniésetcalomniateurs 3 ; entre les deux croix 4. Mais aux hé-
rétiques les miracles seraient inutiles, car l'Église, autorisée
par les miracles, qui ont préoccupé la créance, nous dit qu'ils
n'ont pas la vraie foi. Il n'y a pas de doute qu'ils n'y sont pas,
puisque les premiers miracles de l'Église excluent la foi des
leurs. Il y a ainsi miracle contre miracle, et premiers et plus
grands du côté de l'Église 6.
14.
Contestation : Abel, Caïn 6. Moïse, magiciens 7. Élie, faux
1. Avant le Christ. Alors les miracles sont du côté des Juifs.
2. Après le Christ. Alors les miracles sont du côté des Chrétiens.
3. C'est-à-dire, dans la pensée de Pascal, entre Port-Royal et les Jésuites.
4. C'est-à-dire, entre la croix où mourait le Sauveur, et celle où un voleur était atta-
ché à côté de lui. Port-Royal met les trois croix, parce qu'il y avait deux voleurs. Mais
il n'y avait à discerner qu'entre Jésus-Christ d'une part, et ces criminels de l'autre. Ce
qui a discerné, c'est le miracle qui a accompagné le dernier soupir de Jésus-Christ
Matth. xxvn, 51.
5. Il semble qu'il y a là une contradiction; car il vient de dire que les miracles dis-
cernent entre les catholiques et les hérétiques. Voici, je pense, comment cela doit s'en-
tendre. Au temps des anciennes hérésies, quand l'autorité de l'Eglise catholique n'était
pas suffisamment établie encore, elle l'a été parles miracles; ils ont rendu incontestable
ce qui était douteux. Maintenant il n'y a plus de doute, c'est l'Eglise qu'on doit croire,
et rien, de la part des hérétiques déclarés, pas même les miracles, ne sauraient prévaloir
contre elle.
6. C'est le développement de la première phrase du fragment qui précède. C'est-à-dire,
les miracles ont discerné entre Abel et Caïn, entre Moïse et les magiciens, etc. Le mi-
racle qui discerne entre Abel et Caïn, c'est Dieu qui parle, et qui déclare lui-même s»
préférence. Genèse, iv, 4-7.
7. Les magiciens de Pharaon, Exode, via
^2 PENSÉES DE PASCAL
prophètes K Jérémie, Ananias 2, Michée, faux prophètes.
Jésus-Christ, Pharisiens 3. Saint Paul, Barjésu *, apôtres,
exorcistes 5, les chrétiens et les infidèles; les catholiques, les
hérétiques; Élie, Enoch; Antéchrist 6. Toujours le vrai prévaut
en miracles. Les deux croix.
15.
Jamais, en la contention du vrai Dieu, la vérité de la reli-
gion, il n'est arrivé de miracle du côté de l'erreur et non de
la vérité 7.
16.
Jean, vu, 40 8. Contestation entre les Juits, comme entre les
Chrétiens aujourd'hui. Les uns croyaient en Jésus-Christ, les
autres ne le croyaient pas, à cause des prophéties qui disaient
qu'il devait naître de Bethléem. Ils devaient mieux prendre
garde s'il n'en était pas. Car ses miracles étant convaincants,
ils devaient bien s'assurer de ces prétendues contradictions de
sa doctrine à l'Ecriture; et cette obscurité ne les excusait pas,
1. III Bois, xvin, 38,
Des prophètes menteurs la troupe confondue
Et la flamme du ciel sur l'autel descendue.
2. Jérém. xxviii, 16-17. Le miracle ne consiste ici que dans le fait de la prophétie
<jji s'accomplit; c'est pour cela peut-être que Port-Royal retran&he cet exemple. De même
pour celui de Michée (III Bois, xxn, 13-35).
3. Luc, v, 20-24.
4. Act. des Ap., xm, fi.
5. Act. des Ap. xix, 13-16 : t Quelques exorcistes juifs qui parcouraient le pays es-
sayèrent d'invoquer sur ceux qui étaient possédés des esprits malins le nom du Sei-
gneur Jésus, en disant : Je vous adjure par Jésus que Paul annonce... Mais l'esprit
mauvais leur répondit : Je connais Jésus, et je connais Paul; mais vous, qui ètes-
vous? Et un homme qui avait en lui un des plus méchants démons se jetant sur eux...
les maltraita si fort, qu'ils s'enfuirent hors de la maison nus et blessés. »
6. 11 est parlé dans l'Apocalypse (xi) de deux témoins du Seigneur, qui prophétiseront
à la fin des temps durant 1260 jours : Et dabo duobus tesiibus mets, et prophetabunt
diebus mille ducentis sexaginta amicti saccis. «Quand ils auront achevé leur témoignage,
la bête qui s'élève de l'abîme leur fera la guerre , les vaincra et les tuera. Et leurs
corps seront étendus dans les places de la grande ville...; et les tribus, les peuples,
les langues et les nations verront leurs corps étendus trois jours et demi... Mais, après
trois jours et demi, l'esprit de vie entra en eux de la part de Dieu; ils se relevèrent
sur leurs pieds..., et ils montèrent au ciel dans une nuée à la vue de leurs ennemis.
A cette même heure il se fit un grand tremblement de terre, la dixième partie de la
ville tomba, et sept mille hommes périrent...; le reste fut saisi de crainte, et donna
gloire à Dieu. » (Traduction de Bossuet). La tradition générale des Pères est que cette
bête est l'Antéchrist, et que ces deux témoins sont Élie et Enoch : voir la Préface de
Bossuet, paragraphe 14.
7. C'est-à-dire, comme a mis Port-Royal, qu'il n'en soit aussi arrivé de plus grands
du côté de la vérité. — En la contention du vrai Dieu, c'est-à-dire, dans le débat sur
la question de savoir quel était le vrai Dieu.
8. Nurn quid ..criplura dicit quia ex semine David et ex Bethléem castello venit Christus ?
Voir les remarques sur xvai, 14.
ARTICLE XXIII 73
mais les aveuglait. Ainsi ceux qui refusent de croire les mira-
cles d'aujourd'hui, pour une prétendue contradiction chimé-
rique, ne sont pas excusés.
17.
Jésus-Christ guérît l'aveugle-né, et fit quantité de miracles,
au jour du sabbat. Par où il aveuglait les pharisiens, qui di-
saient qu'il fallait juger les miracles par la doctrine.
« Nous avons Moïse : mais celui-là, nous ne savons d'où il
est1. » C'est ce qui est admirable, que vous ne savez d'où il
est, et cependant il fait de tels miracles.
Jésus-Christ ne parlait ni contre Dieu, ni contre Moïse.
L'Antéchrist et les faux prophètes, prédits par l'un et l'autre
Testament, parleront ouvertement contre Dieu et contre Jésus-
Chrtst, qui n'est point caché. Qui serait ennemi couvert, Dieu
ne permettrait pas qu'il fît des miracles ouvertement.
18.
Fondement de la religion. C'est les miracles. Quoi donc?
Dieu parle-t-il contre les miracles, contre les fondements de
la foi qu'on a en lui ?
S'il y a un Dieu, il fallait que la foi de Dieu fût sur la terre.
Or les miracles de Jésus-Christ ne sont pas prédits par l'Anté-
christ8, mais les miracles de l'Antéchrist sont prédits par Jé-
sus-Chrtst4; et ainsi, si Jésus-Christ n'était pas le Messie, il
aurait bien induit en erreur ; mais l'Antéchrist ne peut bien
induire en erreur 5. Quand Jésus-Christ a prédit les miracles
de l'Antéchrist, a-t-il cru détruire la foi de ses propres mira-
cles? Moïse a prédit Jésus-Christ, et ordonné de le suivre6;
Jésus-Christ a prédit l'Antéchrist, et défendu de le suivre \
1. Voir Jean, ix, 14 (et Luc, xm, 14).
2. Qui n'est point caché. Qui ne l'est plus depuis sa résurrection.
3. Avint ces mots, il faudrait ajouter, pour que le raisonnement fut complet : Donc
il fallait qu'on ne pût être induit eo erreur; or les miracles, etc.
4. Matth., xxiv, 24. Surgent enim pseudochristi, etc. « 11 s'élèvera de faux christs et
de faux prophètes, et ils feront de grands miracles et des prodiges capables d'induire
en erreur, s'il était possible, même les élus. » Quant à V Antéchrist par excellence, ce
nom se trouve dans la première des épitres qui portent le nom de Jean, n, 18 ; iv, 3.
5. Kemarquer ce bien. L'Autechnst induira en erreur sans doute, mais non pas bien,
à bon titre ; les élus pourront se préserver de L'illusion {'ta ut in errorem inducantur,
si fieri potest, etiam electi. — Matth., ibid.).
fi. Pascal veut paner de ce passage du Deutéronome : « Le Seigneur ton Dieu t'en-
verra un prophète sorti comme moi de ta race et d'entre tes frères : écoute-le. » (xvni. 15,
1. Nolite credere. Matth., xxiv, 23.
74 PENSÉES DE PASCAL.
Il était impossible qu'au temps de Moïse on réservât sa
croyance a l'Antéchrist, qui leur était inconnu; mais il est bien
aisé, au temps de l'Antéchrist, de croire en Jésus-Christ, déjà
connu.
Il n'y a nulle raison de croire en l'Antéchrist, qui ne soit à
croire en Jésus-Christ ; mais il y en a en Jésus-Christ, qui ne
sont pas en l'autre.
19.
Les miracles sont plus importants que vous ne pensez : ils
ont servi à la fondation, et serviront à la continuation de l'É-
glise, jusqu'à l'Antéchrist, jusqu'à la fin.
20.
Ou Dieu a confondu les faux miracles, ou il les a prédits ; et
par l'un et par l'autre il s'est élevé au-dessus de ce qui est sur-
naturel à notre égard, et nous y a élevés nous-mêmes.
21.
Les miracles ont une telle force, qu'il a fallu que Dieu ait
averti qu'on n'y pense point contre lui, tout clair qu'il soit qu'il
y a un Dieu ; sans quoi, ils eussent été capables de troubler.
Et ainsi tant s'en faut que ces passages, Deut. xm, fassent
contre l'autorité des miracles, que rien n'en marque davantage
la force. Et de même pour l'Antéchrist : « Jusqu'à séduire les
élus, s'il était possible. »
22.
Judœi signa petunt et Grœci sapientiam quœrunt, nos autem Je-
sum crucifixum. — Sed plénum signis, sed plénum sapientia;
vos autem Christum non crucifixum, et religionem sine mira-
culis et sine sapientia1.
Ce qui fait qu'on ne croit pas les vrais miracles, c'est le
manque de charité. Joh. [x, 26] : Sed vos non creditis quia non
estis ex ovibus. Ce qui fait croire les faux est le manque de
charité. II Thess. h *.
i. La phrase, Judœi signa petunt... est prise de Paul, I Cor. i, 22 (il y a Christum an
lieu de Jesum). Mais c'est Pascal qui ajoute pour son propre compte, s'adressant à se§
adversaires qui s'étaient servis de ce texte de Paul contre lui, Sfd plénum iignis, otc.
2. En titre dans l'autographe, Baisons pourquoi on ne croit point.
ARTICLE XXIII. 75
23.
Ayant considéré d'où vient qu'on ajoute tant de foi à tant
d'imposteurs qui disent qu'ils ont des remèdes, jusqu'à mettre
souvent sa vie entre leurs mains, il m'a paru que la véritable
cause est qu'il y en a de vrais ; car il ne serait pas possible
qu'il y en eût tant de faux, et qu'on y donnât tant de créance,
s'il n'y en avait de véritables. Si jamais il n'y eût eu remède à
aucun mal, et que tous les maux eussent été incurables, il est
impossible que les hommes se fussent imaginé qu'ils en pour-
raient donner; et encore plus que tant d'autres eussent donné
créance à ceux qui se fussent vantés d'en avoir : de même
que, si un homme se vantait d'empêcher de mourir, personne
ne le croirait, parce qu'il n'y a aucun exemple de cela. Mais
comme il y [a] eu quantité de remèdes qui se sont trouvés véri-
tables, par la connaissance même des plus grands hommes, la
créance des hommes s'est pliée par là; et cela s'étant connu
possible, on a conclu de là que cela était. Car le peuple rai-
sonne ordinairement ainsi : Une chose est possible, donc elle
est; parce que la chose ne pouvant être niée en général, puis-
qu'il y a des effets particuliers qui sont véritables, le peuple,
qui ne peut pas discerner quels d'entre ces effets par uliers
sont les véritables, les croit tous. De même, ce qui fait qu'on
croit tant de faux effets de la lune, c'est qu'il y en a de vrais,
comme le flux de la mer *.
Il en est de même des prophéties, des miracles, des divina-
tions par les songes, des sortilèges, etc. Car, si de tout cela il
n'y avait jamais eu rien de véritable, on n'en aurait jamais rien
cru; et ainsi, au lieu de conclure qu'il n'y a point de vrais mi-
racles parce qu'il y en a tant de faux, il faut dire au contraire
qu'il y a certainement de vrais miracles, puisqu'il y en a de
faux, et qu'il n'y en a de faux que par cette raison qu'il y en a
de vrais.
Il faut raisonner de la même sorte pour la religion; car il ne
serait pas possible que les hommes se fussent imaginé tant de
1. Sur ces faux effets de la lune, voyez le fragment vu, 17. — Port-Royal substitue
au texte de l'alinéa suivant celui d'une variante qu'on trouve aussi dans le cahier au-
tographe. On a par hasard la date de cette variante, ou du moins une limite, car ella
est écrite au verso d'une lettre adressée à Pascal et datée du 19 février 1660.
76 PENSÉES DE PASCAL.
fausses religions, s'il n'y en avait une véritable. L'objection à
cela, c'est que les sauvages ont une religion ; mais on répond
à cela que c'est qu'ils en ont ouï parler, comme il paraît par
le déluge, la circoncision, la croix de saint André, etc i,
24.
Il est dit, Croyez à l'Église *, mais il n'est pas dit, Croyez aux
miracles, à cause que le dernier est naturel, et non pas le pre-
mier. L'un avait besoin de précepte, non pas l'autre.
25.
... Ces filles, étonnées de ce qu'on dit, qu'elles sont dans la
voie de perdition ; que leurs confesseurs les mènent à Genève ^
qu'ils leur inspirent que Jésus-Christ n'est point en l'Eucha-
ristie, ni en la droite du Père : elles savent que tout cela est
faux, elles s'offrent donc à Dieu en cet état : Vide si via iniqui-
tatis in me est 8. Qu'arrive - t-il là-dessus? Ce lieu, qu'on dit être
le temple du diable, Dieu en fait son temple. On dit qu'il en faut
ôter les enfants : Dieu les y guérit. On dit que c'est l'arsenal de
l'enfer : Dieu en fait le sanctuaire de ses grâces. Enfin on les
menace de toutes les fureurs et de toutes les vengeances du ciel :
et Dieu les comble de ses faveurs. Il faudrait avoir perdu le
sens pour en conclure qu'elles sont donc en la voie de perdition 4.
26.
Pour affaiblir vos adversaires, vous désarmez toute l'Eglise.
1. Montaigne, Apol., p. 271 : • Epicurus [dit], qu'en mesme temps que les choses
sont icy comme nous les veoyons, elles sont toutes pareilles et en mesme façon en
plusieurs aultres mondes; ce qu'il eust dict plus asseureement, s'il eust veu les simi-
litudes et convenances de ce nouveau monde des Indes occidentales avecques le nostre
présent et passé, en de si estranges exemples...; car on y trouve des nations n'ayants,
que nous sçachions, iamais ouï nouvelles de nous, où la circoncision estoit en crédit... :
où nos croix esloient en diverses façons en crédit; icy on en honoroit les sépultures;
on les appliquoit là, et nommeement celle de sainct André, à se deffendre des visions
nocturues... On y trouve... l'usage des mitres, le cœlibat des presbtres...; et celte
fantasie... qu'ils furent créez avecques toutes commoditez, lesquelles on leur a depuis
retrenchées pour leur péché... : qu'aultrcfois ils ont esté submergez par l'inondation des
eaux célestes..., etc., etc. » — On lit dans lu Biographie universelle article André (saint) ■
€ L'opinion commune est que cet apôtre fut crucifié. Les peintres donnent à sa crois
une forme différente de celle de Jésus-Christ et la représentent en forme d'un X. •
— En tête, dans le cahier autographe : Titre. J/où vient qu'on croit tant de menteurs qui
disent qu'ils ont vu des miracles, et qu'on ne croit aucun de ceux qui disent qu'ils ont des
secrets pour rendre l'homme immortel ou pour rajeunir.
2. Matth. xvni, 17-20.
2. <c Vois si la voie de l'iniquité est en moi », Ps. cxxxvni, 24.
4. Tout ce fragment se rapporte aux religieuses de Port-Royal. Pascal les représente
calomniées par les Jésuites, mais justifiées et vengées par Dieu même dans le miracle de
la sainte-Epine*
ARTICLE XXIII. 77
27.
... S'ils disent que notre salut dépend de Dieu, ce sont des
hérétiques. S'ils disent qu'ils sont soumis au pape, c'est une
hypocrisie. S'ils sont prêts à souscrire toutes ses constitutions,
cela ne suffit pas. S'ils disent qu'il ne faut pas tuer pour une
pomme, ils combattent la morale des catholiques *. S'il se fait
des miracles parmi eux, ce n'est poinl une marque de sainteté,
et c'est au contraire un soupçon d'hérésie.
28.
... Les trois marques de la religion : la perpétuité, la bonne
vie, les miracles. Ils détruisent la perpétuité par la probabilité*;
la bonne vie par leur morale ; les miracles, en détruisant ou
leur vérité, ou leur conséquence.
Si on les croit, l'Eglise n'aura que faire de perpétuité, sain-
teté ni miracles. Les hérétiques les nient, ou en nient la con-
séquence ; eux de même. Mais il faudrait n'avoir point de
sincérité pour les nier, ou encore perdre le sens pour nier la
conséquence.
29.
... Quoi qu'il en soit, l'Église est sans preuve, s'ils ont
raison.
30.
L'Église a trois sortes d'ennemis : les Juifs, qui n'ont jamais
été de son corps ; les hérétiques, qui s'en sont retirés ; et les
mauvais chrétiens, qui la déchirent au dedans.
Ces trois sortes différentes d'adversaires la combattent d'or-
dinaire diversement. Mais ici ils la combattent d'une même
sorte. Gomme ils sont tous sans miracles 3, et que l'Église a
toujours eu contre eux des miracles, il ont tous eu le même
intérêt à les éluder, et se sont tous servis de cette défaite :
qu'il ne faut pas juger de la doctrine par les miracles, mais des
miracles par la doctrine. Il y avait deux partis entre ceux qui
1. Voir la septième Provinciale.
î. Il s'agit des Jésuites et de cette doctrine de leurs easuistes, qu'une opinion toute
nouvelle, contraire aux Pères et à la tradition, mais soutenue par ce qu'on appelle un
auteur grave, devient probable, et peut être suivie en sûreté de conscience. Voir les
Provinciales, et en particulier la cinquième.
3. Quand Pascal dit cela des Juifs, il n'entend parler que des Juifs depuis l'arrivée
du Messie, les Juifs opposés à Jesus-Christ.
II. 6
78 PENSÉES DE PASCAL.
écoutaient Jésus-Christ : les uns qui suivaient sa doctrine par
ses miracles; les autres qui disaient '... Il y avait deux partis
au temps de Calvin1... Il y a maintenant les jésuites..., etc.
31.
Ce n'est point ici le pays de la vérité : elle erre inconnue
parmi les hommes. Dieu l'a couverte d'un voile, qui la laisse
méconnaître à ceux qui n'entendent pas sa voix. Le lieu est
ouvert au blasphème, et même sur des vérités au moins bien
apparentes. Si l'on publie les vérités de l'Évangile, on en pu-
blie de contraires, et on obscurcit les questions, en sorte que
le peuple ne peut discerner. Et on demande : Qu'avez-vous
pour vous faire plutôt croire que les autres? Quel signe faites-
vous3? Vous n'avez que des paroles, et nous aussi. Si vous
aviez des miracles, bien. — Cela est une vérité, que la doc-
trine doit être soutenue par les miracles, dont on abuse pour
blasphémer la doctrine. Et si les miracles arrivent, on dit que
les miracles ne suffisent pas sans la doctrine ; et c'est une autre
vérité, pour blasphémer les miracles.
32.
Que vous êtes aise de savoir les règles générales, pensant
par là jeter le trouble, et rendre tout inutile ! On vous en em-
pêchera, mon père ; la vérité est une et ferme.
33.
Un miracle parmi les schismatiques n'est pas tant à crain-
dre ; car le schisme, qui est plus visible que le miracle, marque
visiblement leur erreur. Mais quand il n'y a point de schisme,
et que l'erreur est en dispute, le miracle discerne 4.
34.
Jean, ix : Non est hic homo a Deo,quiasabbatum non custodit .
{. Les éditions suppléent : // chasse les démons au nom de Belzébuth. Matth. x», 24.
2. La suite de la pensée doit être qu'il se tit alors des miracles du côté des catholiques
et que les hérétiques les méconnurent.
3. Expression consacrée. Un signe, c'est un miracle, signe d'une puissance surnaturelle.
4. Les schismatiques sont ceux qui, sans avoir d'autres dogmes que l'Eglise, ce qui
ferait hérésie, se séparent d'elle et de sot? chef, et ne reconnaissent pas son autorité.
Tels sont les Grecs. Les jansénistes, au contraire, reconnaissaient hautement en prin-
cipe l'Église et le pape, et leur désobéissaient dans le fait.
ARTICLE XXI II. 79
Âlii : Quomodo potest homo peccator hxc signa facere? Lequel
est le plus clair1?
Cette maison n'est pas de Dieu ; car on n'y croit pas que
les cinq propositions soient dans Jansénius. — Les autres :
Cette maison est de Dieu; car il y fait d'étranges miracles. —
Lequel est le plus clair?
Tu quid dicis ? Dico quia propheta est. — Nisi esset hic a Deo,
non poterat facere quidquam *.
35.
Si vous ne croyez en moi, croyez au moins aux miracles. Il
les renvoie comme au plus fort.
36.
... H avait été dit aux Juifs, aussi bien qu'aux Chrétiens,
qu'ils ne crussent pas toujours les prophètes. Mais néanmoins
les pharisiens et les scribes font grand état de ses miracles, et
essaient de montrer qu'ils sont faux, ou faits par le diable :
étant nécessités d'être convaincus, s'ils reconnaissent qu'ils
sont de Dieu.
Nous ne sommes pas aujourd'hui dans la peine de faire ce
discernement. Il est pourtant bien facile à faire : ceux qui ne
nient ni Dieu, ni Jésus- Christ, ne font point de miracles qui
ne soient sûrs : Nemo faciat virtutem innomme meo, et tito pos-
sit de me maie loqui 3. Mais nous n'avons point à faire ce dis-
cernement. Voici une relique sacrée. Voici une épine de la
couronne du Sauveur du monde, en qui le prince de ce monde
n'a point puissance, qui fait des miracles par la propre puis-
sance de ce sang répandu pour nous. Voici que Dieu choisit
lui-même cette maison pour y faire éclater sa puissance *.
1. • Quelques Pharisiens disaient : Cet homme n'est pas de Dieu, car il n'observe pas
le sabbat. Mais d'autres disaient: Comment un pécheur pourrait-t-il faire de tels miracles!
Et il y avait division entre eux. » 11 y a dans le texte : Alii autem dicebant. Jean, ix, 16.
2. Même chapitre, versets 17 et 33. Il y a dans le texte : Tu ouid dicis de Mo qui
epiruit oculos luos? Ille autem dixil : Quia propheta est. • Et toi, qu en dis-tu [les Pha-
risiens s'adressent à l'aveugle-né que Jésus a guéri] ? Il répondit : Que c'est un pro-
phète Si cet homme n'était de Dieu, il ne pourrait rien faire de pareil. •
3. Marc, ix, 38. • Maître, nous venons de voir un homme qui chasse les démons en
ton nom, et qui ne nous suit pas, et nous l'avons empêché. Mais Jésus dit : Ne l'empê-
chez point. 11 n'est pas possible qu'on exerce une vertu surnaturelle en mon nom, et qu'er
même temps l'on parle mal de moi. » Le texte est : Nemo est enirn qui faciat virt. in
nom. m., et posait tito maie loqui de me.
4. Le prince de ce monde est le diable (Jean, xir, 31, etc). 11 ne peut se servir pour
sus opérations infernales d'un objet consacré par le sang du Sauveur. Un prodige fait
»vec la Sainte-Epine ne peut donc être l'œuvre du démon.
80 PENSÉES DE PASCAL.
Ce ne sont point des hommes qui font ces miracles par une
vertu inconnue et douteuse, qui nous oblige à un difficile dis-
cernement. C'est Dieu même; c'est l'instrument de la passion
de son Fils unique, qui, étant en plusieurs lieux, choisit ce-
lui-ci, et fait venir de tous côtés les hommes pour y recevoir
ces soulagements miraculeux dans leurs langueurs l.
37.
Les miracles ne sont plus nécessaires, à cause qu'on en a
déjà. Mais quand on n'écoute plus la tradition, quand on ne pro-
pose plus que le pape, quand on l'a surpris, et qu'ainsi ayant
exclu la vraie source de la vérité, qui est la tradition, et ayant
prévenu le pape, qui en est le dépositaire, la vérité n'a plus de
liberté de paraître : alors les hommes ne parlant plus de la vé-
rité, la vérité doit parler elle-même aux hommes. C'est ce qui
arriva au temps d'Arius.
38.
«7o/i., vi, 26 : Non quia vidistis signum, sed quia saturati estis2e
Ceux qui suivent Jésus-Christ à cause de ses miracles , ho-
norent sa puissance dans tous les miracles qu'elle produit;
mais ceux qui, en faisant profession de le suivre pour ses mira-
cles, ne le suivent en effet que parce qu'il les console et les
rassasie des biens du monde, ils déshonorent ses miracles,
quand ils sont contraires à leurs commodités.
39.
Juges injustes, ne faites pas des lois sur l'heure; jugez par
celles qui sont établies, et par vous-mêmes 3 : Vas qui conduis
leges iniquas 4.
40.
La manière dont l'Église a subsisté est, que la vérité a été
sans contestation; ou, si elle a été contestée, il y a eu le pape,
et sinon, il y a eu l'Église.
1. En plusieurs'' lieux, parce qu'il ne s'agit que d'épines détachées, et non de la couronne
tout entière.
2. Le texte est, sed quia manducastis ex panibus, et satis. est. C'est Jésus qui parle à la
foule qui le poursuit après le miracle des cinq pains : « En vérité je vous le dis, vous
me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez eu à
manger avec ces pains, et que vous avez été rassasiés. •
3. Voir au fragment 32 : t Que vous êtes aise de savoir les règles générales l » Elles
étaient donc posées dans le livre auquel répond Pasca..
4. 11 y a dans le texte : Vœ qui condunt. • Malheur à ceux qui établissent des lois
niques! • /«.. x. .
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIII. 81
41.
Miracle. C'est un effet qui excède la force naturelle des
moyens qu'on y emploie ; et non-miracle, est un effet qui n'ex-
cède pas la force naturelle des moyens qu'on y emploie. Ainsi
ceux qui guérissent par l'invocation du diable ne font pas un
miracle; car cela n'excède pas la force naturelle du diable.
Mais...
42.
Les miracles prouvent le pouvoir que Dieu a sur les cœurs
par celui qu'il exerce sur les corps.
43.
H importe aux rois et princes d'être en estime de piété ; et,
pour cela, il faut qu'ils se confessent à vous.
44.
Les jansénistes ressemblent aux hérétiques par la réforma-
tion des mœurs ; mais vous leur ressemblez en mal.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIIi
Tout cet article, qui depuis l'édition de Port-Royal a continué d'ê-
tre placé presque à la fin des Pensées, est cependant le véritable point
de départ et l'origine du livre que méditait Pascal, comme on l'a vu
dans sa Vie écrite par sa sœur, page lxxiv de l'Introduction.
Il ne se proposait d'abord que défaire valoir le miracle de la Sainte-
Epine, le miracle de Port-Royal, contre les adversaires de Port-Royal.
Et c'est où il s'en tient à peu près dans les fragments dont se compose
cet article.
Il -n'y a donc pas de pensées que MM. de Port- Royal aient dû
avoir plus à cœur de faire connaître au public ; mais il n'y en a pas
non plus où les nécessités de la situation leur aient imposé plus de re-
tranchements, car ces fragments sont tout pleins de l'ardeur du com-
bat, et de ce fanatisme que la persécution allume. Les traits les plus
vifs furent sacrifiés au respect de la paix de l'Eglise.
Mais, dès 1727, l'évêque de Montpellier, Golbert, un des derniers
champions du jansénisme, et qui croyait aux miracles du tombeau du
liacre Pans, recueillait dans le manuscrit la plupart de ces fragmenta
82 PENSÉES DE PASCAL
pour les citer à l'appui de sa foi, dans la crise extrême et désespérée
où les dissidents étaient alors, à la date même de la condamnation du
vieux Soanen.
L'esprit de Pascal, que nous sentons souvent, avec une admiration
profonde, si voisin de nous, ou même pénétrant si avant dans notre
propre pensée, en est ici séparé comme par un abîme. Je ne dis pas
seulement de nous, je dis de Descartes et de la lumière nouvelle qui se
levait alors, et dont le monde s'est bientôt trouvé rempli. Il n'y a pas
de surnaturel. Tl n'y a jamais eu, il ne peut y avoir jamais de miracle
ni de prophétie. C'est dorénavant un principe en dehors duquel on ne
peut plus philosopher, et ce principe anéantit tout le travail qui s'était
fait, sur ce sujet des miracles, dans l'âme tourmentée de Pascal.
Fragment 1 . — « Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine
discerne les miracles. »
Cette première phrase nous jette tout de suite au cœur des diffi-
cultés théologiques sur les miracles. L'Église admet qu'il y en a, comme
Pascal va le dire, de vrais et de faux ; et nar faux miracles, elle n'en-
tend pas de pures illusions ; elle entend des actes qui sont réellement
hors de la nature, mais qui mentent en quelque sorte, en ce qu'ils ne
viennent pas de Dieu, et doivent être attribués au démon. Dès lors
comment discerner les faux et les vrais miracles? par la doctrine. Les
miracles faits à l'appui d'une doctrine contraire à Dieu ne peuvent être
de Dieu ; ce sont de faux miracles : la doctrine discerne les miracles.
Mais d'un autre côté, pourquoi sont faits les miracles, les vrais mira-
cles, sinon pour témoigner en faveur d'une doctrine sainte et mécon-
nue, et montrer qu'elle vient véritablement de Dieu ? Ainsi donc, les
miracles discernent la doctrine. Voilà un cercle vicieux, dont Pascal tâ-
che de sortir. Il y a fait d'autant plus d'efforts, que la cause à laquelle
il a donné toute son âme, la cause du jansénisme et de Port-Royal,
est intéressée dans ce débat. Il s'agit de prouver contre les Jésuites
que le miracle de la Sainte-Épine, qu'ils n'osaient nier absolument,
mais où ils ne voulaient voir qu'un prestige de l'esprit de mensonge,
était au contraire un témoignage formel de Jésus-Christ en faveur de
ses défenseurs persécutés. On peut résumer en quelques mots la thèse
de Pascal. Dieu ne peut vouloir tromper les hommes, du moins les
justes, qu'il a fait dignes de la vérité. Il n'est donc pas possible que les
miracles et la doctrine soient équivoques en même temps. Si la doc-
trine est évidemment contraire â Dieu, Dieu peut permettre qu'elle ait
pour elle de faux miracles, car ils ne tromperont pas les cœurs droits.
La doctrine discernera les miracles. Mais quand la doctrine est dou-
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIII. 83
teuse et contestée, alors, si elle a dos miracles, ces miracles seront évi-
demment divins, et discerneront la doctrine. C'est le cas de Port-Royal.
« Moïse en a donné deux, que la prédiction n'arrive pas, et., etc. »
Port-Royal met, en a donné une, et supprime, que la prédiction n'ar-
rive pas, sans doute parce qu'alors il n'y a plus miracle.
Fragment 4. — Ce fragment n'a point de rapport à la doctrine sur
les miracles, mais Port-Royal l'y rattache en ajoutant : « Toute reli-
gion qui ne reconnaît maintenant pas Jésus-Christ est notoirement
fausse, et les miracles ne peuvent lui servir de rien- "
Fragment 8. — » Nicodème... ne juge pas des miracles parla doc-
trine, mais de la doctrine par les miracles. » Port-Royal ajoute ce
commentaire : « Ainsi quand même la doctrine serait suspecte comme
celle de Jésus-Christ pouvait l'être à Nicodème, à cause qu'elle semblait
détruire les traditions des Pharisiens l, s'il y a des miracles clairs et
évidents du même côté *, il faut que l'évidence du miracle l'emporte
sur ce qu'il pourrait y avoir de difficulté de la part de la doctrine ; ce qui
est fondé sur ce principe immobile, que Dieu nepeut induire en erreur. »
Fragment 9. — « Jésus-Christ était suspect. » Port-Royal est donc
comme Jésus-Christ I Voyez en effet le fragment 34.
Fragment 13. — « Car l'Église, autorisée par les miracles qui ont
préoccupé la créance, etc. » Il y a là comme une jurisprudence qui
accorde la foi, en fait de miracles, au premier occupant.
Fragment 14. — « Élie, Enoch. » Ce n'est pas ici le lieu de déve-
lopper la légende merveilleuse de ces deux saints personnages, moins
fondée sur l'Écriture que sur la tradition, et sur le livre d'Enoch, livre
qui paraît cité dans l'épître qui porte le nom de Jude, verset 14, mais
qui n'a pas été reçu parmi les livres saints ou canoniques, quoique
cette épître elle-même y soit admise.
Fragment 16. — » Contestation entre les Juifs, comme entre les Chré-
tiens d'aujourd'hui. » Port-Royal retranche les mots soulignés, ainsi
que la phrase sur ceux qui refusent de croire les miracles d'aujourd'hui.
Les éditeurs de Port- Royal retranchent de même, au fragment 19,
cette phrase : « Les miracles sont plus importants que vous ne pen-
1. Traduisez : comme celle de Port-Royal pourrait l'être, à cause qu'elle semble contraire
aux décisions de l'Église.
2. Comme celui de la Sainte-Épine.
84 PENSÉES DE PASCAL
sez », qui s'adresse sans doute au P. Annat; — Enfin, les vingt der-
niers fragments de l'article manquent dans l'édition de Port-Royal.
« Ceux qui refusent de croire les miracles d'aujourd'hui, par une
prétendue contradiction chimérique. » Ils disaient sans doute qu'il était
contradictoire que Dieu fit des miracles pour les jansénistes, condamnés
par l'Église de Dieu et par son vicaire. Et Pascal répond que la con-
tradiction n'est qu'apparante, parce que l'hérésie condamnée n'était
pas la véritable doctrine de Jansênius et des siens.
Fragment 22. — « Vos aulem Christum non crucifixum. » Les Jésui-
tes avaient cité, sans doute, pour infirmer la valeur du miracle de la
Sainte-Épine , le texte de Paul ; de là le commentaire de Pascal. Il
;eur reproche de prêcher un Christ non crucifié, d'abord parce que, en
attaquant la grâce efficace, ils détruisent, suivant lui, la vertu du sang
de Jésus-Christ et de la rédemption ; et aussi parce qu'ils étaient accu-
sés de dissimuler le mystère du crucifiement dans leurs missions de la
Chine et des Indes, comme étant un scandale aux peuples de ces pays :
voir la cinquième Provinciale.
Fragment 23. — « Ce qui fait qu'on croit tant de faux effets de la
Lune, c'est qu'il y en a de vrais, comme le flux de la mer. » Mais,
comme dit fort bien Voltaire : « on a imputé mille fausses influences à
la lune, avant qu'on imaginât le moindre rapport véritable avec le
flux de la mer. » Voir Pline, TI, 44.
« lien est de môme des prophéties, des miracles. » On doit remar-
quer qu'une guérison ou un phénomène extraordinaire peut avoir
des raisons naturelles; mais un miracle, c'est ce qui est surnaturel.
L'homme est disposé à croire à des effets surnaturels, même sans en
avoir vu, seulement parce qu'il a vu des effets naturels dont sa raison
n'a pas su se rendre compte.
« Des sortilèges, etc. » Voir les Remarques sur la Vie de Pascal,
page en. Dans Y etc. Pascal comprenait-il l'astrologie?
Au surplus, ceux-là raisonnaient comme Pascal, qui, au moment
où il écrivait ces phrases, faisaient encore brûler des sorciers ; et ils
triomphaient comme lui dans leur logique.
Fragment 25. — « On dit qu'il en faut ôter les enfants : Dieu les y
guérit. » Ce trait fait tomber le miracle de la Sainte-Épine comme une
réponse accablante sur les ennemis de la sainte maison. Quel rappro-
chement! quelle antithèse! Quelle vivacité d'argumentation, d'imagi-
nation, de passion tout ensemble ! Otez cette petite phrase, et alors
celles qui l'entourent, Dieu en a fait son temple, Dieu en fait le sanc-
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIII. 85
tuaire de ses grâces, sembleront vagues et communes; rétablissez-la,
ellfs paraîtront pleines de force et de sens.
Ce fragment n'a pas été reproduit dans l'édition de Port-Royal. Il
doit être rapproché de cette page de la seizième Provinciale, écrite au
même moment et sous la même inspiration : « cruels et lâches persé-
cuteurs, faut-il donc que les cloîtres les plus retirés ne soient pas des
asiles contre vos calomnies? Pendant que ces saintes vierges adorent
nuit et jour J^sus-Ghrist au Saint-Sacrement, selon leur institution,
vous ne cessez nuit et jour de publier qu'elles ne croient pas qu'il soit
ni dans l'Eucharistie, ni même à la droite de son Père; et vous les re-
tranchez publiquement de l'Église pendant qu'elles prient dans le se-
cret pour vous et pour toute l'Eglise. Vous calomniez celles qui n'ont
point d'oreilles pour vous ouïr, ni de bouche pour vous répondre.
Mais Jésus-Christ, en qui elles sont cachées pour ne paraître qu'un
jour avec lui, vous écoute, et répond pour elles. On l'entend aujour-
d'hui, cette voix sainte et terrible, qui étonne la nature, et qui console
l'Église. Et je crains, mes pères, que ceux qui endurcissent leurs
cœurs, et qui refusent avec opiniâtreté de l'ouïr quand il parle en
Dieu, ne soient forcés de l'ouïr avec effroi quand il leur parlera en
Juge. »
Fragment 26. — a Pour affaiblir vos adversaires, vous désarmez
toute l'Église. » Mais que faisait Pascal lui-même dans les Provin-
ciales, quand il répandait son ironie sur les discussions théologiques,
sur les censures de la Sorbonne, sur la casuistique, sur les moines?
Ne désarmait-il pas l'Église? et cela d'une main bien autrement re-
doutable que celle du P. Annat.
Fragment 29. — « L'Eglise est sans preuve, s'ils ont îaison. »
Quoi, si l'on refuse de reconnaître que c'est Dieu qui a guéri cette
enfant pour honorer Port-Royal, l'Église est sans preuve, et toute la
religion tombe ! Où la passion a-t-elle entraîné Pascal !
Fragment 31. — a Des vérités au moins bien apparentes. »
Telles que celles que professaient les jansénistes, la grâce efficace,
la prédestination absolue. Il n'ose appeler ces vérités tout à fait évi-
dentes, puisqu'il reconnaît qu'il n'y a pas d'évidence ici-bas. Mais i\
ne les tient pas non plus pour obscures ; ce serait excuser les adver-
saires qui les combattent. De là l'expression dont il se sert. Les édi-
tions mettent : et même sur les vérités les plus certaines de la moral"
Ce n'est pas cela.
stj
PENSEES DE PASCAL
Fragment 36. — o Ceux qui ne nient ni Dieu ni Jésus-Christ ne
font point de miracles qui ne soient sûrs. »
Pascal parle toujours comme si Port-Royal avait fait un miracle.
C'était bien assez de prétendre que Port-Royal avait été l'objet d'un
miracle. Il va dire lui-même tout à l'heure que ce ne sont pas les hom-
mes qui l'ont fait.
« Voici une épine... Voici que Dieu... » Quelle solennité, quelle
grandeur sans effort dans la répétition de ce tour! Il voit Dieu des-
cendre. Comment exiger qu'il sorte de cet enthousiasme pour exa-
miner péniblement si d'abord, par exemple, l'authenticité de la sainte
relique est bien établie ! Qui sent Dieu présent n'a rien à discuter ni
à éclaircir. Le Saint des Saints était un lieu que l'œil de l'homme
n'éclairait jamais; autrement, il n'eût plus été le Saint des Saints.
Fragment 37. — a C'est ce qui arriva au temps d'Arius. »
L'imagination de Pascal se plaisait à assimiler la situation où il
voyait lEglise à celle où elle se trouvait au temps d'Arius. Alors do-
minait l'hérésie des ariens, maintenant c'est celle des pélagiens, qu'il
imputait aux jésuites. Saint Athanase était persécuté alors pour la foi ;
maintenant c'est Arnauld, et les champions du jansénisme. Voyez le
fragment 25 de l'article xxiv. Le pape Libère s'était laissé intimider
ou surprendre par les ariens, et avait signé une de leurs formules ; et
cet exemple célèbre a été mis en avant par tous ceux qui ont combattu
la doctrine de l'infaillibilité des papes : Pascal regardait Innocent X et
Alexandre VII comme étant dans le cas de Libère. Quant aux mira-
cles, Pascal me paraît avoir en vue ceux qui éclatèrent à Milan, au
rapport de saint Ambroise et de saint Augustin, lors de la découverte
des reliques des martyrs Gervais et Protais, miracles dont le prodi-
gieux retentissement fut la force et la défense d' Ambroise contre la
cour arienne dt Justine et de Valentinien {en 385).
Fragment 41 . — « Car cela n'excède pas la force naturelle du,
diable. »
Quelle étrange alliance de mots ! comme si on ne sortait pas de
l'ordre de la nature du moment que l'on conçoit un être tel que le
diable I Et quelle difficulté à discerner ce qui passe les forces d'une
puissance si mystérieuse! Mais combien on s'étonne qu'un géomètre
et un physicien comme Pascal portât si légèrement l'idée d'un miracle,
c'est-à-dire de la nature dérangée !
On trouve dans les œuvres d' Arnauld, tome x, page 398, sous le ti-
ARTICLE XXIV. 87
tre de Pensées de M. Arnauld sur les miracles, de simples notes évi-
demment p-éparées pour Pascal. Elles contiennent l'indication des
divers textes que celui-ci a produits en effet dans les Pensées sur les
miracles.
ARTICLE XXIV
1.
Le pyi-rhonisme est le vrai; car, après tout, les hommes,
avant Jésus-Christ, ne savaient où ils en étaient, ni s'ils étaient
grands ou petits. Et ceux qui ont dit l'un ou l'autre n'en sa-
vaient rien, et devinaient sans raison et par hasard : et même
ils erraient toujours, en excluant l'un ou l'autre. Quod ergo
ignorantes quœritis, religio annuntiat vobis *.
2.
Croyez-vous qu'il soit impossible que Dieu soit infini, sans
parties? Oui. Je vous veux donc faire voir une chose infinie et
indivisible : c'est un point se mouvant partout d'une vitesse
infinie ; car il est un en tous lieux, et est tout entier en chaque
endroit.
Que cet effet de nature, qui vous semblait impossible aupa-
ravant, vous fasse connaître qu'il peut y en avoir d'autres que
vous ne connaissez pas encore. Ne tirez pas cette conséquence
de votre apprentissage, qu'il ne vous reste rien à savoir; mais
qu'il vous reste infiniment à savoir.
3.
La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur,
est de mettre la religion dans l'esprit par les raisons, et dans
i. Pris du discours de Paul à l'Aréopage dans les Actes des Apôtres, xvn, 23 : Quod
ergo ignorantes colitis, hoc ego annuntio vobis : « En parcourant votre ville, et consi-
dérant vos statues, j'ai trouvé un autel avec cette inscription, au Dieu inconnu. Ce que
vous adorez sans le connaître, c'est ce que je viens vous annoncer. » — Balzac avait
dit. à la fin du premier discours du Socrate chrétien : « Comment eussent-ils pu trouver
la vérité qu'ils cherchaient, puisqu'elle n'était pas encore née?... Cette vérité n'est
autre que Jésus-Christ, et c'est ce Jésus-Christ qui a ait cesser les doutes et les
irrésolutions de l'Académie, qui a même assuré le pyrrhonisme. 11 est venu arrêter le»
pensées vagues de l'esprit humain et fixer ses raisonnements en l'air. Après plusieurs
siècles d'agitation et de trouble, il est venu faire prendre terre à la philosophie, et donner
des ancres et un port à une mer qui n'avait ni fond ni rive, etc. »
88 PENSÉES DE PASCAL
le cœur par la grâce. Mais de la vouloir mettre dans l'esprit et
dans le cœur par la force et par les menaces, ce n'est pas y
mettre la religion, mais la terreur, terrorem poilus quam reli-
gionem
3 bis.
Commencer par plaindre les incrédules; ils sont assez mal-
heureux par leur condition. Il ne les faudrait injurier qu'au
cas que cela servit ; mais cela leur nuit.
4.
Toute la foi consiste en Jésus-Christ et en Adam ; et toute
la morale en la concupiscence et en la grâce.
5.
Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point; on le
sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l'être universel
naturellement, et soi-même naturellement, selon qu'il s'y
adonne ; et il se durcit contre l'un ou l'autre, à son choix. Vous
avez rejeté l'un et conservé l'autre : est-ce par raison que vous
aimez? C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce
que c'est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison.
6.
Le monde subsiste pour exercer miséricorde et jugement,
non pas comme si les hommes y étaient sortant des mains de
Dieu, mais comme des ennemis de Dieu, auxquels il donne,
par grâce, assez de lumière pour revenir, s'ils le veulent cher-
cher et le suivre; mais pour les punir, s'ils refusent de le cher-
cher ou de le suivre.
7.
On a beau dire, il faut avouer que la religion chrétienne a
quelque chose d'étonnant. C'est parce que vous y êtes né, dira-
t-on. Tant s'en faut; je me roidis contre, par cette raison-là
même, de peur que cette prévention ne me suborne. Mais,
quoique j'y sois né, je ne laisse pas de le trouver ainsi.
8.
Il y a deux manières de persuader les vérités de notre reli-
t. Je ne sais d'où cette citation latine est tirée.
ARTICLE XXIV 89
gion : l'une par la force de la raison, l'autre par l'autorité de
celui qui parle. On ne se sert pas de la dernière, mais de la
première. On ne dit pas : Il faut croire cela, car l'Écriture,
qui le dit, est divine ; mais on dit qu'il le faut croire par telle
et telle raison, qui sont de faibles arguments, la raison étant
flexible à tout.
8 bis.
... Mais ceux-là mêmes qui semblent les plus opposés à la
gloire de la religion n'y seront pas inutiles pour les autres.
Nous en ferons le premier argument, qu'il y a quelque chose
de surnaturel ; car un aveuglement de cette sorte n'est pas une
chose naturelle ; et si leur folie les rend si contraires à leur
propre bien, elle servira à en garantir les autres, par l'horreur
d'un exemple si déplorable et d'une folie si digne de compas-
sion.
9.
Le seul qui connaît la nature ne la connaîtra-t-fl que pour
être misérable? le seul qui la connaîtra sera-t-il le seul mal-
heureux?
... Il ne faut [pas] qu'il ne voie rien du tout ; il ne faut pas
aussi qu'il en voie assez pour croire qu'il le possède ; mais
qu'il en voie assez pour connaître qu'il l'a perdu : car, pour
connaître qu'on a perdu, il faut voir et ne voir pas; et c'est
précisément l'état où est la nature.
9 bis.
Il faudrait que la véritable religion enseignât la grandeur, la
misère, portât à l'estime et au mépris de soi, à l'amour et à la
haine.
10.
La religion est une chose si grande, qu'il est juste que ceux
qui ne voudraient pas prendre la peine de la chercher si elle
est obscure, en soient privés. De quoi se plaint-on donc, si elle
est telle qu'on la puisse trouver en la cherchant?
10 bis.
L'orgueil contre-pèse et emporte toutes les misères. Voilà
un étrange monstre, et un égarement bien visible. Le voilà
90 PENSEES DE PASCAL
tombé de sa place, il la cherche avec inquiétude. C'est ce que
tous les hommes font. Voyons qui l'aura trouvée.
10 ter.
Après la corruption, dire : Il est juste que ceux qui sont en
cet état le connaissent; et ceux qui s'y plaisent, et ceux qui s'y
déplaisent. Mais il n'est pas juste que tous voient la rédemp-
tion *.
11.
Quand on dit que Jésus-Christ n'est pas mort pour tous,
vous abusez d'un vice des hommes,qui s'appliquent inconti-
nent cette exception, ce qui est favoriser le désespoir ; au lieu
de les en détourner pour favoriser l'espérance. Car on s'accou-
tume ainsi aux vertus intérieures par ces habitudes exté-
rieures *.
41 bis.
La dignité de l'homme consistait, dans son innocence, à user
et dominer sur les créatures, mais aujourd'hui à s'en séparer
et s'y assujettir 8.
12.
L'Eglise a toujours été combattue par des erreurs contraires,
mais peut-être jamais en même temps, comme à présent. Et si
elle en souffre plus, à cause de la multiplicité d'erreurs, elle
en reçoit cet avantage qu'elles se détruisent.
Elle se plaint des deux, mais bien plus des calvinistes, à cause
du schisme.
Il est certain que plusieurs des deux contraires sont trompés,
il faut les désabuser.
i. En titre dans l'autographe, Ordre.
2. Ce fragment est obscur. On accusait les jansénistes de croire que Jésus-Chrtst n'é-
tait pas mort pour tous, mais seulement pour ceux qu'il avait prédestinés à être sauvés
par sa mort. C'était une des cinq propositions condamnées par le pape comme étam
dans Jansénius, et que les partisans de Jansénius désavouaient en son nom. Il est clai.'
cependant que la doctrine janséniste allait là, et les plus ardents, les moins politiques
ne devaient pas reculer. Est-ce à eux que s'adresse ici Pascal, et les désavoue-t-il? Ou
plutôt n'est-ce pas aux adversaires qu'il reproche d'insister malignement sur le côte
troublant de ce dogme janséniste, au lieu de s'en tenir charitablement à Taspect conso-
lant? L'espérance est une^des trois vertus théologales. Sur celte question, si Jésus-Chbist
est mort pour tous, voyez xxv, 41.
3. Ces mots sont opposés deux à deux. L'homme avant la chute usait noblement des
créatures en tirant d'elles toutes les jouissances; aujourd'hui sa noblesse est de s'en sé-
parer , c'est-à-dire de s'abstenir des plaisirs des sens. L'homme avant la chute domi-
nait les créatures en ce qu'elles ne pouvaient lui causer aucun mal, aujourd hui sa di-
gnité est de s'assujettir à la douleur et de savoir souffrir. Pascal parle en stoïcien auss.
bieu qu'en chrétien : Abstine et suatine. Comparez le fragment 1 de l'article xni.
ARTICLE XXIV. 91
La foi embrasse plusieurs vérités qui semblent se contre*
dire. Temps de rire, de pleurer, etc. Responde. Ne respon-
deas, etc. La source en est l'union des deux natures en Jésus-
Christ1.
Et aussi les deux mondes. La création d'un nouveau ciel et
nouvelle terre 2 ; nouvelle vie, nouvelle mort ; toutes choses
doublées, et les mêmes noms demeurant.
Et enfin les deux hommes qui sont dans les justes, car ils
sont les deux mondes, et un membre et image de Jésus-
Christ3. Et ainsi tous les noms leur conviennent, de justes,
pécheurs; mort, vivant; vivant, mort; élu, réprouvé, etc4.
Il y a donc un grand nombre de vérités, et de foi, et de mo-
rale, qui semblent répugnantes, et qui subsistent toutes dans
un ordre admirable.
La source de toutes les hérésies est l'exclusion de quelques-
unes de ces vérités; et la source de toutes les objections que
nous font les hérétiques est l'ignorance de quelques-unes de
nos vérités.
Et d'ordinaire il arrive que, ne pouvant concevoir le rapport
de deux vérités opposées, et croyant que l'aveu de l'une en-
ferme l'exclusion de l'autre, ils s'attachent à l'une, ils excluent
l'autre, et pensent que nous, au contraire. Or l'exclusion est la
cause de leur hérésie ; et l'ignorance que nous tenons l'autre
cause leurs objections.
1er exemple : Jésus-Christ est Dieu et homme. Les ariens,
1. Ecclés. m, i-8 : « Toutes choses ont leur temps, et tout passe sous le ciel à son
heure. Il y a temps de naître, et temps de mourir ; temps de planter, et temps d'arra-
cher ce qui est planté; temps de tuer, et temps de guérir; temps d'abattre, et
temps de bâtir; temps de pleurer, et temps de rire ; temps de faire des lamentations, et
temps de danser; temps de jeter des pierres, et temps de les ramasser; temps d'em-
brasser, et temps de s'éloigner des embrassements; temps d'acquérir, et temps de
perdre; temps de conserver, et temps de rejeter; temps de déchirer, et temps de re-
coudre; temps de se taire, et temps de parler; temps pour l'affection, et temps pour
la haine; temps pour la guerre, et temps pour la paix. » — Prov., xxvi, 4-5 :« Ne réponds
pas au fou comme le mérite sa folie, de peur de devenir semblable à lui. Réponds au
fou comme le mérite sa folie, de peur qu'il ne s'imagine être sage. »
2. Seconde Lettre attribuée à Pierre, m, 13.
3. Tout le monde sait les vers de Racine :
Je trouve deux hommes en moi, etc.
d'après Paul, Rom. vu, 15-25.
4. Mort, vivant; vivant, mort. 11 ne faut pas croire que ce soit deux fois la même
chose. D'une part le juste est mort au monde, détaché des choses de la vie, mais vivant
de la grâce. De l'autre, il est vivant de la vie extérieure, mais il est mort spirituellement
par le péché originel qu'il porte en lui.
92 PENSÉES DE PASCAL
ne pouvant allier ces choses, qu'ils croient incompatibles, di-
sent qu'il est homme; en cela ils sont catholiques. Mais ils
nient qu'il soit Dieu : en cela ils sont hérétiques. Ils préten-
dent que nous nions son humanité ; en cela ils sont igno-
rants1.
2e exemple, sur le sujet du Saint-Sacrement : Nous croyons
que la substance du pain étant changée, et consubstantielle
en celle du corps de Notre-Seigneur, Jésus-Christ y est pré-
sent réellement. Voilà une des vérités. Une autre est que ce
Sacrement est aussi une figure de celui de la croix et de la
gloire, et une commémoration des deux 2. Voilà la foi catho-
lique, qui comprend ces deux vérités, qui semblent opposées.
L'hérésie d'aujourd'hui, ne concevant pas que ce Sacrement
contienne tout ensemble et la présence de Jésus- Christ et sa
figure, et qu'il soit sacrifice et commémoration de sacrifice,
croit qu'on ne peut admettre l'une de ces vérités sans exclure
l'autre pour cette raison.
Ils s'attachent à ce point seul, que ce Sacrement est figuratif;
et en cela ils ne sont pas hérétiques. Ils pensent que nous ex-
cluons cette vérité; et de là vient qu'ils nous font tant d'objec-
tions sur les passages des Pères qui le disent. Enfin, ils nient la
présence , et en cela ils sont hérétiques.
3e exemple : les indulgences 3.
C'est pourquoi le plus court moyen pour empêcher les héré-
sies est d'instruire de toutes les vérités ; et le plus sûr moyen
de les réfuter est de les déclarer toutes. Car que diront les hé-
rétiques?
Tous errent d'autant plus dangereusement qu'ils suivent
chacun une vérité. Leur faute n'est pas de suivre une fausseté,
mais de ne pas suivre une autre vérité 4.
1. rort-Royal substitue à l'exemple des ariens l'exemple de deux hérésies opposées
l'une à l'autre, celle des nestoriens et des eutychéens voyez xvh, 6). C'est sans doute
parce que les ariens ne disaient pas précisément que Jesus-Christ ne fût qu'un homme,
quoiqu'on pût pousser leur doctrine à cette conséquence.
2. De la croix, d'après les paroles sacrées : a Ceci est mon corps, qui est sacrifié pour
vous : faites cela en mémoire de moi, etc. » Luc, xxn, 19, et ailleurs. De la gloire,
voyez xvi, 14.
3. Pascal voulait dire, je pense : Les protestants ont raison de croire que les indul-
gences ne peuvent racheter le péché et remettre l'homme dans l'état de grâce d'où il
est sorti; mais ils ont tort de nier que les indulgences remettent à celui qui est sorti du
péché les peines qu'il a encore à subir après le péché remis.
4. On devra rapprocher de ce fragment la xvme Provinciale, et surtout le passage sui-
ÀRTICLK XXIV 93
12 bis.
S'il y a jamais un temps auquel on doive faire profession des
deux contraires, c'est quand on reproche qu'on en omet un. Donc
les Jésuites et les jansénistes ont tort en les celant ; mais les jansé-
nistes plus, car les Jésuites en ont mieux fait profession des deux .
12 ter.
La grâce sera toujours dans le monde (et aussi la nature),
de sorte qu'elle est en quelque sorte naturelle. Et ainsi toujours
il y aura des pélagiens, et toujours des catholiques, et tou-
jours combat.
Parce que la première naissance fait les uns, et la grâce de
la seconde naissance fait les autres.
13.
Ce sera une des confusions des damnés, de voir qu'ils seront
condamnés par leur propre raison, par laquelle ils ont pré-
tendu condamner la religion chrétienne.
13 bis.
H y a cela de commun entre la vie ordinaire des hommes et
celle des saints, qu'ils aspirent tous à la félicité ; et ils ne diffè-
rent qu'en l'objet où ils la placent. Les uns et les autres ap-
pellent leurs ennemis ceux qui les empêchent d'y arriver *.
Il faut juger de ce qui est bon ou mauvais par la volonté de
Dieu, qui ne peut être ni injuste ni aveugle ; et non par la
nôtre propre, qui est toujours pleine de malice et d'erreur.
14.
Quand saint Pierre et les apôtres délibèrent d'abolir la cir-
concision, où il s'agissait d'agir contre la loi de Dieu 2, ils ne
vant : • C'est par là qu'est délruite cette impiété de Luther, condamnée par le même
concile, que nous ne coopérons en aucune sorte à notre salut, non plus que des choses
inanimées; et c'est par là qu'est encore détruite l'impiété de l'école de Molina, qui ne
veut pas reconnaître que c'est la force de la grâce même qui fait que nous coopérons avec
elle dans l'œuvre de notre salut; par où il ruine ce principe de foi établi par saint Paul
que c'est Dieu qui forme en nous La volonté et l'action.
• Et c'est enfin parce moyen que B'accordent tous ces passages de l'Ecriture qui sem-
blent le plus opposés : Convertissez-vous à Dieu; Seigneur, convertissez-nous à vous.
Rejetez vos iniquités hors de vous; c'est Dieu qui ôte les iniquités de son peuple. Faites
des œuvres dignes de pénitence; Seigneur, vous avez fait en nous toutes vos œuvres
Faites-nous un cœur nouveau et un esprit nouveau; je vous donnerai un esprit nouveau,
et je créerai en vous un cœur nouveau, etc. •
1. Voir le fragir ent 7 de l'article xv.
2. Genèse, xv;: U) ; LpciUque, xu, 3.
ii. 7
94 PENSÉES DE PASCAL
consultent point les prophètes, mais simplement la réception
du Saint-Esprit en la personne des incirconcis \ Ils jugent plus
sûr que Dieu approuve ceux qu'il remplit de son Esprit, que
non pas qu'il faille observer la Loi; ils savaient que la fin de la
Loi n'était que le Saint-Esprit ; et qu'ainsi, puisqu'on l'avait
bien sans circoncision, elle n'était pas nécessaire ».
15.
Deux lois suffisent pour régler toute la république chré-
tienne, mieux que toutes les lois politiques 8.
1 5 bis.
La religion est proportionnée à toutes sortes d'esprit?. Les
premiers s'arrêtent au seul établissement4; et cette religion
est telle, que son seul établissement est suffisant pour en prou-
ver la vérité. Les autres vont jusques aux apôtres. Les plus
instruits vont jusqu'au commencement du monde. Les anges
la voient encore mieux, et de plus loin 5.
1 5 ter.
Dieu, pour se réserver à lui seul le droit de nous instruire,
et pour nous rendre la difficulté de notre être inintelligible,
nous en a caché le nœud si haut, ou, pour mieux dire, si bas,
que nous étions incapables d'y arriver : de sorte que ce n'est
pas par les agitations de notre raison, mais par la simple sou-
mission de la raison, que nous pouvons véritablement nous
connaître.
16.
Les impies, qui font profession de suivre la raison, doivent
être étrangement forts en raison. Que disent-ils donc ? Ne
voyons-nous pas, disent-ils, mourir et vivre les bêtes comme
t. Actes des apôtres, xv, 7-9.
ï. Où en voulait venir Pascal, en parlant ainsi pour l'esprit contre la lettre? Il est dif-
ficile de marquer précisément sou intention, mais en général les sectaires persécutés
aiment à se prévaloir de l'inspiration contre la Loi. — En titre dans l'autographe, Point
formaliste.
3. Port-Royal ajoute : l'amour de Dieu et celui du prochain. Voir Marc, xn, 28, etc.
4. Port Royal met, à l'état et à l'établissement où elle est. C'est bien le sens. Les pre-
miers, c'est-à-dire, les moins élevés.
5. Ils la voient dans la chute du mauvais auge, première cause de la chute de l'homme.
L'histoire de la rébellion des anges coupables n'est pas dans les livres de l'Ancien Tes-
tament, mais elle est consacrée par la tradition chrétienne, et par les épitres canoniques
qui portent les noms de Pierre et de Jude. [Pierre, II, n, 4; Jude, 6. Et Apoc. xn, 7J —
Voyez xi, 5 bis.
àRÎTCLE TXTV 95
es hommes, et les Turcs comme les Chrétiens? Ils ont leurs
cérémonies, leurs prophètes, leurs docteurs, leurs saints, leurs
religieux, comme nous, etc. — Cela est-il contraire à l'Écri-
ture? ne dit-elle pas tout cela1? Si vous ne vous souciez guère
de savoir la vérité, en voilà assez pour vous laisser en repos f
Mais si vous désirez de tout votre cœur de la connaître, ce
n'est pas assez : regardez au détail. C'en serait assez pour une
question de philosophie; mais ici, où il va de tout... Et cepen-
dant, après une réflexion légère de cette sorte, on s'amu-
sera, etc. Qu'on s'informe de cette religion même si elle ne
rend pas raison de cette obscurité ; peut-être qu'elle nous l'ap-
prendra.
16 bis.
C'est une chose horrible de sentir s'écouler tout ce qu'on
possède 3.
16 ter.
Il faut vivre autrement dans le monde selon ces diverses
suppositions : 1° Si l'on pouvait y être toujours. 2° S'il est sûr
qu'on n'y sera pas longtemps, et incertain si on y sera une
heure. Cette dernière supposition est la nôtre 4.
17.
Par les partis, vous devez vous mettre en peine de recher-
cher la vérité : car si vous mourez sans adorer le vrai principe,
vous êtes perdu. Mais, dites-vous, s'il avait voulu que je l'a-
dorasse, il m'aurait laissé des signes de sa volonté. Aussi a-t-
il fait ; mais vous les négligez. Cherchez-les donc ; cela le vaut
bien.
17 bis.
Cachot. — Je trouve bon qu'on n'approfondisse pas l'opinion
de Copernic : mais ceci... ! Il importe à toute la vie de savoir
si l'âme est mortelle ou immortelle.
1. Que les bêtes vivent et meurent comme les hommes, Ecclés. m, 18-22. Et le
juste comme le pécheur, Jean, vm, 51 ; qu'il y aura des faux prophètes, Matlh. vïî,
15, etc.; que l'ivraie sera confondue avec le bon grain jusqu'au dernier jour, Matth. un,
30, etc., etc.
8. C'est-à-dire, Voilà, je l'avoue, contre la religion, une fin de non-recevoir qui sem-
ble suffisante, qui vous permet de ne pas vous tourmenter à l'approfondir.
3. En titre dans l'autographe, Écoulement. Voyez plus loin le frag. 33.
4. En titre dans l'autographe, Partis. Voyez le fragment suivant, et le fragment 1 de
article x.
% PENSÉES DE PASCAL
18.
Les prophéties, les miracles mêmes et les preuves de notre
religion, ne sont pas de telle nature qu'on puisse dire qu'ils
sont absolument convaincants. Mais ils le sont aussi de telle
sorte qu'on ne peut dire que ce soit être sans raison que de les
croire. Ainsi, il y a de l'évidence et de l'obscurité, pour éclairer
les uns et obscurcir les autres. Mais l'évidence est telle, qu'elle
surpasse, ou égale pour le moins, l'évidence du contraire ; de
sorte que ce n'est pas la raison qui puisse déterminer à ne la
pas suivre ; et ainsi ce ne peut être que la concupiscence et la
malice du cœur. Et par ce moyen il y a assez d'évidence pour
condamner, et non assez pour convaincre ; afin qu'il paraisse
qu'en ceux qui la suivent, c'est la grâce, et non la raison, qui
fait suivre ; et qu'en ceux qui la fuient, c'est la concupiscence,
et non la raison, qui fait fuir.
18 bis.
Qui peut ne pas admirer et embrasser une religion qui con-
naît à fond ce qu'on reconnaît d'autant plus qu'on a plus de lu-
mière?
18 ter.
C'est un héritier qui trouve les titres de sa maison. Dira-
t-il : Peut-être qu'ils sont faux? et négligera-t-il de les exa-
miner1?
19.
Deux sortes de personnes connaissent : ceux qui ont le cœur
humilié, et qui aiment la bassesse, quelque degré d'esprit qu'ils
aient, haut ou bas ; ou ceux qui ont assez d'esprit pour voir la
vérité, quelque opposition qu'ils y aient *.
19 bis.
Les sages qui ont dit qu'il y a un Dieu, ont été persécutés,
les Juifs haïs, les Chrétiens encore plus.
20.
Qu'ont-ils à dire contre la résurrection, et contre l'en fante-
4. Il s'agit de l'homme à qui la religion présente ses dogmes, et les preuves qui les
appuient.
2. Dan3 l'orgueil, qui est le fond même de la nature corrompue. C'est pour ceux-là
que Pascal écrit; les cœurs humbles* auiJs aient l'esprit haut ou bas, trouvent Dieu sans
effort d'esprit
ARTICLE XXIV 97
ment de la Vierge ? Qu'est-il plus difficile, de produire un
homme ou un animal, ou de le reproduire ? Et s'ils n'avaient
jamais vu une espèce d'animaux, pourraient-ils deviner s'ils se
produisent sans la compagnie les uns des autres ?
20 bis.
Athées. Quelle raison ont-ils de dire qu'on ne peut ressusci-
ter ? Que c'est plus difficile de naître, ou de ressusciter ; que
ce qui n'a jamais été soit, ou que ce qui a été soit encore? Est*
il plus facile de venir en être que d'y revenir *? La coutume
nous rend l'un facile, le manque de coutume rend l'autre im-
possible ; populaire façon déjuger. Pourquoi une vierge ne peut-
elle enfanter? une poule ne fait-elle pas des œufs sans coq? Qui
les distingue par dehors d'avec les autres? et qui nous dit que
la poule n'y peut former ce germe aussi bien que le coq?
21.
... Mais est-il probable que la probabilité assure? — Diffé-
rence entre repos et sûreté de conscience. Rien ne donne l'as-
surance que la vérité. Rien ne donne le repos que la recherche
sincère de la vérité *.
22.
Les exemples des morts généreuses de Lacédémoniens et
autres ne nous touchent guère ; car qu'est que cela nous ap-
porte? Mais l'exemple de la mort des martyrs nous touche, car
ce sont nos membres 3. Nous avons un lien commun avec eux:
leur résolution peut former la nôtre, non-seulement par
l'exemple, mais parce qu'elle a peut-être mérité la nôtre 4. Il
n'est rien de cela aux exemples des païens : nous n'avons point
de liaison à eux ; comme on ne devient pas riche pour voir un
étranger qui l'est, mais bien pour voir son père ou son mari
qui le soient.
1. Il y a dans le manuscrit, plus difficile.
2. Port-Royal a mis : Rien ne doit donner le repos ; et, en effet, quand Pascal distingue
le repos et l'assurance, il suppose par cela même que la probabilité, si elle ne met en
sûreté les pécheurs, les met en repos. Mais ce n'est pas ce vrai et bon repos qu'une re-
cherche sincère peut seule donner. Sur la probabilité, voyez vu, 39.
3. Rom. xn, 4 : « De même que dans un seul corps nous avons plusieurs membres, et
que tous ces membres n'ont pas la même fonction; ainsi nous ne faisons tous qu'ut?
seul corps en Christ, et nous sommes les membres les uns des autres, n
*. « Qu'entendez -vous par la communion des saints? — J'entends principalement la.
participation qu'ont tous les fidèles au fruit des bonnes œuvres les uns des autres, i
Catéchisme de Bossuet. Voyez aussi sou Avertissement aux protestants.
98 PENSÉES DE PASCAL
23.
Les élus ignoreront leurs vertus, et les réprouvés la gran-
deur de leurs crimes : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir
faim, soif, etc. » [Matth. xxv, 34.]
23 bis.
Jésus-Christ n'a point voulu des témoignages des démons,
ni de ceux qui n'avaient pas vocation ; mais de Dieu et Jean-
Baptiste *.
24.
Les défauts de Montaigne sont grands. Mots lascifs. Gela ne
vaut rien, malgré Mlle de Gournay 2. Crédule (gens sans yeux).
Ignorant (quadrature du cercle, monde plus grand). Ses sen-
timents sur l'homicide volontaire, sur la mort. Il inspire une
nonchalance du salut, « sans crainte et sans repentir. » Son
livre n'étant pas fait pour porter à la piété, il n'y était pas
obligé : mais on est toujours obligé de n'en point détourner.
On peut excuser ses sentiments un peu libres et voluptueux
en quelques rencontres de la vie (730, 231); mais on ne peut
excuser ses sentiments tout païens sur la mort ; car il faut re-
noncer à toute piété, si on ne veut au moins mourir chrétien-
nement ; or, il ne pense qu'à mourir lâchement et mollement
par tout son livre 3.
1. Voyez Marc, m, 11, etc. Matth. ix, 30 et xn, 16 ; et Marc, I, 7, U, etc.
2. Qui tâche de justifier là-dessus son père d'alliance dans la Préface de son édition
des Essais.
3. « Gens sans yeux. » Apol., t. m, p. 172 : o Qui en vouldra croire Pline et Hérodote,
il y a des espèces d'hommes, en certains endroicts, qui ont fort peu de ressemblance à
la nostre...; il y a des contrées où les hommes naissent sans teste, portant les yeulx et
la bouche en la poictrine... ; [d'autres] où ils n'ont qu'un œil au front; etc. • Si ce n'est
pas là précisément des gens sans yeux, c'est à peu près la même chose. — n Quadrature
du cercle, monde [«lus grand. » — Montaigne, II, 14 (Comme nostre esprit s'empesche soy
mesme), t. m, p. 345 : ■ Qui ioindroit encores à cecy les propositions géométriques qui
concluent par la certitude de leurs démonstrations le contenu plus grand que le conte-
nant, le centre aussi grand que sa circonférence, et qui trouvent deux lignes s'approcbants
sans ces^e l'une de l'autre, et ne se pouvants ioindre jamais; et la pierre philosophale, et
quadrature du cercle, [toutes choses] où la raison et l'edect sont si opposites, en tireroit
à l'adventure quelque argument pour secourir ce mot liardy de Pline : solum certum
nihil esse certi, et homine nihil miserius aut super/nus [II, 7 : La seule chose certaine est
qu'il n'y a rien de certain, et que rien n'est plus misérable que l'homme ni plus superbe]. •
Et Apol. t. m, p. 268 : « Ptolemeus... qui a esté un grand personnage, avoit estably les
bornes de nostre monde; touts les philosophes anciens ont pensé en tenir la mesure... :
c'eust esté pyrrhoniser... que de mettre en doute la science de la cosmographie et les
opinions qui en estoient receues d'un enascun... . Voylà de nostre temps une grandeur
infinie de terre ferme... qui vient d'estre découverte. Les géographes de ce temps ne
faillent pas d'asseurer que meshuy tout est trouvé et que tout est veu... Sçavoir mon, si
Ptolemee s'y est trompé aultresfois sur les fondements de sa raison, si ce ne seroit pas
ARTICLE XXIV 99
25.
Ce qui nous gâte pour comparer ce qui s'est passé autrefois
dans l'Église à ce qui s'y voit maintenant, c'est qu'ordinaire-
ment on regarde saint Athanase, sainte Thérèse et les autres
comme couronnés de gloire et agissant avec nous comme des
dieux '. A présent que le temps a éclairci les choses, cela pa-
raît ainsi. Mais, au temps où on le persécutait, ce grand saint
sottise de me fier maintenant à ce que cenlx cy en disent, et s'il n'est plus vraysem-
blable que ce grand corps que nous appelons le Monde est chose bien aultre que nous ne
iugeons. • — Sçavoir mon, c'est-à-dire, il y aurait pour moi à savoir. « C'est mon, ce
fay mon, ce faudra mon, sont façons de parler harengères, » dit Antoine Oudin dans sa
Grammaire françoise [1633]. Note prise dans le Molière de M. Aimé-Martin. Montaigne,
11, 37, t. 4, p. 113, emploie aussi c'est mon (d'où çamon). — « Ses sentiments sur l'homi-
cide volontaire. • Voir tout le chapitre 3 du livre II des Essais, qui est une apologie du
suicide. — ■ Sans crainte et sans repentir. • Voir en eftet dans Montaigne le chapitre du
Repentir, III, 2, t. iv : « Je me repens rarement (p. 180). » — « Quant a moy, ie puis
désirer en gênerai estre aultre.. ; mais cela, ie ne le doibs nommer repentir (p. 195). >
— « Si i'avois à revivre , ie revivrois comme i'ay vescu : ni ie ne plainds le passé, ni ie
ne crainds l'adoenir (p. 202). * — a 730, 231. » Ces chiffres paraissent un renvoi à deux
pages de l'édition des Essais dont se servait Pascal; on a vu ailleurs une indication sem-
blable (vi, 18). Mais celle-là renvoyait à l'édition in-folio de 1635, la seconde édition
donnée par mademoiselle de Gournay, avec une Préface et une Dédicace à Richelieu :
or les pages 730 et 231 de cette édition ne m'ont rien offert qui se rapporte à la re-
marque de Pascal. J'ai été plus heureux en consultant un volume des Essais in-4<>, daté
de 1636, mais qui n'est qu'une réimpression de la première édition de mademoiselle de
Gournay. On y lit à la page 730 : a Les souffrances qui nous touchent simplement par
Vàme m'affligent beaucoup moins qu'elles ne font la pluspart des aultres hommes... : Mais
les souflrances vrayment essentielles et corporelles, ie les gouste bien vifvement... I'ay
au moins ce proufit de la cholique [la gravelle], que ce que ie n'avois encores peu sur
moy, pour me concilier du tout et m'accoiuter à la mort, elle le parlera... : et Dieu
veuille qu'enfin, si son aspreté vient à surmonter mes forces, elle ne me rejecte à l'aultre
extrémité, non moins vicieuse, d'aimer et désirer à mourir (II, 37, t. iv, p. 91-93 de l'é-
dition Le Clerc). » Voici maintenant ce qu'on trouve à la page 231 : « Ma seconde forme
[de vie] ça esté d'avoir de l'argent; a quoy m'estant prins, i'en feis bientost des reserves
notables..., n'estimant pas que ce feust avoir, sinon autant qu'on possède oultre sa des-
pense ordinaire... Car quoyl disoisie, si i'estois surprins d'un tel ou d'un tel accidentî
Et à la suitte de ces vaines et vicieuses imaginations, i'allois faisant l'ingénieux à pourvoir
par cette superflue reserve atouts inconvénients... Gela ne se passoit pas sans pénible
sollicitude, etc. » (I, 40, t. n, p. 109). Ce même volume, qui satisfait ici aux renvois de
Pascal, ne satisfait pas au contraire a celui du fragment vi, 18. Pascal a donc eu entre
les mains deux volumes différents en ces deux occasions. — « Mourir lâchement et mol-
lement. » Voir particulièrement III, 9, t. îv, p. 506 : « Il m'advient souvent d'imaginer
avecques quelque plaisir les dangiers mortels, et les attendre . ie me plonge la teste bais-
sée stupidement dans la mort, sans la considérer et recognoistre, comme en une pro-
fondeur muette et obscure qui m'engloutit d'un sault, et m'estouffe en un instant d'un
puissant sommeil, plein d'insipidité et indolence. » Et plus loin (p. 533), parlant encore
de la mort : « Puisque la fantaisie d'un chascun treuve du plus et du moins à son ai-
greur, puisque chascun a quelque chois entre les formes de mourir, essayons un peu plus
avaut d'en trouver quelqu'une deschargee de tout desplaisir. Pourroit-on pas la rendre
encores voluptueuse, comme les Commourants d'Antonius et de Cleopatra (Plul.Ant. 72] ? »
Et au chapitre 12 du même livre, p. 97, à propos des philosophes qui se donnent tant de
peine pour se préparer à la mort : a Un quart d'heure de passion [de souffrance], saiis
conséquence, sans nuisance, ne mérite pas des préceptes particuliers. » La Logique de
Port-Royal relève avec force cette dernière phrase et la première dans le jugement
cevère qu'elle porte sur Montaigne (III, xix, des Sophismes d'amour- propre, d'intérêt et de
l'on, no 6). — En titre dans l'autographe, Montagne (Pascal écrit toujours ainsi).
■ Ici quelques mots illisibles.
100 PENSÉES DE PASCAL
était un homme qui s'appelait Athanase ; et sainte Thérèse, une
fille. « Élie était un homme comme nous, et sujet aux mêmes
passions que nous, » dit saint Jacques, pour désabuser les
chrétiens de cette fausse idée qui nous fait rejeter l'exemple
des saints, comme disproportionné à notre état1. C'étaient des
saints, disons-nous, ce n'est pas comme nous. Que se passait-
il donc alors? Saint Athanase était un homme appelé Athanase,
accusé de plusieurs crimes, condamné en tel et tel concile,
pour tel et tel crime, tous les évêques y consentaient, et le
pape enfin. Que dit-on à ceux qui y résistent? Qu'ils troublent
la paix, qu'ils font schisme, etc. 2.
Quatre sortes de personnes : zèle sans science; science sans
zèle; ni science ni zèle, et zèle et science. Les trois premiers
le condamnent, les derniers l'absolvent, et sont excommuniés
de l'Église, et sauvent néanmoins l'Église.
26.
Les hommes ont mépris pour la religion, ils en ont haine,
et peur qu'elle soit vraie. Pour guérir cela, il faut commencer
par montrer que la religion n'est point contraire à la raison ;
vénérable, en donner respect; la rendre ensuite aimable, faire
souhaiter aux bons qu'elle fût vraie ; et puis, montrer qu'elle
est vraie.
1. Aux mêmes passions que nous, c'est-à-dire aux mêmes infirmités, aux mêmes misè-
res, dans le sens du grec 7rà9ïj : Elias horno erat similis nobis, passibilis. Voici la suite
du texte (v, 16) : o Priez pour la guérison les uns des autres, car la prière redoublée du
juste peut beaucoup. Elie était un homme, etc. Et il pria pour qu'il ne plût pas, et il ne
plût pas en effet pendant trois ans et demi. » Au lieu de saint Jacques, Pascal avait écrit
saint Pierre, par erreur.
1. Athanase était accusé de viol, de meurtre et de sacrilège. Il fut condamné par les
conciles de Tyr en 335, d'Arles en 353, de Milan en 355. Le pape Libère, après avoir
longtemps refusé de ratifier la condamnation d'Athanase, et avoir souffert pour ce refus,
finit par se laisser entraîner à la souscrire en 357.
On a imprimé parmi les œuvres d'Arnauld les opinions de plusieurs docleurs de Sor-
bonne qui se prononcèrent pour lui dans l'affaire de la censure. On y trouve celle du
docteur Nicolas Perrault, frère de Perrault l'académicien ; et voici ce qu'on lit dans ce
morceau (traduit du latin par Fontaine). Perrault vient d'alléguer l'exemple de saint Jé-
rôme et continue ainsi : « Et en vain l'on me répondrait que M. Arnauld n'est pas saint
Jérôme; car, lorsque saint Jérôme écrivait les ouvrages qu'il nous a laissés, il n'était pas
alors saint Jérôme, mais seulement Jérôme prêtre, ce Jérôme abatido né du pipe Sirice,
et accablé de tant de calomnies par le clergé de Rome, que les uns disaient qu'il fallait
le chasser de la ville, d'autres qu'il fallait le lapider, et d'autres qu'il fallait le jeter dans
la rivière. Voilà quel était alors ce Jérôme prêtre, que nous ne connaissons plus aujour-
d'hui que par le nom de saint Jérôme. » OEuvres d'Arnauld, t. xx, p. 491. 11 semble
donc que Pascal doit une remarque m ingénieuse au docteur Perrault, doût le discours est,
d'ailleurs, fort spirituel et tout à fait digne du nom qu'il porte.
ARTICLE XXIV 101
Vénérable, parce qu'elle a bien connu l'homme ; aimable,
parce qu'elle promet le vrai bien l.
26 bis.
Un mot de David, ou de Moïse, comme : que Dieu circon-
cira les cœurs, fait juger de leur esprit *. Que tous les autres
discours soient équivoques, et douteux d'être philosophes ou
chrétiens3; enfin un mot de cette nature détermine tous les
autres, comme un mot d'Epictète détermine tout le reste au
contraire. Jusque là l'ambiguïté dure, et non pas après.
26 ter.
J'aurais bien plus de peur de me tromper, et de trouver
que la religion chrétienne soit vraie, que non pas de me trom-
per en la croyant vraie *.
27.
Les conditions les plus aisées à vivre selon le monde sont
les plus difficiles à vivre selon Dieu ; et au contraire. Rien
n'est si difficile selon le monde que la vie religieuse; rien n'est
plus facile que de la passer selon Dieu. Rien n'est plus aisé
que d'être dans une grande charge et dans de grands biens se-
lon le monde; rien n'est plus difficile que d'y vivre selon Dieu,
et sans y prendre de part et de goût.
28.
L'Ancien Testament contenait les figures de la joie future, et
le Nouveau contient les moyens d'y arriver. Les figures étaient
de joie; les moyens, de pénitence; et néanmoins l'agneau pas-
cal était mangé avec des laitues sauvages, cum amaritudini-
bus 6.
29.
Le mot de Galilée, que la foule des Juifs prononça comme
par hasard, en accusant Jésus-Christ devant Pilate, donna su-
jet à Pilate d'envoyer Jésus-Christ à Hérode; en quoi fut ac-
1. En titre dans l'autographe, Ordre.
2. Deuler. xxx, 6. Voyez le 8« alinéa de l'article xxi.
3. C'est-à-dire, et qu'il soit douteux s'ils sont philosophes ou chrétiens. Philosophes
pour philosophiques, comme au fragment vi, 52.
4. En titre dans l'autographe, Ordre.
5. Exode, xn, 8; mais il y a dans la Vulr/atc, cum lactucis agrestibus. Los mots cum
amaritudinibus sont, à ce qu'il parait, la traduction exacte de l'hébreu.
102 PENSÉES DE PASCAL
compli le mystère, qu'il devait être jugé par les Juifs et les
Gentils. Le hasard en apparence fut la cause de l'accomplisse-
ment du mystère l.
30.
Une personne me disait un jour qu'il avait grande joie et
confiance en sortant de confession a : l'autre me disait qu'il
restait en crainte. Je pensai sur cela que de ces deux on ferait
un bon, et que chacun manquait en ce qu'il n'avait pas le sen-
timent de l'autre. Gela arrive de même souvent en d'autres
choses.
31.
Il y a plaisir d'être dans un vaisseau battu de l'orage, lors-
qu'on est assuré qu'il ne périra point. Les persécutions qui
travaillent l'Église sont de cette nature.
31 bis.
L'Histoire de l'Église doit être proprement appelée l'His-
toire de la vérité 8.
32.
Comme les deux sources de nos péchés sont l'orgueil et la
paresse, Dieu nous a découvert deux qualités en lui pour les
guérir : sa miséricorde et sa justice. Le propre de la justice est
d'abattre l'orgueil, quelque saintes que soient les œuvres, et
non intres in judicium, etc. * ; et le propre de la miséricorde
est de combattre la paresse en invitant aux bonnes œuvres, se-
lon ce passage : c< La miséricorde de Dieu invite à pénitence6 ; »
et cet autre des Ninivites : « Faisons pénitence, pour voir si par
aventure il aura pitié de nous 6. » Et ainsi tant s'en faut que
1. Luc, xxm, 5, et Actes des apôtres, iv, 25-28.
2. Port-Royal met: Un homme me disait. Et plus loin : Un autre me disait qu'il...
3. Bossuet, Sermon sur la divinité de la religion (prêché à la cour pour le deuxième
dimanche de l'Avent), premier point : « Par où vous voyez clairement que la vérité
se sert des hommes, mais qu'elle n'en dépend pas ; et c'est ce qui nous paraît dans
toute la suite de son histoire. J'appelle ainsi l'histoire de l'Église, c'est l'histoire du
règne de la vérité ; » etc. Bossuet prenait-il cette phrase dans les Pensées ? 11 avait
pu les lire, si l'Avent où il a prêché ce sermon est celui de 1669, qu'il prêcha en eSet à
la cour.
4. Ps. cxlii, 2 : « Et n'entre point en jugement avec- ton serviteur, car nul homme
vivant ne sera justifié devant toi. »
5. Rom., ii, 4 : Ignoras quoniam benignitas Dei ad pœnitentiam te adducit.
6. Jonas, m, 9 : Quis scit si convertatur et ignoscat Deus, et revertatur a furore irœ
suce, et non peribimus ?
ARTICLE XXIV 103
la miséricorde autorise le relâchement, que c'est au contraire
la qualité qui le combat formellement; de sorte qu'au lieu de
dire : S'il n'y avait point en Dieu de miséricorde, il faudrait
faire toutes sortes d'efforts pour la vertu, il faut dire, au con-
traire, que c'est parce qu'il y a en Dieu de la miséricorde,
qu'il faut faire toutes sortes d'eilbrts '.
33.
Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair, ou
concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie 2 : libido sert-
tiendi; libido sciendi, libido dominandi\ Malheureuse la terre
de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt
qu'ils n'arrosent! Heureux ceux qui, étant sur ces fleuves, non
pas plongés, non pas entraînés, mais immobiles tout affermis
sur ces fleuves ; non pas debout, mais assis dans une assiette
basse et sûre, d'où ils ne se relèvent pas avant la lumière ; mais,
après s'y être reposés en paix, tendent la main à celui qui les doit
élever, pour les faire tenir debout et fermes dans les porches de
la sainte Hiérusalem, où l'orgueil ne pourra plus les combattre et
les abattre ; et qui cependant pleurent, non pas de voir écouler
toutes les choses périssables que les torrents entraînent, mais
dans le souvenir de leur chère patrie, de la Hiérusalem céleste,
dont ils se souviennent sans cesse dans la longueur de leur exil * !
33 bis.
Les fleuves de Babylone coulent, et tombent, et entraînent.
0 sainte Sion, où tout est stable et où rien ne tombe !
Il faut s'asseoir sur les fleuves, non sous ou dedans, mais
dessus; et non debout, mais assis; pour être humble étant as-
1. En titre dans l'autographe, Contre ceux gui sur la confiance de la miséricorde de
Dieu demeurent dans la nonchalance, sans faire de bonnes œuvres.
2.' C'est la traduction exacte d'un verset de la première épitre de Jean, n, 16 : Omne
quod est in mundo concupiscentia carnis est et concupiscentia oculorum et superbia vitœ.
Le Traité de la concupiscence de Bossuet n'est que le développement de ce texte.
3. C'est une citation de Jansénius {de statu naturœ lapsœ, II, 8, dans YAuguslinus). Il
y a seulement dans le texte excellendi au lieu de dominandi : « La passion de sentir, la
passion de savoir, la passion de primer. »
4. Ce fragment est tiré, comme M. Faugère en a averti, de la paraphrase de saint Au-
gustin sur le psaume cxxxvi (Super flumina Babylonis). C'est le commentaire du pre-
mier verset : « Sur les fleuves de Babylone nous sommes demeurés assis et nous avons
pleuré, en nous souvenant de Sion. » Babylone, c'est la terre ; et Sion est le ciel. Il faut
construire comme s'il y avait : Heureux ceux qui sont sur ces fleuves, non pas plon-
gés, etc., mais assis dans une assiette basse et sûre, dont ils ne se relèvent jamais avant
la lumière, mais où s' étant reposés en paix, ils tendent la main, etc.
104 PENSÉES DE PASCAL
sis, et en sûreté étant dessus. Mais nous serons debout dans
les porches de Hiérusalem.
Qu'on voie si ce plaisir est stable ou coulant : s'il passe, c'est
un fleuve de Babylone.
34. .
Un miracle, dit-on, affermirait ma créance. On le dit quand
on ne le voit pas. Les raisons qui, étant vues de loin, parais-
sent borner notre vue... mais quand on y est arrivé, on com-
mence à voir encore au delà. Rien n'arrête la volubilité de
notre esprit. Il n'y a point, dit-on, de règle qui n'ait quelques
exceptions, ni de vérité si générale qui n'ait quelque tace par où
elle manque. Il suffit qu'elle ne soit pas absolument univer-
selle, pour nous donner sujet d'appliquer l'exception au sujet
présent, et de dire : Gela n'est pas toujours vrai ; donc il y a
des cas où cela n'est pas ; il ne reste plus qu'à montrer que
celui-ci en est. Et c'est à quoi on est bien maladroit ou bien
malheureux si on ne trouve quelque jour *.
35.
La charité n'est pas un précepte figuratif. Dire que Jésus-
Christ, qui est venu ôter les figures pour mettre la vérité, ne
soit venu que mettre la figure de la charité, pour ôter la réalité
qui était auparavant , cela est horrible. Si la lumière est ténè-
bres, que seront les ténèbres *?
36.
Combien les lunettes nous ont-elles découvert d'êtres qui
n'étaient point pour nos philosophes d'auparavant! On entre-
prenait franchement l'Écriture sainte sur le grand nombre
des étoiles, en disant : Il n'y en a que mille vingt-deux, nous
le savons 8.
1. Comparez le fragment 9 de l'article xm.
2. Matthieu, vi, 22: «Ton œil est la lampe de ton cœur... ; si donc ton œil est malade,
tout ton corps sera dans la nuit. Si ce qui est lumière en toi devient ténèbres, ce qui était
ténèbres que sera-t-il donc? • Pascal veut dire : Si les prêtres eux-mêmes, si les directeurs
des consciences sont aveugles en ce qui regarde la charité, que sera-ce donc du monde?
3. Jérém. xxvm, 22 ; • Ainsi qu'on ne saurait compter les étoiles du ci°l, ni les sables
du rivage, ainsi je multiplierai la race de David mon serviteur. » Voyez xv, 5 ;xxn, 17, etc.
— Mille vingt deux est le nombre des étoiles comprise dans le catalogue de Ptolémée,
d'après les observations d'Hipparquc. On lit d,"ns le Cosmos, t. I, page 169 de la traduc-
tion de M. H. Faye : « On porte par estime à 18 millions le nombre des étodles que ie
ARTICLE XXIV 105
37.
L'homme est ainsi fait, qu'à force de lui dire qu'il est un sot,
51 le croit; et, à force de se le dire à soi-même, on se le fait
croire *. Car l'homme fait lui seul une conversation intérieure,
qu'il importe de bien régler : Corrumpunt mores bonos colloquia
prava 2. Il faut se tenir en silence autant qu'on peut, et ne
s'entretenir que de Dieu, qu'on sait être la vérité: et ainsi on
se la persuade à soi-même.
38.
Quelle différence entre un soldat et un chartreux, quant à
l'obéissance? Car ils sont également obéissants et dépendants,
et dans des exercices également pénibles. Mais le soldat espère
toujours devenir maître, et ne le devient jamais (car les capi-
taines et princes même sont toujours esclaves et dépendants) ;
mais il l'espère toujours, et travaille toujours à y venir; au
lieu que le chartreux fait vœu de n'être jamais que dépendant.
Ainsi ils ne diffèrent pas dans la servitude perpétuelle, que
tous deux ont toujours, mais dans l'espérance, que l'un a tou-
jours, et l'autre jamais.
39
La volonté propre ne se satisfera jamais, quand elle aurait
pouvoir de tout ce qu'elle veut ; mais on est satisfait dès l'ins-
tant qu'on y renonce. Sans elle, on ne peut être malcontent;
par elle, on ne peut être content.
39 bis.
... La vraie et unique vertu est donc de se haïr, car on est
haïssable par sa concupiscence, et de chercher un être vérita-
blement aimable, pour l'aimer. Mais, comme nous ne pouvons
aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en
nous, et qui ne soit pas nous, et cela est vrai d'un chacun de
télescope permet de distinguer dans la voie lactée. Pour se faire une idée de la gran-
deur de ce nombre, ou plutôt pour s'aider d'un terme de comparaison, il suffit de se
rappeler que nous ne voyons pas à l'œil nu, sur toute la surface du ciel, plus de 8000
étoiles ; tel est en effet le nombre des étoiles comprises entre la première et la sixième
grandeur, o
1. Et c'est où Pascal veut qu'on arrive, à mépriser la sagesse naturelle et la raison.
Voir l'article x.
1. « Les mauvaises conversations corrompent les bonnes mœurs. » I Cor. xv, 33.
Colloquia mala, dans la Vulgate. Le grec porte : QQ-ipouviv r,6r) y$r^t;6, bf/.iXioct xy./.y.i.
C'est un vers de Ménandre, d'après le témoignage de Jérôme [Lettre d3j.
106 PENSÉES DE PA.SC4L
tous les hommes. Or il n'y a que l'Être universel qui soit tel.
Le royaume de Dieu est en nous : le bien universel est en nous,
est nous-mêmes, et n'est pas nous l-
39 ter.
Il est injuste qu'on s'attache à moi, quoiqu'on le fasse avec
plaisir et volontairement. Je tromperais ceux à qui j'en ferais
naître le désir; car je ne suis la fin de personne, et n'ai pas de
quoi les satisfaire. Ne suis-je pas prêt à mourir? Et ainsi l'ob-
jet de leur attachement mourra Donc comme je serais coupa-
ble de faire croire une fausseté, quoique je la persuadasse dou-
cement, et qu'on la crût avec plaisir, et qu'en cela on me fît
plaisir, de même je suis coupable de me faire aimer, et si j'at-
tire les gens à s'attacher à moi. Je dois avertir ceux qui se-
raient prêts à consentir au mensonge, qu'ils ne le doivent pas
croire, quelque avantage qui m'en revînt ; et de même, qu'ils
ne doivent pas s'attacher à moi ; car il faut qu'ils passent leur
vie et leurs soins à plaire à Dieu, ou à le chercher *.
40.
C'est être superstitieux, de mettre son espérance dans les
formalités; mais c'est être superbe, de ne vouloir s'y sou-
mettre.
41.
... Toutes les religions et les sectes du monde ont eu la
raison naturelle pour guide 3. Les seuls chrétiens ont été as-
treints à prendre leurs règles hors d'eux-mêmes, et à s'infor-
mer de celles que Jésus-Christ a laissées aux anciens pour être
transmises aux fidèles. Cette contrainte lasse ces bons pères.
Ils veulent avoir, comme les autres peuples, la liberté de sui-
vre leurs imaginations. C'est en vain que nous leur crions,
1. Luc, xvii, 20 : « Les Pharisiens lui demandant quand viendrait le royaume de Dieu,
il répondit : Le royaume de Dieu ne vient pas d'une manière qui se fasse remarquer.
Et on ne dira point, Il est ici, ou, Il est là; dès à présent le royaume de Dieu est
parmi vous. •
2. On a ce fragment écrit de la main de Domat avec cette note : t Madame Perier
a l'original de ce billet ». Madame Perier l'a cité dans la Vie de son frère.
3. Ce fragment commençait d'abord par les lignes suivantes, que Pascal a ensuite bar-
rées : e State super vias..., et interrogate de semitis antiquis... et ambulate in ets... El
dixerunt : Non ambulabimus, sed post cogilationem nostram ibimus. [Jérem. vi. 16. Mais
les cinq derniers mots ne sont pas dans la Vulgate.] Ils ont dit aux peuples : Venei
avec nous, suivons les opinions des nouveaux auteurs. La raison sera notre guide;
nous serons comme les autres peuples, qui suivent chacun sa lumière naturelle. Les
philosophes ont ... >
àRTICLE XXIV 107
comme les prophètes disaient autrefois aux Juifs : Allez au
milieu de l'Eglise; informez-vous des lois que les anciens lui
ont laissées, et suivez ces sentiers. Ils ont répondu comme les
Juifs : Nous n'y marcherons pas : mais nous suivrons les pen-
sées de notre cœur; et ils ont dit : Nous serons comme les au-
tres peuples».
42.
Il y a trois moyens de croire : la raison, la coutume, l'inspi-
ration V La religion chrétienne, qui seule a la raison, n'admet
pas pour ses vrais enfants ceux qui croient sans inspiration ; ce
n'est pas qu'elle exclue la raison et la coutume; au contraire,
mais il faut ouvrir son esprit aux preuves, s'y confirmer par la
coutume , mais s'offrir par les humiliations aux inspirations,
qui seules peuvent faire le vrai et salutaire effet : Ne evacuetm
crux Christi*.
43.
Jamais on ne fait le mal si pleinement, si gaiement, que
quand on le fait par conscience.
44.
Les Juifs, qui ont été appelés à dompter les nations et les
rois, ont été esclaves du péché ; et les chrétiens, dont la voca-
tion a été à servir et à être sujets, sont les enfants libres *.
45.
[Est-ce courage à un homme mourant, d'aller, dans la fai-
blesse et dans l'agonie, affronter un Dieu tout- puissant et éter-
nel6?]
46.
Histoire de la Chine. — Je ne crois que les histoires dont les
témoins se feraient égorger.
ïl n'est pas question de voir cela en gros. Je vous dis qu'il y
a de quoi aveugler et de quoi éclairer. Par ce mot seul, je
t. Et erimus nos quoque siaut omnes gentes. I Rois, vm, 20. C'est ce que disent les
Juifs quand ils persistent à vouloir un roi, malgré les avertissements de Samuel.
2. Pascal avait mis d'abord la révélation.
3. I Cor. i, 17 : « Le Christ m'a envoyé pour prêcher l'Evangile, mais non par la sa-
gesse de la parole, pour ne pas rendre vaine la croix du Clirisi. • (Il y a ut non évacue! i.r
dans la Vulgate.)
4. Voyez Rom. vi, 20; rai, 14, 15, etc.
5. J'enferme cette pensée entre deux crochets, parce que Pascal l'avait barrée. On
lu, dans 1 article ix : « Rien n'est plus lâche que de faire le brave contre Dieu. »
i 08 PENSÉES DE PASCAL
ruine tous vos raisonnements. Mais la Chine obscurcit, dites-
vous; et je réponds : La Chine obscurcit, mais il y a clarté à
trouver; cherchez-la. Ainsi tout ce que vous dites fait à un des
desseins, et rien contre l'autre *. Ainsi cela sert, et ne nuit pas.
Il faut donc voir cela en détail, il faut mettre papiers sur
table8.
46 bis.
Contre l'histoire de la Chine. Les historiens de Mexico. Des
cinq soleils, dont le dernier est il n'y a que huit cents ans B.
46 ter.
Jamais on ne s'est fait martyriser pour les miracles qu'on
dit avoir vus. Car ceux que les Turcs croient par tradition, la
folie des hommes va peut être jusqu'au martyre , mais non
pour ceux qu'on a vus.
47.
Superstition et concupiscence. Scrupules : désirs mauvais,
crainte mauvaise.
Crainte, non celle qui vient de ce qu'on croit Dieu, mais
celle qui vient de ce qu'on doute s'il est ou non. La bonne
crainte vient de la foi, la fausse crainte vient du doute. La
bonne crainte, jointe à l'espérance, parce qu'elle naît de la foi,
et qu'on espère au Dieu que l'on croit; la mauvaise, jointe au
désespoir, parce qu'on crai at le Dieu auquel on n'a point de
foi. Les uns craignent de le perdre, les autres craignent de le
trouver.
43.
Salomon et Job ont le mieux connu et le mieux parlé de la
misère de l'homme : l'un le plus heureux, et l'autre le plus
malheureux; l'un connaissant la vanité des plaisirs par expé-
rience, l'autre la réalité des maux 4.
i. Dictionnaire de l'Académie (1835), au mot Faire: « Il se dit particulièrement Dea
preuves, des raisons qui fortifient, qui confirment, ou qui affaiblissent, qui détruisent
une assertion... Ce que vous dites là fait pour moi... Voilà qui fait contre vous... Cela fait
à ma cause. Ce sens a vieilli. » On a vu déjà cette expression dans le fragment 21 de
l'article xxm.
2. L'Histoire de la Chine, du P. Marlini [Historiée Sinicœ decas prima) venait de pa-
raître en 1658.
3. C'est un souvenir de Montaigne, 111, 6, t. iv, p. 396.
4. En titre dans l'autographe, Misère.
ARTICLE XXIV 109
49.
Ezéchiel. Tous les païens disaient du mal d'Israël, et le
Prophète aussi : et tant s'en faut que les Israélites eussent
droit de lui dire : Vous parlez comme les païens, qu'il fait sa
plus grande force sur ce que les païens parlent comme lui l.
50.
Il n'y a que trois sortes de personnes : les unes qui servent
Dieu, l'ayant trouvé; les autres qui s'emploient à le chercher,
ne l'ayant pas trouvé ; les autres qui vivent sans le chercher ni
l'avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux; les
derniers sont fous et malheureux; ceux du milieu sont mal-
heureux et raisonnables.
51.
Les hommes prennent souvent leur imagination pour leur
cœur ; et ils croient être convertis dès qu'ils pensent à se con-
vertir.
52
La raison agit avec lenteur, et avec tant de vues, sur tant de
principes, lesquels il faut qu'ils soient toujours présents2, qu'à
toute heure elle s'assoupit et s'égare, manque d'avoir tous ses
principes présents. Le sentiment n'agit pas ainsi : il agit en un
instant, et toujours est prêt à agir. Il faut donc mettre notre
foi dans le sentiment : autrement, elle sera toujours vacil-
lante.
53.
L'homme est visiblement fait pour penser; c'est toute sa di-
gnité et tout son mérite; et tout son devoir est de penser
comme il faut : et l'ordre de la pensée est de commencer par
soi, et par son auteur et sa fin. Or à quoi pense le monde? Ja-
mais à cela; mais à danser, à jouer du luth, à chanter, à faire
des vers, à courir la bague, etc., à se battre, à se faire roi, sans
penser à ce que c'est qu'être roi, et qu'être homme.
1. Je ne trouve rien dans Ezéchiel d'où on puisse inférer ce que dit Pascal sans aider
beaucoup à lu lettre. En titre dans l'autographe, Hérétiques. Voyez xxm, 44.
2. Plus correctement, lesquels il faut qui soient, ou, qu'il faut qui soient.
H 8
110 PENSÉES DE PASCAL
53 bis.
Toute la dignité de l'homme est en la pensée. Mais qu'est-ce
que cette pensée? qu'elle est sotte * I
54.
S'il y a un Dieu, il ne faut aimer que lui, et non les créa-
tures passagères. Le raisonnement des impies, dans la Sagesse
n'est fondé que sur ce qu'il n'y a point de Dieu. Gela posé,
dit-il, jouissons donc des créatures 3. C'est le pis-aller. Mais,
s'il y avait un Dieu à aimer, il n'aurait pas conclu cela, mais
bien le contraire. Et c'est la conclusion des sages : Il y a un
Dieu, ne jouissons donc pas des créatures. Donc tout ce qui
nous incite à nous attacher aux créatures est mauvais, puisque
cela nous empêche, ou de servir Dieu, si nous le connaissons,
ou de le chercher, si nous l'ignorons. Or, nous sommes pleins
de concupiscence; donc nous sommes pleins de mal; donc
nous devons nous haïr nous-mêmes, et tout ce qui nous excite
à autre attache que Dieu seul.
55.
Quand nous voulons penser à Dieu, n'y a-t-il rien qui nous
détourne, nous tente de penser ailleurs? Tout cela est mau-
vais, et né avec nous 8.
56.
Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous ai-
ment; il est injuste que nous le voulions. Si nous naissions
raisonnables, et indifférents, et connaissant nous et les autres,
nous ne donnerions point cette inclination à notre volonté.
Nous naissons pourtant avec elle ; nous naissons donc injustes :
car tout tend à soi. Cela est contre tout ordre : il faut tendre
au général ; et la pente vers soi est le commencement de tout
1. En titre dans l'autographe, Pensée. Pascal avait écrit d'abord : « Toute la dignité
de l'homme est en la pensée. La pensée est donc une chose admirable et incomparable
par sa nature. 11 fallait qu'elle eût d'étranges défauts pour être méprisable. Mais elle eu
a de tels, que rien n'est plus ridicule. Qu'elle est grande par sa nature! qu'elle est basso
par ses défauts! »
2. Dans le texte, ils ne nient pas précisément Dieu, mais l'immortalité de l'âme :
« Nous sommes nés de rien, et après ce temps nous serons comme si nous n'avions
pas été. » n, 1-9.
3. Donc notre nature est mauvaise, donc elle est déchue, donc il y a eu le péché
originel.
ARTICLE XXIV 111
désordre, en guerre, en police l, en économie, dans le corps par-
ticulier de l'homme. La volonté est donc dépravée.
Si les membres des communautés naturelles et civiles ten-
dent au bien du corps, les communautés elles-mêmes doivent
tendre à un autre corps plus général, dont elles sont membres.
L'on doit donc tendre au général. Nous naissons donc injustes
et dépravés.
56 bis.
Qui ne hait en soi son amour-propre, et cet instinct qui le
porte à se faire Dieu, est bien aveuglé. Qui ne voit que rien
n'est si opposé à la justice et à la vérité? Car il est faux que
nous méritions cela ; et il est injuste et impossible d'y arriver,
puisque tous demandent la même chose. C'est donc une ma-
nifeste injustice où nous sommes nés, dont nous ne pouvons
nous défaire, et dont il faut nous défaire.
Cependant aucune religion n'a remarqué que ce fût un pé
ché, ni que nous y fussions nés, ni que nous fussions obligés
dy résister, ni n'a pensé à nous en donner les remèdes.
57.
Guerre intestine de l'homme entre la raison et les passions.
S'il n'avait que la raison sans passions... S'il n'avait que les
passions sans raison... Mais ayant l'un et l'autre, il ne peut être
sans guerre, ne pouvant avoir la paix avec l'un qu'ayant guerre
avec l'autre. Aussi il est toujours divisé, et contraire à lui-même.
57 bis.
Si c'est un aveuglement surnaturel de vivre sans chercher
ce qu'on est, c'en est un terrible de vivre mal en croyant Dieu 2.
57 ter*
Il est indubitable que, que l'âme soit mortelle ou immor-
telle, cela doit mettre une différence entière dans la morale ; et
cependant les philosophes ont conduit leur morale indépen-
damment de cela. Ils délibèrent de passer une heure. Platon,
pour disposer au christianisme *.
1. En organisation politique; c'est le sens que co mot avait autrefois.
2. Cette pensée s'adresse-t-elle aux pécheurs en général, ou plutôt n'est-elle pas diri-
gée en particulier contre ceux qui suivent la morale relâchée des casuistes?
3. C'est-à-dire, Platon est bon pour disposer au christianisme. Platon essaie en effet
d établir la morale sur la croyance à l'immortalité de l'âme, à la fin de la République et
du Goryiua *
112 PENSÉES DE PASCAL
58.
Le dernier acte est sanglant, quelque belle qt^e soit la co-
médie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et
en voilà pour jamais.
59.
Dieu ayant fait le ciel et la terre, qui ne sentent point le
bonheur de leur être, il a voulu faire des êtres qui le connus-
sent, et qui composassent un corps de membres pensants. Car
nos membres ne sentent point le bonheur de leur union, de
leur admirable intelligence, du soin que la nature a d'y influer
les esprits, et de les faire croître et durer *. Qu'ils seraient heu-
reux s'ils le sentaient, s'ils le voyaient ! Mais il faudrait pour
cela qu'ils eussent intelligence pour le connaître, et bonne vo-
lonté pour consentir à celle de l'âme universelle. Que si, ayant
reçu l'intelligence, ils s'en servaient à retenir en eux-mêmes la
nourriture, sans la laisser passer aux autres membres, ils se-
raient non-seulement injustes, mais encore misérables, et se
haïraient plutôt que de s'aimer ; leur béatitude, aussi bien que
leur devoir, consistant à consentir à la conduite de l'âme en-
tière à qui ils appartiennent, qui les aime mieux qu'ils ne s'ai-
ment eux-mêmes2.
59 bis.
Être membre, est n'avoir de vie, d'être et de mouvement que
par l'esprit du corps et pour le corps. Le membre séparé, ne
voyant plus le corps auquel il appartient, n'a plus qu'un être
périssant et mourant.
Cependant il croit être un tout, et ne se voyant point de
corps dont il dépende, il croit ne dépendre que de soi, et veut
se faire centre et corps lui-même. Mais, n'ayant point en soi de
principe de vie, il ne fait que s'égarer, et s'étonne dans l'incer-
jtude de son être, sentant bien qu'il n'est pas corps, et cepen-
dant ne voyant point qu'il soit membre d'un corps. Enfin,
quand il vient à se connaître, il est comme revenu chez soi, et
1. Infiucr est ici un verbe actif, d'y faire circuler les esprits. On croyait alors à l'exis-
tence de ce qu'on appelait les esprits animaux, ou simplement, les esprits, c'est à dire les
larties les plus subtiles du sang qui circulaient dans les nerfs, et qui étaient les principes
de la sensibilité et du mouvement (voir Descartes, des Passions, l, 10). Cette bypothèse
était si accréditée et si populaire, qu'elle a duuué certaines expressions à la langue,
comme, reprendre ses esprits.
2. En titre dans l'autographe, Morale.
ARirCLE XXIV 113
ne s'aime plus que pour le corps; il plaint ses égarements
passés.
Il ne pourrait pas par sa nature aimer une autre chose, si-
non pour soi-même et pour se l'asservir, parce que chaque
chose s'aime plus que tout. Mais en aimant le corps, il s'aime
soi-même, parce qu'il n'a d'être qu'en lui, par lui et pour lui :
qui adhœret Deo tenus spiritus est *.
59 ter.
Le corps aime la main ; et la main, si elle avait une volonté,
devrait s'aimer de la même sorte que l'âme l'aime. Tout amour
qui va au delà est injuste.
Adhœrens Deo unus spiritus est. On s'aime, parce qu'on est
membre de Jésus-Christ. On aime Jésus-Christ, parce qu'il
est le corps dont on est membre. Tout est un, l'un est en
l'autre, comme les trois Personnes.
60.
Pour régler l'amour qu'on se doit à soi-même, il faut s'ima-
giner un corps plein de membres pensants, car nous sommes
membres du tout, et voir comment chaque membre devait
s'aimer, etc..
Si les pieds et les mains avaient une volonté particulière, ja-
mais ils ne seraient dans leur ordre qu'en soumettant cette vo-
lonté particulière à la volonté première qui gouverne le corps
entier. Hors de là» ils sont dans le désordre et dans le malheur;
mais en ne voulant que le bien du corps, ils font leur propre
bien 2.
60 bis.
Il faut n'aimer que Dieu et ne haïr que soi.
Si le pied avait toujours ignoré qu'il appartînt au corps, et
qu'il y eût un corps dont il dépendît, s'il n'avait eu que la con-
naissance et l'amour de soi, et qu'il vînt à connaître qu'il ap-
partient à un corps duquel il dépend, quel regret, quelle con-
fusion de sa vie passée, d'avoir été inutile au corps qui lui a
influé la vie, qui l'eût anéanti s'il l'eût rejeté et séparé de soi,
i. Qui autem adhœret domino unus spiritus est. I Cor. vi, 17 : Ne savez-vous pas que
celui qui s'attache à une courtisane, ne fait qu'un corps »vec elle?,,. Et celui qui s'atta-
che à Dieu, ne fait qu'un esprit avec lui. •
î. En titre dans l'autographe, Membres. Commencer par là.
114 PENSÉES DE PASCAL
comme il se séparait de lui! Quelles prières d'y être conservé!
et avec quelle soumission se laisserait-il gouverner à la volonté
qui régit le corps, jusqu'à consentir à être retranché s'il le
fautl Ou il perdrait sa qualité de membre; car il faut que tout
membre veuille bien périr pour le corps, qui est le seul pour
qui tout est *■
60 ter.
Pour faire que les membres soient heureux, il faut qu'ils
aient une volonté, et qu'ils la conforment au corps.
61.
La concupiscence et la force sont les sources de toutes nos
actions : la concupiscence fait les volontaires ; la force , les
involontaires %.
61 bis.
... Ils croient que Dieu est seul digne d'être aimé et admiré,
et ont désiré d'être aimés et admirés des hommes, et ils ne
connaissent pas leur corruption. S'ils se sentent pleins de
sentiments pour l'aimer et l'adorer, et qu'ils y trouvent leur
joie principale, qu'ils s'estiment bons, à la bonne heure. Mais
s'ils s'y trouvent répugnants, s'ils n'ont aucune pente s qu'à se
vouloir établir dans l'estime des hommes, et que pour toute
perfection ils fassent seulement que, sans forcer les hommes,
ils leur fassent trouver leur bonheur à les aimer, je dirai que
cette perfection est horrible. Quoi! ils ont connu Dieu, et
n'ont pas désiré uniquement que les hommes Faimassent,
mais que les hommes s'arrêtassent à eux ; ils ont voulu être
l'objet du bonheur volontaire des hommes 4 !
6-1 ter.
Il est vrai qu'il y a de la peine en entrant dans la piété. Mais
cette peine ne vient pas de la piété qui commence d'être en
1. Epictète, IT, 5 : « Si ie considère le pied, je dirai que sa nature est d'être propre,
mais si ie le prends comme pied, et non comme détaché du reste, ce pourra être son
devoir d'entrer dans la boue, ou de marcher sur des épines, ou même de se faire couper
dans l'intérêt du tout. Autrement il ne serait plus le pied ». On trouve dans Paul
(I Cor. xn, 15) une image semblable : « Si le pied vient à dire : Puisque je ne suis
pas la main, je ne suis plus du corps, ne sera-t-il plus du corps pour cela? etc. »
2. En titre dans l'autographe, liaison des effets.
3. Dans le manuscrit, s'il n'a.
4. C'est à dire, l'objet donné par la volonté des ho^^es au désir de bonheur qui est
en eux- En titre dans l'autographe, Philosophes.
ARTICLE XXIV 115
nous, mais de 1 impiété qui y est encore. Si nos sens ne s'op-
posaient pas à la pénitence, et que notre corruption ne s'oppo-
sait pas à la pureté de Dieu, il n'y aurait en cela rien de pénible
pour nous. Nous ne souffrons qu'à proportion que le vice, qui
nous est naturel, résiste à la grâce surnaturelle. Notre cœur se
sent déchiré entre des efforts contraires. Mais il serait bien in-
juste d'imputer cette violence à Dieu qui nous attire, au lieu
de l'attribuer au monde qui nous retient. C'est comme un en-
fant, que sa mère arrache d'entre les bras des voleurs, doit
aimer, dans la peine qu'il souffre, la violence amoureuse et
légitime de celle qui procure sa liberté, et ne détester que la
violence impérieuse et tyrannique de ceux qui le retiennent
injustement. La plus cruelle guerre que Dieu puisse faire aux
hommes en cette vie est de les laisser sans cette guerre qu'il
est venu apporter : « Je suis venu apporter la guerre, » dit-il;
et, pour instruire de cette guerre : « Je suis venu apporter le
fer et le feu. » Avant lui, le monde vivait dans cette fausse
paix '.
62.
Dieu ne regarde que l'intérieur : l'Église ne juge que par
l'extérieur. Dieu absout aussitôt qu'il voit la pénitence dans le
cœur; l'Église, quand elle la voit dans les œuvres. Dieu fera
une Église pure au dedans, qui confonde par sa sainteté inté-
rieure et toute spirituelle l'impiété intérieure des sages super-
bes et des pharisiens : et l'Église fera une assemblée d'hommes
dont les mœurs extérieures soient si pures, qu'elles confondent
les mœurs des païens. S'il y en a d'hypocrites, mais si bien dé-
guisés qu'elle n'en reconnaisse pas le venin, elle les souffre:
car, encore qu ils ne sont pas reçus de Dieu, qu'ils ne peuvent
tromper, ils le sont des hommes, qu'ils trompent. Et ainsi
elle n'est pas déshonorée par leur conduite, qui paraît sainte.
Mais vous voulez que l'Église ne juge, ni de l'intérieur, parce
que cela n'appartient qu'à Dieu, ni de l'extérieur, parce que
Dieu ne s'arrête qu'à l'intérieur; et ainsi, lui ôtant tout choix
des hommes, vous retenez dans l'Église les plus débordés, et
l. Matlh. x, 34 : Nolilp arbitrari quia pacem vpncrim miftern in terram : non veni pacem
mittere sed qladium. Et Luc, xu, 49 ; Ignem veni mittere in terram, et quid volo ?iisi ut
accendaiurs
116 T>F.N?ÉES uE PASCAL»
ceux qui la déshonorent si fort, que les synagogues des Juifs
et des sectes des philosophes les auraient exilés comme indi-
gnes, et les auraient abhorrés comme impies K
63.
La loi n'a pas détruit la nature ; mais elle l'a instruite : la
grâce n'a pas détruit la loi; mais elle Ta fait exercer 2. La foi
reçue au baptême est la source de toute la vie des chrétiens et
des convertis.
63 bis.
On se fait une idole de la vérité même ; car la vérité hors de
la charité n'est pas Dieu, et est son image et une idole, qu'il
ne faut point aimer ni adorer, et encore moins faut-il aimer
ou adorer son contraire, qui est le mensonge.
63 ter.
Je puis bien aimer l'obscurité totale; mais si Dieu m'engage
dans un état à demi obscur, ce peu d'obscurité qui y est me
déplait; et, parce que je n'y vois pas le mérite d'une entière
obscurité, il ne me plaît pas. C'est un défaut, et une marque
que je me fais une idole de l'obscurité, séparée de l'ordre de
Dieu. Or il ne faut adorer que son ordre.
64.
Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie
chrétienne ; mais, entre tous ceux que le monde a inventés, il
n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie 3. C'est
une représentation si naturelle et si délicate des passions,
qu'elle les émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout
celle de l'amour : principalement lorsqu'on le représente fort
chaste et fort honnête. Car, plus il paraît innocent aux âmes in-
nocentes, plus elles sont capables d'en être touchées. Sa vio-
lence plaît à notre amour-propre, qui forme aussitôt un désir
de causer les mêmes effets que l'on voit si bien représentés;
et l'on se fait en même temps une conscience fondée sur l'hon-
nêteté des sentiments qu'on y voit, qui ôtent la crainte des
i. En titre dan9 l'autographe, Sur les confessions et absolutions sans marques de regret.
1. Voyez Rom. m, 31, etc.
'4. Voir le fragment 31 de l'article vi
ARTICLE XXIV 117
âmes pures, qui s'imaginent que ce n'est pas blesser la pu-
reté, d'aimer d'un amour qui leur semble si sage. Ainsi, l'on
s'en va de la comédie le cœur si rempli de toutes les beautés
et de toutes les douceurs de l'amour, et l'âme et l'esprit si per-
suadés de son innocence, qu'on est tout préparé à recevoir ses
premières impressions, ou plutôt à chercher l'occasion de les
faire naître dans le cœur de quelqu'un , pour recevoir les
mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices que l'on a vus si bien
dépeints dans la comédie.
65.
... Les opinions relâchées plaisent tant aux hommes, qu'il
est étrange que les leurs déplaisent. C'est qu'ils ont excédé
toute borne. Et, de plus, il y a bLen des gens qui voient le
vrai, et qui n'y peuvent atteindre. Mais il y en a peu qui ne
sachent que la pureté de la religion est contraire à nos corrup-
tions. Ridicule de dire qu'une récompense éternelle est offerte
à des mœurs escobartines1.
66.
Le silence est la plus grande persécution : jamais les saints
ne se sont tus. Il est vrai qu'il faut vocation, mais ce n'est pas
des arrêts du Conseil qu'il faut apprendre si on est appelé,
c'est de la nécessité de parler. Or, après que Rome a parlé,
et qu'on pense quïl a condamné la vérité % et qu'ils l'ont
écrit 3, et que les livres qui ont dit le contraire sont censurés,
il faut crier d'autant plus haut qu'on est censuré plus injuste-
ment, et qu'on veut étouffer la parole plus violemment, jus-
qu'à ce qu'il vienne un pape qui écoute les deux parties, et qui
consulte l'antiquité pour faire justice *. Aussi, les bons papes
trouveront encore l'Église en clameurs.
... L'Inquisition et la Société, les deux fléaux de la vérité5.
... Que ne les accusez-vous d'arianisme? Car s'ils ont dit que
1. Conformes aux principes équivoques d'Escobar. Sur Escobar, voir les Provinciales
et particulièrement les cinquième et sixième. En titre dans l'autographe, Montnlte. Voye2
la note sur vu, 17 bis.
1. Qu'on pen-e généralement, que le gros du monde pense. Qu'il a condamné, c'est-
à-dire le pape.
3. Les Jésuites.
4. L'antiquité, c'est-à-dire la tradition de saint Augustin et des Pères.
5. La Société est l'abréviation usitée pour la Société de Jésus. L'Inquisition est le tri-
bunal pontifical appelé Congrégation de l'Inquisition ou de l'Index.
HS PENSÉES DE PASCAL
Jésus-Christ est Dieu, peut-être ils l'entendent, non par na-
ture, mais comme il est dit, DU estis K
66 bis.
Si mes Lettres sont condamnées à Rome, ce que j'y con-
damne est condamné dans le ciel : Ad tuum, Domine Jesu, tri-
bunal appello 2.
... Vous-même êtes corruptible8.
... J'ai craint que je n'eusse mal écrit, me voyant condamné,
mais l'exemple de tant de pieux écrits me fait croire au con-
traire. Il n'est plus permis de bien écrire, tant l'Inquisition est
corrompue ou ignorante!
... Il est meilleur d'obéir à Dieu qu'aux hommes4.
... Je ne crains rien, je n'espère rien. Les évoques ne sont
pas ainsi. Le Port-Royal craint, et c'est une mauvaise politi-
que de les séparer, car ils ne craindront plus et se feront plus
craindre. Je ne crains pas même vos censures pareilles B, si
elles ne sont fondées sur celles de la tradition. Censurez-vous
tout? Quoi! même mon respect? Non. Donc dites quoi, ou
vous ne ferez rien, si vous ne désignez le mal, et pourquoi il
est mal. Et c'est ce qu'ils auront bien peine à faire 6.
67.
La machine d'arithmétique7 fait des etfets qui approchent
plus de la pensée que tout ce que font les animaux ; mais elle
ne fait rien qui puisse faire dire qu'elle a de la volonté, comme
les animaux.
68.
Certains auteurs, parlant de leurs ouvrages, disent : Mon
1. Ps. lxxxi, 6, paroles de Dieu aux grands de la terre : c Vous êtes des dieux, mais
tous mourrez comme des hommes. > Pascal veut dire : Que n'accusez-vous aussi bien
les jansénistes d'arianisme? Il est vrai qu'ils professent que Jésus-Christ est Dieu, mai9
peut-être qu'ils ne l'entendent que par figure!
2. Je ne sais si ce latin est pris d'ailleurs. Le3 Provinciales avaient été condamnées i
Rome le 6 septembre 1657.
3. Ces mots hardis s'adressent sans doute à la papauté el'e-même.
4. C'est la réponse de Pierre et des siens au Conseil de Jérusalem, qui leur défend da
prêcher au nom de Jésus : Obcdire oporicl Dco mayis quam hominibus. Act. des Ap. v, 29.
5. Allusion sans doute à une certaine censure en particulier.
6. Voyez la dix-septième Provinciale : a Jo n'espère rien du inonde, je n'en appréhende
rien, je n'en veux non ; je n'ai besoin, par la grâce de Dieu, ni du bien, ni de l'autorité
de personne. Ain^i, mon Père, j'échappe à toutes vos prises. Vous ne me sauriez pren-
dre, de quelque côté que vous le tentiez. Vous pouvez bien toucher le Port-Royal, mai*
non pas moi, etc. »
7. Voir la Vie de Tascal, pages lxvii et lxviii de l'Introduction.
ARTICLE XXIV 119
livre, mon commentaire, mou histoire, etc. Ils sentent leurs
bourgeois qui ont pignon sur rue, et toujours « chez moi »
à la bouche. Ils feraient mieux de dire : Notre livre, notre
commentaire, notre histoire, etc., vu que d'ordinaire il y a
plus en cela du bien d'autrui que du leur.
69.
J'aime la pauvreté, parce qu'il Ta aimée '. J'aime les biens,
parce qu'ils donnent le moyen d'en assister les misérables. Je
garde fidélité à tout le monde. Je [ne] rends pas le mal à ceux
qui m'en font; mais je leur souhaite une condition pareille à
la mienne, où l'on ne reçoit pas de mal ni de bien de la part
des hommes. J'essaye d'ôtre juste, véritable, sincère et fidèle à
tous les hommes, et j'ai une tendresse de cœur pour ceux à
qui Dieu m'a uni plus étroitement... et soit que je sois seul,
ou à la vue des hommes, j'ai en toutes mes actions la vue de
Dieu qui les doit juger, et à qui je les ai toutes consacrées.
Voilà quels sont mes sentiments ; et je bénis tous les jours de
ma vie mon Rédempteur qui les a mis en moi, et qui, d'un
homme plein de faiblesses, de misères, de concupiscence, d'or-
gueil et d'ambition, a fait un homme exempt de tous ces maux
par la force de sa grâce, à laquelle toute la gloire en est due,
n'ayant de moi que la misère et l'erreur a.
70.
La nature a des perfections, pour montrer qu'elle est l'image
de Dieu ; et des défauts, pour montrer qu'elle n'en est que
l'image.
71.
Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait êtra
fou par un autre tour de folie, de n'être pas fou.
72.
Otez la probabilité , on ne peut plus plaire au monde ; met-
tez la probabilité, on ne peut plus lui déplaire.
1. Ce morceau commençait d'abord par cette ligne que Pascal a effacée : « J'aime tous
les hommes comme mes frères parce qu'ils sont tous rachetés : > Voyez la Vie de Pascal,
page lxxxvi.
2. • Nemo de suo habet nisi mendacium et veccatum, personne n'a de soi-même que
mensonge et péché, a dit le deuxième concile d'Orange. » Note de M. Sainte-Beuve dans
son Port-Royal, t. n, p. 158, première édition.
j 20 PENSÉES DE PASCAL
73.
L'ardeur des saints à chercher le vrai était, inutile, si le pro-
bable est sûr.
74.
Pour faire d'un homme un saint, il faut bien que ce soit la
grâce; et qui en doute, ne sait ce que c'est que saint et
qu'homme.
75.
On aime la sûreté. On aime que le pape soit infaillible en la
foi, et que les docteurs graves le soient dans les mœurs, afin
d'avoir son assurance.
76.
Il ne faut pas juger de ce qu'est le pape par quelques paroles
des Pères, comme disaient les Grecs dans un concile, règles
importantes, mais par les actions de l'Église et des Pères, et
par les canons.
77.
Le pape est premier. Quel autre est connu de tous ? Quel au-
tre est reconnu de tous? ayant pouvoir d'insinuer dans tout le
corps, parce qu'il tient la maîtresse branche, qui s'insinue par-
tout? Qu'il était aisé de faire dégénérer cela en tyrannie ! C'est
pourquoi Jésus-Christ leur a posé ce précepte : Vos autem
non sic*.
L'unité et la multitude8 : Duo aut très in unum 8. Erreur à ex-
clure l'une des deux, comme font les papistes qui excluent la
multitude, ou les huguenots qui excluent l'imité.
78.
Il y a hérésie à expliquer toujours omnes de tous, et hérésie
à ne le pas expliquer quelquefois de tous. Bibite ex hoc om-
nes * : les huguenots, hérétiques, en l'expliquant de tous 5. In
1. Luc, xxn, 26 : « Les disciples contestant entre eux sur la primauté, Jésus leur
dit :« Les rois des nations commandent en maîtres. Qu'il n'en soit pas ainsi parmi vous .
mais que celui qui est le plus grand devienne comme le plus petit, et celui qui com-
mande comme celui qui sert. »
2. Cela sera expliqué au fragment 84.
3. Ces paroles ne se trouvent nulle part textuellement dans l'Ecriture.
4. « Buvez-en tous, car ceci est mon sang. > AJatlh. xxvi, 11.
5. Car, suivant la doctrine de l'Eglise, il n'y a que ceux qui sont en état de grâce qui
doivent boire le sang de Jésus-Christ dans la communion.
ARTin.E XXIV 1 ^?i
guo omnes peccaverunt l : les huguenots, hérétiques, en excep-
tant les enfants des fidèles1. Il faut donc suivre les Pères et la
tradition pour savoir quand, puisqu'il y a hérésie à craindre
de part et d'autre.
79.
Tout nous peut être mortel, même les choses faites pour
nous servir; comme, dans la nature, les murailles peuvent
nous tuer, et les degrés nous tuer, si nous n'allons avec jus-
tesse.
Le moindre mouvement importe à toute la nature; la mer
entière change pour une pierre. Ainsi, dans la grâce, la moin-
dre action importe pour ses suites à tout. Donc tout est im-
portant.
En chaque action, il faut regarder, outre l'action, notre état
présent, passé, futur, et des autres à qui elle importe 3, et voir
les liaisons de toutes ces choses. Et lors on sera bien retenu.
80.
Tous les hommes se haïssent naturellement l'un l'autre. On
s'est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire
servir au bien public. Mais ce n'est que feinte, et une fausse
image de la charité ; car, au fond, ce n'est que haine,
80 bis.
Les raisons des effets marquent la grandeur de l'homme,
d'avoir tiré de la concupiscence un si bel ordre4.
80 ter.
Grandeur de l'homme dans sa concupiscence même, d'en
avoir su tirer un règlement admirable, et en avoir fait un ta-
bleau de la charité.
81.
... Mais duns le fond, ce vilain fond de lhomme, ce figmen-
tum malum, n'est que couvert; il n'est pas ôté 5.
1. Rom. v, 12 : « De même que le péché est entré dans le monde par an homme, en
qui tous ont péché, »
2. Voir une longue dissussion sur ce passage de saint Paul dans Bossuet, Défense de
la tradition et des saints Pères, livre VI, chapitre xn et suivants.
3. Et l'état présent, passé, futur, des autres personnes à qui elle importe.
4. En titre, Grandeur. Sur les raisons des effets, voir v, 2, etc.
5. On lit au psaume en, 14 : « Dieu sait bien de quelle matière nous sommes faits
quoniam ipse cognocit ûgmentum nostrum. » Voyez le fragment vi, 20.
122
PENSEES DE PASCAL
81 bis.
[Si on veut dire que l'homme est trop peu pour mériter la
communication avec Dieu, il faut être bien grand pour en
juger *.]
82.
L'homme n'est pas digne de Dieu, mais il n'est pas inca-
pable d'en être rendu digne.
Il est indigne de Dieu de se joindre à l'homme misérable ;
mais il n'est pas indigne de Dieu de le tirer de sa misère.
83.
... Les malheureux, qui m'ont obligé de parler du fond de la
religion!... Des pécheurs purifiés sans pénitence, des justes
justifiés sans charité, tous les chrétiens sans la grâce de Jésus-
Christ, Dieu sans pouvoir sur la volonté des hommes, une
prédestination sans mystère, une Rédemption sans certitude!
83 bis.
... Ces malheureux, qui nous ont obligé de parler des mi-
racles !
84.
Unité, multitude. En considérant l'Eglise comme unité, le
pape, qui en est le chef, est comme tout. En la considérant comme
multitude, le pape n'en est qu'une partie. Les Pères l'ont con-
sidérée, tantôt en une manière, tantôt en l'autre. Et ainsi ont
parlé diversement du pape. Saint Gyprien : Sacerdos Dei 2.
Mais en établissant une de ces deux vérités, ils n'ont pas exclu
l'autre. La multitude qui ne se réduit pas à l'unité est confu-
sion, l'unité qui ne dépend pas de la multitude est tyrannie.
Il n'y a presque plus que la France où il soit permis de dire
que le concile est au-dessus du pape *.
85.
Dieu ne fait point de miracles dans la conduite ordinaire de
son Église. C'en serait un étrange, si l'infaillibilité était dans
an; mais d'être dans la multitude, cela paraît si naturel, que la
1. Ce fragment avait été barré par Pascal. Voyez le fragment xii, 20.
2. Je ne puis dire d'où sont pris ces mots.
3. En titre dans l'autographe : Eglise, Pape.
ARTTCT.B XXTV 123
conduite de Dieu est cachée sous la nature, c mine en tous ses
autres ouvrages.
86.
Sur ce que la religion chrétienne n'est pas unique. — Tant s'en
faut que ce soit une raison qui fasse croire qu'elle n'est pas la
véritable, qu'au contraire, c'est ce qui fait voir qu'elle Test*.
87.
L'éloquence est un art de dire les choses de telle façon,
1° que ceux à qui l'on parle puissent les entendre sans peine,
et avec plaisir ; 2° qu'ils s'y sentent intéressés, en sorte que l'a-
mour-propre les porte plus volontiers à y faire réflexion. Elle
consiste donc dans une correspondance qu'on tâche d'établir
entre l'esprit et le cœur de ceux à qui l'on parle d'un côté, et
de l'autre les pensées et les expressions dont on se sert; ce
qui suppose qu'on aura bien étudié le cœur de l'homme,
pour en savoir tous les ressorts, et pour trouver ensuite les
justes proportions du discours qu'on veut y assortir. Il faut
se mettre à la place de ceux qui doivent nous entendre, et
faire essai sur son propre cœur du tour qu'on donne à son dis-
cours, pour voir si l'un est fait pour l'autre, et si l'on peut s'as-
surer que l'auditeur sera comme forcé de se rendre. Il faut se
renfermer, le plus qu'il est possible, dans le simple naturel ;
ne pas faire grand ce qui est petit ni petit ce qui est grand.
Ce n'est pas assez qu'une chose soit belle, il faut qu'elle
soit propre au sujet, qu'il n'y ait rien de trop ni rien de man-
ipie.
87 bis.
L'éloquence est une peinture de la pensée; et ainsi ceux qui,
après avoir peint, ajoutent encore, font un tableau, au lieu d'un
portrait *.
{. Parce qu'elle-même enseigne qu'il y aura toujours des croyances contraires : opor-
tet et hœreses esse. [I Cor. xi, 19).
2. Méré, Discours de la Conversation, p. 59 : « On compare souvent l'éloquence à la
peintuv ; et je crois que la piupart des choses qui se disent dans le monde sont comme
autant de petits portraits, qu'où regarde à part et sans rapport, et qui n'ont rien à se
demander. On n'a pas le temps de faire de ces grands tableaux, etc. » Cette pensée n'est
pas la même que celle de Pascal, qui est que l'éloquence doit être le portrait exact de la
peusée, et non un tableau d'imagination. Mais Pascal a peut-être pris à Méré l'idée de
cette comparaison entre l'éloquence et la peinture, et ces expressions de tableau et de
portrait.
Î24 PENSÉES DE PASCAL
88.
S'il ne fallait rien faire que pour le certain, on ne devrait
nen faire pour la religion; car elle n'est pas certaine. Mais
combien de choses fait- on pour l'incertain, les voyages sur
mer, les batailles ! Je dis donc qu'il ne faudrait rien faire du
tout, car rien n'est certain; et qu'il y a plus de certitude à la
religion, que non pas que nous voyions le jour de demain : car
il n'est pas certain que nous voyions demain, mais il est certai-
nement possible que nous ne le voyions pas. On n'en peut pas
dire autant de la religion. Il n'est pas certain qu'elle soit; mais
qui osera dire qu'il est certainement possible qu'elle ne soit
pas? Or, quand on travaille pour demain, et pour l'incertain,
on agit avec raison. Car on doit travailler pour l'incertain, par
la règle des partis qui est démontrée *.
89.
La nature de l'homme n'est pas d'aller toujours, elle a ses
allées et venues. La fièvre a ses frissons et ses ardeurs, et le
froid montre aussi bien la grandeur de l'ardeur de la fièvre que
le chaud même. Les inventions des hommes de siècle en siècle
vont de même. La bonté et la malice du monde en général en
est de même : Plerumgue gratœ principibus vices '•
89 bis.
La nature agit par progrès, itus et reditus*. Elle passe et re-
vient, puis va plus loin, puis deux fois moins, puis plus que
jamais, etc. Le flux de la mer se fait ainsi; le soleil semble
marcher ainsi 4.
go:
H faut avoir une pensée de derrière, et juger de tout par là,
en parlant cependant comme le peuple 6.
90 bis.
J'aurai aussi mes pensées de derrière la tête.
1. Voir le fragment v, 9 bis.
2. Horace, Od. Ill,xxix, 13 : « Les grands se plaisent à essayer tour à tour des con-
traires. > Le texte dit, les riches, diuitibus.
3. Je ne sais si ce latin est pris d'ailleurs.
4. Ces mots sont suivis dans le manuscrit d'un zigzag, pour figurer cette marche appa-
rente du soleil.
5. En titre dans l'autographe, liaison des effets. Voyez v, t.
ARTICLE XXIV 125
91.
La force est la reine du monde, et non pas l'opinion: mais
l'opinion est celle qui use de la force.
C'est la force qui fait l'opinion. La mollesse est belle, selon
notre opinion. Pourquoi? Parce que qui voudra danser sur la
corde sera seul ; et je ferai une cabale plus forte, de gens qui
diront que cela n'est pas séant i.
92.
[Hasard donne les pensées, et hasard les ôte; point d'art
pour conserver ni pour acquérir 2.]
93.
Est fait prêtre qui veut l'être, comme sous Jéroboam 8. C'est
une chose horrible qu'on nous propose la discipline de l'Église
d'aujourd'hui pour tellement bonne, qu'on fait un crime de la
vouloir changer. Autrefois elle était bonne infailliblement, et
on trouve qu'on a pu la changer sans péché; et maintenant,
telle qu'elle est, on ne la pourra souhaiter changée ! Il a bien
été permis de changer la coutume de ne faire des prêtres qu'a-
vec tant de circonspection, qu'il n'y en avait presque point qui
en fussent dignes ; et il ne sera pas permis de se plaindre de la
coutume, qui en fait tant d'indignes!
94.
On ne consulte que l'oreille, parce qu'on manque de cœur.
La règle est l'honnêteté \
95.
Il faut, en tout dialogue et discours, qu'on puisse dire à ceux
qui s'en offensent : De quoi vous plaignez- vous?
96.
Les enfants qui s'effrayent du visage qu'ils ont barbouillé,
i. Voir Epiclète, III, 12.
1. Pascal avait barré ce fragment.
3. III Rois, xu, 31 : « Et il prit des prêtres dans les derniers du peuple, qui n'étaient
pas des enfants de Lévi. >
4. Cette phrase se trouve parmi des notes qui se rapportent aux Provinciales . Il est à
croire que les Jésuites avaient relevé dans ces fameuses lettres quelques phrases dures
et désagréables à l'oreille, et Pascal répond dédaigneusement que ceux qui s'attachent à
ces minuties, et qui mesurent par là l'éloquence, sont des gens qui ne sentent rien. Je ne
connais pas ces anciennes réponses aux Provinciales; mais le P. Daniel, qui les a fon-
dues sans doute dans ses Entretiens de Cléandre et d'Eudoxe, en 1694, signale, dans son
quatrième Entretien, une phrase de la première Lettre où il y a (rois qu'il tout de suite
qui sont lien rudes. Voyez le fragment vu, 21. a
II. J
526 PENSÉES DE PASCAL
ce sont des enfants ; mais le moyen que ce qui est si faible étant
enfant, soit bien fort étant plus âgé ! On ne fait que changer da
fantaisie â.
Tout ce qui se perfectionne par progrès périt aussi par pro-
grès. Tout ce quia été faible ne peut jamais être absolument
fort. On a beau dire, Il est cru, il est changé. Il est aussi le
même.
97.
Incompréhensible que Dieu soit, et incompréhensible qu'il
ne soit pas; que l'âme soit avec le corps, que nous n'ayons pas
d'âme ; que le monde soit créé, qu'il ne le soit pas, etc. ; que
le péché originel soit, et qu'il ne soit pas.
98.
Les athées doivent dire des choses parfaitement claires; or
il n'est point parfaitement clair que l'âme soit matérielle.
99.
Incrédules, les plus crédules. Ils croient les miracles de Ves-
pasian, pour ne pas croire ceux de Moïse \
100.
Écrire contre ceux qui approfondissent trop les sciences.
Descartes.
100 bis.
[Il faut dire en gros : Gela se fait par figure et mouvement,
car cela est vrai. Mais de dire quelles, et composer la machine,
cela est ridicule; car cela est inutile, et incertain et pénible.
Et quand cela serait vrai, nous n'estimons pas que toute la
philosophie vaille une heure de peine8.]
100 ter.
Descartes inutile et incertain.
4. On a vu déjà cette image, que Pascal a empruntée à Montaigne et Montaigne à
Sénèque. Sénèque ajoute, comme Pascal, que les hommes sont encore des enfants : Hoc
nobis quoque majusculis pueris avertit. — Voyez iv, 2, vers la fin.
2. Voyez Tacite. 11 ra:onle (Hist. IV, 81) comment Vcspasien guérit à la fois dans
Alexandrie, sur leur demande, un paralytique et un aveugle, en mouillant de sa salive
les yeux de l'aveugle, et foulaut, sous son pied ta main du paralytique. 11 ajoute : « Ces
deux prodiges, des témoins oculaires les attestent encore aujourd'hui, qu'il n'y a plus rien
à gagner à mentir, n Voir aussi Suétone et Josèphe.
3. En titre dans l'autographe, Descarfts. Cette pensée est barrée
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV 127
toi.
Athéisme, marque de force d'esprit, mais jusqu'à un certain
degré seulement *.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV
Fragment 2. — « C'est un point se mouvant partout d'une vitesse
infinie. »
Mais il n'y a pas de point réel ; ni de vitesse réelle qui soit infinie ;
ni rien de réel qui puisse se mouvoir d'un même mouvement partout,
c'est-à-dire en tout sens, à droite et à gauche, en haut et en bas, en
avant et en arrière : ce n'est pas là un effet de nature, comme il va
l'appeler tout à l'heure, c'est une pure fiction de l'esprit.
Fragment 3 bis. — a II ne les faudrait injurier qu'au cas que cela
servît. » Ce cas était apparemment pour Pascal celui des Jésuites.
« Je vous prie de considérer que, comme les vérités chrétiennes sont
dignes d'amour et de respect, les erreurs qui leur sont contraires sont
dignes de mépris et de haine... C'est pourquoi, comme les saints ont
toujours pour la vérité ces deux sentiments d'amour et de crainte...,
les saints ont aussi pour l'erreur ces deux sentiments de haine et de
mépris ; et leur zèle s'emploie également à repousser avec force la
malice des impies, et a confondre avec risée leur égarement et leur
folie. » Et encore : « Ne voyons-nous pas que Dieu hait et mé-
prise les pécheurs tout ensemble, jusque-là même qu'à l'heure de
leur mort, qui est le temps où leur état est le plus déplorable et
le plus triste, la sagesse divine joindra la moquerie et la risée h la ven-
geance et a la fureur qui les condamnera h des supplices éternels. In
interitu vestro ridebo vos et subsannàbo *. » Onzième Provinciale,
Fragment 5. — « Voilà ce que c'est que la foi, Dieu sensible au
cœur. » Madame de Sévigné écrivait à madame de Guitaut (le 29 oc-
tobre 1692) : « Jouissez, madame, de la paix que Dieu vous fait sentir
présentement. Yous avez eu vos peines, vous en avez fait un sacrifice.
1. Cette pensée avait été publiée par le P. Desmolets, mais gravement altérée; il avait
écrit : Athéisme, manque de. force d'esprit. M. Cousin a rétabli la véritable leçon.
Montaigne avait dit (I, 54. t. i, p. 273) : « Des esprits simples, moins curieux et
moins instruicts, il s'en faict de bons ebrestiens, qui par révérence et obéissance,
croyent simplement, et se maintiennent soubs les loix. En la moyenne vigueur des es-
prits, et moyenne capacité, s'engendre l'erreur des opinions... Les grands esprits, plus
rassis et clairvoyants, font uu aultre genre de biencroyants, etc. »
2. l'rov 1, 26.
128 PENSÉES DE PASCAL
Dieu sensible au cœur, voilà votre bienheureux état. Je n'ai jamais vu
une telle parole, mais elle est aussi1 de M. Pascal. » Tome x, page 84
de l'édition Hachette. Toutes les éditions antérieures donnaient : «Vous
en avez fait un sacrifice bien sensible au cœur. »
Fragment 8. — A qui Pascal reproche-t-il de vouloir prouver les
trois vérités de la religion par la raison plutôt que par l'Écriture? Il
s'adresse d'abord, comme son maître Montaigne, à Raimond Sebonde et
à sa Théologie naturellet où la Trinité, l'Incarnation et la Rédemption
sont démontrées par des raisonnements philosophiques. Mais il en
veut aussi, je crois, aux efforts de Descartes pour établir par la raison
Dieu et Fâme.
Fragment 12 ter. — « Il y aura toujours des pélagiens... et toujours
combat. » Port-Royal supprime ces derniers mots.
Fragment lftbis. — C'est une chose horrible de sentir s'écouler tout
ce qu'on possède. »
Durum! sed levius fit patientia
Quidquid corrigere est nefas.
(Note de Voltaire.)
Ces vers sont d'Horace, Od. I, 24 : « Dure condition! mais la rési-
gnation allège ce qu'il n'est pas permis de changer. »
Fragment 17 bis. — « Je trouve bon qu'on n'approfondisse pas l'opi-
nion de Copernic. »
On a vu déjà, dans le premier fragment de l'article premier, que
Pascal s'en tient à l'hypothèse traditionnelle du mouvement du ciel au-
tour de la terre. Il avait des doutes, mais il ne les creusait pas; il
n'approfondissait pas lui-même l'opinion de Copernic. En cela il sui-
vait encore Montaigne, et Montaigne lui-même suivait la pente fâ-
cheuse sur laquelle il lui arrive trop souvent de s'abandonner à un
pyrrhonisme mou et complaisant, pour ne pas se compromettre en
adoptant résolument des doctrines suspectes, et ne pas rompre avec
les préjugés. Montaigne disait donc (Apol. t. m, p. 264):
« Le cie4 et les estoiles ont branslé trois mille ans, tout le monde
l'avoit ainsi creu, iusques à ce que... Nicetas Syracusien2 s'advisa de
maintenir que c'estoit la terre qui se mou voit...; et de nostre temps
Copernicus a si bien fondé cette doctrine... etc. Que prendrons-nous
de là, sinon qu il ne nous doibt chaloir lequel ce soit des deux? et qui
sçait qu'une tierce opinion, d'icy à mille ans, ne renverse les deux pré-
cédentes? »
1. C'est-à-dire, mais aussi elle est.
2. Lisez, Hicétas. Cic. Acad. II, 39.
REM\RQURS SDH L'ARTICLE XXIV 129
Cette commode indifférence sembla devenir une nécessité quand la
science nouvelle eut été condamnée à Rome avec éclat, en 1633, dans
la personne de Galilée. Sa condamnation avait profondément décou-
ragé les esprits novateurs. Descartes répète plusieurs fois au P. Mer-
senne que cette disgrâce de la science le fait renoncer à publier sa
Philosophie (22 juillet 1633; 10 janvier et 15 mars 1634). Il lui écri-
vait encore la même chose sept ans après (décembre 1640).
Le chevalier de Méré, dans sa Lettre à Pascal, disait à la façon de
Montaigne :
« Nous ignorons plusieurs choses dont nous ne devons parler que
douteusement, comme nous en connaissons beaucoup d'autres que
nous pouvons décider... Doutons si la lune cause le flux et le reflux
de l'Océan, si c'est le ciel ou la terre qui tourne, et si les plantes qu'on
nomme sensitives ont du sentiment. Mais assurons que la neige nous
éblouit, que le soleil nous éclaire et nous échauffe, et que l'esprit et
l'honnêteté sont au-dessus de tout. »
Voici enfin comment s'exprimait Pascal lui-même dans sa Lettre
au P. Noël, de 1647 : « Car, comme une même cause peut produire
plusieurs effets différents, un même effet peut être produit par plu-
sieurs causes différentes. C est ainsi que, quand on discourt humaine-
ment du mouvement, ou de la stabilité de la terre, tous les phéno-
mènes du mouvement et des rétrogradations des planètes s'ensuivent
parfaitement des hypothèses de Ptolémée, de Tycho, de Copernic, et de
beaucoup d'autres qu'on peut faire, de toutes lesquelles une seule
peut être véritable. Mais qui osera faire un si grand discernement,
et qui pourra, sans danger d'erreur, soutenir l'une au préjudice des
autres? »
Vers le même temps il écrivait, dans la préface du Traité du Vide :
a Pour donner la certitude entière des matières les plus incompréhensi-
bles à la raison, il suffit de les faire voir dans les livres sacrés,
comme, pour montrerl'incertitude des choses les plus vraisemblables, il
faut seulement faire voir qu'elles n'y sont pas comprises. » Où il
semble qu'il veut dire que l'opinion reçue du mouvement du ciel de-
viendra incertaine si on peut faire voir qu'elle n'est pas formellement
établie dans l'Écriture, comme le croyaient ceux qui condamnaient
l'opinion nouvelle. Il disait plus hardiment et magnifiquement, dans
la 18e Provinciale :
a Ce fut aussi en vain que vous obtîntes contre Galilée un décret
de Rome, qui condamnait son opinion touchant le mouvement de la
terre. Ce ne sera pas cela qui prouvera qu'elle demeure en repos; et
si l'on avait des observations constantes qui prouvassent que c'est elle
130 FENSÉES DE PASCAL*
qui tourne, tous les hommes ensemble ne l'empêcheraient pas de
tourner, et ne s'empêcheraient pas de tourner aussi avec elle. » Mais
dans les Pensées, il revient à un pyrrhonisme qui n'est qu'une sorte
de fanatisme dédaigneux de toute vérité purement humaine.
Douze ans encore après la mort de Pascal, Malebranche écrivait
dans la Recherche de la vérité (IV, 12) : a II y a bien des gens qui
croient, mais d'une foi constante et opiniâtre, que la terre est immo-
bile au centre du monde..., et une infinité de semblables opinions
fausses ou incertaines, parce qu'ils se sont imaginé que ce serait aller
contre la foi que de le nier. Ils sont effrayés par les expressions de
l'Écriture sainte, qui parle pour se faire entendre, et qui par consé-
quent se sert des manières ordinaires de parler, sans dessein de nous
instruire de la physique... Ils ne voient pas que Josué, par exemple,
parle devant ses soldats comme Copernic même, Galilée et Descartes
parleraient au commun des hommes, et que quand même il aurait été
dans le sentiment de ces derniers philosophes, il n'aurait point com-
mandé à la terre qu'elle s'arrêtât, puisqu'il n'aurait point fait voir à
6on armée, par des paroles que l'on n'eût point entendues, le miracle
que Dieu faisait pour son peuple... Cependant les paroles de ce grand
capitaine, Arrête-toi^ Soleil, auprès de Gabaon, et ce qui est dit ensuite,
que le soleil s'arrêta selon son commandement, persuadent bien des
gens que l'opinion du mouvement de la terre est une opinion non-seu-
lement dangereuse, mais même absolument hérétique et insoutenable.
Ils ont ouï dire que quelques personnes de piété, pour lesquelles il est
juste d'avoir beaucoup de respect et de déférence, condamnaient ce
sentiment ; ils savent confusément quelque chose de ce qui est arrivé pour
ce sujet a un savant astronome de notre siècle; et cela leur semble suffi-
sant pour croire opiniâtrement que la foi s'étend jusques à cette opinion.
Un certain sentiment confus, excité et entretenu par un mouvement de
crainte, duquel même ils ne s'aperçoivent presque pas, les fait entrer en
défiance contre ceux qui suivent la raison dans ces choses qui sont du
ressort de la raison. Ils les regardent comme des hérétiques; ce n'est
qu'avec inquiétude et quelque peine d'esprit qu'ils les écoutent, et leurs
appréhensions secrètes font naître dans leurs esprits les mêmes res-
pects et les mêmes soumissions pour ces opinions et pour beaucoup
d'autres de pure philosophie, que pour les vérités qui sont l'objet de
la foi. »
Et telle est la contagion des idées fausses, quand on a eu intérêt à
les propager, que plus de cent ans après Galilée, le grand Frédéric,
un sceptique entre les sceptiques, au moment même où Voltaire, en
publiant sa Philosophie de Newton, assurait le triomphe des idées
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV. 13l
nouvelles, osait Lui écrire encore : « Les Malabaivs ont calculé les ré-
volutions des globes célestes sur le principe que le soleil tournait au-
tour d'une haute montagne de leur pays, et ils ont calculé juste.
Après cela, qu'on nous vante les prodigieux efforts de la raison hu-
maine, et la profondeur de nos vastes connaissances! Nous ne savons
réellement que peu de chose, mais notre esprit a l'orgueil de vouloir
tout embrasser (17 juin 1738). » Il est vrai que Voltaire traite comme
elles le méritent, dans sa réponse, les moralités du prince royal, et
ses Malabares.
C'est un devoir aujourd'hui, non-seulement de regarder Vopinion de
Copernic comme une vérité démontrée, mais d'en relever l'impor-
tance, qui n'a pas frappé l'esprit de Pascal. Il est toujours important
de retrancher une erreur pour mettre une vérité à la place, et l'esprit
de critique profite à tout. Mais qui ne voit d'ailleurs que, du moment
que la terre n'est plus le centre du monde, et qu'elle se perd dans le
système solaire, perdu à son tour dans l'amas des constellations cé-
lestes, la manière de considérer, soit la nature, soit l'homme lui-
même, peut changer tout à fait ?
Pascal, qui a dit quelque part qu'il faut être pyrrhonien, géomètre,
chrétien soumis, s'est montré ici plus sceptique et plus soumis que
géomètre. Son peu de goût pour Descartes et pour ses systèmes l'a
entraîné à mépriser une idée à laquelle Descartes et. les siens s'étaient
attachés. Il est fâcheux cependant qu'un des maîtres de la science sa-
crifie ainsi la science; que celui qui a tant élevé Archimède tienne si
peu de compte de Copernic et d' Archimède même; que celui qui tance
Montaigne justement, parce que l'incorrigible douteur doute quel-
quefois par légèreté, se montre maintenant léger comme lui; que
celui enfin qui a trouvé bon d'approfondir la pesanteur de l'air, qui a
eu l'honneur de la démontrer, qui a écrit la Préface du Traité du
"Vide, n'ait pas osé ou n'ait pas daigné prendre parti sur une décou-
verte plus haute encore. — Voir, sur l'immense révolution faite par
Copernic, le Cosmos de M. de Humboldt, t. n, page 366 et suivantes de
la traduction de M. Ch. Galusky1.
I. J'associe Copernic et Archimède, car M. Joseph Bertrand a publié, dans le Journal
des Savants de février 1864, un article intitulé Copernic et ses travaux, auquel je ne puis
mi'Hix faire que de renvoyer mes lecteurs, et où je prends cette citation d'Archimède, au
commencement du livre intitulé Are'naire (xVv.y.y.i7/ii) -
« Le monde est appelé par la plupart des astronomes une sphère dont le centre est le
même que celui de la terre, et dont le rayon est égal à la distance de la terre au soleil.
Aristarque de Samos rapporte cette opinion en la réfutant : d'après lui, le monde serait
beaucoup plus grand ; il suppose le soleil immobile, ainsi que les étoiles, et pense que la
terre tourne autour du soleil comme centre, et que la grandeur de la sphère des étoiles
fixes, dont le centre est celui du soleil, est telle, que la circonférence du cercle décrit
par la terre est à la distance des étoiles fixes comme le centre d'un cercle est à sa sur-
uce. »
132 PENSÉES DE PASCAL
Fragment 18. — « Et par ce moyen il y a assez d'évidence pour
condamner, et non assez pour convaincre. » Port-Royal a supprimé ce
morceau, comme la plupart de ceux qui rendaient trop franchement
la même doctrine : voir l'article xx. Quelle hardiesse en effet dans
cette logique, qui tire une preuve de la religion de la difficulté même
de la prouver, et qui explique l'inconcevable par l'inconcevable ! Gom-
ment la même doctrine, qui est assez claire pour qu'on ne puisse la
rejeter sans crime, est-elle en même temps assez obscure pour qu'on
ne puisse la suivre sans un secours surnaturel ! Mais surtout quel
étrange besoin de condamner I
Fragment 22. — « Il n'est rien de cela aux exemples des païens,
nous n'avons point de liaison h eux. » Voilà l'inhumanité de la foi.
Pour relever la communion des saints, Pascal oublie la communion
des hommes, qui sont frères, malgré toutes les diversités des lieux,
des temps et des mœurs. Les Romains de Corneille ne l'avaient-ils
jamais ému?
Du reste, pour bien comprendre ce fragment, il faut savoir qu'il
se rattache à une des controverses secondaires que la grande contro-
verse du jansénisme avait soulevées à l'époque où écrivait Pascal;
c'est pourquoi sans doute il a été supprimé dans Port-Royal. On com-
battait pour et contre la vertu des païens. Du côté des païens étaient
les philosophes, les mondains et les Jésuites, ceux qui donnaient plus
à la nature et moins à la grâce, le P. Sirmond, et La Mothe le Vayer :
Saint Gyran, Arnauld, Pascal, étaient de l'autre. Voir sur ce débat le
Port-Royal de M. Sainte-Beuve, t. i, page 234, lreédit. Voir aussi ce qui
en est dit dans l' Essai sur La Mothe Le Vayer, par M. Etienne (Rennes,
1849), à propos du livre De la vertu des Payens, que Le Vayer publia
en 1641.
Fragment '^3 bis. — « Jésus-Christ n'a point voulu des témoignages
des démons, ni de ceux qui n'avaient point vocation. » Ce fragment et
celui qui précède ont pour objet d'établir par l'Écriture la doctrine de
la prédestination et de la grâce toute gratuite. Les élus sont élus, non
pour leurs mérites, mais par le pur choix de Dieu. Dieu ne se soucie
pas d'être connu par les réprouvés.
Fragment 24. — (Sur Montaigne :) « Crédule (gens sans yeux).
Ignorant. (Quadrature du cercle). » Pascal reproche à Montaigne d'a-
voir pris la quadrature du cercle pour une de ces vérités mathémati-
ques paradoxes comme la propriété des asymptotes, et de ne pas savoir
que les mesures qu'on donne du cercle dans la pratique ne sont, qu'ap-
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV. 133
proximatives, c'est-à-dire inexactes, et qu'il demeure toujours impos-
sible de le carrer.
Les éditeurs de Port- Royal avaient supprimé ces reproches et ces
renvois. Ils ne pensaient pas que Montaigne fût réellement si crédule.
Ils s'en expliquent dans leur Logique, III, xix, des Sophismes d'amour-
vropre, d'intérêt et de passion, n° 9 : « Une personne intelligente ne
soupçonnera jamais Montaigne d'avoir cru toutes les rêveries de l'as-
trologie judiciaire; cependant quand il en a besoin pour rabaisser sotte-
ment les hommes, il les emploie comme de bonnes raisons... Veut-il
détruire l'avantage que les hommes ont sur les bêtes... , il nous rap-
porte des contes ridicules, et dont il connaît V extravagance mieux que
personne... Son dessein n'était pas de parler raisonnablement, mais de
faire un amas confus de tout ce qu'on peut dire contre les hommes : ce
qui est néanmoins un vice très -contraire à la justesse de l'esprit et à
la sincérité d'un homme de bien, etc. » M. Sainte-Beuve dit aussi
(Port-Royal, lre édit. t. n, p. 88) : « Je l'ai bien souvent pensé : si
l'on pouvait discerner et ôter ce qui est du pur écrivain en verve, de la
plume engagée qui s'amuse, combien n'aurait-on pas à rabattre peut-
être du scepticisme de Montaigne, de l'absolutisme de De Maistre, du
séraphisme de saint François d 3 Sales, et du jansénisme de saint Au-
gustin ! »
J'ai déjà indiqué, dans les remarques sur le fragment 17, qu'il faut
se défier du pyrrhonisme de Montaigne, et j'aurai encore lieu plus
tard d'y revenir. Voir xxv, 61.
« On peut excuser ses sentiments un peu libres et voluptueux. »
Port-Royal a mis seulement: Quoi quyon puisse dire pour excuser, etc.
Comparez sur Montaigne les fragments vi, 23 et vu, 7.
Fragment 25. — » Que se passait-U donc alors? Saint Athanase était
un homme appelé Athanase... » Ces dernières lignes sont supprimées
dans l'édition de Port-Royal. Dans ce fragment comme en beaucoup
d'autres, Port-Royal, fidèle à la paix de Clément IX, se bornait à laisser
entendre discrètement ce que Pascal articule avec force. La persécu-
tion contre ses amis est à ses yeux le retour des anciennes persécu-
tions. Athanase s'appelle maintenant Jansénius ou Arnauld (de
même que sainte Thérèse, car il prend ses exemples dans tous les siè-
cles, est devenue la mère Angélique ou la mère Agnès). Si Saint-Cy-
ran a été mis en prison comme criminel d'État; si on accable les jan-
sénistes, et jusqu'aux religieuses de Port-Royal, de toutes sortes
d'imputations calomnieuses (voir la seizième Provinciale), rien de tout
cela n'est nouveau, et ne doit étonner les âmes pieuses. Si les Jésui-
tes ont pour eux )a Faculté dethéologie,les assemblées devèques, les
134 PENSÉES DE PASCAL
assemblées générales du clergé ; si Arnauld a été censuré et exclu de
la Sorbonne, et avec lui ses partisans, ces triomphes des pclagiens
rappellent ceux des ariens dans leurs conciles. Si les papes ont con-
damné Jansénius et les siens, c'est qu'ils ont été surpris comme Li-
bère. Si ceux enfin qui refusent de signer le formulaire sont accusés
d'obstination coupable et de déchirer le sein de l'Église, ils doivent
s'enorgueillir d'un reproche que la foule des tièdes a toujours adressé
aux saints.
Cette manière de considérer les choses devait élever les idées et les
courages, et faire taire la politique par l'enthousiasme. C'est ce qu'on voit
dans la conduite de Pascal ; c'est ce qui inspire à Jacqueline sa sœur
cette admirable lettre, où elle traite avec tant de mépris toutes les
craintes, le banissement, la confiscation, la prison, et la mort si vous
voulez ; où elle refuse énergiquement de souscrire à la condamnation
d'un saint évêque (c'est Jansénius) ; oii elle dit que puisque les évêques
ont des courages de filles, les filles doivent avoir des courages d'évêques;
où elle suppose saint Augustin à sa place pour voir comment il agi-
rait et comment il devrait agir. Mais présentées à des esprits moins ar-
dents, n'était-il pas à craindre que des comparaisons semblables, au
lieu de relever le présent, ne fissent que diminuer la vénération du
passé ? Quand le monde regardait les saints comme des dieux, n'y
avait-il pas quelque danger à lui apprendre que ce sont des hommes
comme les autres, et à montrer leurs figures sans l'auréole? Voilà
comment tout état de luttes développe inévitablement l'esprit de criti-
que; et, de même que les railleries des Provinciales ont frayé le che-
min à celles de Voltaire, ces interprétations de l'histoire de l'Eglise,
trouvées pour le besoin de la défense, ont préparé la voix à une criti-
que historique qui ramène tout à la même mesure, qui n'est plus
frappée du divin ni dans les choses ni dans les personnes, et ne dis-
tingue plus les temps héroïques des temps humains.
Il faut rapprocher ce morceau du fragment xxm, 37.
Fragment 26. — o Les hommes ont mépris pour la religion, ils en
ont haine, etc. »
Où Pascal est-il emporté par son humeur? S'il était vrai que la reli-
gion, telle qu'il la présente, n'inspirât aux hommes que du mépris,
de la haine et de l'effroi, serait-ce la condamnation de la nature hu-
maine, ou celle d'une foi farouche et bizarre, foi de sectaire et de ma-
lade? Port-Royal supprime ces paroles si dures.
« Faire souhaiter aux bons qu'elle fût vraie. » Port-Royal supprime
ces deux mot*, qui dans les idées de Pascal sont nécessaires; car sou-
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV. 135
haiter que la religion soit vraie n'appartient qu'aux bons, c'est un
sentiment qui ne peut-être inspiré que par la grâce.
Voici comme s'exprime Louis Racine dans la préface de son poëme
de la Religion : «Tel est le plan de cet ouvrage, que j'ai conduit sur
cette courte pensée de M. Pascal : A ceux qui ont de la répugnance
pour la religion, il faut commencer par leur montrer qu'elle n'est pas
contraire à la raison; ensuite quelle est vénérable; après, la rendre
aimable, faire souhaiter qu'elle soit vraie, montrer qu'elle est vraie,
et enfin qu'elle est aimable * ; et cette pensée est l'abrégé de tout ce
poôme,dans lequel j'ai souvent fait usage des autres pensées du même
auteur. »
Fragment 2Gois.— •« Un mot de David ou de Moïse, etc.» Que signi-
fie ce fragment, où Pascal demande si David et Moïse, c'est-à-dire les
auteurs des Psaumes et du Pentateuque, sont philosophes ou chrétiens"!
Il ne peut être douteux pour personne que les livres saints contien-
nent une religion, et non pas une philosophie ; le surnaturel y est par-
tout, et il éclate bien plus dans tant de miracles que dans tel ou tel
discours. Gomment donc faut-il l'entendre? C'est en rapportant cette
réflexion, non pas à la religion en général, mais à la question de la
grâce, qui est tout le christianisme aux yeux de Pascal. Être chrétien,
c'est croire que notre nature déchue et ruinée ne peut se réparer par
elle-même, et est incapable de revenir au bien et à Dieu, si une grâce
nécessitante et gratuite ne l'y ramène. Si on suppose au contraire que
l'homme, par sa propre force, puisse faire le bien ou seulement le vou-
loir, on n'est plus chrétien, on est philosophe. Or, dans l'Ancien
Testament, la doctrine de la grâce ne paraît guère ; le langage en est
le même que le langage ordinaire de la vie, où on n'impute pas moins
à l'homme le bien que Dieu lui fait faire que le mal qu'il fait par lui-
même. Nous pourrions donc croire, dit Pascal, que les écrivains sa-
crés parlent en philosophes; mais un mot comme celui qu'il cite lève
l'ambiguïté, et nous fait retrouver, selon lui, la pure doctrine de la
grâce. Au contraire, on prendrait souvent Epictète pour un chrétien à
ses discours sur la corruption des hommes. Mais Epictète dit que la
vertu dépend de nous, et à ce mot, qu'il trouve orgueilleux, et qui lui
paraît la négation de la grâce, Pascal reconnaît l'homme et le stoïcien.
Fragment 29. — « Le mot de Galilée, etc. » On doit remarquer que
l'incident sur lequel porte ce fragment, c'est-à-dire Jésus renvoyé de
Pilate à Hérode, ne se trouve que dans le troisième évangile, celui
qui porte le nom de Luc. Et le livre des Actes des Apôtres, où cette
i. C'est le texte de Port-Royal, un peu plus dégagé.
136 PENSÉES DE PASCAL
circonstance est relevée comme un mystère, n'est, dans sa première
partie du moins, qu'une suite du troisième évangile, écrite de la même
main.
Fragment 33. — « Tout ce qui est au monde est concupiscence de
la chair, etc. ... Heureux ceux qui étant sur ces fleuves, non pas
entraînés, etc. » Gondorcet, dans une note de la Préface de son édi-
tion, dit : « Je doute que ceux qui s'intéressent à la mémoire de Pas-
cal, et même à la religion, puissent regretter beaucoup qu'on ait sup-
primé les pensées suivantes. » Et il cite ces lignes, pleines de subtili-
tés allégoriques, mais aussi dune ardeur et d'une poésie qu'il ne sent
pas. C'est dans cette même note qu'il cite, d'un ton également dédai-
gneux, les premières lignes du morceau sur la grandeur de Jésus-
Ghrtst (xvii, 1), et il a en effet supprimé tout ce fragment incompa-
rable I
Fragment 35. — « Dire que Jésus-Christ ne soit venu que mettre
la figure de la charité... cela est horrible. »
Pascal attaque ici la doctrine d'après laquelle le sacrement suffisait
pour remettre le péché, sans la charité ou l'amour de Dieu, doctrine
qu'on imputait aux Jésuites (voir la dixième Provinciale, et la dou-
zième Epître de Boileau).
Fragment 36. — « On entreprenait franchement l'Ecriture sainte
sur le grand nombre des étoiles. *>
Les éditeurs de Port-Royal, qui ont supprimé cette pensée, ne l'ap-
prouvaient pas sans doute, et j'ai cité ailleurs (Remarques sur le frag-
ment 17), à propos du mouvement de la terre, un passage de Malebran-
che qui soutient au contraire que l'Ecriture parle pour se faire enten-
dre, et comme on parle ordinairement, sans dessein de nous instruire
de la physique. Gomment en effet Pascal ne s'est-il pas fait l'objection
du système de Copernic, à propos duquel aussi on entreprenait mé-
chamment l'Écriture? ou comment conciliait-il la pensée qu'il exprime
ici avec son indifférence sur cette question?
Fragment 39 ter. — a II est injuste qu'on s'attache à moi etc. »
Les éditeurs de Port-Royal ont effacé partout le je dans ce morceau :
« Il est injuste qu'on s'attache à nous, » etc. Ils mettent ici : « Ne
sommes-nous pas prêts à mourir? et ainsi l'objet de leur attache-
ment mourrait. » Quelle froideur dans cette observation collective!
Il mourrait, c'est l'objection de gens qui raisonnent. Il mourra donc,
c'est la sentence de condamnation que Pascal prononce contre lui-
même; nous entendons le cri de cette âme, qui contemple toute sa
REMARQUES SUR L*ARTICLE XXIV 1 37
misère, mais qui au lieu de s'attacher dans cette détresse à l'amour
des siens, le repousse par pitié et par respect pour eux, parce qu'elle
sait que c'est une chose horrible de sentir s'écouler tout ce qu'on possède
(fragment 16), et qu'elle voit bien qu'elle va s'écouler. Combien cette
tristesse est haute et généreuse ! La raison n'est pas là sans doute, ni
la vraie vertu. Quand Pascal s'efforçait de rebuter jusqu'à la ten-
dresse de sa sœur (c'est cette sœur qui en témoigne), cela même, c'é-
tait passion et faiblesse ; mais quelle faiblesse est la plus intéressante,
de celle du voluptueux qui murmure :
Aimons donc, aimons donc; de l'heure fugitive,
Hâtons -nous, jouissons!
ou de celle d'un cœur tellement épris de l'idéal, qu'il ne veut voir
que néant dans tout le reste, et se sacrifiant lui-même, s'ensevelit de
ses propres mains !
Port-Royal se souvient trop d'une autre pensée : « Le Moi est haïs-
sable (vi, 20) », et l'interprète mal. Le moi qui nous déplaît est celui
qui nous exclut, mais rien au contraire n'est plus sympathique et plus
touchant que celui ou chacun de nous se retrouve soi-même.
Fragment 46. — « Histoire de la Chine, » Ce qu'on lisait dans lo
P. Martini sur les antiquités de la Chine dut attirer vivement l'atten-
tion des esprits critiques. Les Chinois prétendent remonter, par une
chronologie très-bien suivie, jusqu'à l'empereur Fo-Hi, dont le règne
date, suivant Martini, de l'an 2952 avant notre ère. Là commence la
certitude historique, mais la tradition chinoise place encore avant Fo-
Hi une très-longue suite de souverains. Si on en croyait leurs auteurs,
dit Martini, il faudrait reporter la naissance du monde jusqu'à plu-
sieurs milliers d'années avant le déluge universel. Le savant jésuite
accepte des récits chinois tout ce qu'il peut concilier, d'une manière
quelconque, avec l'autorité des livres saints. Les chronologistes de son
temps (suivis par Bossuet dans le Discours sur l'histoire universelle)
plaçaient la création en l'an 4004 avant Jésus- Christ, d'après le texte
hébreu de l'Ecriture et la Vulgate, et le déluge en l'an 2348. Mais il
fallait bien ne placer Fo-Hi et le commencement des temps historiques
de la Chine qu'après le déluge universel. Le P. Martini fait remar-
quer que cette difficulté sera levée si on adopte telle autre chronologie
également autorisée (en effet le texte des Septante fait remonter le dé-
luge à l'an 2954; et depuis, VArt de vérifier les dates, d'après une com-
binaison du texte hébreu et du samaritain, l'a reporté jusqu'à l'an 3308).
Quant aux temps antérieurs à Fo-Hi, le P. Martini, accordant tou-
jours tout ce qu'il peut aux Chinois- cherche à en resserrer l'étendue
138 PENSÉES DE PASCAL.
en expliquant les dynasties, comme on a voulu le faire aussi pour l'E-
gypte, par des royautés simultanées ; et comme cette antiquité reste
toujours antédiluvienne, il suppose qu'il a pu subsister dans la haute
Asie, même après le déluge, quelque tradition obscure des événe-
ments et des personnages qui l'ont précédé. Ainsi tout s'arrange dans
le livre du P. Martini, qui n'attache d'ailleurs d'importance à aucun
système, attendu que la foi pour lui n'est pas en cause, et reste bien
au-dessus de toutes ces difficultés. Mais il pouvait n'en être pas
de même des docteurs avec qui Pascal était en commerce. Quand ils
voyaient le P.Martini reconnaître l'autorité de la chronologie chinoise
jusqu'à Fo-Hi, et placer ce personnage plus de 600 ans avant l'époque
où on plaçait alors généralement la dispersion des langues et le repeu-
plement du monde, et admettre encore une antiquité au delà, ils ne
pouvaient manquer d'opposer l'histoire de la Chine à l'histoire juive.
Pascal se tire de l'objection en refusant sa croyance à ces récits. Il y
a bien lieu en effet de douter de ces règnes de 115, de 140 ans, que
le P. Martini nous présente d'après les Chinois, et de ne pas compter
comme un personnage bien historique ce Fo-Hi, né d'une vierge fé-
condée par un arc-en-ciel. Le pieux jésuite a fait la part de la critique
la plus petite possible. Il est devenu comme le fils de la Chine, en y
vivant ; il reçoit les livres chinois , non pas avec autant de respect ,
mais avec autant de bonne volonté que les livres saints, tant qu'ils ne
les contredisent pas absolument. Pascal n'a pas tant de complaisance
pour ces histoires.
« Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. »
Port- Royal a mis : « Je crois volontiers les histoires dont les témoins
se font égorger. » Le tour négatif est celui de la passion plutôt que de
la logique. On y sent l'impatience d'un croyant contre des traditions
qu'il s'indigne de voir opposer aux histoires sacrées. Port- Royal em-
ploie un tour plus exact, et aussi plus froid. Mais pourquoi ce condi-
tionnel, se feraient égorger, que Port-Royal a remplacé par l'indica-
tif? Parce que Pascal pense aussi aux récits de l'Ancien Testament,
pour la vérité desquels ils n'est pas dit qu'il y ait eu des martyrs.
Mais Moïse au besoin, il n'en doute pas, aurait eu ses témoins (c'est ce
que signifie martyrs) comme Jésus-Christ.
Fragment 46 ter. — « Jamais on ne s'est fait martyriser pour les
miracles qu'on dit avoir vus. » Et qu'on n'a pas vus en effet, c'est ce
que Pascal sous-entend. Je ne sais si cela est bien vrai, et si l'entête-
ment ne pourrait pas aller jusque-là. Mais c'est ce qu'il n'y a même
pas lieu d'examiner au sujet des apôtres et des premiers chrétiens,
qui ne se sont jamais fait martyriser pour des miracles. Il setnuie
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV. 139
que Pascal se les représente qui viennent trouver les prêtres et les
magistrats pour leur dire : Je déclare, moi Pierre, ou Jacques, que
Jésus est ressuscité, qu'il s'est montré tel jour, en tel lieu, à tel ou
tel , avec telle et telle circonstance. Ou bien, Je déclare que Jésus a
fait, de son vivant, tel et tel miracle particulier, dont voici tous les
détails ; j'atteste ces faits, et je suis prêt à mourir pour en témoigner.
Jamais il ne s'est rien passé de semblable. On disait seulement : Ceux-
là croient que Jésus est le Messie, et ils le font croire au peuple. Et là-
dessus on les emprisonnait, ou on les fouettait, ou on les tuait. Qu'on
lise au livre des Actes le récit de la mort d'Etienne, le premier mar-
tyr, on verra qu'il n'articule pas un seul fait; il ne dit pas qu'il a été
témoin de ceci ou de cela, mais qu'il croit. Et pourtant ce récit, fait à
distance, est probablement déjà légendaire. Il est bien vrai que martyr
signifie témoin, mais on se méprend beaucoup sur la valeur de ce
mot. Les martyrs témoignent que Jésus est le fils de Dieu, ils ne té-
moignent pas qu'il se soit fait ici ou là un miracle dont on puisse dres-
ser procès-verbal.
Fragment 47. — m Les uns craignent de le perdre, les autres crai-
gnent de le trouver. »
Que cela est fort î quelle condamnation de ce qu'on appellerait volon-
tiers d'un mot d'aujourd'hui la religion facile I on disait alors, la dévo-
tion aisée; voyez la xie Provinciale.
Il faut bien, disent ces dévots-là, que je me confesse, car s'il y avait
un Dieu, je serais damné.
Fragment 48. — o Salomon et Job. » Pascal rapporte à Salomon le
livre que nous appelons YEcclésiaste, et qui commence par cette phrase
célèbre : « Vanité des vanités, et tout est vanité. »
Fragment 53 bis. — a Mais qu'est-ce que cette pensée? qu'elle est
sotte ! » Port-Royal a effacé cette brusquerie éloquente.
Fragment 58. — « On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilh
pour jamais. »
Peut-on se détacher un moment d'une telle pensée pour s'arrêter
à la forme? Elle est d'un genre de beauté bien rare. Elle joint à la di-
gnité de l'éloquence française, non-seulement une familiarité forte,
comme dans Bossuet, mais je ne sais quel sombre accent, et quelle
poésie sourde et pénétrante. Gela est classique et shakspearien tout en-
semble; rien n'est plus discret, et rien n'est plus fort. Pascal sans
cloute a rapporté cette pensée d'un cimetière : le bruit des pelletées
tombant sur la bière lui était resté au cœur.
140 PENSEES DE PASCAL
Fragment b9bis. — « Mais en aimant le corps, il s'aime soi-même. »
Le corps c'est Dieu, dont nous sommes les membres. Mais en ajou-
tant, il s'aime lui-même, Pascal corrige la dureté de ce qu'il a tant dit,
qu'il faut se haïr.
Fragment 59 ter. — « Le corps aime la main, et la main de-
vrait s'aimer de la même sorte que Y âme l'aime. » Port- Royal met :
a L'âme aime la main, » mais alors la figure du corps et des mem-
bres n'est pas suivie. L'âme, c'est la volonté du corps , opposée à la
volonté particulière de la main.
Fragment 62. — « Tous retenez dans l'Eglise les plus débordés. »
Cela s'adresse aux Jésuites ; voir la dixième Provinciale.
Fragment 64. (Sur la comédie.) — Pensée évidemment inspirée par
Corneille, que Pascal cite encore ailleurs sur l'amour, vi, 43 bis.
Cette violence dans une passion honnête et chaste, ces douceurs
qui sont en même temps des beautés, cette ardeur de sacrifices, co
plaisir orgueilleux de dominer dans un cœur, c'est bien l'amour comme
le concevait Corneille, comme devait le sentir l'âme fière et forte de
Pascal, et comme en effet il le figure dans le Discouru sur les passions
de l'amour. On n'en connaissait pas d'autre dans le monde distingué
de ce temps, dans ce monde que Pascal avait traversé étant ieune,
qui prétendait surtout à l'élévation du cœur et aux sentiments géné-
reux, et voulait intéresser dans la passion la vertu même. Plus tard,
quand Bossuet écrivait sur la comédie , tout était changé ; Racine ré-
gnait au lieu de Corneille, et les esprits sévères qui condamnaient
toute passion étaient moins frappés des dangers de l'orgueil que de
ceux de la tendresse. Bossuet, qui ne connaissait pas le fragment de
Pascal, a oublié dans ses réflexions, parmi tant de développements
pleins de force, cet attrait si bien démêlé ici, le désir de causer les mê-
mes effets que Von voit représentés^ de recevoir les mêmes plaisirs et les
mêmes sacrifices. C'est peut-être le seul point qu'il n'ait pas touché
dans son admirable écrit, car il faut bien l'avouer pour admirable, quoi
que nous fasse souffrir la manière indigne dont Molière y est traité.
Il est singulier que ce morceau ait été publié, en 1678, parmi les
Maximes de madame la marquise de Sablé etc. * On peut conjecturer
que madame de Sablé possédait l'autographe de Pascal (car nous
n'avons ce fragment que dans la Copie de MM. de Port- Royal), et
que cet original s'étant trouvé après sa mort parmi ses papiers, la
pensée a pu être confondue avec les siennes. Au reste les éditeur»
I. M. Cousin, La marquise de Sablé.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XKTV 141
de madame de Sablé en ont use, à l'égard de ce qu'ils croyaient d'elle,
aussi librement que les éditeurs de Pascal en usaient avec lui. Dana
l'intention de rendre le morceau plus clair et plus coulant, on a effacé
les traits les plus expressifs. Pascal disait, de l'amour tel qu'on le
voit au théâtre. « Sa violence plaît à notre amour-propre, etc. » On
a supprimé cette phrase. On a mis, toutes if* douceurs de l'amour, au
lieu àetoules lesbeaulc'set toutes les douceurs, fière expression et vrai-
ment cornélienne. Cn a écrit, Vesprit- si persuadé, au lieu de, l'âme
et l'esprit si persuades, et?,. Cn a si fcie.i fait, que d'excellents juges
ont pu croire sans difficulté que la pensée était de madame de Sablé,
et se plaindre qu'elle manquaU de style, au heu d'y reconnaître le même
style que dans le Discours sur les passions de V amour.
Fragment 65. — » Les opinions relâchées plaisent tant aux hom-
mes... »
La Bruyère a dit au contraire (De la Chaire) : « La morale douce et
relâchée tombe avec celui qui la prêche ; elle n'a rien qui réveille, et
qui pique la curiosité d'un homme du mond3, qui craint moins quon
ne pense une doctrine sévère, et qui l'aime même dans celui qui fait
son devoir en l'annonçant. »
Fragment 66. — « Après que Rome a parlé, et qu'on pense qu'il a
condamné la vérité. »
Il faut se rappeler, pour entendre Pascal, qu'elle était la tactique de
son parti. On soutenait que le pape avait bien pu condamner avec au-
torité cinq propositions comme hérétiques, mais qu'il s'était trompé
en donnant ces cinq propositions comme prises dans Jansénius ; que
la doctrine de Jansénius n'était que la pure doctrine de la grâce, la
tradition de saint Augustin, enfin la vérité, laquelle n'avait pu être
condamnée. Et quand les Jésuites écrivaient, avec le pape lui-même,
que les propositions condamnées étaient bien celles de Jansénius, c'é-
tait écrire, suivant Pascal, que le pape avait condamné la vérité. Pas-
cal lui-même désavoua plus tard cette tactique : ce fragment n'a pas
été reproduit, non plus que le suivant, dans l'édition de Port-Royal.
Fragment 66 bis. — » Ad tuum, Domine Jesu, tribunal appello. »
On sait que plus tard, les jansénistes, condamnés par la fameuse
bulle Unigenitus, interjetèrent appel au futur concile général. L'appel
mystique de Pascal à Jésus- Chriot même est plus touchant.
Fragmentai. — » La machine d'arithmétique etc. » Il semble que ce
fragment contient une objection de Pascal à la doctrine des animaux
machines, que Descartes avait accréditée.
ii. JP
142 PENSÉES DE PASCAL.
Fragment 69. — « Voilà quels sont mes sentiments, et je bénis
tous les jours de ma vie mon Rédempteur qui les a mis en moi, etc. »
On sait la prière du pharisien : « Le pharisien priait ainsi en lui-même :
Seigneur, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les au-
tres hommes, qui sont voleurs, iniques, adultères, ou comme ce pu-
blicain. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce
que je possède. Le publicain au contraire, se tenant éloigné, n'osait
pas même lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, di-
sant : Seigneur, aie pitié d'un pécheur comme moi. Et Jésus reprit :
« Je vous dis que celui-ci s'en retourna chez lui justifié plutôt que
l'autre, car tout homme qui s'élève sera rebaissé, et tout homme qui
s'abaisse sera relevé. » Luc, xvm, 11. — Jésus aurait-il été moins sé-
vère, quand le pharisien aurait parlé en janséniste, quand il aurait
rapporté son mérite à la grâce, et qu'il aurait dit : Je te remercie
de ce que la grâce m'a été donnée plutôt qu'à d'autres, de ce que je
suis un favori au milieu des réprouvés? a Les élus ignoreront leurs
vertus, » dit ailleurs Pascal (fragment 23).
J'ai dit que Pascal avait écrit d'abord cette phrase, qu'il a barrée :
« J'aime tous les hommes comme mes frères, parce qu'ils sont tous ra-
chetés. » Est-ce devant ce tous qu'il a reculé? Voyez le fragm. 11 et la
note.
Mme Perier a publié la première ce fragment dans la Vie de son
frère, mais avec des altérations : « Toutes ces inclinations, dit-elle,
dont j'ai remarqué les particularités, se verront mieux en abrégé par
une peinture qu'il a faite de lui-même dans un petit papier écrit de sa
main en cette manière. *>
Fragment 76. — Il ne faut pas juger de ce qu'est le pape par quel-
ques paroles des Pères, comme disaient les Grecs dans un concile. »
On lit dans Bossuet (Remarques sur l'Histoire des conciles d'Ephèse
et de Chalcédoine de M. Dupin, chap. Ier, cinquième remarque) :
« C'est entrer dans l'esprit des Grecs schismatiques, qui, dans le con-
cile de Florence, voulaient prendre pour honnêteté et pour compliment
tout ce que les Pères écrivaient aux papes pour se soumettre à leur
autorité. » Bossuet blâme ici ce principe des Grecs, que Pascal prend
pour règle; au contraire Bossuet parle comme Pascal dans son fameux
ouvrage posthume, Defensio declarationis cleri Gallicani, livre VI,
chapitre xi, où il montre que le pape Eugène, ayant voulu faire admet-
tre par le concile cette clause : Ut papa hoùeat sua privilégia juxta ca-
nones et dicta sanctorum, fut obligé de renoncer à ces derniers mots;
et le concile ne reconnut la puissance pontificale que suivant qu'elle
REMARQUES SUR L'ARTICLE XYIV. 1î 3
avait été déterminée par les actes des conciles el par les canons. Le
concile général de Florence, où les Latins et les Grecs s'unirent dans
un symbole commun, est de 1439.
Fragment 77. — « Duo aut très in unum. »
Ces paroles ne se trouvent nulle part textuellement dans l'Écriture.
Ce qui s'en rapproche le plus, et que Pascal paraît avoir en vue, est un
passage de la première Lettre à ceux de Corinthe, xiv, 27. Paul se plaint
que, dans les assemblées des fidèles, il y en a trop qui veulent mon-
trer qu'ils ont reçu de Dieu l'esprit de prophétie, ou le don des lan-
gues, de façon qu'on y entend à la fois toutes sortes de langues et
toutes sortes de révélations, et il ajoute : « Si donc il y en a qui aient
le don des langues, qu'on n'en entende que deux ou trois au plus, et
chacun à son tour, et qu'il y ait un interprète pour traduire leurs paro-
les (et unus interpretetur). » Et un peu plus loin : « Que deux ou
trois prophétisent (duo aut très dicant), et que les autres écoutent
et jugent. » Pascal qui use et abuse des textes, paraît avoir dé-
tourné celui-ci, dans sa pensée, à signifier qu'il peut y avoir dans l'É-
glise, non pas une seule opinion (celle du pape) mais deux ou trois
c'est-à-dire plusieurs, à la condition que cette pluralité se réduira à
l'unité par une décision collective (celle des conciles).
Peut-être faut-il lire séparément : Duo aut très. In unum.
Fragment 78. — «Il y a hérésie à expliquer toujours omnes de tous. »
Voyez le fragment 11, et la note.
Fragment 79. — « La mer entière change pour une pierre. » Cette
assertion se fonde sur l'hypothèse cartésienne du plein absolu et con-
tinu dans la nature. Si tout est plein, aucune force, aucune action ne
se perd dans le vide ; il y a communication infinie du moindre mou-
vement imprimé en un point quelconque de la matière.
Fragment 84. — « L'infaillibilité... dans la multitude, cela paraît
si naturel... »
Il est naturel en effet de mettre l'autorité plutôt dans le consente-
ment général, et dans une majorité, que dans un seul homme. Mais
Vautorité n'est pas V infaillibilité ; celle-ci n'appartient naturellement ni
à plusieurs, ni à tous ; elle ne saurait jamais être que chose surnatu-
relle, et miracle.
Fragment 87. — « Dire les choses de telle façon que ceux à qui l'on
parle puissent les entendre sans peine et avec plaisir. »
Te ya.p /*av0àvî(v paotwj rçoj fiiati nôrnb Iutiv. AristOte, Rhét., III, 10.
144 PENSÉES DE PASCAL
» Ce qui suppose qu'on aura bien étudié le cœur de l'homme, pour
en savoir tous les ressorts. »
Cette rhétorique philosophique est la même dont Platon a le pre-
mier exposé les principes dans le Phèdre, chap. lvi (page 271 dEs-
tienne) : « Puisque le talent du discours est un art de mener les âmes
(^xu.yuyi»), celui qui veut être orateur doit nécessairement connaître
à fond l'âme humaine, etc. »
« Il faut se mettre à la place de ceux qui doivent nous entendre, o
C'est aussi le précepte de Cicéron, de Oratore, II, 24.
« Ne pas faire grand ,ce qui est petit, ni petit ce qui est grand. »
Fénelon a dit :
« L'art se décrédite lui-même; il se trahit en se montrant. Isocrate,
dit Longin, est tombé dans une faute de petit écolier... Et voici par
où il débute1 : Puisque le Discours a naturellement la vertu de rendre les
choses grandes petites, et les petites grandes ; qu'il sait donner les grâces
de la nouveauté aux choses les plus vieilles, et qu'il fait paraître vieilles
celles qui sont nouvellement faites... En faisant de cette sorte l'éloge du
discours, il fait proprement un exorde pour exhorter ses auditeurs à
ne rien croire de ce qu'il leur va dire. » Lettre h l'Académie, § iv.
Fragment 88. — « Il n'est pas certain qu'elle soit [la religion], mais
qui osera dire qu'il est certainement possible qu'elle ne soit pas? »
Il y a ici une confusion manifeste. Pascal transporte la considération
du possible dans un ordre de choses qui ne la comporte pas. Pour les
faits, pour les choses accidentelles, ou, comme on dit en philosophie,
contingentes, il y a être, il y a n'être pas ; il y a, avant l'événement,
être possible. Mais pour les principes absolus et indépendants de tout
événement, ils sont simplement vrais ou faux ; là, la considération du
possible n'a plus lieu. Pour être certain qu'un fait quelconque peut
n'être pas, il n'y a pas besoin d'être certain que ce fait n'est pas en
effet ; car telle chose est, qui pourrait ne pas être. Mais pour être cer-
tain que Dieu peut ne pas être, il faudrait être certain qu'il n'est pas;
car s'il est, il ne pouvait pas ne pas être. Etre incertain s'il est, ou
être incertain s'il peut-être, c'est la même chose, c'est un seul et même
doute, et non deux degrés de doute différents. L'argument de Pascal
mènerait jusqu'à l'absurde. Supposons qu'on présente à un homme
cette proposition : Les trois angles d'un triangle sont égaux à deux
droits et demi ; et que cet homme ne sache pas assez de géométrie
pour affirmer que cette proposition n'est pas vraie; dès lors, et par
cela seul, il est également incapable d'affirmer qu'elle peut n'être pas
I. Dans le Discours panégyrique
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV 145
vraie. Lui dira-t-on : Voici une proposition douteuse pour vous, mais
qui pourtant doit vous paraître plus sûre qu'il n'est sûr que vous
viviez demain; car vous êtes certain que vous pouvez ne pas vivre
demain, et vous n'êtes pas certain que cette proposition puisse n'être
pa^ vraie?
« On doit travailler pour l'incertain, par la règle des partis, qui est
démontrée. »
Si elle est démontrée, il ne faut donc pas dire que rien n'est cer-
tain. Cela même, qu'on doit agir pour l'incertain, il faut que ce soit
une certitnde. Et, si la règle des partis était incertaine, Pascal ne pour-
rait nous proposer d'agir d'après la règle des partis.
Los éditeurs de Port-Royal suppriment ce fragment; ils ont craint
qu'on ne pût supporter ces propositions, que la religion n'est pas cer-
taine, etc., ou eux-mêmes ne les ont pas supportées.
Fragment 89. — « La nature de l'homme n'est pas d'aller toujours,
elle a ses allées et venues... Les inventions des hommes de siècle en
siècle vont de même. La bonté et la malice du monde en général en
est de même. »
Cette pensée manque dans l'édition de Port-Royal. Ceux qui l'ont
publiée depuis l'ont transformée de manière à faire dire à Pascal tout
le contraire de ce qu'il disait. Ils l'ont réduite aux deux phrases
suivantes :
m Les inventions des hommes vont en avançant de siècle en siècle.
La bonté et la malice du monde en général reste la même. »
A l'occasion de cette pensée, substituée à celle de Pascal, M. Sainte-
Beuve dit qu'en effet il faut chercher le progrès a dans la marche et
dans les résultats des sciences mathématiques, physiques et naturelles,
et aussi de la science historique, en tant qu'elle procède de l'observa-
tion comparée, et qu'elle ne cesse de s'armer en tout sens d'une critique
positive. C'est grâce à ces sciences seules que se modifie et se modi-
fiera à la longue, lentement, très-lentement, mais d'une manière cer-
taine et à fond, l'état moral et intellectuel de l'humanité. » Et il ne
douté pas que Pascal ne l'eût bien compris, s'il avait été « un peu
moins frappé de terreur sacrée, » Chateaubriand et son groupe (1861),
t. i, p. 147, en note.
Il n'y a que trop de vérité dans la pensée même de Pascal; elle
n'est pas cependant, espérons-le, toute la vérité. Si la nature de
l'homme n'est pas d'aller toujours; si, à mesure qu'il avance, il re-
cule ensuite, du moins il ne recule pas toujours autant qu'il avance.
La cause de la raison et de la justice avait bien gagné déjà dans le
146 PENSÉES DE PASCAL.
monde au temps de Pascal, elle a gagné depuis davantage. Que ceux
qui emploient leurs forces à servir cette cause ne se flattent donc pas,
mais qu'ils ne désespèrent pas non plus.
Fragment 93. — « Est fait prêtre qui veut l'être, etc. »
Ce fragment appartient encore à la polémique contre la religion re-
lâchée. Les jansénistes reprochaient à la discipline ecclésiastique de
leur temps d'avoir abaissé et comme dégradé, avec la grâce même de
Jesus-Ghrist, les instruments de cette grâce, la direction des con-
sciences, les sacrements de la Pénitence et de l'Eucharistie, et le carac-
tère auguste du prêtre, dispensateur de la parole, des sacrements, de
la grâce même. Il faut voir dans le Port-Royal de M. Sainte-Beuve,
lre édit.,t. i, page 454 et suivantes, l'idée que le maître du jansénisme
français, Saint-Gyran, se faisait du sacerdoce. Il croit que c'est à
peine si on peut trouver un bon prêtre sur dix mille. Le prêtre est
plus qu'un ange; combien donc doit-il être pur! Les hommes de Port-
Royal ne redoutaient rien tant que ce fardeau de la prêtrise ; ils ne le
recevaient que forcés. Voici enfin ce qu'on lit dans l'interrogatoire de
Saint-Gyran à Vincennes (Recueil dUtrecht, p. 138, n° 207) : « (In-
terrogé s'il n'a pas dit qu'un homme qui a une fois péché contre la
chasteté ne doit point se porter au sacerdoce, a dit... qu'il sait assez
qu'il y a des canons qui veulent qu'on reçoive des pénitents lorsqu'on
ne trouve pas des innocents. Avoue avoir dit à quelques-uns, afin de
tempérer V ardeur qu'ils avaient de se faire prêtres, que l'Église n'a reçu
jusqu'au septième siècle que ceux qui avaient conservé leur inno-
cence (Saint-Gyran a-t-il pu oublier tant de pénitents devenus prê-
tres et Saints, et saint Augustin avant tous?); et c'est peut-être un des
sujets pour lesquels il a tant relevé la pureté de l'Eglise en ses premiers
siècles, mais... etc. » Pascal n'est que l'écho de ces oracles. Mainte-
nant, où en était-on dans la pratique? Des hommes comme Retz figu-
raient aux plus hauts rangs de l'Église; et que trouvait-on, quand
on descendait dans la foule? Je demande ici qu'on me permette de ci-
ter un simple manuscrit de famille que j'ai entre les mains, un jour-
nal écrit par un bourgeois d'une petite ville de Normandie, qui était
doyen des avocats de son bailliage à la fin du règne de Louis XIV .
Plusieurs pages de ce journal (années 1708-1722) sont remplies par
l'histoire des tribulations que lui cause l'aîné de ses nombreux en-
fants, qui a pris le petit collet, et s'est destiné pour l ordre de prêtrise.
L'abbé, comme ii l'appelle, est sous-diacre, et par conséquent engagé,
en 1706, avant d'avoir atteint 22 ans. Il est ordonné diacre en 1708,
après avoir été refusé deux fois, puis il demande la prêtrise. Il est
d'abord refusé cinq fois de suite par l'archevêque de Rouen ; il pense
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXIV 147
alors à se faire bénédictin, mais il est renvoyé après une épreuve
d'un mois II a 29 ans, et son père écrit : Il est Irmps qu'il change
de conduite. l\ revient pour tenter encore une fois fortune, et je lis dans
le journal : L'abbé ne s'est point présenté, ni h l'ordination de saint Mi-
chel, ni à celle de Pâques 1714; il a eu raison, car s'il ne change de
conduite, Une sera jamais prêtre. Puis en 1715: L'abbé continue tou-
jours sa vie irrégulière: c'est le fléau que Dieu m'a donné pour faire
pénitence. Et la même année : Vabbê, après bien des dérèglements, est
enfin parti du pays : Dieu veuille le convertir! L'abbé entre à la
Trappe, pour en sortir tout de suite; puis dans un autre couvent, d'où
il est aussitôt mis dehors pour sa mauvaise constitution de corps et
d'esprit. Il revient chez son père, et au bout d'un an, étant encore
plus passionné pour la boisson, et point disposé pour l'ordre de prê-
trise, il quitte la maison sans dire adieu, étant en élat de vivre de son
bien. Il y rentre au bout de trois ans, à 36 ans (1720), ne sachant où
prendre du pain, sans habits, sans linge, sans argent, sans bien, et sans
esprit. Il est encore refusé en 1721 par l'archevêque ; puis tout à coup
on lit ce qui suit : A ta fin, après bien des peines, des voyages et de
la dépense, l'abbé est prêtre du 20 septembre 1722. Le père n'ajoute pas
un mot à cette mention, si ce n'est qu'il enregistre soigneusement, ici
comme partout, le compte des sommes qu'il lui a fallu débourser pour
son fils. Il me semble que ce récit d'un journal obscur vaut bien ce
qu'on pourrait chercher dans l'histoire, ou dans les Mémoires de per-
sonnages célèbres, pour commenter le texte de Pascal. On y voit sans
doute qu'on n'était pas prêtre absolument dès qu'on voulait l'être, et
que l'Église tâchait d'écarter ceux qui se montraient trop indignes;
mais aussi on voit que la mesure de ses scrupules et de ses sévérités
ne pouvait pas satisfaire certaines âmes difficiles et impatientes du
mal. Cet éclat de l'Église de France, au siècle de Bossuet et de Rancé,
nous cache bien des misères.
Fragment 96. — « Mais le moyen que ce qui est si faible étant en-
fant, soit bien fort étant plus âgé! » La Bruyère retourne cette pensée
quand il dit : « Les enfants sont hautains, dédaigneux, colères... ils
rient et pleurent facilement... ils ne veulent point souffrir de mal et
aiment à en faire. Ils sont déjà des hommes.» DeVhomme, 50.
Fragment 97. — « ... Que le monde soit créé, qu'il ne le soit pas,
etc. »
Ce sont précisément les antinomies de Kant(ou lois contraires de la
raison). Voir la Critique de la raison pure.
Fragment 99. — « Ils croient les miracles de Vespasien. » De bons
148 PENSÉES DE PASCAL
chrétiens ne se montraient pas non plus éloignés d'y croire, par
exemple Grotius, De Verit. religioms, IV, 8. Et, en effet, si on s'en rap-
porte aux témoins, ils sont mieux attestés que bien d'autres.
Fragment 100 bis. — « Nous n'estimons pas que toute la philoso-
phie vaille une heure de peine. »
Il est clair que cela s'applique à la philosophie physique de Descar-
tes, et surtout au livre D e principiis philosophiœ, auquel s'attaque déjà
un des fragments les plus célèbres et les plus considérables de Pascal.
Mais il n'estimait guère plus sa métaphysique, comme on Ta vu par
les fragments dont se compose l'article xxn.
On lit dans les Mémoires de Marguerite Perier (Lettres, opuscules,
etc., p. 458) : « M. Pascal parlait peu de sciences; cependant, quand
l'occasion s'en présentait, il disait son sentiment sur les choses dont
on lui parlait. Par exemple, sur la philosophie de M. Descartes, il di-
sait assez ce qu'il pensait. Il était de son sentiment sur l'automate, et
n'en était point sur la matière subtile, dont il se moquait fort, Mais il
ne pouvait souffrir sa manière d'expliquer la formation de toutes cho-
ses; et il disait très-souvent : Je ne puis pardonner à Descartes ; il au-
rait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu,
mais il n'a pu s'empêcher de lui faire donner une chiquenaude, pour
mettre le monde en mouvement : après cela, il n'a plus que faire de
Dieu. »
Mais est-ce donc peu de chose, que ce que Pascal accorde à Des-
cartes, qu'il est vrai que tout se fait par figure et par mouvement?
Une pareille conclusion ne vaut-elle pas qu'on prenne la peine de
faire une philosophie ? Et si Descartes, au risque de se tromper sou-
vent, n'avait pas essayé de composer, avec telles figures et tels mou-
vements particuliers,, une machine que lui-même ne donne que pour
une hypothèse, aurait-il aussi bien convaincu de son principe et le
monde et Pascal? Il n'y a que les détails qui rendent les généralités
sensibles, et qui les font pénétrer dans l'esprit
Au reste, Pascal n'avait pas toujours dédaigné Descartes. Méré lui
dit dans sa Lettre : « Descartes, que vous estimez tant. » Voir M.
Sainte-Beuve, Port- Royal, lrc édition, t. in, p. 339.
Fragment 101. — « Athéisme, marque de force d'esprit, mais jus-
qu'à un certain degré seulement. »> On a vu que cela est pris de Mon-
taigne, mais on peut douter que Montaigne, qui se range lui-m^mo
parmi les gens d'entre-deux, soit aussi sincère que Pascal dans l'hom-
mage qu'il rend aux esprits arrivés au dernier estage. Du moins, son
disciple Charron, dans un passage du chapitre 3 du premier de ses
ARTICLE XXV 149
Trots livres pour la religion catholique (cité ici par M. Faugère), dit
que l'athéisme absolu ne peut loger qu'en une âme extrêmement forte
et hardie, et qu'il faut autant et peut-être plus ds force pour se jeter
dans une incrédulité entière que pour se tenir toujours bien ferme dans
la foi : que ce sont là les deux extrémités opposées, toutes deux très-
rares et très-difficiles, mais la première encore plus. Pascal ne pouvait
iccepter l'orgueil de ce langage; celui de Montaigne lui convenait mieux.
ARTICLE XXV
i.
Quand notre passion nous porte à faire quelque chose, nous
oublions notre devoir. Gomme on aime un livre, on le lit, lors-
qu'on devrait faire autre chose. Mais, pour s'en souvenir, il
faut se proposer de faire quelque chose qu'on hait ; et lors on
s'excuse sur ce qu'on a autre chose à faire, et on se souvient
de son devoir par ce moyen.
2.
Quel dérèglement de jugement, par lequel il n'y a personne
qui ne se mette au-dessus de tout le reste du monde, et qui
n'aime mieux son propre bien que celui..., et la durée de son
bonheur, et de sa vie, que celle de tout le reste du monde !
3.
Il y a des herbes sur la terre ; nous les voyons ; de la lune on
ne les verrait pas. Et sur ces herbes, des poils ; et dans ces
poils, de petits animaux; mais après cela, plus rien. — 0 pré-
somptueux 1 — Les mixtes sont composés d'éléments; et les élé-
ments, non. — 0 présomptueux! Voici un trait délicat. Il ne
faut pas dire qu'il y a ce qu'on ne voit pas. Il faut donc dire
comme les autres, mais ne pas penser comme eux.
4.
... Non-seulement nous regardons les choses par d'autres
côtés, mais avec d'autres yeux; nous n'avons garde de les
trouver pareilles.
Î50 PENSÉES DE PASCAL
5.
L'étermtement absorbe toutes les facultés de l'âme, aussi
bien que la besogne. Mais on n'en tire pas les mêmes consé-
quences contre la grandeur de l'homme, parce que c'est contre
son gré. Et quoiqu'on se le procure, néanmoins c'est contre son
gré qu'on se le procure. Ce n'est pas en vue de la chose même,
c'est pour une autre fin; et ainsi ce n'est pas une marque de
la faiblesse de l'homme, et de sa servitude sous cette action.
Il n'est pas honteux à l'homme de succomber sous la douleur,
et il lui est honteux de succomber sous le plaisir. Ce qui ne vient
pas de ce que la douleur nous vient d'ailleurs, et que nous
recherchons le plaisir; car on peut rechercher la douleur, et y
succomber à dessein, sans ce genre de bassesse. D'où vient
donc qu'il est glorieux à la raison de succomber sous l'effort
de la douleur, et qu'il lui est honteux de succomber sous
l'effort du plaisir? C'est que ce n'est pas la douleur qui nous
tente et nous attire. C'est nous-mêmes qui volontairement la
choisissons et voulons la faire dominer sur nous ; de sorte que
nous sommes maîtres de la chose , et en cela c'est l'homme
qui succombe à soi-même ; mais dans le plaisir, c'est l'homme
qui succombe au plaisir. Or, il n'y a que la maîtrise et l'empire
qui fasse la gloire, et que la servitude qui fasse la honte l.
6.
Ceux qui, dans de fâcheuses affaires, ont toujours bonne es-
pérance, et se réjouissent des aventures heureuses, s'ils ne
s'affligent également des mauvaises, sont suspects d'être bien
aises de la perte de l'affaire , et sont ravis de trouver ces pré-
textes d'espérance pour montrer qu'ils s'y intéressent et cou-
vrir,par la joie qu'ils feignent d'en concevoir, celle qu'ils ont
de voir l'affaire perdue.
7.
Notre nature est dans le mouvement ; le repos entier est la
mort.
1. Voyez Montaigne, liv. III. chap. 5. (Note de M. Faugère.) — La besogne est l'acte
obscène, qui est le sujet de tout ce long chapitre des Essais. « Alexandre disoif, qu'il se
cognoissoit principalement mortel par cette action, et par le dormir. Le sommeil suâoque
et supprime les facultez de nostre ame; la besongne les absorbe et dissipe de mesme
certes c'est une remarque, non-seulement de nostre corruption originelle, mais aussi de
nostre vanité et desformité (t. iv, p. 32:j). •
ARTICLE XXV. 15l
8.
Nous nous connaissons si peu, que plusieurs pensent aller
mourir quand ils se portent bien, et plusieurs pensent se por-
ter bien quand ils sont proche de mourir, ne sentant pas la fiè-
vre prochaine, ou l'abcès prêta se former.
9.
La nature recommence toujours les mêmes choses, les ans,
les jours, les heures; les espaces de même et les nombres sont
bout à bout à la suite l'un de l'autre. Ainsi se fait une espèce
d'infini et d'éternel. Ce n'est pas qu'il y ait rien de tout cela
qui soit infini et éternel, mais ces êtres terminés se multiplient
infiniment; ainsi il n'y a, ce me semble, que le nombre qui les
multiplie qui soit infini *.
10.
Quand on dit que le chaud n'est que le mouvement de quel-
ques globules, et la lumière le conatus recedendi que nous sen-
tons, cela nous étonne. Quoi ? que le plaisir ne soit autre chose
que le ballet des esprits*? Nous en avons conçu une si différente
idée ! et ces sentiments-là nous semblent si éloignés de ces au-
tres, que nous disons être les mêmes que ceux que nous leur
comparons! Le sentiment du feu, cette chaleur qui nous affecte
d'une manière tout autre que l'attouchement, la réception du
son et de la lumière, tout cela nous semble mystérieux, et ce-
pendant cela est grossier comme un coup de pierre. Il est vrai
que la petitesse des esprits qui entrent dans les pores touche
d'autres nerfs, mais ce sont toujours des nerfs touchés s.
11.
Si un animal faisait par esprit ce qu'il fait par instinct, et s'il
parlait par esprit ce qu'il parle par instinct, pour la chasse, et
i. Voir plus loiu le fragment 65.
î. Ce tour est un latinisme : Quid quod..? C'est comme si l'on disait : Et ceci, que la
plaisir ne soit... qu'en penserons-nous?
3. Toute cette physique est prise de Descartes. Voyez les Principia philosophiœ aux
endroits suivants : III, 55, etc.; IV, 29, 80, 194; et aussi le premier chapitre de la Diop-
trique, et le Traité des Passions, II, 94.
Le conatus recedendi (a centro) est ce que nous appelons force centrifuge. Descaries
établit que la force centrifuge qui anime toute masse en rotation, et par conséquent celle
du soleil, agissant de tous les points de la surface de cet astre sur la matière répandue
dans l'espace entre le soleil et nour., produit sur cette matière une pression qui se conti-
nue jusqu'au nerf optique, et dont ie sentiment n'est autre chose que la sensation de la
lumière.
152 PENSÉES DE PASCAL
pour avertir ses camarades que la proie est trouvée ou perdue,
il parlerait bien aussi pour des choses où il a plus d'affection,
comme pour dire : Rongez cette corde qui me blesse, et où je
ne puis atteindre.
11 bis.
L'histoire du brochet et de la grenouille de Liancourt. Ils le
font toujours, et jamais autrement, ni autre chose d'esprit1.
12.
Nous ne nous soutenons pas dans la vertu par notre propre
force; mais, par le contre-poids de deux vices opposés, nous
demeurons debout, comme entre deux vents contraires : ôtez
un de ces vices, nous tombons dans l'autre.
13.
Ils disent que les éclipses présagent malheur, parce que les
malheurs sont ordinaires; de sorte qu'il arrive si souvent du
mal, qu'ils devinent souvent; au lieu que s'ils disaient qu'elles
présagent bonheur, ils mentiraient souvent. Ils ne donnent le
bonheur qu'à des rencontres du ciel rares ; ainsi ils manquent
peu souvent à deviner.
44.
La mémoire est nécessaire pour toutes les opérations de la
raison.
15.
Instinct et raison, marques de deux natures.
16.
Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans
l'éternité précédente et suivante; le petit espace que je remplis,
et même que je vois, abîmé dans l'infinie immensité des espa-
ces que j'ignore et qui m'ignorent; je. m'effraye et m'étonne de
me voir ici plutôt que là ; car il n y a point de raison pourquoi
ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m'y a
mis ? par Tordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il
été destiné à moi? Memoria hospitis unius diei prœtereunlis*.
1 J'ignore l'histoire de ce brochet et de cette grenouille.
t. Sagesse, v, 15 : « L'espoir de l'impie est comme le duvet qui s'envole au vent
comme l'écume..., comme la fumée..., comme le souvenir d'un hàled'unjour gui ne fait que
passer. » — Voyez les mêmes pensées dans l'article ix.
ARTICLE XXV 153
16 bis.
Pourquoi ma connaissauce est-elle bornée? ma taille? ma
durée, à cent ans plutôt qu'à mille? Quelle raison a eue la na-
ture de me la donner telle, et de choisir ce nombre plutôt qu'un
autre, dans l'infinité desquels il n'y a pas plus de raison de
choisir l'un que l'autre, rien ne tentant plus que l'autre.
17.
Combien de royaumes nous ignorent î
17 bis.
Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.
18.
Je porte envie à ceux que je vois dans la foi vivre avec tant
de négligence, et qui usent si mal d'un don duquel il me sem-
ble que je ferais un usage si différent â.
19.
Chacun est un tout à soi-même; car lui mort, le tout est mort
pour soi. Et de là vient que chacun croit être tout à tous, Il
ne ïaut pas juger de la nature selon nous, mais selon elle.
20.
Le monde ordinaire a le pouvoir de ne pas songer à ce qu'il
ne veut pas songer. Ne pensez pas aux passages du Messie, di-
sait le Juif à son fils2. Ainsi font les nôtres souvent. Ainsi se
conservent les fausses religions; et la vraie même, à l'égard de
beaucoup de gens. Mais il y en a qui n'ont pas le pouvoir de
s'empêcher ainsi de songer, et qui songent d'autant plus qu'on
l'aura défendu. Ceux-là se défont des fausses religions, et de la
vraie même, s'ils ne trouvent des discours solides.
21.
Qu'il y a loin de la connaissance de Dieu à l'aimer !
22.
... Quand la force attaque la grimace, quand un simple sol-
1. 11 parle au nom de celui qui ne croit pas encore; il se suppose dans cette situation
d'esprit.
2. C'est-à-dire, aux passages de l'Écriture qui prouvent, selon Pascal, que le Messie est
tenu.
154 PENSÉES DE PASCAL
dat prend le bonnet carré d'uu premier président, et le fait vo-
ler par la fenêtre *.
53.
Es-tn moins esclave, pour être aimé et flatté de ton maître ?
Tu as bien du bien, esclave : ton maître te flatte. Il te battra
tantôt 3.
24.
Ce n'est pas dans Montaigne, mais dans moi, que je trouve
tout ce que j'y vois.
25.
Deviner. La part que je prends à votre déplaisir, M. le Cardi-
nal ne voulait point être deviné 3.
25 bis.
« J'ai l'esprit plein d'inquiétude. » Je suis plein d'inquiétude,
vaut mieux,
25 ter.
« Éteindre le flambeau desédition. » Trop luxuriant. « L'in-
quiétude de son génie. » Trop de deux mots hardis.
26.
Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un
plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement,
sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son in-
suffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Inconti-
1. Cela avait dû se voir au temps des Seize, et peut-être au temps de la Fronde. —
Voyez m, 3, page 33.
2. A qui s'adresse cette apostrophe originale? quel est cet esclave? J'imagine que c'est
le mondain, esclave des sens, et qui dit qu'il ne s'aperçoit pas de sa servitude, qu'il se
trouve bien de son état, que la vie lui est douce; Pascal répond : Ton maître te flatte (ce
maître, c'est la créature, c'est l'objet sensible), il te battra tantôt. Pour avoir été l'es-
clave volontaire et satisfait du plaisir, tu seras l'esclave contraint et désespéré de la
douleur. Car on n'a pas de force pour supporter si on n'en a pas eu pour s'abstenir.
Au contraire, la souffrance est sans pouvoir sur celui sur qui la volupté n'a pu rien; celui-
là est un homme libre.
S. Ce fragment a été expliqué par M. Fr. Collet dans l'écrit intitulé, Fait inédit de la
vie de Pascal, par le rapprochement d'un passage du chevalier de Méré (Discours de la
conversation, p. 72). • Les choses qui n'ont rien de remarquable ne laissent pas de
plaire quand elles sont du monde... Il ne faut pourtant p^s qu'elles soient si communes
que celle-ci, que tout le monde sait par cœur, la part que je prends à votre déplaisir. J'ai
vu parier, en ouvrant une lettre de consolation, que cela s'y trouverait; et une dame fort
triste qui l'avait reçue ne put s'empêcher d'en rire. » Pascal veut donc dire qu'il ne faut
pas écrire de ces banalités qu'on peut deviner. — M. le Cardinal est Mazarin.
ARTICLE XXV. 155
Inent il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tris-
tesse, le chagrin, le dépit, le désespoir *.
26 bis.
Quand un soldat se plaint de la peine qu'il a, ou un labou-
reur, etc., qu'on les mette sans rien faire \
27.
L'homme n'agit point par la raison, qui fait son être 3.
28.
Bassesse de l'homme, jusques à se soumettre aux bêtes, jus-
ques à les adorer.
29.
... Tous leurs principes sont vrais, des pyrrhoniens, des stoï-
ques, des athées, etc. Mais leurs conclusions sont fausses, parce
que les principes opposés sont vrais aussi.
30.
Les philosophes ont consacré les vices, en les mettant en
Dieu même ; les chrétiens ont consacré les vertus.
31.
Immatérialité de l'âme. Les philosophes qui ont dompté
leurs passions, quelle matière l'a pu faire?
32.
La belle chose, de crier à un homme qui ne se connaît pas,
qu'il aille de lui-même à Dieu ! Et la belle chose de le dire à
un homme qui se connaît 4 !
32 bis.
Le commun des hommes met le bien dans la fortune et dans
les biens du dehors, ou au moins dans le divertissement. Les
1. Montaigne, Apol., t. m, p. 42 : « Car de là naist la source principale des maux qui
le pressent: péché, maladia, irrésolution, trouble, desespoir. » Surgit amari aliquid, dans
Lucrèce, IV, 1130. — En litre dans l'autographe, Ennui.
2. En titre dans l'autographe, Agitation.
3. Son essence, ce par quoi il est homme. En titre dans l'autographe, Nature corront'
vue.
4. S'il ne se connaît pas, il est à plus forte raison incapable de connaître Dieu. Et s'il
se connaît, il connaît donc combien il est faible et misérable, et par conséquent incapa-
ble encore d'aller à Dieu de. lui-même, et sans le secours de la grâce. Ainsi la religion
seule, et non aucune philosophie, peut nous conduire jusqu'à Dieu. En titre dans 1 auto-
graphe, Phitoioi fies.
156 PENSÉES DE PASCAL
philosopnes ont montré la vanité de tout cela, et Tout mis où
ils ont pu1.
32 ter.
Pour les philosophes, 288 souverains biens \
33.
Ut sis contentus temetipso et ex te nascentibus bonis*. Il y a
contradiction, car ils conseillent enfin de se tuer. Oh l quelle
vie heureuse, dont on se délivre comme de la peste 4 1
33 bis.
Il est bon d'être lassé et fatigué par l'inutile recherche du
vrai bien, afin de tendre les bras au libérateur»
34.
Mon Dieu, que ce sont de sots discours ! — Dieu aurait- il fait
le monde pour le damner ? demanderait-il tant, de gens si fai-
bles? etc. — - Pyrrhonisme est le remède à ce mal, et rabattra
cette vanité.
34 bis.
Le pyrrhonisme sert à la religion,
35.
Dira-t-on que pour avoir dit que la justice est partie de la
terre 5, les hommes aient connu le péché originel ? — Nemo ante
obitum beatus est. C'est-à-dire, qu'ils aient connu qu'à la mort
la béatitude éternelle et essentielle commence6?
36.
Ils sont contraints de dire : Vous n'agissez pas de bonne foi ;
1. En titre dans l'autographe, Recherche du vrai bien.
î. Montaigne, Apol., t. m, page 280: « Il n'est point de combat si violent entre les
philosophes, et si aspre, que celuy qui se dresse sur la question du souverain bien de
homme; duquel, par le calcul de Varro [dans saint Augustin, de Ctv. l)ei, XIX, 2],
nasquirent deux cents quatre vingts huict sectes. »
3. Je ne sais d'où est prise cette citation.
4. Voyez Montaigne, II, 3, t. n, page 332, d'après Sénèque, Lettre lxx. Les mêmes
idées sont dans Epictète, IV, 10, et ailleurs. — En titre dans l'autographe, Le souverain
bien: dispute du souverain bien.
5. Virgile, Géorg., II, 474; Hésiode, Travaux, 195, Aratos, Phenom., 100.
6. « Nul n'est heureux avant la mort. « Il fallait mettre : Nul ne doit être dit heureux
avant sa mort, car c'est ce que disent les vers d'Ovide, cités par Montaigne (1, 18, t. i
p. 97), que Pascal n'a fait que mettre en prose :
dicique beatus
Ante obitum nemo supremaque funera débet
La pensée est prise du discours de Solon à Crésus dans Hérodote, I, 23. Voir Montaigne
à l'endroit cité, et I, 3, page 22. Si Pascal avait reproduit la pensée exactement, il n'au
rait pas eu besoin d'avertir de ne pas y attacher le sens quïl va indiquer.
ARTICLE XXV 157
nous ne dormons pas, etc. Que j'aime à voir cette superbe rai-
son humiliée et suppliante! Car ce n'est pas là le langage d'un
homme à qui on dispute son droit, et qui le défend les armes
et la force à la main. FI ne s'amuse pas à dire qu'on n'agit pas
de bonne foi, mais il punit cette mauvaise foi par la force K
37.
L'Ecclésiaste montre que l'homme sans Dieu est dans l'i-
gnorance de tout, et dans un malheur inévitable. Car c'est être
malheureux que de vouloir et ne pouvoir. Or il veut être heu-
reux, et assuré de quelque vérité, et cependant il ne peut ni sa-
voir, ni ne désirer point de savoir. Il ne peut même douter2.
38.
On a bien de l'obligation à ceux qui avertissent des défauts,
car ils mortifient. Ils apprennent qu'on a été méprisé, ils n'em-
pêchent pas qu'on ne le soit à l'avenir, car on a bien d'autres
défauts pour l'être. Ils préparent l'exercice de la correction et
l'exemption d'un défaut.
39.
Nulle secte ni religion n'a toujours été sur la terre, que la
religion chrétienne.
39 bis.
Il n'y a que la religion chrétienne qui rende l'homme aima-
ble et heureux tout ensemble. Dans l'honnêteté, on ne peut être
aimable et heureux ensemble 3.
1 . En titre dans l'autographe, Le bon sens. Cette étrange invective contre le bon sens s'a-
dresse à une certaine justesse d'esprit commune, par laquelle la plupart des hommes 3e
refusent à suivre jusque dans leurs conséquences paradoxales et troublantes des raisonne-
ments philosophiques qu'ils ne sauraient pourtant réfuter. Ainsi quand les pyrrhoniens,
et après eux Descartes et Pascal (voir vm, 1), soutiennent qu'on ne peut établir aucune
distinction fondée entre la veille et le sommeil, ceux à qui on tient ce langage se bornent
à répondre qu'on ne parle pas de bonne foi, qu'ore ne devrait pas faire de telles suppo-
sitions, etc. Ainsi la raison ne résiste qu'en reculaat, elle demande grâce; et c'est alors
que Pascal la prend en pitié. 11 s'écrie qu'elle ne gouverne l'esprit humain que par tolé-
rance, qu'elle n'a ni droit, ni force à l'appui. La force ici, où il s'agit de raison, c'esl
une argumentation rigoureuse; les armes sont des syllogismes.
2. Voy. YEcclésiaste, passim, et particulièrement vuif 17. L'Ecclésiaste s'étend sur le*
vanités et les misères de la vie; mais ce raisonnement qui conclut de l'ignorance au mal-
heur est de Pascal seul, comme ce qui suit : « 11 ne peut même douter. • Cf. vin, 1 (t. I,
p. 114).
3. Car, pour être aimable, il faut se sacrifier aux autres, et pour être heureux, sacrifier
es autres à soi. Le chrétien, suivant Pascal, met le bonheur dans le sdcnUcc. L' honnêteté
est l'ensemble des qualités qui font Y honnête homme. C'est en ce sens que Méré disait
que l'esprit et l'honnêteté sont au-dessus de îout. (Lettre à Pascal.)
II. H
158 PENSÉES DE PASCAL
40.
La foi est un don de Dieu : ne croyez pas que nous disions que
c'est un don de raisonnement. Les autres religions ne disent
pas cela de leur foi ; elles ne donnaient que le raisonnement
pour y arriver, qui n'y mène pas néanmoins.
41.
Les'ngures de la totalité de la rédemption, comme, que le
soleil éclaire à tous, ne marquent qu'une totalité ; mais les figu-
res des exclusions, comme des Juifs élus à l'exclusion des Gen-
tils, marquent l'exclusion *.
« Jésus-Christ rédempteur de tous 2. » — Oui, car il a offert ,
comme un homme qui a racheté tous ceux qui voudront venir
à lui. Ceux qui mourront en chemin, c'est leur malheur ; mais
quant à lui, il leur offrait rédemption. — Cela est bon en cet
exemple, où celui qui rachète et celui qui empêche de mourir
sont deux, mais non pas en Jésus-Christ, qui fait l'un et l'au-
tre. — Non, car Jésus-Christ, en qualité de rédempteur, n'est
pas peut-être maître de tous ; et ainsi, en tant qu'il est en lui,
il est rédempteur de tous.
42.
Les miracles ne servent pas à convertir, mais à condamner.
Ip.q. 113, a. 10, ad2K
43.
Quand Épictète aurait vu parfaitement bien le chemin, il dit
aux hommes, Vous en suivez un faux ; il montre que c'en est
un autre, mais il n'y mène pas. C'est celui de vouloir ce que
Dieu veut ; Jésus-Christ seul y mène : Via, veritas [Jean, xiv, 6J.
44.
Je considère Jésus-Christ en toutes les personnes et en nous-
mêmes. Jésus-Christ comme père en son père, Jésus-Christ
comme frère en ses frères, Jésus-Christ comme pauvre en les
pauvres, Jésus-Christ comme riche en les riches, Jésus-Christ
comme docteur et prêtre en les prêtres, Jésus-Christ comme
i. < Que le soleil éclaire à tous. • Ecclésiastique, xlij, 16; Matthieu, v, 45. Et Jean, I,
9, parlant du Verbe : « 11 était la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde.»
Voir xxiv, il, et la note.
2. Jesu redemplor omnium. C'est le premier vers de l'hymne des vêpres de Noël.
3. Ces renvois se rapportent à la Somme de Thomas d'Aquin : Primœ partis (c'est la
prima secundœ) qucest. 113, artic. 10, ad 2 (c.-à-d. réponse à la 2* objection).
ARTICLE XXV 159
souverain en les princes, etc1. Car il est par sa gloire tout ce
qu'il y a de grand, étant Dieu, et est par sa vie mortelle tout
ce qu'il y a de chétif et d'abject; pour cela il a pris cette mal-
heureuse condition, pour pouvoir être en toutes les personnes,
et modèle de toutes conditions.
45.
Les psaumes chantés par toute la terre.
Qui rend témoignage de Mahomet? Lui-même. Jésus-Christ
veut que son témoignage ne soit rien \
La qualité de témoins fait qu'il faut qu'ils soient toujours et
partout, et, misérable, il est seul 8 !
46.
Ce n'est pas une chose rare qu'il faille reprendre le monde
de trop de docilité; c'est un vice naturel comme l'incrédulité,
et aussi pernicieux. Superstition.
47.
Il y a peu de vrais chrétiens, je dis même pour la foi. H y
en a bien qui croient, mais par superstition ; il y en a bien qui
ne croient pas, mais par libertinage : peu sont entre deux.
Je ne comprends pas en cela ceux qui sont dans la véritable
piété de mœurs, et tous ceux qui croient par un sentiment du
cœur.
48.
Ceux qui n'aiment pas la vérité prennent le prétexte de la
contestation de la multitude de ceux qui la nient. Et ainsi leur
erreur ne vient que de ce qu'ils n'aiment pas la vérité ou la
charité ; et ainsi ils ne sont pas excusés.
49.
Tant s'en faut que d'avoir ouï dire une chose soit la règle de
votre créance, que vous ne devez rien croire sans vous mettre
en l'état comme si jamais vous ne l'aviez ouï. C'est le consen-
1. Son père, ses frères, ce n'est pas le père de Jésus-Christ ou les frères de Jésus-
Christ; ces pronoms se rapportent à un on sous-entendu, comme s'il y avait : On re-
trouve Jésus-Christ comme père en son père, comme frère en ses frères; c'est-à-dire, que
chacun de nous, dans son père et dans ses frères, retrouve Jésus-Christ.
2. Jean, v, 31 : « Si c'est moi-même qui rends témoignage de moi, mon témoignage
n'a point de vérité. >
3. En titre dans l'autographe, Différence entre Jésus-Christ et Mahomet. Voir xix, 7 e
suivants.
160 PENSÉES DE PASCAL.
tement de vous à vous-même, et la voix constante de votre
raison, et non des autres, qui vous doit faire croire.
Le croire est si important! Cent contradictions seraient
vraies1.
Si l'antiquité était la règle de la créance, les anciens étaient
donc sans règle. Si le consentement général, si les hommes
étaient péris?
Fausse humilité, orgueil. Levez le rideau. Vous avez beau
faire ; si faut-il ou croire, ou nier, ou douter. N'aurons-nous
donc pas de règle? Nous jugeons des animaux qu'ils font bien
ce qu'ils font : n'y aura-t-il point une règle pour juger des
hommes? Nier, croire, et douter bien, sont à l'homme ce que
le courir est au cheval.
Punition de ceux qui pèchent, erreur".
50.
Notre religion est sage et folle. Sage, parce qu'elle est la
plus savante, et la plus fondée en miracles, prophéties, etc.
Folle, parce que ce n'est point tout cela qui fait qu'on en est;
cela fait bien condamner ceux qui n'en sont pas, mais non pas
croire ceux qui en sont. Ce qui les fait croire, c'est la croix, ne
evacuata sit crux*. Et ainsi saint Paul, qui est venu en sagesse
et signes, dit qu'il n'est venu ni en sagesse ni en signes, car il
venait pour convertir. Mais ceux qui ne viennent que pour
convaincre peuvent dire qu'ils viennent en sagesse et signes *.
51.
La loi obligeait à ce qu'elle ne donnait pas. La grâce donne
ce à quoi elle oblige6.
52.
Ce que les hommes, par leurs plus grandes lumières, avaient
pu connaître, cette religion l'enseignait à ses enfants 6.
1. Si la règle était l'autorité. Car il y a sur toutes choses des autorités en sens contraire,
î. En titre dans l'autographe, L'autorité.
3. Voir le fragment 42 de l'article xxiv.
4. I Cor. i, 2î : a Les Juifs demandent des signes et les Grecs de la sagesse. Nous,
nous prêchons le Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Gentils. Mais
pour les élus d'entre les Juifs et le3 Grecs, le Christ est la vertu même de Dieu, et là
sagesse de Dieu. » L'expression d'être venu en sagesse est prise du verset premier da
chapitre suivant : Vent, non in sublimitate sermonis aut sapienttœ.
5. Voyez Paul, Rom. vu, 7.
6. C'est-à-dire, même aux enfants qui sont dans soa sein.
ARTICLE XXV. 161
53.
Que je hais ces sottises, de no pas croire l'Eucharistie, etc.!
Si l'Évangile est vrai, si Jésus-Chiust eslDieu, usuelle diiliculté
y a-t-il là?
54.
Le juste agit par foi dans les moindres choses : quand il re-
prend ses serviteurs, il souhaite leur conversion par l'esprit de
Dieu, et prie Dieu de les corriger, et attend autant de Dieu que
de ses répréhensions, et prie Dieu de bénir ses corrections. Et
ainsi aux autres actions.
54 bis.
... De tout ce qui est sur la terre, il ne prend part qu'aux
déplaisirs, non aux plaisirs. Il aime ses proches, mais sa cha-
rité ne se renferme pas dans ces bornes, et se répand sur ses
ennemis, et puis sur ceux de Dieu.
55.
Pourquoi Dieu a établi la prière. — 1° Pour communiquer
à ses créatures la dignité de la causalité. 2° Pour nous ap-
prendre de qui nous tenons la vertu. 3° Pour nous faire mé-
riter les autres vertus par travail ; mais pour se conserver la
prière, Dieu donne la prière à qui il lui plaît. — Objection.
Mais on croira qu'on tient la prière de soi. — Gela est absurde,
car puisque, ayant la foi, on ne peut pas avoir les vertus, com-
ment aurait-on la foi? Y a-t-il pas plus de distance de Finûdé-
lité à la foi que de la foi à la vertu * ?
55 bis.
Dieu ne doit que suivant ses promesses. Il a promis d'accor-
der la justice aux prières 2 : jamais il n'a promis les prières
qu'aux enfants de la promesse 3.
1. Racine a dit encore, contraint par la gêne du vers, ïl est vrai s
Vois-je pas, au travers de son saisissement,
Un cœur dans ses douleurs content de son amant?
et dans Esther :
Esther, que craicrnez-vous, suis-je pas votre frère?
î. • Demandez et vous recevrez. » Matth., vu, 7.
3. Expression de Paul, Rom. ix, 8, pour dire, les élus.
162 PENSÉES DE PASCAL
56.
M. de Roannez disait : Les raisons me viennent après, mais
d'abord la chose m'agrée ou me choque sans en savoir la rai-
son, et cependant cela me choque par cette raison que je ne
découvre qu'ensuite. Mais je crois, non pas que cela choquait
par ces raisons qu'on trouve après, mais qu'on ne trouve ces
raisons que parce que cela choque.
57.
Il n'aime plus cette personne qu'il aimait il y a dix ans. Je
crois bien : elle n'est plus la même, ni lui non plus. Il était
jeune et elle aussi; elle est tout autre. Il l'aimerait peut-être
encore, telle qu'elle était alors.
58.
Craindre la mort hors du péril, et non dans le péril, car il
faut être homme1.
59.
Mort soudaine seule à craindre, et c'est pourquoi les confes-
seurs demeurent chez les grands.
60.
H faut se connaître soi-même : quand cela ne servirait pas à
trouver le vrai, cela au moins sert à régler sa vie, et il n'y a
rien de plus juste 2.
61.
Que je hais ceux qui font les douteurs des miracles! Montai-
gne en parle comme il faut dans les deux endroits. On voit en
l'un combien il est prudent, et néanmoins il croit en l'autre, et
se moque des incrédules 3.
61 bis.
Montaigne contre les miracles. Montaigne pour les miracles.
62.
Quand on veut poursuivre les vertus jusqu'aux extrêmes de
part et d'autre, il se présente des vices qui s'y insinuent insen-
i. // faut être homme, c'est-à-dire, homme de cœur.
2. Pascal parle tout différemment dans le fragment 23 de l'article vi
3. En titre dans l'autographe, Miracles. Voir dans Montaigne I, 26 et III, il.
ARTICLE XXV 163
siblement, dans leurs routes insensibles, du côté du petit in-
fini; et il s'en présente, des vices, en foule du côté du grand
infini, de sorte qu'on se perd dans les vices, et on ne voit plus
les vertus. (On se prend à la perfection même.)
63.
La théologie est une science, mais en même temps combien
est-ce de sciences ! Un homme est un suppôt ! : mais si on l'a-
natomise, sera-ce la tête, le cœur, l'estomac, les veines, chaque
veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du
sang?
Une ville, une campagne, de loin est une ville et une cam-
pagne ; mais à mesure qu'on s'approche, ce sont des maisons,
des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des
jambes de fourmi, à l'infini. Tout cela s'enveloppe sous le nom
de campagne.
La diversité est si ample, que tous les tons de voix, tous les
marchers, toussers, mouchers, éternuers... On distingue des
fruits les raisins, et encore l'on les appelle... et puis Gondrieu,
et puis Desargues, et puis cette ente. Est-ce tout? en a-t-elle
jamais produit deux grappes pareilles? Et une grappe a-t-elle
deux grains pareils? etc.
Je ne saurais juger d'une même chose exactement de même.
Je ne puis juger d'un ouvrage en le faisant; il faut que je fasse
comme les peintres, et que je m'en éloigne, mais non pas trop.
De combien donc? Devinez *.
64.
Deux sortes de gens égalent les choses, comme les fêtes aux
jours ouvriers, les chrétiens aux prêtres, tous les péchés entre
eux, etc. Et de là les uns concluent que ce qui est donc mal
aux, prêtres l'est aussi aux chrétiens; et les autres, que ce qui
n'est pas mal aux chrétiens est permis aux prêtres.
65.
La nature s'imite. Une graine, jetée en bonne terre, produit.
I. Expression de l'Ecole : un homme est un sujei, une unité pour la pensée.
î. Sur ce dernier alinéa, voye* le fragment ni, 9. — Desargues est. le mathématicien,
qui avait été le maître et était resté l'ami de Pascal. 11 vivait à Lyon et à Condrieu.
Entre les muscats de Condrieu, Pascal distingue celui do. Desargues, et entre ceux-ci
cette ente ou ce plant. J'ai été mis sur la voie de l'explication de ce fragment par M. Pio-
bert; voyez les Comptrs -rendus des séances de l'Académie des sciences : séance du 31 mars
1862.
164 PENSÉES DE PASCAL
Un principe, jeté dans un bon esprit, produit. Les nombres
imitent l'espace, qui sont de nature si différente. Tout est fait
et conduit par un même maitre: la racine, la branche, les
fruits ; les principes, les conséquences.
66.
L'admiration gâte tout dès l'enfance. Oh! que cela est bien
dit ! Oh ! qu'il a bien fait ! qu'il est sage ! etc. Les enfants de Port-
Royal, auxquels on ne donne point cet aiguillon d'envie et de
gloire, tombent dans la nonchalance ».
67.
L'expérience nous fait voir une différence énorme entre la
dévotion et la bonté.
68.
On aime à voir l'erreur, la passion de Cléobuline, parce-
qu'elle ne la connaît pas. Elle déplairait, si elle n'était trom-
pée2.
69.
Prince, à un roi, plaît, parce qu'il diminue sa qualité 8.
70.
On ne s'ennuie point de manger et dormir tous les jours, car
la faim renaît, et le sommeil; sans cela, on s'en ennuierait.
Ainsi, sans la faim des choses spirituelles, on s'en ennuie.
Faim de la justice, béatitude huitième 4.
71.
Il n'y a que deux sortes d'hommes ; les uns, justes, qui se
croient pécheurs; les autres, pécheurs, qui se croient justes.
1. En titre dans l'autographe, La gloire.
î. Trompée par elle-même, se trompant elle-même. Ud roman intitulé : Cléobuline,
ou la veuve inconnue, avait paru en 1658; je ne l'ai pas lu. Mais la Cléobuline de Pascal
n'est pas celle-là. Cléobuline, princesse, puis reine de Corinthe, figure en divers endroits
dans Artamène, ou le grand Cyrus, de mademoiselle de Scudéri. Mais on trouvera parti-
culièrement l'histoire de sa passion au livre second de la septième partie. Elle est amou-
reuse d'un de ses sujets, Myrinthe, qui n'est pas même Corinthien d'origine; mais c elle
l'aimait sans penser l'aimer, et elle fut si longtemps dans cette erreur, que cette affectioo.
ne fut plus en état d'être surmontée lorsqu'elle s'en aperçut. »
3. Il est au neutre. Nous aimons à entendre appeler un roi du nom de prince, parce
que cela diminue sa qualité.
4. Le Sermon sur la montagne (Malth. v, 1) s'ouvre par ce qu'on appelle les neuf béa-
titudes : « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux.
Bienheureux ceux qui sont doux, parce qn'ils posséderont la terre, etc. » La huitième est
celle-ci : « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royanme de9
cieux esta eux. n 11 pouvait citer aussi la quatrième : « Heureux ceux qui ont faim et
soif de la justice, car ils seront rassasié!. »
ARTICLE XXV 4C5
72.
Il n'est pas bon d'être trop libre. Il n'est pas bon d'avoir
toutes les nécessités .
73.
L'espérance que les chrétiens ont de posséder un bien infini
est mêlée de jouissance aussi bien que de crainte : car ce n'est pas
comme ceux qui espéreraient un royaume, dont ils n'auraient
rien étant sujets; mais ils espèrent la sainteté, l'exemption
d'injustice, et ils en ont quelque chose1,
74.
Scaramouche, qui ne pense qu'à une chose. Le docteur, qui
parle un quart d'heure après avoir tout dit, tant il est plein de
désir de dire. Le bec du perroquet, qu'il essuie quoiqu'il soit
net1.
75.
Comminutum cor. Saint Paul. Voilà le caractère chrétien,
c Albe vous a nommé, je ne vous connais plus. » Corneille.
Voilà le caractère inhumain. Le caractère humain est le con-
traire *.
76.
Symétrie, est ce qu'on voit d'une vue. Fondée sur ce qu'il
n'y a pas de raison de faire autrement. Et fondée aussi sur la
figure de l'homme, d'où il arrive qu'on ne veut la symétrie
qu'en largeur, non en hauteur ni profondeur \
1. Ce n'est pas comme ceux qui espéreraient pour l'avenir une royauté dont ils ne joui-
raient en aucune manière dans le présent, tant qu'ils ne seraient pas rois, mais sujets.
11 n'en est pas ainsi de la royauté spirituelle des fidèles : ils ne seront saints que dans
le ciel, mais ils sont déjà fidèles sur la terre; ils ont donc en eux déjà quelque chose
de la sainteté. Il y a pour eux un gain présent.
•2. Pascal veut peindre la préoccupation, et il en rassemble divers exemples. Scara-
mouche est un des rôles traditionnels de la comédie italienne, et ce rôle était rempli alors
avec le plus graud éclat par l'acteur Tiberio Fiurelli. Il est clair que Pascal l'avait vu
jouer, et qu'il l'avait vu en philosophe. Le jeu de théâtre du docteur était consacré dans
les farces italiennes. Molière avait reproduit cela dans une des ébauches de sa jeunesse,
la Jalousie du Barbouillé, et il en a tiré depuis la scène du docteur Pancrace, dans le
Mariage forcé. Mais celte dernière comédie est postérieure à la mort de Pascal. Dans
qu'il essuie, il est le perroquet lui-même. — Pascal appliquait-il toutes ces images à quel-
qu'un de ses adversaires?
3. La Vulgate ne donne les mots, comminutum cor, ni dans Paul ni nulle part dans 1a
Bible; mais on lit dans le Miserere (Ps. l. 19) : Sacrificium Deo spiritus cunlribula'us ;
cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies. « Le sacrifice qu'il faut à Dieu est u*a
âme abattue; vous ne mépriserez point, ô Dieul un cœur brisé et humilié. >
4. Augustin, De lavérit. rr>liq., xxx (trad. d'Arnauld, 1647),
166) PENSÉES DE PASCAL
77.
Morale et langage sont des sciences particulières, mais uni-
verselles1.
78.
... Mais il est impossible que Dieu soit jamais la fin, s'il n'est
le principe. On dirige sa vue en haut, mais on s'appuie sur le
sable ; et la terre fondra, et on tombera en regardant le ciel.
79.
... L'ennui qu'on a de quitter les occupations où Ton s'est
attaché. Un homme vit avec plaisir en son ménage : qu'il voie
une femme qui lui plaise, qu'il joue cinq ou six jours avec
plaisir, le voilà misérable s'il retourne à sa première occupa-
tion. Rien n'est plus ordinaire que cela.
80.
Cest une chose déplorable de voir tous les hommes ne déli-
bérer que des moyens, et. point, de la fin. Chacun songe comme
il s'acquittera de sa condition; mais pour le choix de la
condition, et de la patrie, le sort nous le donne. C'est une
chose pitoyable, de voir tant de Turcs, d'hérétiques, d'infi-
dèles, suivre le train de leurs pères, par cette seule raison
qu'ils ont été prévenus chacun que c'est le meilleur. Et c'est
ce qui détermine chacun à chaque condition, de serrurier, sol-
dat, etc. C'est par là que les sauvages n'ont que faire de la
Provence *.
80 bis.
Tout est un, tout est divers. Que de natures en celle de
l'homme ! que de vocations ! Et par quel hasard chacun prend
d'ordinaire ce qu'il a ouï estimer. Talon bien tourné 3.
80 ter.
Talon de soulier. Oh! que cela est bien tourné ! que voilà un
1. Pascal veut dire, je crois, que comme il y a diverses langues suivant les pays, il y a
aussi des morales différentes selon les conditions; le laïque, par exemple, n'a pas les
mêmes devoirs que le prêtre, etc. Mais de même qu'une langue étant donnée, les règles
de cette langue sont les mêmes pour tous ceux qui la parlent, ainsi chaque morale aussi
est universelle dans une condition donnée, et elle ne varie pas avec les consciences et
les opinions. C'est pour combattre la doctrine de la probabilité. — En titre dans l'auto-
graphe, Universel.
2. En titre dans l'autographe, La prévention induisant en erreur. Voyez le fragment
in, 4.
3. En titre dan» l'autographe, Pensée».
ARTICLE XXV 167
habile ouvrier! que ce soldat est hardi! Voilà la source de nos
inclinations, et du choix des conditions. Que celui-là boit
bien! que celui-là boit peu! Voilà ce qui fait les gens sobres et
ivrognes, soldats, poltrons, etc.
81.
Description de l'homme. Dépendance, désir d'indépendance,
besoin *.
82.
On n'est pas misérable sans sentiment : une maison ruinée
ne l'est pas. Il n'y a que l'homme de misérable. Ego vir videns *.
83.
La nature de l'homme est toute nature, omne animal3. Il n'y
a rien qu'on ne rende naturel; il n'y a naturel qu'on ne fasse
perdre.
84.
...La vraie nature étant perdue, tout devient sa nature;
comme, le véritable bien étant perdu, tout devient son véri-
table bien.
85.
La juridiction ne se donne pas pour [le] juridiciant, mais
pour le juridicié. Il est dangereux de le dire au peuple. Mais
le peuple a trop de croyance en vous ; cela ne lui nuira pas, et
peut vous servir *. Il faut donc le publier. Pasce oves meas,
non tuas. Vous me devez pâture6.
86.
La Sagesse nous envoie à l'enfance : nisi efficiamini sicut par-
vuli*.
1. Je ne suis pas sûr d'entendre bien cette pensée.
2. Jérem. Thren. m, 1 : Ego vir videns paupertalem meam. « Je suis un homme qui
vois quel est mon dénûment. » Voyez le fragment I, 4.
3. Ces mots sont-ils pri3 du verset de la Genèse, où il est dit qu'il y avait dans
l'arche, avec Noé et ses fils, toute espèce d'animal : Ipsi et omne animal secundum genus
tuum (vu, 14)?
4. « Cela ne lui nuira pas », c'est-à-dire ne le détachera pas de l'obéissance qu'il vous
doit. Pascal le croyait.
5. En titre dans l'autographe, Injustice. — Pasce oves tuas est la parole de Jésus à
Pierre {Jean, xxi, 17) : « Pais mes brebis. » Il ne dit pas : Pais tes brebis. Donc tant pis
pour vous (Pascal parle à ceux qui régnent dans l'Église), si je détache de vous votre
troupeau ; il n'est pas à vous.
6. Matth. xvm, t : « Jésus, appelant un petit enfant, le plaça au milieu d'eux et leur
dit : Je vous le dis en vérité , si vous ne changez et si vous ne devenez comme de pe-
tits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. »
168 PENSÉES DE PASCAL
87.
La vraie religion enseigne nos devoirs, nos impuissances
(orgueil et concupiscence), et les remèdes (humilité, mortifica-
tion).
88.
L'Écriture a pourvu de passages pour consoler toutes les
conditions, et pour intimider toutes les conditions.
La nature semble avoir fait la même chose par ses deux infi-
nis, naturels et moraux : car nous aurons toujours du dessus
et du dessous, de plus habiles et de moins habiles, de plus éle-
vés et de plus misérables, pour abaisser notre orgueil et re-
lever notre abjection.
89.
L'Être éternel est toujours, s'il est une fois.
90.
La corruption de la raison paraît par tant de différentes et
extravagantes mœurs. Il a fallu que la vérité soit venue, afin
que l'homme ne véquît plus en soi-même.
91.
La coutume est notre nature. Qui s'accoutume à la foi, la
croit, et ne peut plus même craindre l'enfer, et ne croit autre
chose. Qui s'accoutume à croire que le roi est terrible , etc.
Qui doute donc que notre âme étant accoutumée à voir nom-
bre, espace, mouvement, croie cela et rien que cela4 ?
92.
... Que me promettez -vous enfin, sinon dix ans d'amour-
propre, à bien essayer de plaire sans y réussir, outre les peines
certaines? Car dix ans, c'est le parti2.
92 bis.
Miton voit bien que la nature est corrompue, et que les hoin-
1. Voyez les premières lignes du fragment x, 1.
2. Pascal s'adresse aux mondains , aux honnêtes gens de l'école de Méré ou de Miton,
qui, au lieu de se proposer pour fin de la vie Dieu et le salut, ne se proposaient que
l'honnêteté, c'est-à-dire un certain art de se plaire parmi les hommes en leur plaisant,
et d'être heureux par l'amour-propre (voir plus haut le fragment 39 bis). Voilà donc le
souverain bien de l'homme, dix ans passés ainsi! car les probabilités établissent qu'à un
moment donné on n'a pas à espérer plus de dix ans de vie. C'est là la chance oflerte,
c'est le parti. Voyez sur ce mot le fragment v, 9 bis
ARTICLE XXV MO
mes sont contraires à l'honnêteté ; mais il ne sait pas pourquoi
ils ne peuvent voler plus haut t.
92 ter.
Reprocher à Miton de ne pas se remuer, quand Dieu le re-
prochera .
93.
Fausseté des autres religions. Ils n'ont point de témoins,
ceux-ci en ont. Dieu défie les autres religions de produire de
telles marques : Isaïe, xliii, 9; xliv, 8.
93 bis.
Les deux plus anciens livres du monde sont Moïse et Job,
l'un juif, l'autre païen a, qui tous deux regardent Jésus- Christ
comme leur centre commun et leur objet : Moïse, en rappor-
tant les promesses de Dieu à Abraham, Jacob, etc., et ses pro-
phéties ; et Job : Quis mihi det ut, etc. Scio enim quod redemptor
meus vivit, etc. 3.
94
Je ne serais pas chrétien sans les miracles, dit S. Augustin*.
94 bis.
On n'aurait point péché en ne croyant pas Jésus-Christ,
sans les miracles : Vide an mentiar1.
94 ter.
Il n'est pas possible de croire raisonnablement contre les mi-
racles.
95.
Ubi est Deus tuus •? Les miracles le montrent, et sont un
éclair.
I. Sur Miton, royex le fragment vi, 20.
î. Job était de la terre de Eus, dit la Bible. La tradition place cette» terre en Arabie,
et regarde Job comme un Arabe.
3. Job. xix, 23-25 : • Qui me donnera de tracer dans un livre me* paroles?... Oui, je
sais qu'il existe pour moi un rédempteur, et que je me relèverai At> la terre au dernier
jour. •
4. Je ne sais si on peut trouver ces paroles textuellement dans saint Augustin, mail il
revient souvent sur l'importance des miracles pour établir la foi. Voir particulièrement
le chapitre 9 du livre XXII de la Cité de Dieu, et le livre De utilitate credendi, où il dit
positivement que la religion du Christ s'est établie par les miracles.
I. Job, vi, 28 : « Voyons, daignez me regarder en face.
Et vous jugere* bien si je mens. >
Traduction de M. Renan.
J, Psaume xli, 4.
*70 PENSÉES DE PASCAL
96.
Pour les religions, il faut être sincère : vrais païens, vrais
juifs, vrais chrétiens.
97.
... Que Jésus-Christ sera à la droite, pendant que Dieu lui
assujettira ses ennemis. Donc il ne les assujettira pas lui-
même '.
98.
Si ne marque pas l'indifférence : Malachie, Isaîe. /«., Si vo-
iumus, etc. In quacunque die *.
99.
Adam forma futuri*. Les six jours pour former l'un, les six
âges pour former l'autre. Les six jours que Moïse représente
pour la formation d'Adam, ne sont que la peinture des six âges
pour former Jésus-Christ et l'Église. Si Adam n'eût point pé-
ché, et que Jésus-Christ ne fût point venu, il n'y eût eu qu'une
seule alliance, qu'un seul âge des hommes, et la création eût
été représentée comme faite en un seul temps*.
99 bis.
Les six âges. Les six Pères des six âges. Les six merveilles
à l'entrée des six âges. Les six orients à l'entrée des six âges *.
100.
Ne timeas, pusillus grex6. — Timoré ettremore1. — Quid
I . Donc le Messie ne sera pas un roi temporel. Voir le psaume cdc, Dixit Dominus. En
titre dans l'autographe, Prophéties.
î. Ce fragment obscur se rapporte aux discussions sur la grâce et la prédestination.
Les adversaires de la prédestination s'appuyaient de certains passages tels que ceux-ci ;
« Si vous voulez m'entendre, vous goûterez les biens de la terre; si vous ne voulez
pas,... le glaive vous dévorera. » Isaïe, i, 19. Et encore : « Si vous ne voulez pas m'en-
tendre, j'enverrai sur vous la misère, etc. > Malachie , n, î. Donc., disaient-ils, Dieu
subordonne sa sentence à la résolution des hommes , il ne les a point faits prédestinés ;
il n'a point par lui-même de parti pris, il est indifférent entre leur salut et leur damna-
tion, et s'en rapporte du choix à eux-mêmes. Pascal répond que le si ne marque pas
cette indifférence, qu il n'est pas proprement conditionnel, que si volueritis équivaut à in
quacunque die volueritis, c'est-à-dire : le jour où vous m'aurez obéi, vous serez récompen-
sés, comme, vous serez punis le jour où vous m'aurez désobéi.
3. C'est-à-dire, figure de celui qui était à venir. Rom. v, 14.
4. Voir le fragment suivant.
5. Tout cela est pris du livre d'Augustiu De Genesi contra Manichœos, 1, 13 (35).
6. c Ne craignez pas, chétif troupeau. » Luc, xu, 32.
7. Ces paroles se trouvent plusieurs fois, mais Pascal a sans doute dans la pensée ce
passage de la Lettre à ceux d'Éphèse, n, 12 : Cum melu et iremore vestram salutem <tye-
yamini. < Travaillez à l'œuvre de votre salut avec crainte et tremblement >
ARTICLE XXV 171
ergo? Ne timeas, timeas ' : Ne craignez point, pourvu [quel
vous craigniez; mais si vous ne craignez pas, craignez.
Qui me recipit, non me recipit, sed eum qui me misit *.
Nemo scit, neque Filius 3 — Nubes lucida obumbravit 4.
Saint Jean devait convertir les cœurs des pères aux enfants *.
Et Jésus-Christ met la division 6. Sans contradiction.
Les effets, in communi et in particulari. Les semipélagiens
errent en disant de in communi, ce qui n'est vrai que in par-
ticulari 7; et les calviuistes, en disant in particulari, ce qui
est vrai in communi 8, ce me semble. — (Je crois que Josué a,
le premier du peuple de Dieu, ce nom, comme Jésus-Christ
le dernier du peuple de Dieu.)9
101.
Joh. vin : Multi crediderunt m eum, Dicebat ergo Jésus : Si
tnanseritis..., vere mei discipuli eritis, éventas liberabit vos,
Responderunt : Semen Abrahœ sumus, et nemini servimus un-
quant 10.
Il y a bien de la différence entre les disciples et les vrais dis-
ciples. On les reconnaît en leur disant que la vérité les rendra
libres. Car s'ils répondent qu'ils sont libres, et qu'il est en eux
de sortir de l'esclavage du diable, ils sont bien disciples, mais
non pas vrais disciples.
1. C'est Pascal lui-même qui oommente ces textes latins en latin, puis en français.
2. t Si on me reçoit, ce n'est pas moi qu'on reçoit, mais celui qui m'a envoyé. » C'est
à très-peu près le texte de Marc, ix, 36.
3. t Personne ne le sait, pas même les anges, pas même le Fils, mais le Père seul. •
Marc, xiii, 32. Ici Jésus se sépare de son père; là il se confondait avec lui. Autre con-
tradiction qu'il faut concilier.
4. t Une nuée lumineuse s'étendit sur eux [il s'agit des trois apôtres qui ont suivi Jésus
sur le Thabor], et de la nuée sortit une voix qui disait : C'est ici mon fils bien-aimé.
Matth. xvii, 5.
o. Lue, i, 17. Convertir, c'est-à-dUpe, ramener.
6. Lue, in, 51 : • Croyez-vous que je suis venu mettre la paix sur la terre? Non, en
vérité, mais la division. Car désormais, s'il y a dans une maison cinq personnes, elles
seront divisées, trois contre deux et deux contre trois. Le père sera en division avec le
fils, et le fils avec le père, et la mère avec la fille, et la fille avec la mère, etc. »
7. Lorsqu'ils disent que la grâce est donnée aux hommes, tandis qu'elle ne l'est, sui-
vant Pascal, qu'aux prédestinés.
8. Quand ils disent que les justes seuls reçoivent le Christ dans la communion. Voyez
xxiv, 78.
9. Ce nom de Josué ou Jésus veut dire Sauveur.
10. ■ Beaucoup crurent en lui. Et Jésus disait : Si vous demeurez fidèles à ma parole,
vous serez mes vrais disciples, et la vérité vou3 rendra libres. Ils répondirent : Nous
sommes enfants d'Abraham, et nous n'avons jamais été esclaves [servivimus, dans la
Vu'entel. Comment donc peux-lu nous dire : Vous serez libres? Et Jésus repondit : J«
vous îe dis en vérité, quiconque commet le péché est «sclave du péché, t Jean, vm, 3')
et 8uiv#
172 PENSÉES DE PASCAL
102.
Ne vivre que de son travail, et régner sur le plus puissant
État du monde, sont choses très-opposées. Elles sont unies dans
la personne du Grand Seigneur des Turcs *.
103.
.. . Les vrais chrétiens obéissent aux folies néanmoins, non
pas qu'ils respectent les folies, mais Tordre de Dieu, qui, pour
la punition des hommes, les a asservis à ces folies. Omnis
creatura subiecta est vanitati. Liber abitur *,
Ainsi saint Thomas explique le lieu de saint Jacques sur la
préférence des riches, que, s'ils ne le font dans la vue de Dieu,
ils sortent de l'ordre de la religion3,
104.
Abraham ne prit rien pour lui, mais seulement pour ses ser-
viteurs4; ainsi le juste ne prend rien pour soi du monde, ni
des applaudissements du monde , mais seulement pour ses pas-
sions, desquelles il se sert comme maître, en disant à l'une,
Va, et viens6. Sub te erit appetitus tuus*. Ses passions ainsi do-
minées sont vertus. L'avarice, la jalousie, la colère, Dieu même
se -Ç3 attribue 7; et ce sont aussi bien vertus que la clémence,
1. Je ne sais où Pascal a pris cette tradition : si elle est dans Montaigne, je ne m'en
souviens pas. Rousseau la rappelle et la commente dans l1 'Emile, vers la fin du livre III.
Mais déjà, en 1560, Guillaume Postel, dans son livre de la République des Turcs, troi-
sième partie, avertissait ses lecteurs de n'en rien croire : « Et n'est pas ainsi que disent
quelques-uns, qu'il laboure, puis envoie une poire ou autre fruit à un baschia, et lui
mande qu'il lui donne mille écus : ce sont folies, etc. i> En titre dans l'autographe, In-
constance et bizarrerie. Inconstance, c'est-à-dire inconsistance, incohérence, au sens dn
latin.
2. Rom. vin, 20 : « La créature est asservie à la vanité [c'est-à-dire à l'illusion, au
néant, aux déceptions du monde], non par sa volonté, mais par celle de celui qui l'a
assujettie à ce joug, en lui donnant l'espérance. Car la créature sera délivrée un jour de
l'esclavage de la corruption. » Voyez le fragment v, 7 bis.
3. Jac. ii, 1 : « Mes frères, ne faites point acception de personnes, vous qui avez la
foi de la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car s'il entre dans votre assemblée un
homme avec un anneau d'or et une robe blanche, et qu'il y entre aussi un pauvre avec
un méchant habit, si vous ne faites attention qu'à celui qui est richement vêtu, et que
vous lui disiez : Toi, prends ici ce siège d'honneur, tandis que vous dites au pauvre :
Toi, reste là debout, ou assieds-toi au-dessous de mon marchepied; vous faites donc
entre eux une distinction, et vous suivez des pensées contraires à la justice. » — Je
trouve dans le Catalogue des livres de feu M. Bluet(l661), page 230, le titre suivant:
De la distinction des places en l'Église. Paris, 1650.
4. Gen. xiv, 24.
5. Comme le centurion de l'Évangile à ses soldats : Et dico huic, Vade, et vadit, «t
alii, Vent, et venit. Math, vin, 9.
6. Gen. iv, 7 . « Tu tiendras sous toi tes désirs. •
7. Pour la jalousie et la colère, voir le fragment 12 de l'article xvi. Quaut à la.'cinoe,
voir dans Matthieu, xxv, la parabole des talents d'argent.
ÀRT1CTF XXV 173
la pitié, la constance, qui sont aussi des passions. Il faut s'en
servir comme d'esclaves, et, leur laissant leur aliment, empê-
cher que l'âme n'y en prenne ; car quand les passions sont les
maîtresses, elles sont vices, et alors elles donnent à l'âme de
leur aliment, et 1 ame s'en nourrit et s'en empoisonne.
105.
On ne s éloigne qu'en s'éloignant de la charité. Nos prières
et nos vertus sont abominables devant Dieu, si elles ne sont
les prières et les vertus de Jésus-Christ. Et nos péchés ne se-
ront jamais l'objet de la [miséricorde], mais de la justice de
Dieu, s'ils ne sont de Jésus-Christ. Il a adopté nos péchés, et
nous a [admis à son] alliance ; car les vertus lui sont propres,
et les péchés étrangers; et les vertus nous sont étrangères, et
nos péchés nous sont propres.
Changeons la règle que nous avons prise jusqu'ici pour ju-
ger de ce qui est bon. Nous en avions pour règle notre volonté,
prenons maintenant la volonté de Dieu : tout ce qu'il veut
nous est bon et juste, tout ce qu'il ne veut...
Tout ce que Dieu ne veut pas est défendu. Les péchés sont
défendus par la déclaration générale que Dieu a faite, qu'il ne
les voulait pas. Les autres choses qu'il a "aissées sans défense
générale, et qu'on appelle par cette raison permises, ne sont
pas néanmoins toujours permises. Car, quand Dieu en éloigne
quelqu'une de nous, et que par l'événement, qui est une mani-
festation de la volonté de Dieu, il paraît que Dieu ne veut pas
que nous ayons une chose, cela nous est défendu alors comme
le péché, puisque la volonté de Dieu est que nous n'ayons non
plus l'un que l'autre. Il y a cette différence seule entre ces
deux choses, qu'il est sûr que Dieu ne voudra jamais le péché,
au lieu qu'il ne l'est pas qu'il ne voudra jamais l'autre. Mais
tandis que Dieu ne la veut pas, nous la devons regarder comme
péché; tandis que l'absence de la volonté de Dieu, qui est seule
toute la bonté et toute la justice, la rend injuste et mauvaise.
106.
«oe m'en suis réservé sept mille. » J'aime les adorateurs in-
connus au monde, et aux prophètes mêmes *.
1. o Je me suis réservé sept mille hommes dans Israël, qui n'ont point fléchi le genou
devant Baal. » C'est la réponse que Dieu fait aux plaintes du prophète Elie dans la
H. 12
174 PENSÉES DE PASCAL
107.
Les hommes n'ayant pas accoutumé de former le mérite,
mais seulement le récompenser où ils le trouvent formé, jugent
de Dieu par eux-mêmes.
108.
... J'aurais bien pris ce discours d'ordre comme celui-ci1 :
Pour montrer la vanité de toutes sortes de conditions, montrer
la vanité des vies communes, et puis la vanité des vies philoso-
phiques (pyrrhoniennes, stoïques); mais l'ordre ne serait pas
gardé. Je sais un peu ce que c'est, et combien peu de gens l'en-
tendent. Nulle science humaine ne le peut garder. Saint Tho-
mas ne l'a pas gardé. La mathématique le garde, mais elle est
inutile en sa profondeur *.
1086*5.
Lettre pour porter à rechercher Dieu. Et puis le faire cher-
cher chez les philosophes, pyrrhoniens et dogmatistes, qui tra-
vaillent celui qui les recherche.
109.
Ordre par dialogues. — Que dois-je faire ? Je ne vois partout
qu'obscurités. Croirai-je que je ne suis rien? croirai-je que je
suis dieu? Toutes choses changent et se succèdent. — Vous
vous trompez, il y a ..
109 bis.
... Une Lettre, de la folie de la science humaine et delà phi-
losophie. Cette lettre avant le Divertissement,
110.
Dans la Lettre, de l'Tnjustice, peut venir la plaisanterie des
aînés qui ont tout. Mon ami, vous êtes né de ce côté de la
montagne; il est donc juste que votre aîné ait tout. — Pour-
quoi me tuez-vous8?
Lettre à ceux de Rome, xi, 4, où Paul altère et détourne le teste d'un passage du troi-
sième livre des Bois, xlx, 18. C'est là pour Pascal une figure de la petite église jansé-
niste, persécutée et fidèle.
1. 11 semble qu'il faille construire, J'aurais pris d'ordre, comme on dirait bien, J'aurais
pris de biais. J'aurais pu prendre ce discours d'après un ordre, suivant ua ordre tel que
eelui-ci.
2. En titre dans l'autographe, Ordre.
3. Voyez le fragment vi, 3.
AHTICT,R XXV 175
III.
H faut mettre au chapitre des Fondements ce qui est en ce-
lui des Figuratifs touchant la cause des Figures : pourquoi Jé-
sus-Christ prophétisé en son premier avènement ; pourquoi
prophétisé obscurément en la manière.
iiî bis.
Parler contre les trop grands figuratifs.
112.
Nous implorons la miséricorde de Dieu, non afin qu'il nous
laisse en paix dans nos vices, mais afin qu'il nous en délivre.
113.
Si Dieu nous donnait des maîtres de sa main, oh ! qu'il leur
faudrait obéir de bon cœurl La nécessité et les événements en
sont infailliblement.
114.
Eritis sicutdii, scientes bonum etmalum *. Tout le monde fait
le dieu en jugeant : Gela est bon ou mauvais; et s'affligeant ou
se réjouissant trop des événements.
115.
Faire les petites choses comme grandes, à cause de la ma-
jesté de Jésus-Christ qui les fait en nous, et qui vit notre vie;
et les grandes comme petites et aisées, à cause de sa toute-
puissance.
116.
L'homme est naturellement crédule, incrédule ; timide, té-
méraire.
117.
Les gens manquent de cœur, on n'en ferait pas son ami *
118
On croit toucher des orgues ordinaires en touchant l'homme.
Ce sont des orgues, à la vérité, mais bizarres, changeantes, va-
riables 3. Ceux qui ne savent toucher que les ordinaires ne fe-
1. c Vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal. » Gen. m, 5. Ce sont les
paroles par lesquelles le serpent tente la femme. Voir YAugustinus de Jansénius, I, iv, 2î.
2. Voyez l'Étude sur les Pensées, dans l'Introduction, pag. xxxvn.
3. Ici, ces mots barrés, dont let tuyaux ne se suivent pas par degrés conjoint».
176 PENSEES DE PASCAL.
ront pas d'accords sur celles-là, Il faut savoir où sont les
[tuyaux]1.
118 bis.
Éloquence, qui persuade par douceur, non par empire; en
tyran, non en roi *.
118 ter.
Les raisons qui étant vues de loin semblent borner notre
vue, quand on y est arrivé ne la bornent plus ; on commence
à voir au delà.
119.
Grandeur d'établissement, respect d'établissement. Le plai-
sir des grands est de pouvoir faire des heureux. Le propre de
la richesse est d'être donnée libéralement. Le propre de cha-
que chose doit être cherché. Le propre de la puissance est de
protéger. Gomme Dieu est environné de gens pleins de cha-
rité, qui lui demandent les biens de la charité, ainsi... Con-
naissez-vous donc, et sachez que vous n'êtes qu'un roi de con-
cupiscence, et prenez les voies de la concupiscence 8.
120.
La puissance des mouches. Elles gagnent des batailles,
empêchent notre âme d'agir, mangent notre corps*.
121.
Lorsqu'on est accoutumé à se servir de mauvaises raisons
pour prouver des effets de la nature, on ne veut plus recevoir
les bonnes lorsqu'elles sont découvertes. L'exemple qu'on en
donna fut sur la circulation du sang, pour rendre raison pour-
quoi la veine enfle au-dessous de la ligature.
122.
Vanité, jeu, chasse, visites, comédies fausses, perpétuité
de nom.
1. En titre dans l'autographe, Inconstance.
2. La raison est un roi, qui commande par une autorité légitime; mais la douceur, c'est-
,-dire la corruption, est une violence qui ne convient qu'à un tyran.
3. Sur l'opposition entre les biens de la charité et ceux de la concupiscence, voyez xv,
7. — Ce fragment sera expliqué par les Discours sur la condition des Grands, qu'on trou-
vera dans les Opuscules.
4. Voir Montaigne, Apol., t. ni, p. 74. — Ce fragment et ceux qui suivent avaient
été, dans ma première édition, relégués dans un Appendice, comme trop imparfaits, et
quelquefois à peine ébauchés. Je les ai replacés dans le texte, mais je ne me suis pas
astreint à les commenter avec le même soin que les précédent».
ARTICLE XXV 177
123.
Les molinistes sont gens qui connaissent la vérité, mais qui
ne la soutiennent qu'autant que leur intérêt s'y rencontre,
mais hors de là ils l'abandonnent l.
124.
La nourriture du corps est peu à peu. Plénitude de nourri-
ture, et peu de substance.
125.
Premier degré : être blâmé en faisant mal, et loué en fai-
sant bien. Second degré : n'être ni loué ni blâmé *.
126.
La foi reçue au baptême est la source de toute la vie des
chrétiens et des convertis.
127.
Œuvres extérieures. Il n'y a rien de si périlleux que ce qui
plaît à Dieu et aux hommes. Car les états qui plaisent à Dieu
et aux hommes ont une chose qui plaît à Dieu, et une autre
qui plaît aux hommes. Gomme la grandeur de sainte Thérèse :
ce qui plaît à Dieu est sa profonde humilité dans ses révéla-
tions; ce qui plaît aux hommes sont ses lumières. Et ainsi on
se tue d'imiter ses discours, pensant imiter son état; et pas
tant d'aimer ce que Dieu aime, et de se mettre en l'état que
Dieu aime.
Il vaut mieux ne pas jeûner et en être humilié, que jeûner et
en être complaisant. Pharisien, publicain [Luc, xvm, 9].
Que me servirait de m'en souvenir, si cela peut également
me nuire et me servir ? et que tout dépend de la bénédiction
de Dieu, qu'il ne donne qu'aux choses faites pour lui, et selon
ses règles et dans ses voies, la manière étant ainsi aussi im-
portante que la chose, et peut-être plus, puisque Dieu peut du
mal tirer du bien, et que sans Dieu on tire le mal du bien.
128.
Les mots diversement rangés font un divers sens, et les
sens diversement rangés font différents effets.
1. Il y a dans le manuscrit les malingres, mais ce fragment n'est pas écrit de la main,
de Pascal. Les molinistes est une conjecture que je propose.
2. Voyez le fragment 66.
178 PENSÉES DE PASCAL
129.
Talent principal, qui règle tous les autres.
130.
Façon de parler : « Je m'étais voulu appliquer à cela '. »
130 bis.
Vertu apéritive d'une clef, attractive d'un croc.
131.
Pyrrhonien, pour opiniâtre 2.
Nul ne dit courtisan que ceux qui ne le sont pas ; pédant,
qu'un pédant8; provincial, qu'un provincial, et je gagerais que
c'est l'imprimeur qui l'a mis au titre des Lettres au Provincial.
132.
Carrosse versé ou renversé, selon l'intention. Répandre ou
verser, selon l'intention.
Plaidoyer de M. Le Maître sur le Gordelier par force 4.
133.
Beauté d'omission, de jugement.
134.
N'est-ce pas assez qu'il se fasse des miracles en un lieu, et
que la Providence paraisse sur un peuple ?
135.
Le bon air va à n'avoir pas de complaisance, et la bonne
piété à avoir complaisance pour les autres.
136.
Ce que les Stoïques proposent est si difficile et si vain!
Les Stoïques posent : Tous ceux qui ne sont point au haut
degré de sagesse sont également vicieux, comme ceux qui sont
à deux doigts dans l'eau 5...
1. En titre dans l'autographe, Miscell[ancà).
2. Je ne comprends pas.
3. Pédant, qu'un pédant. Voir la note 6 sur vi, 52.
4. Les Plaidoyers et Harangues de M. Le Maistre, Paris, 1657, fol. Plaidoyer VIe, Pour
un fils mis en religion par force. On trouve dès la première page : « Dieu qui répand
des aveuglements et des ténèbres sur les passions illégitimes, etc. » Est-ce à l'occasion
de cette phrase que Pascal a fait sa remarque sur le mot répandre, qu'on ne pourrait pas
remplacer ici par verser?
5. Sont aussi bien noyés que ceux qui sont au foud.
ÀRTTCrE XXV 179
137.
On n'entend les prophéties que quand on voit les choses arri-
vées. Ainsi les preuves de la retraite, et de la discrétion, du
silence, etc., ne se prouvent qu'à ceux qui les savent et les
croient.
Joseph si intérieur dans une loi tout extérieure.
Les pénitences extérieures disposent à l'intérieure, comme
les humiliations à l'humilité. Ainsi les...
138.
Rom. m, 27 : Gloire exclue; par quelle loi? Des œuvres?
Non, mais par la foi. Donc la foi n'est pas en notre puissance
comme les œuvres de la loi, et elle nous est donnée d'une autre
manière.
139.
Le peuple juif, moqué des gentils; le peuple chrétien, per-
sécuté.
140.
Josèphe cache la honte de sa nation ; Moïse ne cache pas sa
honte propre, ni... Quis mihi det ut omnes nroplietent icl Il
était las du peuple.
141.
Fable : les livres ont été brûlés avec le temple. Faux par les
Machabées (II, n, 2) : « Jérémie leur donna la loi. »
Fable, qu'il récita tout par cœur. Josèphe et Esdras marquent
qu'il lut le livre. Baronius., Ann. p. 180 : Nullus penitus He-
brseorum antiquorum reperitur qui tradiderit libros periisse et per
Esdram esse restitutos, nisi in IV. Esdrœ.
Fable, qu'il changea les lettres. Philo in Vit a Mo y sis : Illa
lingua ac charactere quo antiquitus scripta est lex sic permansit
usque ad lxx. Josèphe dit que la loi était en hébreu quand
elle fut traduite par les 70.
Sous Antiochus et Vespasien, où l'on a voulu abolir les
livres, et où il n'y avait point de prophète, on ne l'a pu faire.
Et sous les Babyloniens, où nulle persécution n'a été faite, et
où il y avait tant de prophètes, l'auraient-ils laissé brûler?
Josèphe se moque des Grecs qui ne souffriraient...
i. Nombres, xi, 29.
180 PENSÉES DE PASCAL
Tertull. : Perinde potuit aboie factam, etc. Lib. T. de Cultu
fœm. c. 3. Il dit que Noé a pu aussi bien rétablir en esprit le
livre d'Enoch, perdu par le déluge, qu'Esdras a pu rétablir les
Écritures perdues durant la captivité.
Eusèbe, lib. V. Hist. c. 8: Deus glorificatus est, etc.. eeôçèvT^
âiri KKêouxo&votrif, etc. Il allègue cela pour prouver qu'il n'est pas
incroyable que les 70 aient expliqué les Écritures saintes avec
cette uniformité que l'on admire en eux. Et il a pris cela dans
saint Irénée [c. 25].
Saint Hilaire, dans la préface sur les Psaumes, dit qu'Esdras
mit les psaumes en ordre . L'origine de cette tradition vient
du 14e chapitre du IVe livre d'Esdras. Contre la fable d'Esdras,
II Machab., il. — Joseph, Antiquités II, i : Cyrus prit sujet de la
prophétie d'Isaïe de relâcher le peuple. Les Juifs avaient des
possessions paisibles sous Cyrus en Babylone, donc ils pou-
vaient bien avoir la Loi. — Josèphe, en toute l'histoire d'Esdras,
ne dit pas un un mot de ce rétablissement. — IV Rois, xvn, 27 *.
142.
Si la fable d'Esdras est croyable, donc il faut croire que l'E-
criture est écriture sainte. Car cette fable n'est fondée que sur
l'autorité de ceux qui disent celle des 70, qui montre que l'Ecri-
ture est sainte. Donc, si ce conte est vrai, nous avons notre
compte par là; sinon, nous l'avons d'ailleurs. Et ainsi ceux qui
voudraient ruiner la vérité de notre religion, fondée sur Moïse,
l'établissent par la même autorité par où ils l'attaquent. Ainsi,
par cette providence, elle susbsiste toujours.
143.
Le chapitre de Vêpres, le dimanche de la Passion. L'oraison
pour le roi.
Explication de ces paroles : « Qui n'est pas pour moi est con-
tre moi. » Et de ces autres : « Qui n'est point contre vous est
pour vous. » Une personne qui dit : Je ne suis ni pour ni con-
tre ; on doit lui répondre.. . Une des antiennes des Vêpres de
Noël : Exortum est in tenebris lumen rectis corde \
1. En titre dans l'autographe, Sur Esdras.
2. Le chapitre, c'est-à-dire, le capitule. Les passages cités sont dans Matth. xn, 30;
Marc, ix, 39; et Ps. cil, 4. — En titre dans l'autographe, Contre ceux qui abusent des
passages de l'Ecriture, et qui se prévalent rie ce qu'ils en trouvnt quelqu'un qui semble
favoriser leur erreur.
ARTICLE XXV 181
144.
Tradition ample du péché originel selon les TmTs.
Sur le mot de la Genèse, vin (21). (La composition du cœur de
l'homme est mauvaise dès son enfance.) R. Moïse Haddarschan :
Ce mauvais levain est mis dans l'homme dès l'heure où il est
formé. Massechet Succa : Ce mauvais levain a sept noms dans
l'Écriture. Il est appelé mal, prépuce, immonde, ennemi, scan-
dale, cœur de pierre, aquilon; tout cela signifie la malignité qui
est cachée et empreinte dans le cœur de l'homme. Midrasch
Tillim dit la même chose, et que Dieu délivrera la bonne nature
de l'homme de la mauvaise. Cette malignité se renouvelle tous
les jours contre l'homme, comme il est écrit ps. xxxvn : « L'im-
pie observe le juste, et cherche à le faire mourir ; mais Dieu ne
l'abandonnera point. » Cette malignité tente le cœur de l'homme
en cette vie, et l'accusera en l'autre. Tout cela se trouve dans le
Talmud.
Midrasch Tillim sur le ps. iv (Frémissez, et vous ne pécherez
point) : Frémissez, et épouvantez votre concupiscence, et elle
ne vous induira pointa pécher. Et sur le ps. xxxvi (L'impie a
dit en son cœur : Que la crainte de Dieu ne soit point devant
moi) : C'est-à-dire, que la malignité naturelle à l'homme a dit
cela à l'impie.
Midrasch Kohelet (Meilleur est l'enfant pauvre et sage que
le roi vieux et fol qui ne sait pas prévoir l'avenir. Lccles. iv, 13) :
L'enfant est la vertu, et le roi est la malignité de l'homme. Elle
est appelée roi parce que tous les membres lui obéissent, et
vieux, parce qu'il est dans le cœur de l'homme depuis l'enfance
jusqu'à la vieillesse; et fol, parce qu'il conduit l'homme dans
la voie de perdition qu'il ne prévoit point. La même chose est
dans Midrasch Tillim.
Bereschit Rabba sur le ps. xxxv (Seigneur, tous mes os te
béniront, parce que tu délivres le pauvre du tyran) : Et y a-t-
il un plus grand tyran que le mauvais levain? Et sur les Pro-
verbes, xxv (Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger) : C'est-
à-dire, si le mauvais levain a faim, donne-lui du pain de la sa-
gesse, dont il est parlé, Proverb. ix; et s'il a soif, donne-lui
l'eau dont il est parlé, Fs. lv. Midrasch Tillim dit la même
shose, et que l'Ecriture en cet endroit, en parlant de notre en-
182 PENSÉES DE PASCAL
nemi, entend le mauvais levain; et qu'en lui donnant ce
pain et cette eau, on lui assemblera des charbons sur la tête.
Midrasch Kohelet, sur VBccL, ix (Un grand roi a assiégé une
petite ville ) : Ce grand roi est le mauvais levain ; les grandes
machines dont il l'environne sont les tentations, et il a été
trouvé un homme sage et pauvre qui l'a délivrée, c'est-à-dire
la vertu. Et sur le ps. xli (Bienheureux qui a égard au pau-
vre). Et sur le ps. lxxviii (L'esprit s'en va et ne revient plus) :
D'où quelques-uns ont pris sujet d'errer contre l'immortalité
de l'âme; mais le sens est, que cet esprit est le mauvais levain,
qui s'en va avec l'homme jusqu'à la mort, et ne reviendra
point en la résurrection. Et sur le ps. cm, la môme chose. Et
sur le ps. xvi.
Principes des Rabbins. Deux Messies*
145.
Chronologie du Rabbinisme. Les citations des pages sont du
livre Pugio. Page 27, Hakadosch, an 200, auteur de Mischna,
ou loi vocale, ou seconde loi. Commentaires de Mischna : L'un
Sip lira . — Barajetôt . — Ta Imud Hïerosol . [ann . 340] . — Tosiphtot .
Bereschit Rabah, par R, Osaia Rabah, commentaire de Mis-
c hna.
Boreschit Rabah> par Naconi, sont des discours subtils et
agréables, historiques et théologiques. Ce même auteur a fait
des livres appelés Rabot.
Cent ans après (440) le Talmud Hierosol. , fut fait le Talmud
babylonique, par R. Ase, par le consentement universel de
tous les Juifs, qui sont nécessairement obligés d'observer tout
ce qui y est contenu. L'addition de R. Ase s'appelle Gemara,
c'est-à-dire le commentaire de Mischna. Et le Talmud com-
prend ensemble le Mischna et le Gemara *.
146.
Jérémie, xxin, 32, les miracles des faux prophètes. En l'hé-
breu et Vatable, il y a les légèretés.
1. Ce fragment est tiré du Pugio fidei. Il est pris du chapitre 6 de la deuxième section
de la troisième partie, intitulé : De peccato originali. Eu lisant ce chapitre, on ne trou-
vera rien d'obscur dans le texte de Pascal. Voyez, au sujet du Pugio, la note 6 sur le
fragment xvi, 12. R., devant le nom d'un docteur juif, signifie Rabbi ou Maître.
2. Ce fragment est tiré des observations du docteur De Voisin sur le proœmium du
Pugio fidei, placées à la suite de ce proœmium ou préambule dans l'édition qu'il a donnée
de ce livre.
ARTICLE XXV lS3
Miracle ne signifie pas toujours miracle. I Rois, xiv, 15, mi-
racle signifie crainte, et est aussi en l'hébreu. De même en
Job manifestement, xxxiii, 7. Et encore haie, xxi, 4; Je-
rémie, xliv, 12. Portentum signifie simulacres, Jér., l, 38; et
est ainsi en l'hébreu et en Vatable. /s., vin, 18. Jésus-Christ
dit que lui et les siens seront en miracles.
147.
« Il a le diable. » Joli, xx, 21. Et les autres disaient : « Le
diable peut-il ouvrir les yeux des avengles ? »
148.
En montrant la vérité, on la fait croire ; mais en montrant
l'injustice des ministres, on ne la corrige pas. On assure la
conscience en montrant la fausseté ; on n'assure pas la bourse
en montrant l'injustice.
Les miracles et la vérité sont nécessaires, à cause qu'il faut
convaincre l'homme entier, en corps et en âme.
149.
Juges, xiii, 23 : «Si le Seigneur nous eût voulu faire mourir,
il ne nous eût pas montré toutes ces choses. » — Ezéchias. — Sen-
nachérib. — Jérémie [xxviii] : Hananias, faux prophète, meurt le
septième mois. — II Mach., m : Le temple prêt à piller secouru
miraculeusement. — II Mach. xv. — III Rois, xvn : La veuve à
Elie, qui avait ressuscité l'enfant : « Par là je connais que tes
paroles sont vraies. » — III Rois, xvm ; Elie avec les prophètes
de Baal.
150.
Le peuple, qui croyait en lui sur ses miracles, les pharisiens
leur disaient : Ce peuple est maudit, qui ne sait pas la Loi;
mais y a-t-il un prince ou un pharisien qui ait cru en lui ? car
nous savons que nul prophète ne sort de Galilée. Nicodème ré-
pondit : Notre Loi juge-t-elle un homme devant que de l'avoir
ouï ? {Jean, vu, 49.)
151.
Et ingemiscens ait : Quid generatio ista signum quœrit ? Marc,
vin, 12. Elle demandait signe à mauvaise intention. El non po-
terat facere [ibid. vi, 5) ; et néanmoins, il leur promet le signe
■•
184 PENSÉES DE PASCAL
de Jonas, de sa résurrection (Matth., xn, 39), le grand et Tin-
comparable.
Abraham, Gédéon, sont au-dessus de la révélation. Les Juifs
s'aveuglaient en jugeant des miracles par l'Ecriture...
Donatistes. Point de miracle, qui oblige à dire que c'est le
diable.
152
Figures. Les prophètes prophétisaient par figures, de cein-
ture, de barbe et cheveux brûlés [Dan., m, 94], etc.
Le vieux Testament est un chiffre.
Deux erreurs : 4° prendre tout littéralement; 2° prendre tout
spirituellement.
153.
Figures. Les peuples juif et égyptien visiblement prédits par
ces deux particuliers que Moïse rencontra [Exode, n, 11-14] :
l'Égyptien battant le Juif, Moïse le vengeant et tuant l'Égyptien,
et le Juif en étant ingrat.
154.
Figuratives. Clef du chiffre : Veri adoratores [Jean, iv, 23].
Ecce agnus Dei qui tollit peccata wundi [i, 29].
155.
Saint Paul dit lui-même que des gens défendront les ma-
riages [I Tint., iv, 3], et lui-même en parle aux Corinthiens
(I Cor., vu) d'une manière qui est une ratière. Car si un pro-
phète avait dit l'un, et que saint Paul eût dit ensuite l'autre, on
l'eût accusé l.
156.
Figuratif. Dieu s'est servi de la concupiscence des Juifs pour
les faire servir à Jésus-Christ.
Rien n'est si semblable à la charité que la cupidité, et rien
n'y est si contraire. Ainsi les Juifs, pleins des biens qui flattaient
leur cupidité, étaient très-conformes aux chrétiens, et très con-
traires. Et par ce moyen ils avaient les deux qualités qu'il fal-
lait qu'ils eussent, d'être très-conformes au Messie, pour le fi-
gurer, et très-contraires, pour n'être point témoins suspects.
1. Paul conclut, au verset 38 : « Celui qui marie sa tille fait bien, et celui qui ne la
marie pas fait mieux. « Et il avait dit au verset 35 : « Je ne parle pas ainsi pour vota
tendre un piège. »
ARTÎfTF \XV. 185
157.
La pénitence, seule de tons les mystères, a été déclarée mani-
festement aux Juifs, et par saint Jean, précurseur; et puis les
autres mystères; pour marquer qu'en chaque homme, comme
tu monde entier, cet ordre doit être observé.
158.
Ceux qui ordonnaient ces sacrifices en savaient l'inutilité;
et ceux qui en ont déclaré l'inutilité n'ont pas laissé de les pra-
tiquer.
159.
Extravagances des Apocalyptiques et Préadamites, Millénai-
res, etc. Qui voudra fonder des opinions extravagantes sur FÉ-
criture, en fondera par exemple sur cela. Il est dit que « cette
génération ne passera point jusqu'à ce que tout cela se fasse
[Matth., xxiv, 34]. » Sur cela je dirai qu'après cette généra-
tion il viendra une autre génération, et toujours successive-
ment. Il est parlé dans les IIes Paralipomènes [i, 14] de Salo-
mon et de roi comme si c'étaient deux personnes diverses. Je
dirai que c'en était deux.
160.
... « Qu'alors on n'enseignera plus son prochain, disant :
Voici le Seigneur, car Dieu se fera sentir à tous. » [Jérém.,
xxxi, 34.] — « Vos fils prophétiseront. » [Joël, n, 28.] — « Je
mettrai mon esprit et ma crainte en votre cœur. » {Jérém., ibid~\
— Tout cela est la même chose. Prophétiser, c'est parler de
Dieu, non par preuve du dehors, mais par sentiment intérieur
et immédiat.
161.
Le règne éternel de la race de David, II Chron. *, par toutes
les prophéties, et avec serment. Et n'est point accompli tempo-
rellement : Jérém. xxxiii, 20.
162.
On pourrait peut-être penser que, quand les prophètes ont
prédit que le sceptre ne sortirait pas de Juda jusqu'au roi éter-
nel, ils auraient parlé pour flatter le peuple, et que leur pro-
I. Les Chroniques sont la même chose que les Paralipomènes.
186 PENSÉES DE PASCAL
phétie se serait trouvée fausse à Hérode. Mais pour montrer
que ce n'est pas leur sens, et qu'ils savaient bien au contraire
que ce royaume temporel devait cesser, ils disent qu'ils seront
sans roi et sans prince, et longtemps durant. Osée (ni, 4).
163.
Que peut-on avoir, sinon de la vénération, d'un homme qui
prédit clairement les choses qui arrivent, et qui déclare son
dessein et d'aveugler et d'éclairer, et qui mêle des obscurités
parmi des choses claires qui arrivent?
164.
Prophéties. Le grand Pan est mort É.
165.
Si je n'avais ouï parler en aucune sorte du Messie, néan-
moins, après les prédictions si admirables de l'ordre du monde
que je vois accomplies, je vois que cela est divin. Et si je savais
que ces mêmes livres prédissent un Messie, je m'assurerais
qu'il serait venu. Et voyant qu'ils mettent son temps avant la
destruction du deuxième temple, je dirais qu'il serait venu.
166.
Osée, i, 9 : « Vous ne serez plus mon peuple, et je ne serai
plus votre Dieu, après que vous serez multipliés de la disper-
sion. Les lieux où l'on n'appelle pas mon peuple, je l'appelle-
rai mon peuple8. »
167.
Hérode cru le Messie. Il avait ôté le sceptre de Juda, mais
il n'était pas de Juda. Gela fit une secte considérable. Et Bar-
cosba, et un autre reçu par les Juifs. Et le bruit qui était par-
tout en ce temps-là. Suétone. Tacite. Josèphe.
Malédiction des Grecs contre ceux qui comptent les périodes
des temps.
168.
/«. i, 21 . Changement de bien en mal, et vengeance de Dieu.
— x, 1 ; xxvi, 20 ; xxvm, 1. — Miracles : Is. xxxm, 9; xl, 17 ;
xli, 26; xliii, 13.
i. Voir Plutarque, des Oracles, p. 419.
S. Comparez Rom., ix. 25.
ARTICLE XXV 187
Jér. xi, 21 ; xv, 42 ; xvn, 9 : Pravum est cor omnium et inscru-
tabile ; guis cogjioscet illud ? C'est-à-dire, qui en connaîtra toute
la malice ? car il est déjà connu qu'il est méchant. Ego Domi-
nais, etc. — xvn, 17 : Faciam domui huic, etc. Fiance aux sa-
crements extérieurs. — 22 : Quia non sum locutus, etc. L'essen-
iel n'est pas le sacrifice extérieur. — xi, 1 3 : Secundum nume-
-um, etc. Multitude de doctrines.
II. xliv, 20-24 ; liv, 8 ; lxiii, 12-17; lxvi, 17.
Jér. ii, 35; iv, 22-24; v, 4, 29-31 ; vi, 16; xxm, 15-17 ».
169.
Prédictions des choses particulières. Ils étaient étrangers en
Egypte, sans aucune possession en propre, ni en ce pays-là ni
ailleurs, lorsque Jacob mourant et bénissant ses enfants leur dé-
clare qu'ils seront possesseurs d'une grande terre, et prédit par-
ticulièrement à la famille de Juda que les rois qui les gouver-
neraient un jour seraient de sa race, et que tous ses frères se-
raient ses sujets.
Ce même Jacob, disposant de cette terre future comme s'il
en eût été maître, en donna une portion à Joseph plus qu'aux
autres : «Je vous donne, dit-il, une part plus qu'à vos frères. »
Et bénissant ses deux enfants, Ephraïm et Manassé, que Joseph
lui avait présentés, l'aîné, Manassé, à sa droite, et le jeune,
Ephraïm, à sa gauche, il met ses bras en croix, et posant sa
main droite sur la tête d'Éphraïm, et la gauche sur Manassé, il
les bénit en cette sorte. Et sur ce que Joseph lui représente
qu'il préfère le jeune, il lui répond avec une fermeté admi-
rable : « Je le sais bien, mon fils, je le sais bien; mais Ephraïm
croîtra tout autrement que Manassé. » Ce qui a été en effet si
véritable dans la suite, qu'étant seul presque aussi abondant
que dix lignées entières qui composaient tout un royaume,
elles ont été ordinairement appelées du seul nom d'Ephraïm.
Ce même Joseph, en mourant, recommande à ses enfants
l'emporter ses os avec eux quand ils iront en cette terre, où il
le furent que 200 ans après.
Moïse, qui a écrit toutes ces choses si longtemps avant qu'el-
les fussent arrivées, a fait lui-même à chaque famille les par-
i . Pascal a transcrit le texte de tous les versets indiqués dans ce fragment. Je lo
•u^prime pour abréger.
188 PENSÉES DE PASCAL.
tages de cette terre avant que d'y entrer, comme s'il en eût
été maître. Il leur donne les arbitres qui en feront le partage,
il leur prescrit toute la forme du gouvernement politique
qu'ils y observeront, les villes de refuge qu'ils y bâtiront, et...
170.
Captivité des Juifs sans retour. Jér. xi, 11 : « Je ferai venir
sur Juda des maux desquels il ne pourront être délivrés. »
Figures. Is. v, 1-7 : « Le Seigneur a eu une vigne dont il a
attendu des raisins, et elle n'a produit que du verjus. Je la
dissiperai donc et la détruirai; la terre n'en produira que des
épines, et je défendrai au ciel d'y... La vigne du Seigneur est
la maison d'Israël, et les hommes de Juda en sont le germe
délectable. J'ai attendu qu'ils fissent des actions de justice, e+
ils ne produisent qu'iniquités. »
Is., vin (13-17) : « Sanctifiez le Seigneur avec crainte et trem-
blement; ne redoutez que lui, et il vous sera en sanctification;
mais il sera en pierre de scandale et en pierre d'achoppement
aux deux maisons d'Israël. Il sera en piège et en ruine au
peuple de Jérusalem; et un grand nombre d'entre eux heurte-
ront cette pierre, y tomberont, y seront brisés, et seront pris à
ce piège, et y périront. Voilez mes paroles, et couvrez ma Loi
pour mes disciples. J'attendrai donc en patience le Seigneur
qui se voile et se cache à la maison de Jacob. »
Is. xxix (9-14) : « Soyez confus et surpris, peuple d'Israël;
chancelez, trébuchez et soyez ivres, mais non pas d'une ivresse
devin; trébuchez, mais non pas d'ivresse; car Dieu vous a
préparé l'esprit d'assoupissement; il vous voilera vos yeux, il obs-
curcira vos princes, et vos prophètes qui ont les visions. (Da-
niel, xii, 11 ; a Les méchants ne l'entendront point, mais ceux
qui seront bien instruits l'entendront. » Osée, dernier chapi-
tre, dernier verset, après bien des bénédictions temporelles,
dit : « Où est le sage? et il entendra ces choses ; etc. » ) Et les
visions de tous les prophètes seront à votre égard comme un
livre scellé, lequel si on donne à un homme savant, et qui le
puisse lire, il répondra : Je ne puis le lire, car il est scellé ; et quand
on le donnera à ceux qui ne savent pas lire, ils diront : Je ne con-
nais pas les lettres. Et le Seigneur m'a dit : Parce que ce peuple
m'honore des lèvres (En voilà la raison et la cause; cars'ilsado-
ARTICLE XXV 189
rai (Mit Dieu de creur, ils entendraient les prophéties.), mais
que son cœur est bien loin de moi, et qu'ils ne m'ont servi
que par des voies humaines : c'est pour cette raison que j'ajou-
terai cà tout le reste d'amener sur oe peuple une merveille éton-
nante, et un prodige grand et terrible ; c'est que la sagesse de
ses sages périra, et leur intelligence sera... »
Prophéties. Preuve de divinité, Fs. xli (22) : « Si vous êtes
des dieux, approchez, annoncez-nous les choses futures, nous
inclinerons notre cœur à vos paroles : apprenez-nous les cho-
ses qui ont été au commencement, et prophétisez-nous celles
qui doivent arriver. Par là nous saurons que vous êtes des
dieux; faites-le bien ou mal, si vous pouvez : voyons donc e'
raisonnons ensemble. Mais vous n'êtes rien, vous n'êtes qu'a-
bomination; etc. Qui d'entre vous nous instruit (par des au-
teurs contemporains) des choses faites dès le commencement
et l'origine? afin que nous lui disions : Vous êtes le juste. Il
n'y en a aucun qui nous apprenne ni qui prédise l'avenir. » —
xlii (8) : « Moi, qui suis le Seigneur, je ne communique pas ma
gloire à d'autres. C'est moi qui ai fait prédire les choses qui
sont arrivées, et qui prédis encore celles qui sont à venir.
Chantez-en un cantique nouveau à Dieu par toute la terre. » —
xliii, (8) : « Amène ici ce peuple qui a des yeux et qui ne voit
pas, qui a des oreilles et qui est sourd . que les nations s'as-
semblent toutes. Qui d'entre elles et leurs dieux nous instrui-
ront des choses passées et futures ? Qu'elles produisent leurs
témoins pour leur justification; ou qu'elles m'écoutent et con-
fessent que la vérité est ici. Vous êtes mes témoins, dit le Sei-
gneur, vous et mon serviteur que j'ai élu, afin que vous me
connaissiez, et que vous croyiez que c'est moi qui suis. J'ai pré-
dit, j'ai sauvé, j'ai fait moi seul ces merveilles à vos yeux;
vous êtes mes témoins de ma divinité , dit le Seigneur. C'est
moi qui pour l'amour de vous ai brisé les forces des Babylo-
niens; c'est moi qui vous ai sanctifiés et qui vous ai créés.
C'est moi qui vous ai fait passer au milieu des eaux et de la
mer et des torrents, et qui ai submergé et détruit pour jamais
les puissances ennemies qui vous ont résisté. Mais perdez la
mémoire de ces anciens bienfaits, et ne jetez plus les yeux vers
les choses passées. Voici, je prépare de nouvelles choses qui
h. 13
190 PENSÉES DE PASCAL
vont bientôt paraître, vous les connaîtrez : je rendrai les dé-
serts habitables et délicieux. Je me suis formé ce peuple, je
l'ai établi pour annoncer mes louanges, etc. Mais c'est pour
moi-même que j'effacerai vos péchés et que j'oublierai vos cri-
mes; car pour vous, repassez en votre mémoire vos ingratitu-
des, pour voir si vous avez de quoi vous justifier; votre pre-
mier père a péché, et vos docteurs ont tous été des prévarica-
teurs. » — xliv (6). Je suis le premier et le dernier, dit le Sei-
gneur; qui s'égalera à moi, qu'il raconte l'ordre des choses de-
puis que j'ai formé les premiers peuples, et qu'il annonce les
choses qui doivent arriver. Ne craignez rien; ne vous ai-je
pas fait entendre toutes ces choses ? Vous êtes mes témoins. »
— Prédiction de Gyrus (Is. xlv, U) : « A cause de Jacob, que
j'ai élu, je t'ai appelé par ton nom. » — 21 : « Venez et dispu-
tons ensemble : qui a fait entendre les choses depuis le com-
mencement ? qui a prédit les choses dès lors? n'est-ce pas moi,
qui suis le Seigneur ?» — xlvi (9) : « Ressouvenez-vous des
premiers siècles, et connaissez qu'il n'y a rien de semblable à
moi, qui annonce dès le commencement les choses qui doivent
arriver à la fin, en disant dès l'origine du monde : Mes décrets
subsisteront, et toutes mes volontés seront accomplies. » —
xlii, 9 : « Les premières choses sont arrivées comme elles
avaient été prédites; et voici maintenant, j'en prédis de nou-
velles, et vous les annonce avant qu'elles soient arrivées. » —
xlvtii, 3 : « J'ai fait prédire les premières, et je les ai accom-
plies ensuite; et elles sont arrivées en la manière que j'avais
dit ; parce que je sais que vous êtes dur, que votre esprit est
rebelle et votre front impudent; et c'est pourquoi je les ai
voulu annoncer avant l'événement, afin que vous ne puissiez
pas dire que ce fût l'ouvrage de vos dieux et l'effet de leur or-
dre. Vous voyez arrivé ce qui a été prédit ; ne le raconterez-
vous pas? Maintenant je vous annonce des choses nouvelles,
que je conserve en ma puissance, et que vous n'avez pas en-
core sues; ce n'est que maintenant que je les prépare, et non
Das depuis longtemps : je vous les ai tenues cachées de peur
jue vous ne vous vantassiez de les avoir prévues par vous-
mêmes. Car vous n'en avez aucune connaissance, et personne ne
vous en a parlé, et vos oreilles n'en ont rien ouï; car je vous
ARTICLE XXV 401
connais, et comme je sais que vous êtes plein de prévarication,
et je vous ai donné le nom de prévaricateur dès les premiers
temps de votre origine. »
Réprobation des Juifs et conversion des Gentils. — 7s. lxv (1) :
« Ceux-là m'ont cherché qui ne me consultaient point; ceux-
là m'ont trouvé qui ne me cherchaient point; j'ai dit : Me voici,
me voici, au peuple qui n'invoquait pas mon nom. J'ai étendu
mes mains tout le jour au peuple incrédule qui suit ses désirs
et qui marche dans une mauvaise voie, ce peuple qui me pro-
voque sans cesse par les crimes qu'il commet en ma présence,
qui s'est emporté à sacrifier aux idoles, etc. Ceux-là seront
dissipés en fumée au jour de ma fureur, etc. J'assemblerai
les iniquités de vous et de vos pères, et vous rendrai à tous se-
lon vos œuvres. Le Seigneur dit ainsi : Pour l'amour de mes
serviteurs, je ne perdrai tout Israël, mais j'en réserverai quel-
ques-uns, de même qu'on réserve un grain resté dans une
grappe, duquel on dit : Ne l'arrachez pas, parce que c'est béné-
diction. Ainsi j'en prendrai de Jacob et de Juda pour posséder
mes montagnes, que mes élus et mes serviteurs avaient en hé-
ritage, et mes campagnes fertiles et admirablement abondan-
tes; mais j'exterminerai tous les autres, parce que vous avez
oublié votre Dieu pour servir des dieux étrangers. Je vous ai
appelés et vous n'avez pas répondu; j'ai parlé et vous n'avez
pas ouï, et vous avez choisi choses que j'avais défendues. C'est
pour cela que le Seigneur dit ces choses : Voici, mes serviteurs
seront rassasiés, et vous languirez de faim ; mes serviteurs seront
dans la joie, et vous dans la confusion; mes serviteurs chante-
ront des cantiques de l'abondance de la joie de leur cœur, et
vous pousserez des cris et des hurlements de l'affliction de votre
esprit, et vous laisserez votre nom en abomination à mes élus.
Le Seigneur vous exterminera, et nommera ses serviteurs d'un
autre nom, dans lequel celui qui sera béni sur la terre sera
béni en Dieu, etc., parce que les premières douleurs sont
mises en oubli. Car voici : je crée de nouveaux cieux et une
nouvelle terre, et les choses passées ne seront plus en mé-
moire et ne viendront plus en la pensée. Mais vous vous ré-
jouirez à jamais dans les choses nouvelles que je crée; car jt
crée Jérusalem qui n'est autre chose que joie, et son peuple
192 PENSÉES DE PASCAL.
réjouissance; et je me plairai en Jérusalem et en mon peuple, et
on n'y entendra plus de cris et de pleurs. Je l'exaucerai avant
qu'il demande; je les ouïrai quand ils ne feront que commencer
à parler; le loup et l'agneau paîtront ensemble, le lion et le bœuf
mangeront la même paille; le serpent ne mangera que la pous-
sière, et on ne commettra plus d'homicide ni de violence en toute
ma sainte montagne. » — lvi (3) : « Et que les étrangers qui
s'attachent à moi ne disent point : Dieu me séparera d'avec son
peuple. Car le Seigneur dit ces choses : Quiconque gardera
mes sabbats, et choisira de faire mes volontés, et gardera mon
alliance, je leur donnerai place dans ma maison, et je leur don-
nerai un nom meilleur que celui que j'ai donné à mes enfants:
ce sera un nom éternel qui ne périra jamais. » — (lix, 9) :
« C'est pour nos crimes que la justice s'est éloignée de nous.
Nous avons attendu la lumière, et nous ne trouvons que les té-
nèbres; nous avons espéré la clarté, et nous marchons dans
l'obscurité; nous avons tâté contre la muraille comme des
aveugles ; nous avons heurté en plein midi comme au milieu
d'une nuit, et comme des morts en des lieux ténébreux. Nous
rugirons tous comme des ours, nous gémirons comme des co-
lombes. Nous avons attendu la justice, et elle ne vient point;
nous avons espéré le salut, et il s'éloigne de nous. » — lxvi,
18 : « Mais je visiterai leurs œuvres et leurs pensées, quand je
viendrai pour les assembler avec toutes les nations et les peu-
ples; et ils verront ma gloire. Et je leur imposerai un signe, et
de ceux qui seront sauvés j'en enverrai aux nations, en Afri-
que, en Lydie, en Italie, en Grèce et aux peuples qui n'ont
point ouï parler de moi et qui n'ont point vu ma gloire ; et ils
amèneront vos frères.- »
Réprobation du temple. Jér. vu (12) : Allez en Silo, où j'a-
vais établi mon nom au commencement, et voyez ce que j'y ai
fait à cause des péchés de mon peuple. El maintenant, dit le
Seigneur, parce que vous avez fait les mêmes crimes, je ferai
de ce Temple où mon nom est invoqué, et sur lequel vous vous
confiez, et que j'ai moi-même donné à vos prêtres, la même
chose que j'ai faite de Silo. (Car je l'ai rejeté, et me suis fait
un Temple ailleurs.) Et je vous rejetterai loin de moi, de la
même manière que j'ai rejeté vos frères les enfants d'Ephraïm.
ARTICLE XXV. 193
Ne priez donc point pour ce peuple. (Rejetés sans retour.) —
21 : « A quoi vous sert-il d'ajouter sacrifice sur sacrifice?
Quand je retirai vos pères hors d Egypte, je ne leur parlai pas
des sacrifices et des holocaustes; je ne leur en donnai aucun
ordre, et le précopte que je leur ai donné a été en cette sorte :
Soyez obéissants et fidèles à mes commandements, et je serai
votre Dieu et vous serez mon peuple. (Gène fut qu'après qu'ils
eurent sacrifié au veau d'or que j'ordonnai des sacrifices pour
tourner en bien une mauvaise coutume.) » — 4 : « N'ayez-point
confiance aux paroles de mensonge de ceux qui vous disent : Le
Temple du Seigneur, le Temple du Seigneur, le Temple du
Seigneur. »
171.
Prophéties. En Egypte, Pugio fidei, p. 659 ■ : Talmud : C'est
une tradition entre nous que, quand le Messie arrivera, la mai-
son de Dieu, destinée à la dispensation de sa parole, sera pleine
d'ordure et d'impureté, et que la sagesse des scribes sera cor-
rompue et pourrie. Ceux qui craindront de pécher seront ré-
prouvés du peuple et traités de fous et d'insensés. Is., xlix :
t Écoutez, peuples éloignés, et vous, habitants des îles de la
mer : le Seigneur m'a appelé par mon nom dès le ventre de ma
mère, il me protège sous l'ombre de sa main, il a mis mes paroles
comme un glaive aigu et m'a dit : Tu es mon serviteur; c'est
par toi que je ferai paraître ma gloire. Et j'ai dit : Seigneur, ai-je
travaillé en vain? est-ce inutilement que j'ai consommé toute
ma force? faites- en le j ugement, Seigneur ; mon travail est devant
vous. Lors le Seigneur, qui m'a formé lui-même dès le ventre
de ma mère pour être tout à lui, afin de ramener Jacob et
Israël, m'a dit : Tu seras glorieux en ma présence, et je serai
moi-même ta force : c'est peu de chose que tu convertisses les
tribus de Jacob; je t'ai suscité pour être la lumière des gentils
et pour être mon salut jusqu'aux extrémités de la terre. Ce
sont les choses que le Seigneur a dites à celui qui a humilié
son âme, qui a été en mépris et en abomination aux gentils,
et qui s'est soumis aux puissants de la terre. Les princes et les
rois t'adoreront, parce que le Seigneur qui t'a élu est fidèle.
1. La pagination que Pascal indique est relie de la première édition. Elle a été repro-
duite en marge dans la suivante. Je ne sais ce que signifie, En Egypte.
194 PENSÉES DE PASCAL
Le Seigneur m'a dit encore : Je t'ai exaucé dans les jours de
salut et de miséricorde, et je t'ai établi pour être l'alliance du
peuple, et te mettre en possession des nations les plus abandon-
nées; afin que tu dises à ceux qui sont dans les chaînes : Sortez
en liberté; et à ceux qui sont dans les ténèbres : Venez à la
lumière, et possédez des terres abondantes et fertiles. Ils ne
seront plus travaillés ni de la faim, ni de la soif, ni de l'ardeur
du soleil, parce que celui qui a eu compassion d'eux sera leur
conducteur : il les mènera aux sources vivantes des eaux, et
aplanira les montagnes devant eux. Voici, les peuples aborde-
ront de toutes parts, d'Orient, d'Occident, d'Aquilon et de Midi.
Que le ciel en rende gloire à Dieu ; que la terre s'en réjouisse,
parce qu'il a plu au Seigneur de consoler son peuple, et qu'il aura
enfin pitié des pauvres qui espèrent en lui. Et cependant Sion
a osé dire : Le Seigneur m'a abandonné, et n'a plus mémoire
de moi. Une mère peut-elle mettre en oubli son enfant, et peut-
elle perdre la tendresse pour celui qu'elle a porté dans son sein?
mais quand elle en serait capable, je ne t'oublierai pourtant
jamais, Sion : je te porte toujours entre mes mains, et tes
murs sont toujours devant mes yeux. Ceux qui doivent te
rétablir accourent, et tes destructeurs seront éloignés. Lève
les yeux de toutes parts, et considère toute cette multitude qui
est assemblée pour venir à toi. Je jure que tous ces peuples te
seront donnés comme l'ornement duquel tu seras à jamais
revêtue ; tes déserts et tes solitudes, et toutes tes terres, qui
sont maintenant désolées, seront trop étroites pour le grand
nombre de tes habitants, et les enfants qui te naîtront dans
les années de la stérilité te diront : La place est trop petite,
écarte les frontières, et fais-nous place pour habiter. Alors tu
diras en toi-même : Qui est-ce qui m'a donné cette abondance
d'enfants, moi qui n'enfantais plus, qui étais stérile, transpor-
tée et captive? et qui est-ce qui me les a nourris, moi qui étais
délaissée sans secours ? D'où sont donc venus tous ceux-ci ?
Et le Seigneur te dira : Voici, j'ai fait paraître ma puissance
sur les gentils, et j'ai élevé mon étendard sur les peuples, et
ils t'apporteront des enfants dans leurs bras et dans leurs
seins ; les rois et les reines seront tes nourriciers, ils t'adoreront
le visage contre terre, et baiseront la poussière de tes pieds;
ARTICLE XXV 105
et tu connaîtras que je suis le Seigneur, et que ceux qui espè-
rent en moi ne seront jamais confondus; car qui peut ôter la
proie à celui qui est fort et puissant ? Mais encore même qu'on
la lui pût ôter, rien ne pourra empêcher que je ne sauve tes
enfants, et que je ne perde tes ennemis, et tout le monde recon-
naîtra que je suis le Seigneur ton sauveur, et le puissant ré-
dempteur de Jacob. » (l) « Le Seigneur dit ces choses : Quel
est ce libelle de divorce par lequel j'ai répudié la synagogue ?
et pourquoi l'ai-je livrée entre les mains de vos ennemis ? n'est-
ce pas pour ses impiétés et pour ses crimes que je l'ai répudiée?
Car je suis venu et personne ne m'a reçu; j'ai appelé et per-
sonne n'a écouté; est-ce que mon bras est accourci et que je
n'ai pas la puissance de sauver ? C'est pour cela que je ferai
paraître les marques de ma colère :... je couvrirai les cieux de
ténèbres et les cacherai sous des voiles. Le Seigneur m'a donné
une langue bien instruite, afin que je sache consoler par ma
parole celui qui est dans la tristesse. Il m'a rendu attentif à
ses discours, et je l'ai écouté comme un maître (en disciple).
Le Seigneur m'a révélé ses volontés et je n'y ai point été re-
belle. J'ai livré mon corps aux coups et mes joues aux outra-
ges; j'ai abandonné mon visage aux ignominies et aux crachats;
mais le Seigneur m'a soutenu, et c'est pourquoi je n'ai point
été confondu. Celui qui me justifie est avec moi : qui osera
m'accuser ? qui se lèvera pour disputer contre moi, et pour
m' accuser de péché, Dieu étant lui-même mon protecteur ?
Tous les hommes passeront, et seront consommés par le temps ;
que ceux qui craignent Dieu écoutent donc les paroles de son
serviteur ; que celui qui languit dans les ténèbres mette sa
confiance au Seigneur. Mais pour vous , vous ne faites qu'em-
braser la colère de Dieu sur vous, vous marchez sur les bra-
siers et entre les flammes que vous-mêmes avez allumées :
c'est ma main qui a fait venir ces maux sur vous ; vous périrez
dans les douleurs. » (li) « Écoutez-moi, vous qui suivez la
justice et qui cherchez le Seigneur ; regardez à la pierre d'où
vous êtes taillés, et à la citerne d'où vous êtes tirés. Regardez
à Abraham votre père, et à Sara qui vous a enfantés : voyez
qu'il était seul et sans enfant quand je l'ai appelé et que je
lui ai donné une postérité si abondante; voyez combien de
196 PENSÉES DE PASCAL
bénédictions j'ai répandues sur Sion, et de combien de grâces
et de consolations je l'ai comblée. Considérez toutes ces choses,
mon peuple, et rendez-vous attentif à mes paroles, car une loi
sortira de moi, et un jugement qui sera la lumière des Gen-
tils. y> — Amos, vin. Le prophète ayant fait un dénombrement
des péchés d'Israël, dit que Dieu a juré d'en faire la vengeance.
Dit ainsi (9) : « En ce jour-là, dit le Seigneur, je ferai coucher
le soleil à midi, et je couvrirai la terre de ténèbres dans le
jour de lumière; je changerai vos fêtes solennelles en pleurs,
et tous vos cantiques en plaintes. Vous serez tous dans la tris-
tesse et dans les souffrances, et je mettrai cette nation en une
désolation pareille à celle de la mort d'un fils unique ; et ces
derniers temps seront des temps d'amertume : car voici, les
jours viennent, dit le Seigneur, que j'enverrai sur cette terre
la famine, la faim, non pas la faim et la soif de pain et d'eau,
mais la faim et la soif d'ouïr des paroles de la part du Sei-
gneur. Ils iront errants d'une mer jusqu'à l'autre, et se porte-
ront d'Aquilon en Orient; ils tourneront de toutes parts en
cherchant qui leur annonce la parole du Seigneur, et ils n'en
trouveront point. Et leurs vierges et leurs jeunes hommes
périront en cette soif, eux qui ont suivi les idoles de Samarie,
qui ont juré par le Dieu adoré en Dan, et qui ont suivi le culte
de Bersabée ; ils tomberont, et ne se relèveront jamais de leur
chute. » — Amos, ni, 2 : « De toutes les nations de la terre , je
n'ai reconnu que vous pour être mon peuple. » — Daniel, xn, 7,
ayant décrit toute l'étendue du règne du Messie, dit : « Toutes ces
choses s'accompliront lorsque la dispersion du peuple d'Israël
sera accomplie. » — Aggée, n, 4 : « Vous qui, comparant cette
seconde maison à la gloire de la première, la méprisez, prenez
courage, dit le Seigneur, à vous Zorobabel, et à vous, Jésus
grand prêtre, et à vous, tout le peuple de la terre, et ne cessez
point d'y travailler; car je suis avec vous, dit le Seigneur des
armées ; la promesse subsiste, que j'ai faite quand je vous ai
retirés d'Egypte ; mon esprit est au milieu de vous. Ne perdez
point espérance, car le Seigneur des armées dit ainsi : Encore
un peu de temps, et j'ébranlerai le ciel et la terre, et la mer et
la terre ferme (Façon de parler pour marquer un changement
grand et extraordinaire) ; et j'ébranlerai toutes les nations. Et
ARTICLE XXV 197
alors viendra celui qui est désiré par tons les gentils, et je
remplirai cette maison de gloire, dit le Seigneur. L'argent et
l'or sont à moi, dit le Seigneur (C'est-à-dire que ce n'est pas
de cela que je veux être honoré : comme il est dit ailleurs ;
Toutes les ne tes des champs sont à moi . à quoi sert de me les
offrir en sacrifice?); la gloire de ce nouveau temple sera bien
plus grande que la gloire du premier, dit le Seigneur des ar-
mées; et j'établirai ma maison en ce lieu-ci, dit le Seigneur. »
— {Deut. xvin, 16) : «... En Horeb, au jour où vous y étiez as-
semblés, et que vous dites : Que le Seigneur ne parle plus lui-
même à nous, et que nous ne voyions plus ce feu, de peur que
nous ne mourions. Et le Seigneur me dit : Leur prière est
juste : je leur susciterai un prophète tel que vous du milieu
de leurs frères, dans la bouche duquel je mettrai mes paroles :
et il leur dira toutes les choses que je lui aurai ordonnées; et
il arrivera que quiconque n'obéira point aux paroles qu'il lui
portera en mon nom, j'en ferai moi-même le jugement. » — Ge-
nèse, xlix(8) : « Vous, Juda, vous serez loué de vos frères, et
vainqueur de vos ennemis ; les enfants de votre père vous ado-
reront. Juda, faon de lion, vous êtes monté à la proie, ô mon
fils ! et vous êtes couché comme un lion, et comme une lion-
nesse qui s'éveillera. Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni
le législateur d'entre ses pieds, jusqu'à ce que Silo vienne;
et les nations s'assembleront à lui pour lui obéir1, n
Païens^ ^Mahomet
172.
Après que bien des gens sont venus devant, il est venu en-
tin Jésus-Christ dire : Me voici, et voici le temps. Ce que
les prophètes ont dit devoir avenir dans la suite des temps, je
I. Pascal, averti sans doute par quelque commentaire, traduit ici d'après 1 hébreu. La
Vulgate dit : Donec veniat qui mittendus est. On s'accorde en effet généralement à en-
tendre par Silo ou Schiloh le Messie, sans que ce nom soit expliqué d'une manière sa-
tisfaisante.
198 PENSÉES DE PASCAL
vous dis que mes apôtres le vont faire. Les Juifs vont être re-
butés, Hiérusalem sera bientôt détruite ; et les païens vont en-
trer dans la connaissance de Dieu. Mes apôtres le vont faire
après que aurez tué l'héritier de la vigne (Marc, xn, 6). Et
puis les apôtres ont dit aux Juifs : Vous allez être maudits
(Celsus s'en moquait); et aux païens : Vous allez entrer dans
la connaissance de Dieu. Et cela arrive alors.
173.
Il est non-seulement impossible, mais inutile de connaître
Dieu sans Jésus-Christ. Ils ne s'en sont pas éloignés, mais
approchés; ils ne se sont pas abaissés, mais... Quo quisquam
optimus est, pessimus, si hoc ipsum, quod optimus est, adscribat
sibi1.
174.
Preuves de Jésus-Chrtst. Pourquoi le livre de Ruth con-
servé. Pourquoi l'histoire de Thamar.
175.
Les Juifs, en éprouvant s'il était Dieu, ont montré qu'il était
homme.
176.
Pourquoi Jésus-Christ n'est-il pas venu d'une manière visi-
ble, au lieu de tirer sa preuve des prophéties précédentes?
Pourquoi s'est-il fait prédire en figures ?
177.
Sur ce que Josèphe ni Tacite et les autres historiens n'ont
point parlé de Jésus-Christ. Tant s'en faut que cela fasse contre,
qu'au contraire cela fait pour. Car il est certain que Jésus-
Christ a été, et que sa religion a fait grand bruit et que ces
gens-là ne l'ignoraient pas, et qu'ainsi il est visible qu'ils ne
l'ont celé qu'à dessein ; ou qu'ils en ont parlé, et qu'on l'a ou
supprimé ou changé.
178.
Vocation des gentils par Jésus-Christ. Ruine des Juifs et
des païens par Jésus-Christ.
1. Je ne puis dire d'où est pris ce texte latin.
ARTICLE XXV 191)
179.
Si le diable favorisait la doctrine qui le détruit, il serait di-
visé, comme disait Jésus-Christ. Si Dieu favorisait la doctrine
qui détruit l'Eglise, il serait divisé : Omne regnum divisum, etc.
[Luc, xi, 47.] Car Jésus-Christ agissait contre le diable et dé-
truisait son empire sur les cœurs, dont l'exorcisme est la figu-
ration, pour établir le royaume de Dieu. Et ainsi il ajoute : Si
in digito Dei, etc., Regnum Dei ad vos, etc.
180.
OmnisJudœa regio, et Jerosolymitœ universi, et baptizabantur
(Marc, i, 5). A cause de toutes les conditions d'hommes qui y
venaient.
Des pierres peuvent être enfants d'Abraham (Matth. m, 9).
Si on se connaissait, Dieu guérirait et pardonnerait. Ne
convertantur, et sanem eos, et dimittantur eis peccata... Marc
(rv, 12, haie vi, 10.)
Jésus-Christ n'a jamais condamné sans ouïr. A Judas :
Amice, ad quid venisti ? A celui qui n'avait pas la robe nuptiale,
de même.
181.
Concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, orgueil ;
etc. Il y a trois ordres de choses : la chair, l'esprit, la volonté.
Les charnels sont les riches, les rois : ils ont pour objet le
corps. Les curieux et savants : ils ont pour objet l'esprit. Les
sages : ils ont pour objet la justice. Dieu doit régner sur tout,
et tout se rapporte à lui. Dans les choses de la chair règne
proprement la concupiscence ; dans les spirituelles, la curiosité
proprement ; dans la sagesse, l'orgueil proprement. Ce n'est
pas qu'on ne puisse être glorieux pour les biens ou pour les
eonnaissances, mais ce n'est pas le lieu de l'orgueil ; car en ac-
cordant à un homme qu'il est savant, on ne laissera pas de le
convaincre qu'il a tort d'être superbe. Le lieu propre à la su-
perbe est la sagesse; car on ne peut accorder à un homme
qu'il s'est rendu sage, et qu'il a tort d'être glorieux ; car cela
est de justice. Aussi Dieu seul donne la sagesse : et c'est pour-
quoi, Qui ghriatur, in Domino giorietur1.
1. I Cor. i, 31, d'après Jér. ix, 15.
200 PENSÉES DE PASCAL
182.
Soumission, et usage de la raison; en quoi consiste le vrai
christianisme.
183.
Impiété, de ne pas croire Y Eucharistie, sur ce qu'on ne la
voit pas
184.
C'est une chose si visible, qu'il faut aimer un seul Dieu,
qu'il ne faut point de miracles pour le prouver.
Bel état de l'Église, quand elle n'est plus soutenue que de
Dieu.
185.
Cette religion si grande en miracles (saints Pères irréprocha-
bles; savants et grands; témoins, martyrs, rois [David] établis;
Isaïe, prince du sang); si grande en science; après avoir étalé
tous ses miracles et toute sa sagesse, elle réprouve tout cela
et dit qu'elle n'a ni sagesse ni signes, mais la croix et la folie.
Car ceux qui par ces signes et cette sagesse ont mérité votre
créance, et qui vous ont prouvé leur caractère, vous décla-
rent que rien de tout cela ne peut vous changer, et nous
rendre capables de connaître et aimer Dieu, que la vertu de la
folie de la croix, sans sagesse ni signes; et non point les signes
sans cette vertu. Ainsi notre religion est folle, en regardant à
la cause effective, et sage en regardant à la sagesse qui y pré-
pare.
186.
... Que l'Écriture a deux sens, que Jésus-Christ et les apôtres
ont donnés, dont voici les preuves : 1° Preuve par l'Écriture
même. 2° Preuve par les rabbins. Moïse Maymon dit qu'elle a
deux faces, et que les prophètes n'ont prophétisé que Jésus-
Christ. 3° Preuves par la cabale. 4° Preuves par l'interpréta-
tion mystique que les rabbins même donnent à l'Écriture.
5° Preuves par les principes des rabbins, qu'il y a deux sens.
Qu'il y a deux avènements du Messie, glorieux ou abject, se-
lon leur mérite; que les prophètes n'ont prophétisé que du
Messie. La loi n'est pas éternelle, mais doit changer au Messie.
Qu'alors on ne se souviendra plus de la mer Rouge; que les
Juifs et les gentils seront mêlés.
ARTICLE XXV ?0l
187.
Les mouvements de grâce, la durett'; de cœur, les circonstan-
ces extérieures.
188.
Différence entre le dîner et le souper *.
En Dieu la parole ne diffère pas de l'intention, car il est véri-
table; ni la parole de l'effet, car il est puissant; ni les moyens
de l'effet, car il est sage. Bern. ult. Serm. in Missam.
Augustin, de Civ. V, 10. Cette règle est générale. Dieu
peut tout, hormis les choses lesquelles s'il les pouvait il ne se-
rait pas tout-puissant, comme mourir, être trompé et men-
tir, etc.
Plusieurs évangélistes pour la confirmation de la vérité ; leur
dissemblance, utile.
Eucharistie après la Cène. Vérité après figure. Ruine de
Jérusalem, figure de la ruine du monde, 40 ans après la mort
de Jésus- Christ. « Je ne sais pas » comme homme, ou comme
légat 2. Jésus -Christ condamné par les Juifs et Gentils.
Les Juifs et Gentils figurés par les deux fils : Aug., de Civ.,
XX, 29.
189.
/*£) Les figures de l'Evangile pour l'état de l'âme malade sont
des corps malades; mais parce qu'un corps ne peut être assez
malade pour le bien exprimer, il en a fallu plusieurs. Ainsi il
y a le sourd, le muet, l'aveugle, le paralytique, le Lazare mort,
le possédé. Tout cela ensemble est dans l'âme malade.
190.
Elle est toute le corps de Jésus-Christ, en son patois, mais il
ne peut dire qu'elle est tout le corps de Jésus-Christ. L'union
de deux choses sans changement ne fait point qu'on puisse dire
que l'une devient l'autre. Ainsi l'àme unie au corps, le feu au
bois, sans changement. Mais il faut changement, qui fasse que
la forme de Tune devienne la forme de l'autre : ainsi l'union du
Verbe à l'homme. Parce que mon corps sans mon âme ne ferait
pas le corps d'un homme; donc mon âme, unie à quelque ma-
1. Voir Luc, xiv, 12. — Cf. Aristote, Métaph., V1LI, n ; Brandis, p. 166, ]. 21.
2. C'est-à-dire que, quand Jésus dit qu'il ne sait pas quand viendra la derûière heure
'Alzrc xui, 32), il parle saDs doute comme homme ou comme simple envoyé.
202 PENSÉES DE PASCAL
tière que ce soit, fera mon corps. Il me distingue la condition
nécessaire d'avec la condition suffisante ; l'union est nécessaire,
mais non suffisante. Le bras gauche n'est pas le droit. L'impé-
nétrabilité est une propriété des corps. Identité de numéro au
regard du même temps exige l'identité de la matière. Ainsi si
Dieu unissait mon âme à un corps à la Chine, le même corps,
idem numéro, serait à la Chine. La même rivière qui coule
là est idem numéro que celle qui coule en même temps à la
Chine1.
191.
Fascination. Somnum suum(Ps. lxxv, 6.) Figura hujusmundi
(I Cor. vu, 31).
L'Eucharistie. Comedes panem tuum (Deut. vin, 9). Panem
nostrum {Luc, xi, 3).
Inimici Dei terram lingent (Ps. lxxi, 9.) Les pécheurs lèchent
la terre, c'est-à-dire , aiment les plaisirs terrestres.
Singularis sum ego donec transeam (Ps. cxl, 10.) Jésus-Christ
avant sa mort était presque seul de martyr.
192.
Les deux raisons contraires. Il faut commencer par là; sans
cela on n'entend rien, et tout est hérétique. Et même, à la fln
de chaque vérité, il faut ajouter qu'on se souvient de la vérité
opposée.
193.
Canonique. Les hérétiques, au commencement de l'Eglise,
servent à prouver les canoniques.
194.
Dieu (et les apôtres), prévoyant que les semences d'orgueil
feraient naître les hérésies, et ne voulant pas leur donner occa-
sion de naître par des termes propres, a mis dans l'Écriture et
les prières de l'Église des mots et des sentences contraires pour
produire leurs fruits dans le temps. De même qu'il donne dans
la morale la charité, qui produit des fruits contre la concupis-
cence. Celui qui sait la volonté de son maître sera battu de
1. Ce fragment est l'ébauche d'une réfutation des arguments de quelque ministre pro-
testant contre la présence réelle. Pascal prend sans doute dans son auteur même les
termes scolastiquo.-; par lesquels il définit l'identité. Pour entendre la dernière phrase, il
»emMe qu'il faut supposer que l'eau est la même daus touLes les rivières.
ARTTCT.E xxv 203
plus de coups, à cause du pouvoir qu'il a par la connaissance.
Qui justus est justificetur adhuc {Apoc. xxn, 11); à cause du
pouvoir qu'il a par la justice. A celui qui a le plus reçu sera le
plus grand compte demandé, à cause du pouvoir qu'il a par le
secours.
195.
La république chrétienne, et même judaïque, n'a eu que
Dit u pour maître, comme remarque Philon juif, De là Monar-
chie. Quand ils combattaient, ce n'était que pour Dieu; n'es-
péraient principalement que de Dieu; ils ne considéraient leurs
villes que comme étant à Dieu, et les conservaient pour Dieu.
I Paralip., xix, 13 *.
196.
La victoire sur la mort. [I Cor., xv, 57.] Que sert à l'homme
de gagner tout le monde, s'il perd son âme [Luc, ix, 25]? Qui
veut garder son âme la perdra [ibid., 24],
Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l'accomplir [Matth.,
v, 17]. Les agneaux n'ôtaient point les péchés du monde, mais
je suis l'agneau qui ôte les péchés [/ean, I, 29]. Moïse ne vous
a point donné le pain du ciel [ibid., vi, 32]. Moïse ne vous a
point tirés de captivité et ne vous a point rendus véritable-
ment libres [ibid. , vm, 36].
197.
Saint Augustin a dit formellement que les forces seraient
ôtées au juste. Mais c'est par hasard qu'il l'a dit; car il pou-
vait arriver que l'occasion de le dire ne s'offrît pas. Mais ses
principes font voir que, l'occasion s'en présentant, il était im-
possible qu'il ne le dît, ou qu'il dit rien de contraire. C'est
donc plus d'être forcé à le dire, l'occasion s'en offrant , que de
l'avoir dit, l'occasion s' étant offerte ; l'un étant de nécessité, l'au-
tre de hasard. Mais les deux sont tout ce qu'on peut demander.
198.
Quand Auguste eut appris qu'entre les enfants qu'Hérode
avait fait mourir, au-dessous de l'âge de deux ans, était son
propre fils, il dit qu'il était meilleur d'être le pourceau d'Hé-
rode que son fils. Macrob. (Saturn.) livre II, c. 4.
I. En titre dan3 l'autographe, République»
20' PENSÉES DE PASCAL
199.
Voir ce qu'il y a de clair dans tout l'état des Juifs, et d'in-
contestable *.
200.
Eh quoi! Ne dites-vous pas vous-même que le ciel et les oi-
seaux prouvent Dieu ? — Non. — Et votre religion ne le dit-
elle pas? — Non. Car encore que cela est vrai en un sens pour
quelques âmes à qui Dieu donne cette lumière, néanmoins cela
est faux à l'égard de la plupart.
201.
Nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philo*
sophorum. Gic de Divin. II, 58 '.
202.
Est et non est sera-t-il reçu dans la foi, aussi bien que dans
ies miracles?
Quand saint Xavier fait des miracles ..*1
Miracles continuels, faux.
203,
Toujours ou les hommes ont parlé du vrai Dieu, ou le vra
Dieu a parlé aux hommes.
Les deux fondements, l'un intérieur, l'autre extérieur; la
grâce, les miracles ; tous deux surnaturels.
204.
Judith. Enfin Dieu parle dans les dernières oppressions. Si
le refroidissement de la charité laisse l'Eglise presque sans
vrais adorateurs, les miracles en exciteront. C'est un des der-
niers effets de la grâce.
S'il se faisait un miracle aux Jésuites î
Quand le miracle trompe l'attente de ceux en présence des-
quels il arrive, et qu'il y a disproportion entre l'état de leur foi
et l'instrument du miracle, alors il doit les porter à changer.
Mais vous, autrement. Il y aurait autant de raison à dire que,
■h En titre dans l'autographe, Ordre.
2. On trouve çà et là dans le manuscrit quelques textes semblables, isolés, et proba-
blement pris dans Montaigne. 11 suftira d'avoir reproduit le plus caractéristique : « 11 n'y
» rien de si absurde à dire qui ne soit dit par quelque philosophe. » Apol., t. ni, p. 268.
3. Saint François-Xavier était jésuite.
ARTICLE XXV 205
si l'Eucharistie ressuscitait un mort, il faudrait se rendre cal-
viniste que demeurer catholique. Mais quand il couronne l'at-
tente, et que ceux qui ont espéré que Dieu bénirait les remè-
des se voient guéris sans remèdes...
205.
Comme Dieu n'a pas rendu de famille plus heureuse, qu'il
fasse aussi qu'il n'en trouve point de plus reconnaissante l.
206.
Roi et tyran. J'aurai aussi mes pensées de derrière la tête.
Je prendrai garde à chaque voyage.
207.
Qu'y a-t-il de plus absurde que de dire que des corps inani-
més ont des passions, des craintes, des horreurs? Que des
corps insensibles, sans vie, et même incapables de vie, aient
des passions, qui présupposent une âme au moins sensitive
pour les ressentir ? De plus, que l'objet de cette horreur fût le
vide? Qu'y a-t-il dans le vide qui puisse leur faire peur? Qu'y
a-t-il de plus bas et de plus ridicule? Ce n'est pas tout : qu'ils
aient eu eux-mêmes un principe de mouvement, pour éviter
le vide? Ont-ils des bras, des jambes, des muscles, des
nerfs»? '
208.
Venise. Quel avantage en tirerez-vous, sinon du besoin
qu'en ont les princes, et de l'horreur qu'en ont les peuples?
S'ils vous avaient demandés, et que pour l'obtenir ils eussent
imploré l'assistance des princes chrétiens, vous pourriez faire
valoir cette recherche. Mais que durant cinquante ans tous les
princes s'y soient employés inutilement, et qu'il ait fallu un
aussi pressant besoin pour l'obtenir 3
1. En titre dans l'autographe, Sur le miracle.
2. Ce fragment porte dans l'autographe cette indication : Part. I, l. II, c. i,s. 4;
c'est-à-dire, sans doute, lre partie, livre II, chapitre 1, section 4, du Traité du Vide,
auquel Pascal a travaillé longtemps. Voyez un fragment considérable de ce Traité dans
les Opuscules.
3. Les Jésuites avaient été bannis en 1606 du territoire de Venise. En 1657, la Répu-
blique venait d'accorder enfin leur rappel aux instances du pape, de la cour de France
et des autres puissances catholiques, qu'elle était alors dans la nécessité de ménager, se
trouvant très-embarrassée de la guerre qu'elle soutenait contre les Turcs.
14
ii.
2°ô PENSÉES DE PASCAL
209.
LE MYSTÈRE DE JÉSUS1
Jésus souffre dans sa passion les tourments que lui font les
hommes; mais dans Fagonie il souffre les tourments qu'il se
donne à lui-même : turbare semetipsum *. C'est un supplice
d'une main non humaine, mais toute puissante, car il faut être
tout-puissant pour le soutenir.
Jésus cherche quelque consolation au moins dans ses trois
plus chers amis, et ils dorment. Il les prie de soutenir un peu
avec lui8, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si
peu de compassion qu'elle ne pouvait seulement les empêcher
de dormir un moment. Et ainsi Jésus était délaissé seul à la
colère de Dieu.
Jésus est seul dans la terre, non-seulement qui ressente et
partage sa peine, mais qui la sache ; le ciel et lui sont seuls
dans cette connaissance.
Jésus est dans un jardin, non de délices, comme le premier
Adam, où il se perdit, et tout le genre humain; mais dans un
de supplices, où il s'est sauvé, et tout le genre humain.
Il souffre cette peine et cet abandon dans l'horreur de la
nuit.
Je crois que Jésus ne s'est jamais plaint que cette seule fois;
mais alors il se plaint comme s'il n'eût plus pu contenir sa
Couleur excessive : Mon âme est triste jusqu'à la mort.
Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part
des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble.
Mais il n'en reçoit point, car ses disciples dorment.
1. Ce morceau précieux a été publié pour la première fois par M. Faugère. Il se trouve
à la page 87 du eahier autographe. On doit le regarder comme faisant partie des Pensées.
2. Jean, xi, 33, en parlant de l'émotion que Jésus éprouve à la vue de ceux qui pleurent
sur Lazare mort. Il y a seipsum dans le texte.
3. Pascal traduit mot à mot l'expression latine : Sustinete hic, Patientez ici. Matth.
xxvi, 38.
ARTICLE XXV 207
Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde : il ne faut pas
dormir pendant ce temps-là.
Jésus, au milieu de ce délaissement universel, et de ses
amis choisis pour veiller avec lui *, les trouvant dormant, s'en
fâche à cause du péril où ils exposent non lui, mais eux-mê-
mes, et les avertit de leur propre salut et de leur bien, avec
une tendresse cordiale pour eux pendnnt leur ingratitude, et
les avertit que l'esprit est prompt et la chair infirme.
Jésus, les trouvant encore dormant, sans que ni sa considé-
ration ni la leur les en eût retenus, il a la bonté de ne pas les
éveiller, et les laisse dans leur repos.
Jésus prie dans l'incertitude de la volonté du Père, et craint
la mort; mais l'ayant connue, il va au-devant s'offrir à elle :
Eamus. Processif (Joannes) *.
Jésus a prié les hommes, et n'en a pas été exaucé.
Jésus, pendant que ces disciples dormaient, a opéré leur
salut. Il Ta fait à chacun des justes pendant qu'ils dormaient,
et dans le néant avant leur naissance, et dans les péchés depuis
leur naissance.
Il ne prie qu'une fois que le calice passe, et encore avec sou-
mission ; et deux fois qu'il vienne, s'il le faut.
Jésus dans l'ennui. Jésus voyant tous ses amis endormis et
tous ses ennemis vigilants, se remet tout entier à son père.
Jésus ne regarde pas dans Judas son inimitié, mais Tordre
de Dieu qu'il aime, et l'avoue, puisqu'il l'appelle ami 3.
Jésus s'arrache d'avec ses disciples pour entrer dans l'ago-
nie ; il faut s'arracher de ses plus proches et des plus intimes
pour l'imiter.
Jésus étant dans l'agonie et dans les plus grandes peines,
prions plus longtemps4.
2.
Console-toi : tu ne chercherais pas , si tu ne m'avais
trouvé.
1. Comme s'il y avait : ce délaissement de la part de tous et de se* amis,
î. Matth., xxvi, 46, et Jean, xvm, 4.
3. Matth., xxvi, 50.
4. Luc, xxn, 43 : t Et étant entré en agonie, il pria longtemps {proàxiu» orabat). »
Il semble que Pascal fait ici une pause, et passe de la méditation à l'oraison, à une orai-
son pareille à celle de Jésus, inquiète et tourmentée.
208 PENSÉES DE PASCAL
Je pensais à toi dans mon agonie ; j'ai versé telles gouttes de
sang pour toi *.
C'est me tenter plus que t'éprouver, que de penser si tu fe-
rais bien telle et telle chose absente; je la ferai en toi si elle
irrive.
Laisse-toi conduire à mes règles; vois comme j'ai bien con-
duit la Vierge et les Saints, qui m'ont laissé agir en eux.
Le Père aime tout ce que je fais.
Veux- tu qu'il me coûte toujours du sang de mon humanité,
sans que tu donnes des larmes?
C'est mon affaire que ta conversion; ne crains point, et prie
avec confiance, comme pour moi.
Je te suis présent par ma parole dans l'Écriture; par mon
esprit dans l'Église, et par les inspirations 2 ; par ma puissance
dans les prêtres; par ma prière dans les Fidèles.
Les médecins ne te guériront pas ; car tu mourras à la fin.
Mais c'est moi qui guéris, et rends le corps immortel.
Souffre les chaînes et la servitude corporelles ; je ne te dé-
livre que de la spirituelle à présent.
Je te suis plus ami que tel et tel; car j'ai fait pour toi plus
qu'eux, et ils ne souffriraient pas ce que j'ai souffert de toi, et
ne_mourraient pas pour toi dans le temps de tes infidélités et
cruautés, comme j'ai fait, et comme je suis prêt à faire et fais,
dans mes élus et au Saint- Sacrement.
Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur. — Je le per-
drai donc, Seigneur, car je crois leur malice sur votre assu-
rance. — Non, car moi, par qui tu l'apprends, t'en peux guérir,
et ce que je te le dis, est un signe que je te veux guérir. A me-
sure que tu les expieras, tu les connaîtras, et il te sera dit :
Vois les péchés qui te sont remis. Fais donc pénitence pour
tes péchés cachés et pour la malice occulte de ceux que tu con-
nais 3.
— Seigneur, je vous donne tout.
1. Ibid. 44 : «Et il lui vint une sueur, comme de gouttes de sang qui découlaient
jusqu'à terre. » Mais l'imagination émue a besoin de traits précis; Pascal s'attache à
telle goutte qu'il s'applique ; il se lait sa part dans le sang de Jésus-Christ.
2. C'est-à-dire, et dans les inspirations. Voir sur les inspirations le Iragment ci-
après.
3. Souvenir de ces mots du psaume xvm, 13 : A b occultis mets munda m».
ARTTCT.E XXV WJ
— Je t'aime plus ardemment que lu n'as aimé tes souillures.
Utimmumius pro luto ».
Qu'à moi en soit la gloire , et non à toi, ver et terre.
Interroge ton directeur, quand mes propres paroles te sont
occasion de mal, et de vanité ou curiosité.
3.
Je vois mon abîme, d'orgueil, de curiosité, de concupiscence.
Il n'y a nul rapport de moi à Dieu, ni à Jésus-Christ juste.
Mais il a été fail péché par moi * ; tous vos fléaux sont tombés
sur lui •. Il est plus abominable que moi, et loin de m'ab-
horrer, il se tient honoré que j'aille à lui et le secoure.
Mais il s'est guéri lui-même, et me guérira à plus forte
raison.
Il faut ajouter mes plaies aux siennes, et me joindre à lui,
et il me sauvera en se sauvant.
Mais il n'en faut pas ajouter à l'avenir.
4.
Consolez-vous : ce n'est pas de vous que vous devez l'atten-
dre ; mais au contraire en n'attendant rien de vous, que vous
devez l'attendre.
5.
Jésus-Christ était mort, mais vu, sur la croix. Il est mort
et caché dans le sépulcre.
Jésus-Christ n'a été enseveli que par des saints.
Jésus-Christ n'a fait aucuns miracles au sépulcre.
Il n'y a que des saints qui y entrent.
C'est là où Jésus -Christ prend une nouvelle vie, non sur la
croix.
C'est le dernier mystère de la passion et de la rédemption.
Jésus-Christ n'a point eu où se reposer sur la terre qu'au
sépulcre *.
Ses ennemis n'ont cessé de le travailler qu'au sépulcre.
1. • Comme l'homme immonde est pour sa fange. » Je ne sais d'où sont prises ce»
paroles; elles ne sont pas de l'Ecriture.
2. C'est l'expression de Paul, II Cor. \, 21.
3. 11 s'adresse à Dieu.
4. Ed. titre dans l'autographe, Sépulcre de Jésus-CnnlST.
210 PENSÉES DE PASCAL
6.
Je te parle et te conseille souvent, parce que ton conducteur
ne te peut parler; car je ne veux pas que tu manques de con-
ducteur. Et peut-être je le fais à ses prières, et ainsi il te con-
duit sans que tu le voies. Tu ne me chercherais pas, si tu ne
me possédais ; ne t'inquiète donc pas.
7.
Ne te compare point aux autres, mais à moi. Si tu ne m'y
trouves pas, dans ceux où tu te compares, tu te compares à un
abominable. Si tu m'y trouves, compare-t-y. Mais qu'y com-
pareras-tu? Sera-ce toi, ou moi dans toi? Si c'est toi, c'est un
abominable. Si c'est moi, tu compares moi à moi. Or je suis
Dieu en tout.
8.
Il me semble que Jésus -Christ ne laissa toucher que ses
plaies, après sa résurrection : Noli me tangere1. 11 ne faut nous
unir qu'à ses souffrances.
9.
... Il s'est donné à communier comme mortel en la Cène,
comme ressuscité aux disciples d'Emmaus, comme monté au
ciel à toute l'Église.
10.
« Priez, de peur d'entrer en tentation [Luc, xxn, 46]. » H est
dangereux d'être tenté; et ceux qui le sont, c'est parce qu'ils
ne prient pas.
Et tu conversus confirma fratres tuos *. Mais auparavant, con-
venus Jésus respexit Petrum 8.
Saint Pierre demande permission de frapper Malchus, et
1. • Ne me touche pas. » Jean, xx, 17. Ce sont les paroles de Jésus à Marie de Mag-
dala quand il lui apparaît au sépulcre et qu'elle le salue. Mais il fait toucher ses plaies à
Thomas incrédule : ibid. 27.
2. Luc, xxn, 32, Il y a dans le texte, aliquando conversus : « Plus tard, étant retourné à
moi, tu raffermiras tes frères. • C'est à Pierre que Jésus parle ainsi.
3. Ibid. 61. Conversus Dominus , dans le texte. Pierre vient de renier Jésus pour la
troisième fois, et le coq a chanté. « Le Seigneur, s'étant retourné vers Pierre, le regarda;
et Pierre se souvint des paroles que le Seigneur lui avait dites..., et étant sorti, il plenra
amèrement. » Pascal veut appuyer par ce texte la doctrine de la grâce nécessitante et
prévenante : il veut montrer que Pierre ne se tourne vers Jésus qu'après que Jésus t'est
tourné vers IvÂ-
REMARQUES SUR L*ARTTCLE XXV. 211
frappe devant que d'ouïr la réponse; et Jésus-Christ répond
après1.
11.
Jéstjs-Chrtst n'a pas voulu être tu*5 sans les formes de la jus-
tice; car il est bien plus ignominieux de mourir par justice que
par une sédition injuste.
12.
La fausse justice de Pilate ne sert qu'à faire souffrir* Jésus-
Christ; car il le fait fouetter pour sa fausse justice, et puis le
tue. Il vaudrait mieux l'avoir tué d'abord. Ainsi les faux jus-
tes. Ils font de bonnes œuvres et de méchantes pour plaire au
monde, et montrer qu'ils ne sont pas tout à fait à Jésus-Christ ;
car ils en ont honte. Et enfin, dans les grandes tentations et
occasions, ils le tuent.
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXV
Fragment 3. — « Il ne faut pas dire qu'il y a ce qu'on ne voit pas. »
Il l'a dit pourtant ailleurs intrépidement : « Qu'il y voit une infinité
d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, etc. »
Article Ier, fragment 1, page £•
Fragment 9. — « Mais ces êtres terminés se multiplient infiniment. »
Mais les espaces et les temps sont-ils des êtres ?
Fragment 10. — « La petitesse des esprits qui entrent dans les
pores. »
Les esprits n'entrent pas dans les pores ; les nerfs qui nous font
sentir la chaleur, la lumière, etc., s'épanouissent à la surface même
du corps comme tous les autres. Il est vrai seulement qu'il n'y a que
les nerfs de l'œil qui reçoivent l'impression de la lumière, ceux de l'o-
reille celle du son, etc.
Fragment 11 bis. — « L'histoire du brochet et de la grenouille de
Liancourt. » On lit dans les Mémoires de Fontaine, t. n, p. 470 :
« M Arnauld,.. qui était entré dans le système de Descartes sur les
I. Voilà ce qui arrive toutes les fois que l'homme pèche^ o'est qu« la grâce ne l'a pas
prévenu, que Dieu l'a laissé agir avant de lui parler.
212 PENSÉES DE PASCAL.
bêtes, soutenait que ce n'était que des horloges... M. de Liancourt lui
dit : J'ai là-bas deux chiens qui tournent la broche chacun leur jour;
l'un s'en trouvant embarrassé, se cacha lorsqu'on l'allait prendre, et
on eut recours à son camarade pour tourner au lieu de lui. Le cama-
rade cria, et fit signe de la queue qu'on le suivît. Il alla dénicher l'au-
tre dans le grenier et le houspilla. Sont-ce là des horloges? dit-il à
M. Arnauld, qui trouva cela si plaisant, qu'il ne put faire autre chose
que d'en rire. »
Fragment 14. — « La mémoire est nécessaire pour toutes les opéra-
tions de la raison. » Buffon, dans le Discours sur la nature des animaux,
pose le même principe. Ensuite il soutient que les animaux, quoiqu'ils
aient une faculté de réminiscence, n'ont pas véritablement la mémoire;
parce qu'en se rappelant le pcisé, ils ne se le rappellent pas comme
passé, et ne font pas entrer dans leur souvenir l'idée du temps. Il en
conclut que les animaux n'ont point la puissance de réfléchir, l'enten-
dement, la pensée. Je serais porté à croire que, quand Pascal écrivait
cette phrase, c'était aussi pour arriver à cette conclusion.
Fragment 17. — « Combien de royaumes nous ignorent! » Cette
pensée est développée magnifiquement dans le Songe de SJpion, mais
Cicéron voulait seulement exprimer le peu qu'est la gloire humaine.
L'idée de Pascal ne va-t-elle pas plus loin? Ne semble-t-il pas que
cet isolement le trouble, et qu'un doute le gagne quand il songe com-
bien peu de place tiennent dans l'étendue du monde telles lois, coutu-
mes ou croyances qui régnent souverainement là où il est? On craint
de se tromper en donnant trop de portée à quelques mots de Pascal ;
mais on peut aboutir là en partant d'où il part, et c'est ce qu'a fait
Voltaire (Dictionnaire philosophique, article Géographie, à la fin).
Franment 17 bis. — « Le silence éternel de ces espaces infinis m'ef-
fraie. » Ainsi ailleurs, en regardant tout l'univers muet (xr, 8); et en-
core (xiv, 2) : La nature ne m'offre rien qui ne soit matière de doute et
d'inquiétude. Mais ces paroles sont peu de chose auprès de ce grand
cri, que Port-Royal avait étouffé.
Fragment 19. — « Chacun croit être tout a tous. » Dans un sens
bien autre que celui où Paul disait qu'il s'était fait tout a tous (I Cor.
ix, 22). Paul tâchait de satisfaire à toutes les exigences des autres;
l'homme de Pascal prétend avoir sur les autres tous les droits.
Fragment 20. — « Le monde ordinaire a le pouvoir de ne pas son-
ger, etc. » C'est romme s'il eût dit, le monde ordinaire n'est pas phi
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXV 213
losophe. On n'est ni philosophe ni critique quand on peut s'empêcher
de songer; et il y a des hommes distinguos, et même de grands hom-
mes, qui sont dans ce cas.
« Ne pensez pas aux passages du Messie, disait le Juif à son fils.
Ainsi font les nôtres souvent. » Les nôtres disent : No pensez pas aux dif-
ficultés de l'Ecriture, aux objections qu'on peut faire sur les dogmes,
les mystères, etc. Fénelon dit dans sa Lettre à l'évêque d'Arras, que
j'ai déjà citée : o Toutes les difficultés... s'évanouissent sans peine, dès
qu'on a l'esprit guéri de la présomption. Alors, suivant la règle de
saint Augustin (Epist. ad Hier.), on passe sur tout ce que l'on n en-
tend pas, et on s'édifie de tout ce qu'on entend. » On n'est pas étonné
que Port-Royal ait supprimé ce fragment. Aucune autorité n'eût sup-
porté ce ton hardi et sincère.
Fragment 25 ter. — « Trop luxuriant. » Luxuriant est une expres-
sion latine, qui se dit proprement d'un luxe de végétation, et par
suite de toute espèce de surabondance. La vraie élégance, même en lit-
térature, n'est pas si éloignée de cette élégance des mathématiciens,
qui consiste à exposer la vérité de la façon la plus simple et la plus
nette.
« L'inquiétude de son génie. Trop de deux mots hardis. » Excel-
lente leçon de style. Le mot ^inquiétude est en effet d'une grande
force, d'après l'étymologie ; il signifie proprement l'impossibilité de
demeurer en repos. C'est le sens qu'il a dans les vers de Racan :
Vallons, fleuves, rochers, plaisante solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude,
Soyez-le désormais de mon contentement.
De mon inquiétude, c'est-à-dire, de l'agitation perpétuelle de ma vie.
Et dans ceux-ci de La Fontaine (Fables, VI, 5)
Lorsque deux animaux m'ont arrêté les yeux t
L'un doux, bénin et gracieux,
Et l'autre turbulent et plein d'inquiétude.
C'est celui du mot inquiet dans ce passage de Bossuet (Or. fun. de la
Reine d'Angleterre) : « Ils ont dans le fond du cœur je ne sais quoi
d'inquiet, qui s'échappe si on leur ôte ce frein nécessaire. » Et dans
ces autres vers de La Fontaine (Fables, IX, 2) :
Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète?
Quant au mot génie, le génie d'un homme n'est pas seulement son na-
turel, son caractère, c'est comme une puissance mystérieuse qui ré-
side en lui, et qui le fait ce qu'il est. Néron confie à Narcisse (Britanr
214 PENSÉES DE PASCAL
nicus, acte II, scène 2) qu'il est las de subir l'ascendant d'Agrippine,
et qu'il fait tout ce qu'il peut pour y échapper .
Mais enfin mes efforts ne me servent de riea;
Mon génie étonné tremble devant le sien.
Il suffit d'un pareil vers pour faire sentir tout ce qu'il peut y avoir
dans un mot. Si maintenant on prodigue ces termes expressifs, on leur
ôte leur effet, pour vouloir faire trop d'effet. Si on dit l'inquiétude de
son génie, quand ce serait assez de dire, l'inquiétude de son esprit,
ou même peut-être, la mobilité de son esprit, on étonne plutôt qu'on
ne touche, et bientôt on n'étonne même plus. Pour qu'une expression
soit vraiment forte, il faut qu'elle ne soit employée qu'à propos. Mais
plus on a écrit dans une langue, plus ceux qui écrivent craignent d'a-
voir un style faible et commun ; ils mettent partout les mots les plus
vifs, et ils les usent par cela même ; de sorte qu'ils restent faibles et
communs, et qu'ils sont de plus ampoulés et fatigants.
Fragment 26. — o L'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le
dépit, le désespoir. » Plus le style de Pascal est sobre d'habitude, et
plus nous sommes accoutumés à ne lui voir dire chaque chose qu'une
seule fois et d'une seule façon, plus il nous accable ici par ces syno-
nymes multipliés. Il nous fait mieux mesurer l'abîme, en se repre-
nant à tant de fois pour le creuser devant nous.
Fragment 26 bis. — « Quand un soldat se plaint de la peine qu'il a,
ou un laboureur, etc., qu'on les mette sans rien faire. » N'est-ce pas
comme s'il disait : quand un homme se plaint de manger des choses
mauvaises et rebutantes, qu'on le mette sans manger?
Fragment 34. — « Pyrrhonisme est le remède à ce mal, et rabattra
cette vanité, » La vanité de prétendre avoir des idées assez claires et
assez sûres pour juger de ce qu'il était juste ou convenable que Dieu
fît. Mais que faisait Pascal de son pyrrhonisme, quand il disait :
«Dieu doit aux hommes... Il est impossible par le devoir de Dieu, etc.»
(xxiii, 9, 11.) Il s'appuyait alors sur cette ferme base des idées mo-
rales, et ne croyait pas faire un sot discours. C'est qu'alors il avait in-
térêt à raisonner, et maintenant il a intérêt à échapper au raisonne
ment.
Fragment 38. — o On a bien de l'obligation à ceux qui avertissent
des défauts... Ils apprennent qu'on a été méprisé, ils n'empêchent pas
qu'on ne le soit a l'avenir. » Aucun autre que Pascal ne pouvait s'avi-
ser d'un pareil motif pour nous obliger à aimer le blâme et les repro-
REMARQUES SUR L'ARTICLE XXV. 21b
ches. Tous les moralistes humains auraient dit : Si la censure nous
chagrine comme signe du mépris que nous avons encouru, nous lui
devons du moins cela quelle nous corrige, et nous garantit ainsi de ce
même mépris pour l'avenir.
Fragment 40. — « La foi est un don de Dieu.» Voyez le passage de
Platon cité dans l'Étude sur les Pensées, page xi de l'Introduction.
Fragment 41 . — « Comme des Juifs élus à l'exclusion des gentils. »
Les Juifs choisis à l'exclusion des gentils pour être le peuple de Dieu
ne sont pour Pascal qu'une figure, la figure des prédestinés élus à l'ex-
clusion des réprouvés.
Il me semble que Pascal lui-même n'a pu mettre dans une pareille
théologie que tout au plus assez de clarté pour rendre les ténèbres vi-
sibles.
Fragment 48. — « Ceux qui n'aiment pas la vérité. » Il est clair qu'il
s'agit de la vérité janséniste.
Fragment 49. — « Fausse humilité, orgueil. » C'est-à-dire que cette
humilité, qui n'ose rien décider par elle-même, qui dit qu'elle ne peut
que s'en rapporter à l'autorité, est fausse. C'est réellement un orgueil,
qui ne veut pas se soumettre à la raison.
Fragment 50. — « Et ainsi saint Paul... dit qu'il n'est venu ni en
sagesse ni en signes. » On lit au contraire dans la seconde Lettre à
ceux de Corinthe (xn, 12) : « Les marques de ma mission se sont
produites parmi vous en toute sorte d'épreuves, en signes, en prodiges
et en vertus surnaturelles. »
Fragment 55. — « Pourquoi Dieu a établi la prière. » Il est égale-
ment vrai, d'après la doctrine janséniste, premièrement, que Dieu
donne sa grâce à qui la demande ; secondement, qu'il ne la donne qu'à
qui il lui plaît, qu'aux prédestinés à qui il a résolu de toute éternité de
la donner. Donc nul ne peut la demander que les prédestinés, ou en
Vautres termes, que ceux qui Font déjà. Mais alors pourquoi faut-il
m'ils la demandent, et à quoi bon la prière? Voilà la difficulté.
Fragment 55 bis. — « Jamais il n'a promis les prières qu'aux en-
fants de la promesse. » Aux élus. Expression de Paul, Rom. ix, 8.
Dieu a promis d'adopter les fils d'Abraham, mais non pas ses fils selon
la chair. Les vrais fils d'Abraham, ce sont ceux qui suivent Jésus-
Christ. C'est à ceux-là que s'appliquait la promesse faite à Abraham,
ils sont les fils de la promesse, frUipromissionis. Il y a opposition entre
216 PENSÉES DE PASCAL.
ces deux mots, Injustice, lapromesse. Dieu ne doit la justice qu'à ceux
à qui il adonné, par pure faveur, de la mériter. Nous sommes au plus
profond des obscurités de la grâce.
Fragment 60. — « Il faut se connaître soi-même ; quand cela ne ser-
virait pas a trouver le vrai, cela au moins sert à régler sa vie. » Mais
comment peut-on régler sa vie si on n'a pas une vérité pour servir de
règle? Pascal essayait-il donc, comme Kantl'a fait depuis, de séparer
la raison pratique et la raison pure ? Il se montre ailleurs plus consé-
quent et plus absolu, il pense que l'homme n'a que faire de la science
de l'homme non plus que de toute autre science (vi, 23).
Fragment 61 bis. — « Montaigne contre les miracles. Montaigne
pour les miracles. » La contradiction entre les deux chapitres est en
effet si frappante, que je doute qu'on puisse les accorder entre eux,
comme le veut Pascal, et supposer que l'un ne fait que compléter
l'autre. Je crois que la vraie pensée de Montaigne est plutôt au livre
III, qui n'a été fait qu'assez longtemps après les deux autres, et où
Montaigne s'est ouvert davantage, enhardi par l'âge et surtout par le
succès. Et c'est là en effet que les auteurs de la Logique de Port-Royal
l'ont cherché (Logique, quatrième partie, chap. 13). C'est là qu'il paraît,
non pas seulement prudent, mais tout à fait rebelle et indocile au su-
jet du merveilleux, sauf quelques réserves suggérées par une autre
espèce de prudence, qui n'est pas celle dont Pascal le loue ; prudence
de politique, non de philosophe.
Dans l'autre endroit, il est croyant à force de pyrrhonisme, ne distin-
guant plus entre la nature et le surnaturel, entre le raisonnable et l'ir-
raisonnable. (Voyez les Remarques sur le fragment 24 de l'article
xxiv.) D'ailleurs l'hérésie protestante, qu'il n'aime pas comme poli-
tique, lui a fait voir le danger d'appliquer l'esprit de critique à cer-
taines matières. « Car aprez que selon vostre bel entendement, vous
avez estably les limites de la vérité et de la mensonge, et qu'il se trouve
que vous avez nécessairement à croire des choses où il y a encores plus
d'estrangeté qu'en ce que vous niez, vous vous estes desia obligé de
les abandonner... Ou il fault se soubmettre du tout à l'auctorité de
nostre police ecclésiastique, ou du tout s'en dispenser : ce n'est pas à
nous à establir la part que nous lui debvons d'obeïssance. » J'imagine
que Pascal n'acceptait pas de Montaigne un principe aussi contraire
aux prétentions du jansénisme; mais je me figure aussi que Montaigne
n'eût pas aisément accepté de Pascal le miracle de la Sainte-Epine,
en faveur duquel le champion des saints de Port-Royal invoque ici son
autorité profane.
REMARQUES SUR [/ARTICLE XXV 217
Fragment fi3. — « Je ne puis juger d'un ouvrage en le faisant;
il faut que je fasse, comme les peintres, et que je m'en éloigne, »
La même idée, ou" une idée analogue, so trouve au commencement
lu livre de Plutarque contre la Colère, «yi ào^y^as : « Les peintres
/ont sagement, à mon avis, avant d'achever un ouvrage, de l'examiner
à certains intervalles ; car tandis qu'ils en éloignent ainsi leur vue, ils
la renouvellent par ce fréquent examen, et la rendent plus capable
d'apprécier de petites nuances, qui se dérobent par l'habitude et la
continuité. »
Fragment 65. — « Les nombres imitent l'espace, qui sont de nature
si différente. » L'espace n'est cependant qu'une quantité.
Fragment 66. — « Les enfants de Port- Royal, auxquels on ne donne
point cet aiguillon d'euvie et de gloire. » Voyez le Port-Royal de
M. Sainte-Beuve, t. m, Ecoles de Port-Royal. Et, à la page 402 (lre édi-
tion), un passage des Mémoires de Fontaine, où il dit de M. de Saci :
a Quand il y avait quelque bien dans quelqu'un de ces enfants, il me
conseillait toujours de n'en point parler, et d'étouffor cela dans le se-
cret. » Quintilien au contraire : « Je '.eux un enfant que la louange
excite, qui aime la gloire, qui pleure d'être vaincu (I, 3).» Quintilien
prépare un artiste en éloquence , et Saci un solitaire. Si nous voulons
un honnête homme, suivons la nature en la tempérant.
fragment 68. — « On aime à voir l'erreur, la passion de Gléobuline,
«te. » Dans une Lettre de madame de Sévigné à sa fille, du 13 mai
1671, on lit ces mots à l'occasion de madame Des Pennes, quia été ai-
mable comme un ange : « Mademoiselle de Scudéri l'adorait; c'était
la princesse GléobnHne : elle avait un prince Thrasybuleen ce temps-
là, c'est la plus jolie histoire de Cyrus. » En citant ce passage dans
ma première édition, j'avertissais que le prince Thrasybulc, qui est
bien un des héros du Cyrus, n'y est pas l'amant de Gléobuline. Mais ce
n'était pas la seule rectification à faire.
M. Cousin, dans son livre de La Société française au xvne siècle
(1858), t. ier page 252, établit péremptoirement que madame Des Pen-
nes n'est pas représentée dans le Cyrus sous le nom de la princesse
Gléobuline, mais sous celui de la princesse Cléonisbe (tom. VILE du
Cyrus, au livre TI). Mais Cléonisbe elle-même a pour amant le prince
Peranius et non Thrasybule ; madame de Sévigné s'est donc trompée
deux fois, si elle a écrit ce que ses éditeurs ont imprimé.
Quant à la Gléobuline de Curus, M. Cousin a montré (page 211)
218 PENSEES DE PASCAt
qu'elle représente la fameuse Christine, et que Myrinthe est le comte
Magnus de la Gardie, sujet suédois, Français d'origine, qui a été le
premier favori de la reine de Suède.
On sait que Mlle de Scudéry était en très-bons termes avec MM. de
Port- Royal, qu'elle avait flattés dans la Clélie (voyez Sainte-Beuve,
Port-Royal, t. h, lre édition, p. 259 et suivantes). Mais quand on a lu
ce fragment, on est étonné de voir Pascal s'exprimer ainsi à la fin de
la quinzième Provinciale... « Que doit-on répondre de même à tous les
discours vagues de cette sorte qui sont dans vos livres, et dans vos
avertissements sur mes lettres, par exemple.... que je suis aussi pen-
sionnaire de Port-Royal, et que je faisais des romans avant mes lettres,
moi qui n'en ai jamais lu aucun, etc. »
Il semble qu'il y a ici quelque chose de cet entraînement oratoire,
que les ami6 nomment hyperbole, et que les ennemis appellent men-
songe*
Fragment 69. — « Prince, à un roi, plaît, parce qu'il diminue sa
qualité. » Dans ma première édition, j'avais mal interprété cette
phrase. Elle m'a été expliquée par M. Ravaisson.
Fragment 80. — « Les sauvages n'ont que faire de la Provence. »
11 pourrait bien y avoir là un souvenir de Montaigne, dans son cha-
pitre fameux des Cannibales (1, 30) : « Au demeurant ils vivent en une
contrée de païs tres-plaisante et bien tempérée : de façon qu'à ce que
m'ont dict mes tesmoings, il est rare d'y veoir un homme malade. »
Tome il, page 59. — Voir, plutôt, De la coustume, I, 22, p. 169.
Fragment 93 bis. — « Et Job.... Scio enim quod redemptor meus
vivit, etc. » Le texte hébreu ne paraît pas devoir s'entendre comme
l'entend Pascal, d'après la Vulgate. Voici comment le traduit M. Renan
(Le Livre de Job, 1859, page 82) :
Car je le sais, mon vengeur existe,
Et il apparaîtra enfin sur la terre.
Quand cette peau sera tombée en lambeaux,
Privé de ma chair, je verrai Dieu.
Et il entend que Job se promet que Dieu le vengera après sa
mort, et qu'il compte jouir, tout mort qu'il sera et à l'état de sque-
lette, de cette vengeance.
Fragment 99 bis. — « Les six âges. Les six Pères des six âges, etc. »
Tout le chapitre d'Augustin d'où est pris ce fragment est fort étrange.
REMARQUES SUR L AKTICLE XXV. 219
On y voit que les six âges du monde répondent aux six jours de la créa-
tion suivant la Genèse, avec leur matin et leursoir. Les six matins (ou
les six orients) sont la création, la sortie de l'arche, la vocation d'A-
braham, le règne de David, la transmigration à Babylone, la prédica-
tion de Jésus. Les six soirs sont le déluge, la confusion des langues,
etc. Les Pères sont Adam, Noé, etc.; il n'y en a pas d'indiqué pour le
cinquième âge. Le troisième âge, qui répond à l'adolescence, c'est-à-
dire au temps où l'homme acquiert la faculté d'engendrer, est en effet
celui où a été engendré le peuple de Dieu, qui n'existait pas encore.
Cet âge a eu quatorze générations, aussi que les deux suivants ; les
deux premiers n'en ont eu que dix chacun ; c'est qu'ils répondent à la
première et à la seconde enfance, âges où toute la vie est enfermée
dans les sens ; et que cinq, qui est le nombre des sens, multiplié par
deux, qui est celui des sexes, donne dix. Le dernier âge du monde est
sans limite précise, comme la vieillesse dans la vie. Il est triste que de
pareilles idées aient eu de l'autorité pendant des siècles, et qu'elles aient
occupé encore les méditations d'un Pascal.
Fragment 104. — « Les passions ainsi dominées sont vertus.... Il
faut s'en servir comme d'esclaves. » Quand Pascal écrivait les Pro-
vinciales, il ne pouvait empêcher que son amour-propre ne jouît des
applaudis ements du monde. Il sentait encore d'autres passions flattées
en lui, comme la colère et l'amour de la vengeance. Que faire à cela?
Laisser à ces passions leur aliment et la force qu'elles en tirent, pour
tourner cette force au profit de l'œuvre qu'il prétendait accomplir, la
défense de la grâce de Jésus-Christ. Car la passion donne une grande
puissance. Mais en même temps, s'efforcer de dominer ces sentiments,
au lieu d'en être dominé, et conserver la charité au fond de son âme.
Voilà ce que je crois apercevoir dans ce fragment curieux et subtil.
— Mlle de Scudéri écrivait d'Arnauld d'AndilIy (dans un portrait cité
par M. Sainte-Beuve, Port-Rotjal, lrC édit., t. n, p. 260) : « Il se sert
même de la colère pour défendre la justice, quand il ne peut faire
autrement. »
Fragment 105. — « Mais tandis que Dieu ne la veut pas, nous la
devons regarder comme péché. » Cette chose que Dieu ne veut pas
serait-ce le succès du jansénisme dans le monde, la fortune de Port-
Royal? Il semble que l'ardent sectaire, par ces paroles, gourmande
l'impatience de son parti, qui ne peut plus se contenir.
Fragment 108. — a Mais l'ordre ne serait pas gardé..; saint Tho-
mas ne l'a pas gardé. » Les élèves d'Augustin, de Jansénius et de
'220 PENSÉES DE PASCAt
Saint-Cyran goûtaient peu la seholastique, même dans les livres de
Y Ange de l'École (voir Sainte-Beuve, Port-Royal, lre édit., t. n, pages
35, 96, 163). H n'y a en effet dans Thomas qu'un ordre extérieur et
objectif, qui suppose la science toute faite, et qui l'impose à l'esprit
arbitrairement; tandis que l'ordre intérieur et subjectif que Pascal de-
mande est celui même que suit notre intelligence pour arriver à la
vérité. Thomas commence par la notion de Dieu, Pascal par la con-
naissance de soi-même. Mais à qui devait-il cet ordre, sinon à Des-
cartes, qui savait si bien ce que c'est, que c'est lui qui l'a enseigné aux
hommes de son temps?
« La mathématique le garde, mais elle est inutile en sa profondeur.»
Remarquons ces derniers mots. Les éléments de la science sont utiles,
mais ces conclusions reculées où elle mène l'esprit par des voies si
abstruses et si sûres paraissent ne l'être plus. L'analyse mathématique,
pour servir aux applications, doit abandonner de sa rigueur.
Fragment 127. — « Il n'y a rien de si périlleux que ce qui plaît à
Dieu et aux hommes, etc. » Peut-être que Pascal se défend encore ici
de l'orgueil que pouvaient lui donner les Provinciales. Voyez le frag-
ment 104 et la Remarque.
Fragments 143 et 144. — « Tradition ample du péché originel selon
les Juifs, etc. » M. Renan m'écrivait sur ce passage, à l'occasion do
ma première édition : « La note de Pascal n'est qu'un tissu d'erreurs.»
Fragment 174. — « Pourquoi le livre de Ruth conservé. » La iô-
ponse, dans la pensée de Pascal, est que le livre de Ruth a été con-
servé à cause de la généalogie qui le termine, et qui établit, d'une part,
que David descend d'Obed, fils de Booz et de Ruth, et de l'autre, que
Booz descend de Phérès , qui est lui-même fils de Juda , comme on
le voit dans l'histoire de Thamar, (Genèse, xxxviu, 29). Donc David,
et par conséquent Jésus-Christ (qui, d'après les Évangiles, descend
de David) est bien sorti de Juda, ainsi que le Messie en devait sortir,
d'après la manière dont on interprète ce qu'on appelle la prophétie de
Jacob (Genèse, xlix). Donc Jésus-Christ est bien le Messie.
Le livre de Ruth paraît en effet avoir pour objet de rattacher David
à Juda, mais rien de plus. Le narrateur ne pense pas du tout au Mes-
sie. Quand le poëte de la Légende des siècles fait faire à Booz un rêve,
où il voit sortir de lui le Christ sur la croix, il ne prend pas cela dans
le texte, mais dans les commentaires de l'Église. Au reste, ce n'est
plus avec des préoccupations théologiques qu'on lit aujourd'hui cette
REMARQUES SUR L*ÀRTIC|E XXV 221
idylle biblique , mais pour y recueillir la grands poésie que Victor
Hugo a développée dans son Booz endormi :
Booz ne savait point qu'une femme était là,
Et Rut h ne savait point ce que Dieu voulait d'elle... clt\
Fragment 209. — « Le Mystère de Jésus. »
Ce morceau appartient à un genre de méditations dont il a été parlé
à l'occasion de la Vie de Pascal, page lxxxvii de l'Introduction, note 2.
N° 1. — a Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde; il ne faut
pas dormir pendant ce temps-la. » Cette parole rappelle celle d'Arnauld,
quand on le pressait de se reposer enfin après tant de luttes : Eh !
n'aurons-nous pas toute l'éternité pour nous reposer?
«c Le Père aime toutce que je fais. » Ce je contient tout un mystère;
c'est que le Père et le Fils ne font qu'un.
N° 2. — « Les médecins ne te guériront pas, car tu mourras à la
fin. » Entendez-vous le cri de douleur qui a appelé cette réponse? Re-
connaissez-vous dans cet homme, qui s'entretient mystérieusement
avec Jésus, Pascal malade, attendant la mort, et souffrant pour ainsi
dire tous les jours sa passion et son agonie?
« Mais c'est moi qui guéris, et rends le corps immortel. » La ré-
surrection de la chair, qui tient tant de place dans les pensées des
premiers chrétiens , parce qu'ils attendaient d'un moment à l'autre
cette résurrection et l'avènement du royaume de Dieu, en tient beau-
coup moins dans celles des chrétiens des temps modernes. Mais Pas-
cal sentait trop cruellement son corps pour l'oublier. Il avait besoin
de penser que cette substance de corruption doit revêtir l'incorruptibi-
lité, et cette substance de mort V immortalité (I Cor. xv, 53).
« Interroge ton directeur. » Ainsi dans le papier mystique que Pas-
cal portait sur lui : « Soumission totale à Jésus-Christ, et a mon di-
recteur. » Voir page cvn de l'Introduction.
Mais les sentiments de Pascal sont tout entiers dans le numéro 6;
il s'y montre bien loin du mysticisme. Tandis que le mystique, indo-
cile à l'autorité, se flatte d'un commerce intime avec Dieu, et d'une
communication de tous les moments, Pascal se laisse conduire habi-
tuellement par celui qui a la charge de son âme, et c'est seulement
dans le silence de cette voix autorisée, qu'il croit que Dieu se fait en-
tendre lui-même au fond de son cœur. Et il rapporte encore au direc-
teur, en les attribuant à ses prières, les inspirations reçues loin de lui.
N° 10. — « Saint Pierre demande permission de frapper Mal chus. »
Luc, xxii, 49. Mais Luc dit en général : « Ceux qui entouraient Jésus
lui dirent : Seigneur, si nous frappions de l'épée? Et l'un d'eux avant
il. 15
222 PENSÉES DE PASCAL
frappé un serviteur du prince des prêtres, lui coupa l'oreille droite.
Jésus répondit : Laisse. Et ayant touché l'oreille coupée, il la guérit.»
Luc (non plus que Marc et Matthieu) ne nomme ni Pierre ni Malchus.
Ces noms se trouvent dans Jean, xvm, 10. Mais Jean (ni Matthieu ni
Marc) n'indique que la permission de frapper ait été demandée. Cette
circonstance n'est que dans Luc, ainsi que le miracle de l'oreille gué-
rie. Dans Marc, Jésus ne prend pas même la parole. Il s'exprime au
contraire dans Matthieu et Jean d'une manière plus étendue que dans
saint Luc, et plus explicite.
Au contraire, ce qui est dit de Pilate dans le numéro 12 vient du récit
de Jean, xix, 1, 12, 16. Dans Matthieu et Marc, Pilate ne fait pas
fouetter Jésus pour satisfaire les Juifs à moitié ; c'est quand il est dé-
cidé aie leur livrer qu'il lui inflige la flagellation comme un préli-
minaire du dernier supplice. Dans Luc, il propose aux Juifs de châ-
tier Jésus et de le renvoyer ensuite ; mais ils insistent , et il le livre
pour être crucifié, sans qu'il soit dit que Jésus subisse en effet la fla-
gellation.
OPUSCULES DE PASCAL
PRIÈRE
POUR DEMANDER A DIEU EE BON USAGE DES MALADIES*
I. Seigneur, dont l'esprit est si bon et si doux en toutes
choses, et qui êtes tellement miséricordieux, que non-seulement
les prospérités, mais les disgrâces mêmes qui arrivent à vos
élus sont des effets de votre miséricorde, faites-moi la grâce
de n'agir pas en païen dans l'état où votre justice m'a réduit :
que comme un vrai chrétien je vous reconnaisse pour mon
père et pour mon Dieu, en quelque état que je me trouve,
puisque le changement de ma condition n'en apporte pas à la
vôtre; que vous êtes toujours le même, quoique je sois sujet
au changement, et que vous n'êtes pas moins Dieu quand vous
affligez et quand vous punissez, que quand vous consolez et
que vous usez d'indulgence.
II. Vous m'aviez donné la santé pour vous servir, et j'en ai
fait un usage tout profane. Vous m'envoyez maintenant la ma-
ladie pour me corriger ; ne permettez pas que j'en use pour
vous irriter par mon impatience. J'ai mal usé de ma santé, et
vous m'en avez justement puni. Ne souffrez pas que j'use mal de
1. On lit dans l'Avertissement de l'édition de Port-Royal : • L'on a aussi jugé à propos
d'ajouter à la fin de ces Pensées une prière que M. Pascal composa étant encore jeune,
dans une maladie qu'il eut, et qui a déjà été imprimée deux ou trois fois sur des copies
assez peu correctes , parce que ces impressions ont été faites sans la participation de
ceux qui donnent à présent ce recueil au public. » Cette prière a été composée vers 1648 :
Pascal avait alors 24 ans. Voir sa Vie dans l'Introduction, page lxviii. Je ne sais rien
sur ces impressions antérieures dont parlent MM. de Port-Royal.
224 OPUSCULES DE PASCAL
votre punition. Et puisque la corruption de ma nature est telle
qu'elle me rend vos faveurs pernicieuses, faites, ômon Dieu!
que votre grâce toute-puissante me rende vos châtiments salu-
taires. Si j'ai eu le cœur plein de l'affection du monde pendant
qu'il a eu quelque vigueur, anéantissez cette vigueur pour mon
salut; et rendez-moi incapable de jouir du monde, soit par
faiblesse de corps, soit par zèle de charité, pour ne jouir que
de vous seul.
III. 0 Dieu, devant qui je dois rendre un compta oxa:t de
toutes mes actions à la fin de ma vie et à la fin du monde I 0
Dieu, qui ne laissez subsister le monde et toutes les choses
du monde que pour exercer vos élus, ou pour punir les
pécheurs! 0 Dieu, qui laissez les pécheurs endurcis dans
l'usage délicieux et criminel du monde ! 0 Dieu , qui faites
mourir nos corps, qui à l'heure de la mort détachez notre
âme de tout ce qu'elle aimait au monde! O Dieu, qui m'arra-
cherez, à ce dernier moment de ma vie, de toutes les choses
auxquelles je me suis attaché, et où j'ai mis mon cœur ! O
Dieu, qui devez consumer au dernier jour le ciel et la terre et
toutes les créatures qu'ils contiennent, pour montrer à tous
les hommes que rien ne subsiste que vous, et qu'ainsi rien
n'est digne d'amour que vous, puisque rien n'est durable que
vous ! O Dieu , qui devez détruire toutes ces vaines idoles
et tous ces funestes objets de nos passions! je vous loue,
mon Dieu, et je vous bénirai tous les jours de ma vie, de ce
qu'il vous a plu prévenir en ma faveur ce jour épouvantable,
en détruisant à mon égard toutes choses, dans l'affaiblissement
où vous m'avez réduit. Je vous loue, mon Dieu, et je vous béni-
rai tous les jours de ma vie, de ce qu'il vous a plu me réduire
dans l'incapacité de jouir des douceurs de la santé et des plai-
sirs du monde, et de ce que vous avez anéanti en quelque
sorte, pour mon avantage, les idoles trompeuses que vous
anéantirez effectivement pour la confusion des méchants au
jour de votre colère. Faites, Seigneur, que je me juge moi-
même, ensuite de cette destruction que vous avez faite à mon
égard, afin que vous ne me jugiez pas vous-même, ensuite de
l'entière destruction que vous ferez de ma vie et du monde.
Car, Seigneur, comme à l'instant de ma nort je me trouverai
PRlftRE 225
séparé du monde, dénué de toutes choses, seul en votre pré-
sence, pour répondre à votre justice de tous les mouve-
ments de mon cœur; faites que je me considère en cette
maladie comme en une espèce de mort, séparé du monde,
dénué de tous les objets de mes attachements, seul en vo-
tre présence, pour implorer de votre miséricorde la conver-
sion de mon cœur; et qu'ainsi j'aie une extrême consolation
de ce que vous m'envoyez maintenant une espèce de mort
pour exercer votre miséricorde, avant que vous m'envoyiez ef-
fectivement la mort pour exercer votre jugement. Faites donc,
ô mon Dieu, que comme vous avez prévenu ma mort, je pré-
vienne la rigueur de votre sentence, et que je m'examine moi-
même avant votre jugement, pour trouver miséricorde en votre
présence.
IV. Faites, ô mon Dieu ! que j'adore en silence l'ordre de
votre providence adorable sur la conduite de ma vie ; que vo-
tre fléau me console; et qu'ayant vécu dans l'amertume de
mes péchés pendant la paix, je goûte les douceurs célestes de
votre grâce durant les maux salutaires dont vous m'affligez !
Mais je reconnais, mon Dieu, que mon cœur est tellement en-
durci et plein des idées, des soins, des inquiétudes et des at-
tachements du monde, que la maladie non plus que la santé,
ni les discours, ni les livres, ni vos Écritures sacrées, ni votre
Évangile, ni vos mystères les plus saints, ni les aumônes, ni les
jeûnes, ni les mortifications, ni les miracles, ni l'usage des sa-
crements, ni le sacrifice de votre corps, ni tous mes efforts,
ni ceux de tout le monde ensemble, ne peuvent rien du tout
pour commencer ma conversion, si vous n'accompagnez tou-
tes ces choses d'une assistance tout extraordinaire de votre
grâce. C'est pourquoi, mon Dieu, je m'adresse à vous, Dieu
tout-puissant, pour vous demander un don que toutes les
créatures ensemble ne peuvent m'accorder. Je n'aurais pas la
hardiesse de vous adresser mes cr' ., si quelque autre pouvait
les exaucer. Mais, mon Dieu, comme la conversion de mon
cœur, que je vous demande, est un ouvrage qui passe tous les
efforts de la nature, je ne puis m'adresser qu'à l'auteur et au
maître tout-puissant de la nature et de mon cœur. A qui crie-
rai-je, Seigneur, à qui aurai-je recours, si ce n'est à vous? Tout
22G OPUSCULES TIF PASCAL
ce qui n'est pas Dieu ne peut pas remplir mon attente. C'est
Dieu même que je demande et que je cherche ; et c'est à vous
seul, mon Dieu, que je m'adresse pour vous obtenir. Ouvrez
mon cœur, Seigneur ; entrez dans cette place rebelle que les
vices ont occupée. Ils la tiennent sujette. Entrez-y comme dans
la maison du fort1 ; mais liez auparavant le fort et puissant
ennemi qui la maîtrise, et prenez ensuite les trésors qui y sont.
Seigneur, prenez mes affections que le monde avait volées; vo-
lez vous-même ce trésor, ou plutôt reprenez-le, puisque c'est
à vous qu'il appartient, comme un tribut que je vous dois,
puisque votre image y est empreinte2. Vous l'y aviez formée,
Seigneur, au moment de mon baptême , qui est ma seconde
naissance; mais elle est tout effacée. L'idée du monde y est
tellement gravée, que la vôtre n'est plus connaissable. Vous
seul avez pu créer mon âme ; vous seul pouvez la créer de
nouveau ; vous seul y avez pu former votre image, vous seul
pouvez la reformer, et y réimprimer votre portrait effacé, c'est-
à-dire Jésus-Christ mon Sauveur, qui est votre image et le
caractère de votre substance 3.
V. 0 mon Dieu ! qu'un cœur est heureux qui peut aimer un
objet si charmant, qui ne le déshonore point, et dont l'attache-
ment lui est si salutaire 1 Je sens que je ne puis aimer le monde
sans vous déplaire, sans me nuire et sans me déshonorer ; et
néanmoins le monde est encore l'objet de mes délices. O mon
Dieu ! qu'une âme est heureuse dont vous êtes les délices; puis-
qu'elle peut s'abandonner à vous aimer, non-seulement sans
scrupule, mais encore avec mérite ! Que son bonheur est ferme
et durable, puisque son attente ne sera point frustrée, parce
que vous ne serez jamais détruit, et que ni la vie ni la mort ne
la sépareront jamais de l'objet de ses désirs; et que le même
moment qui entraînera les méchants avec leurs idoles dans
ane ruine commune, unira les justes avec vous dans une gloire
1. Allusion à un passage de l'Évangile, Marc, in, 27 : « Nul ne peut entrer dans la
maison du fort, et piller les objets qui lui appartiennent, si auparavant il ne lie le fort,
pour pouvoir ensuite piller sa maison, n
2. Autre allusion. Les Pharisiens demandent à Jésus s'il faut ou non payer le tribut a
César, t Et Jésus leur dit :... Montrez-moi le denier, que je le voie... Quelle est cette
*mage et cette légende? Ils répondirent : celle de César. Et il leur dit : Rendez donc &
César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Marc, xn, 15.
3. C'est-à-dire, la marque- ''emoreinte. au sens du mot grec
PiufiRE 227
commune ; et que comme les uns périront avec les objets pé-
rissables auxquels ils se sont attachés, les autres subsisteront
éternellement dans l'objet éternel et subsistant par soi-même
auquel ils se sont étroitement unis l Oh ! qu'heureux sont ceux
qui avec une liberté entière et une pente invincible de leur
volonté aiment parfaitement et librement ce qu'ils sont obli-
gés d'aimer nécessairement î
VI. Achevez, ô mon Dieu, les bons mouvements que vous
me donnez. Soyez- en la lin comme vous en êtes le principe.
Couronnez vos propres dons ; car je reconnais que ce sont vos
dons. Oui, mon Dieu ; et bien loin de prétendre que mes prières
aient du mérite qui vous oblige de les accorder de nécessité,
je reconnais très -humblement qu'ayant donné aux créatures
mon cœur, que vous n'aviez formé que pour vous, et non pas
pour le monde, ni pour moi-même, je ne puis attendre aucune
grâce que de votre miséricorde, puisque je n'ai rien en moi
qui vous y puisse engager, et que tous les mouvements natu-
rels de mon cœur, se portant vers les créatures ou vers moi-
même, ne peuvent que vous irriter. Je vous rends donc grâces,
mon Dieu, des bons mouvements que vous me donnez, et
de celui même que vous me donnez de vous en rendre grâces.
VII. Touchez mon cœur du repentir de mes fautes, puisque
sans cette douleur intérieure, les maux extérieurs dont vous
touchez mon corps me seraient une nouvelle occasion de péché.
Faites-moi bien connaître que les maux du corps ne sont autre
chose que la punition et la ligure tout ensemble des maux de
Tâme. Mais, Seigneur, faites aussi qu'ils en soient le remède,
en me faisant considérer, dans les douleurs que je sens, celle
que je ne sentais pas dans mon âme, quoique toute malade et
couverte d'ulcères. Car, Seigneur, la plus grande de ses mala-
dies est cette insensibilité et cette extrême faiblesse, qui lui
avait ôté tout sentiment de ses propres misères. Faites-les-moi
sentir vivement, et que ce qui me reste de vie soit une péni-
tence continuelle pour laver les offenses que j'ai commises.
VIII. Seigneur, bien que ma vie passée ait été exempte de
grands crimes, dont vous avez éloigné de moi les occasions,
elle vous a été néanmoins très-odieuse par sa négligence conti-
nuelle, par le mauvais usage de vos plus augustes sacrements,
228 OPUSCULES DE PASCAL
par le mépris de votre parole et de vos inspirations, par l'oisi-
veté et l'inutilité totale de mes actions et de mes pensées, par
la perte entière du temps que vous ne m'aviez donné que pour
vous adorer, pour rechercher en toutes mes occupations les
moyens de vous plaire, et pour faire pénitence des fautes qui
se commettent tous les jours, et qui même sont ordinaires aux
plus justes ; de sorte que leur vie doit être une pénitence con-
tinuelle sans laquelle ils sont en danger de déchoir de leur
ustice. Ainsi, mon Dieu, je vous ai toujours été contraire.
IX. Oui, Seigneur, jusqu'ici j'ai toujours été sourd à vos
inspirations, j'ai méprisé vos oracles ; j'ai jugé au contraire de
ce que vous jugez; j'ai contredit aux saintes maximes que vous
avez apportées au monde du sein de votre Père éternel, et suivant
esquelles vous jugerez le monde. Vous dites : Bienheureux sont
eux qui pleurent, et malheur à ceux qui sont consolés1 ! Et
moi j'ai dit : Malheureux ceux qui gémissent, et très-heureux
ceux qui sont consolés 1 J'ai dit : Heureux ceux qui jouissent
d'une fortune avantageuse, d'une réputation glorieuse et d'une
santé robuste! Et pourquoi les ai-je réputés heureux, sinon
parce que tous ces avantages leur fournissaient une facilité très-
ample de jouir des créatures, c'est-à-dire de vous offenser! Oui,
Seigneur, je confesse que j'ai estimé la santé un bien, non pas
parce qu'elle est un moyen facile pour vous servir avec utilité,
pour consommer plus de soins et de veilles à votre service, et
pour l'assistance du prochain, mais parce qu'à sa faveur je
pouvais m'abandonner avec moins de retenue dans l'abondance
des délices de la vie, et en mieux goûter les funestes plaisirs.
Faites-moi la grâce, Seigneur, de réformer ma raison cor-
rompue, et de conformer mes sentiments aux vôtres Que
je m'estime heureux dans l'affliction , et que dans l'impuis-
sance d'agir au dehors, vous purifiiez tellement mes senti-
ments qu'ils ne répugnent plus aux vôtres ; et qu'ainsi je vous
trouve au dedans de moi-même, puisque je ne puis vous cher-
cher au dehors à cause de ma faiblesse. Car, Seigneur, votre
royaume est dans vos Fidèles ; et je le trouverai dans moi-
même, si j'y trouve votre esprit et vos sentiments.
1. Luc, vi, 21, 24.
pmttnE 229
X. Mais, Seigneur, que ferai-je pour vous obliger à répan-
dre votre esprit sur cette misérable terre1? Tout ce que je suis
vous est odieux, et je ne trouve rien en moi qui vous puisse
agréer. Je n'y vois rien, Seigneur, que mes seules douleurs,
qui ont quelque ressemblance avec les vôtres. Considérez donc
les maux que je souffre et ceux qui me menacent. Voyez d'un
œil de miséricorde les plaies que votre main m'a faites, ô mon
Sauveur, qui avez aimé vos souffrances en la mort ! O Dieu qui
ne vous êtes fait homme que pour souffrir plus qu'aucun
homme pour le salut des hommes ! ô Dieu, qui ne vous êtes
incarné après le péché des hommes et qui n'avez pris un corps
que pour y souffrir tous les maux que nos péchés ont mérités !
ô Dieu, qui aimez tant les corps qui souffrent, que vous avez
choisi pour vous le corps le plus accablé de souffrances qui ait
jamais été au monde! ayez agréable mon corps, non pas pour
lui-même, ni pour tout ce qu'il contient, car tout y est digne
de votre colère, mais pour les maux qu'il endure, qui seuls
peuvent être dignes de votre amour. Aimez mes souffrance?,
Seigneur, et que mes maux vous invitent à me visiter. Mais
pour achever la préparation de votre demeure, faites, ô mon
Sauveur, que si mon corps a cela de commun avec le vôtre,
qu'il souffre pour mes offenses, mon âme ait aussi cela de
commun avec la vôtre, qu'elle soit dans la tristesse pour les
mêmes offenses ; et qu'ainsi je souffre avec vous, et comme
vous, et dans mon corps, et dans mon âme, pour les péchés
que j'ai commis.
XI. Faites-moi la grâce, Seigneur, de joindre vos consola-
tions à mes souffrances, afin que je souffre en chrétien. Je ne
demande pas d'être exempt des douleurs, car c'est la récom-
pense des saints ; mais je demande de n'être pas abandonné aux
douleurs de la nature sans les consolations de votre esprit; car
c'est la malédiction des Juifs et des païens. Je ne demande pas
d'avoir une plénitude de consolation sans aucune souffrance;
car c'est la vie de la gloire. Je ne demande pas aussi d'être
dans une plénitude de maux sans consolation ; car c'est un état
de judaïsme. Mais je demande, Seigneur, de ressentir tout en-
semble et les douleurs de la nature pour mes péchés, et les
1. Ceit-à-dir*,, sur moi oui ne suis qu'une misérabla terre.
530 OPUSCULES DE PASCAL
consolations de votre esprit par votre grâce ; car c'est le véri-
table état du christianisme. Que je ne sente pas des douleurs
sans consolation; mais que je sente des douleurs et de la con-
solation tout ensemble, pour arriver enfin à ne sentir plus que
vos consolations sans aucune douleur. Car, Seigneur, vous
avez laissé languir le monde dans les souffrances naturelles
sans consolation, avant la venue de votre Fils unique : vous
consolez maintenant et vous adoucissez les soulïrances de vos
Fidèles par la grâce de votre Fils unique ; et vous comblez
d'une béatitude toute pure vos saints dans la gloire de votre
Fils unique. Ce sont les admirables degrés par lesquels vous
conduisez vos ouvrages. Vous m'avez tiré du premier ; faite s -
moi passer par le second, pour arriver au troisième. Seigneur,
c'est la grâce que je vous demande.
XII. Ne permettez pas que je sois dans un tel éloignement
de vous, que je puisse considérer votre âme triste jusqu'à la
mort, et votre corps abattu par la mort pour mes propres pé-
chés, sans me réjouir de souffrir et dans mon corps et dans
mon âme. Car qu'y a-t-il de plus honteux, et néanmoins de
plus ordinaire dans les chrétiens et dans moi-même, que, tan-
dis que vous suez le sang pour l'expiation de nos offenses, nous
vivons dans les délices ; et que des chrétiens qui font profes-
sion d'être à vous, que ceux qui par le baptême ont renoncé
au monde pour vous suivre, que ceux qui ont juré solennelle-
ment à la face de l'Église de vivre et de mourir avec vous, que
ceux qui font profession de croire que le monde vous a persé-
cuté et crucifié, que ceux qui croient que vous vous êtes ex-
posé à la colère de Dieu et à la cruauté des hommes pour les
racheter de leurs crimes; que ceux, dis-je, qui croient toutes
ces vérités, qui considèrent votre corps comme l'hostie qui
s'est livrée pour leur salut, qui considèrent les plaisirs et les
péchés du monde comme l'unique sujet de vos souffrances, et
le monde même comme votre bourreau, recherchent à flatter
leurs corps par ces mêmes plaisirs, parmi ce même monde ; et
que ceux qui ne pourraient, sans frémir d'horreur, voir un
homme caresser et chérir le meurtrier de son père qui se se-
rait livré pour lui donner la vie1, puissent vivre comme j'ai
I. Qui se rapporte à son part.
PRTÊRE 231
fait, avec une pleine joie, parmi le monde que je sais avoir été
véritablement le meurtrier de celui que je reconnais pour mon
Dieu et mon père, qui s'est livré pour mon propre salut, et
qui a porté en sa personne la peine de mes iniquités? Il est
juste, Seigneur, que vous ayez interrompu une joie aussi cri-
minelle que celle dans laquelle je me reposais à l'ombre de la
mort.
XIII. Otez donc de moi, Seigneur, la tristesse que l'amour
de moi-même me pourrait donner de mes propres souffrances
et des choses du monde qui ne réussissent pas au gré des in-
clinations de mon cœur, et qui ne regardent pas votre gloire ;
mais mettez en moi une tristesse conforme à la vôtre. Que mes
souffrances servent à apaiser votre colère. Faites-en une occa-
sion de mon salut et de ma conversion. Que je ne souhaite dé-
sormais de santé et de vie qu'afin de l'employer et la finir pour
vous, avec vous et en vous. Je ne vous demande ni santé, ni
maladie, ni vie, ni mort ; mais que vous disposiez de ma santé
et de ma maladie, de ma vie et de ma mort, pour votre gloire,
pour mon salut et pour l'utilité de l'Eglise et de vos saints
dont j'espère par votre grâce faire une portion. Vous seul savez
ce qui m'est expédient : vous êtes le souverain maître, faites
ce que vous voudrez. Donnez-moi, ôtez-moi; mais conformez
ma volonté à la vôtre ; et que dans une soumission humble et
parfaite et dans une simple confiance, je me dispose à recevoir
les ordres de votre providence éternelle, et que j'adore égale-
ment tout ce qui me vient de vous.
XIV. Faites, mon Dieu, que, dans une uniformité d'esprit
toujours égale, je reçoive toutes sortes d'événements, puisque
nous ne savons ce que nous devons demander, et que je n'en
puis souhaiter l'un plutôt que l'autre sans présomption, et
sans me rendre juge et responsable des suites que votre sagesse
a voulu justement me cacher. Seigneur, je sais que je ne sais
qu'une chose; c'est qu'il est bon de vous suivre, et qu'il est
mauvais de vous offenser. Après cela, je ne sais lequel est le
meilleur ou le pire en toutes choses; je ne sais lequel m'est
profitable de la santé ou de la maladie, des biens ou de la pau-
vreté, ni de toutes les choses du monde. C'est un discernement
qui passe la force des hommes et des anges, et qui est caché
232 OPUSCULES DE PASCAL
dans les secrets de votre providence que j'adore, et que je ne
veux pas approfondir.
XV. Faites donc, Seigneur, que tel que je sois je me con-
forme à votre volonté ; et qu'étant malade comme je suis, je
vous glorifie dans mes souffrances. Sans elles je ne puis arriver
à la gloire; et vous-même, mon Sauveur, n'y avez voulu par-
venir que par elles. C'est par les marques de vos souffrances
que vous avez été reconnu de vos disciples; et c'est parler
souffrances que vous reconnaissez aussi ceux qui sont vos dis-
ciples. Reconnaissez-moi donc pour votre disciple dans les
maux que j'endure et dans mon corps et dans mon esprit, pour
les offenses que j'ai commises. Et parce que rien n'est agréable
à Dieu s'il ne lui est offert par vous, unissez ma volonté à la
vôtre, et mes douleurs à celles que vous avez souffertes. Fai-
tes que les miennes deviennent les vôtres. Unissez-moi à vous ;
remplissez-moi de vous et de votre Esprit dans mon cœur et
dans mon âme, pour y porter mes souffrances, et pour conti-
nuer d'endurer en moi ce qui vous reste à souffrir de votre
passion, que vous achevez dans vos membres jusqu'à la con-
sommation parfaite de votre corps1, afin qu'étant plein de
vous, ce ne soit plus moi qui vive et qui souffre, mais que ce
soit vous qui viviez et qui souffriez en moi, ô mon Sauveur!
et qu'ainsi ayant quelque petite part à vos souffrances, vous
me remplissiez entièrement de la gloire qu'elles vous ont ac-
quise, dans laquelle vous vivez avec le Père et le Saint-Es-
prit, par tous les siècles des siècles : ainsi soit-il*.
REMARQUES SUR LA PRIÈRE POUR LA MALADIE
Dans ce morceau et dans le suivant on saisit comme à sa source la
passion ardente, disons le mot, le fanatisme, dont Pascal a vécu, et
d'où sont sorties les Provinciales et les Pensées. On y lit que la fin de
toutes choses est l'accomplissement du mystère de la grâce, accordée
aux élus, refusée aux réprouvés (page 227). Que sans la grâce, \1 n'y a
1. Ces membres, ce sont les Fidèles prédestinés; ce corps, c'est la totalité des Fidèles
ou l'Eglise terrestre, qui ne sera consommée qu'à la fin du monde.
2. Ou sait que c'esWà la formule par laquelle se terminent d'ordinaire et le» onères do
l'Eglise, et les prédications chrétiennes.
REMARQUES SUfi LA PRIÈRE pour LA MALADIE. 233
rien au monde qui soit capable non-seulement d'accomplir, mais de
commencer une conversion (page 225); rien, pas même les miracles,
dont Pascal parle comme s'il en avait vu, ou en attendait, étant ainsi
par avance tout préparé au miracle de la Sainte-Épine. On y voit les
plaisirs associés et comme confondus avec les péchés (page 224), et un
honnête jeune homme, fils d'un grave et digne magistrat, qui partage
sa jeunesse entre les devoirs et les amusements d'une vie bourgeoise
et la passion de la science, s'accusant, du ton d'un Salomon, de s'a-
bandonner aux délices de la vie, et à ses funestes voluptés (page 228) et
de ne s'être préservé qu'a peine des grands crimes (page 227). On s at-
triste et on s'irrite à la fois quand on entend ce pauvre malade se re-
procher amèrement d'avoir estimé la santé un bien ; et on ne peut
s'empêcher d'appliquer ici les ironies de Bayle, lorsqu'il disait, à pro-
pos de ce que la sœur de Pascal raconte de sa vie : « Il y a même des
pays dans la chrétienté où il n'y a peut-être pas un homme qui ait
seulement ouï parler des maximes de ce philosophe chrétien. »
Il faut pourtant admirer dans ce morceau, si éloigné d'ailleurs de
nos sentiments et de nos idées, le même caractère que l'éloquence de
Pascal présente partout, l'alliance d'une imagination passionnée avec
une précision et une rigueur géométriques. Il semble, dit M. Nisard
(Histoire de la littérature française, tome II), qu'on devrait trouver
dans une prière quelque abandon, quelque enthousiasme, une confiance
qui ne pèse plus ses motifs... Celle de Pascal n'a point ce caractère.
C'est une argumentation passionnée, dans laquelle un homme mortel
raisonne avec Dieu... Ce n'est ni par l'enthousiasme du psalmiste, ni
par l'imagination échauffée des ascètes que cette prière s'élève ; c'est
par des raisons qui se déduisent les unes des autres, et se succèdent
comme les degrés d'une échelle mystique. On sent qu'aucun échelon ne
manquera sous les pieds de Pascal. »
Cette éloquence nous émeut encore quand elle ne nous persuade pas.
Nous contemplons avec une admiration douloureuse ces efforts éner-
giques, non pour étouffer les plaintes de la nature qui souffre, mais
pour la fortifier ; non pour trouver le repos dans un endurcissement
orgueilleux, ou la joie dans les illusions d'une imagination trompée,
mais pour faire descendre du sein d'un Dieu, idéal de sainteté et d'a-
mour, la patience qui supporte le mal et la vertu qui s'y épure.
« 0 mon Dieu ! qu'un cœur est heureux qui peut aimer un objet si
charmant, qui ne le déshonore point, et dont l'attachement lui est si
salutaire ! » Les mots que je souligne méritent d'être relevés pour leur
fierté généreuse. Ne pas être déshonoré, abaisse, ça été toujours la pre-
mière ambition de Pascal, même dans l'amour profane. Voir le Dis-
234
OPUSCULES DE PASCAL
cours sur les passions de i'amour : « Un s'élève par cette pas&ion, et
on devient toute grandeur. »
« Je ne sais quel est le meilleur ou le pire en toutes choses, je ne
sais lequel m'est profitable de la santé ou de la maladie, etc. C'est un
discernement qui passe la force des hommes et des anges. » Pascal
parle ici, non plus comme l'Écriture, mais comme Platon. C'est ainsi
que Socrate, dans Platon, en terminant sa défense, dit à. ses juges :
« Il est temps de nous retirer, moi pour mourir, et vous pour vivrr.
Lequel vaut le mieux de votre lot ou du mien? personne ne le sait,
excepté Dieu. »
LETTRE
8UR LA MORT DE M. PASCAL Lp; PÈRK
tCRlTi; PAR TA^CAL A M. ET &l,ua X'LKIWB. ' .
Puisque vous êtes maintenant informés l'un et Vautre de
notre malheur commun, et que la lettre que nous avions com-
mencée2 vous a donné quelque consolation, par le récit des
circonstances heureuses qui ont accompagné le sujet de notre
affliction, je ne puis vous refuser celles qui me restent dans
l'esprit, et que je prie Dieu de me donner, et de me renouve-
ler de plusieurs que nous avons autrefois reçues de sa grâce,
et qui nous ont été nouvellement données de nos amis en cette
occasion.
Je ne sais plus par où finissait la première lettre. Ma sœui
l'a envoyée sans prendre garde qu'elle n'était pas finie. Il me
semble seulement qu'elle contenait en substance quelques par-
ticularités de la conduite de Dieu sur la vie et sur la maladie,
que je voudrais vous répéter ici, tant je les ai gravées dans le
cœur, et tant elles portent de consolation solide, si vous ne les
pouviez voir vous-mêmes dans la précédente lettre, et si ma
sœur ne devait pas vous en faire un récit plus exact à sa pre-
mière commodité. Je ne vous parlerai donc ici que de la consé-
quence que j'en tire, qui est, qu'ôtés ceux qui sont intéressés
i. Le titre xxx de l'édition de Port-Royal a pour intitulé : « Pensées sur la mort, qui ou
été extraites d'une lettre écrite par M. Pascal sur le sujet, de la mort de monsieur son
père. » M. Cousin a recherché la lettre elle-même, et l'a retrouvée dan3 les Mémoires
de Marguerite Pener et dans un autre manuscrit. Il l'a puhliée le premier sous sa forme
véritable. Je renvoie à son livre {Des Pensées de Pascal, page 491 pour l'étude des alté-
rations que le rédacteur de ces extraits avait fait subir au texte de Pascal. Pascal le père
était mort le 24 septembre 1651. Cette lettre est datée du 17 octobre.
2 Lui et sa sœur Jacqueline. Plus bas : u Ma sœur l'a envoyée sans preudrd garda
qu'elle n'était pas finie » Cette précédpute lettre n'existe plus.
236 OPUSCULES DE PASCAL
par les sentiments de la nature, il n'y a point de chrétien qui
ne s'en doive réjouir.
Sur ce grand fondement, je vous commencerai ce que j'ai à
dire par un discours bien consolatif à ceux qui ont assez de li-
berté d'esprit pour le concevoir au fort de la douleur. C'est
que nous devons chercher la consolation à nos maux, non pas
dans nous-mêmes, non pas dans les hommes, non pas dans tout
ce qui est créé, mais dans Dieu. Et la raison en est que toutes
les créatures ne sont pas la première cause des accidents que
nous appelons maux; mais que la providence de Dieu en étant
l'unique et véritable cause, l'arbitre et la souveraine, il est in-
dubitable qu'il faut recourir directement à la source et remon-
ter jusqu'à l'origine, pour trouver un solide allégement. Que
si nous suivons ce précepte, et que nous envisagions cet événe-
ment, non pas comme un effet du hasard, non pas comme une
nécessité fatale de la nature, non pas comme le jouet des élé-
ments et des parties qui composent l'homme (car Dieu n'a pas
abandonné ses élus au caprice et au hasard), mais comme une
suite indispensable, inévitable, juste, sainte, utile au bien de
l'Église et à l'exaltation du nom et de la grandeur de Dieu,
d'un arrêt de sa providence conçu de toute éternité pour être
exécuté dans la plénitude de son temps, en telle année, en tel
jour, en telle heure, en tel lieu, en telle manière; et enfin que
tout ce qui est arrivé a été de tout temps prénu et préordonné
en Dieu ; si, dis-je, par un transport de grâce, nous considé-
rons cet accident, non pas dans lui-même et hors de Dieu,
riais hors de lui-même et dans l'intime de la volonté de Dieu,
dans la justice de son arrêt, dans l'ordre de sa providence, qui
en est la véritable cause, sans qui il ne fût pas arrivé, par qui
seul il est arrivé et de la manière dont il est arrivé ; nous ado-
rerons dans un humble silence la hauteur impénétrable de ses
secrets, nous vénérerons la sainteté de ses arrêts, nous bénirons
la conduite de sa providence ; et unissant notre volonté à celle
de Dieu même, nous voudrons avec lui, en lui, et pour lui, la
chose qu'il a voulue en nous et pour nous de toute éternité.
Considérons-la donc de la sorte, et pratiquons cet enseigne-
ment que j'ai appris d'un grand homme dans le temps de no-
tre plus grande affliction, qu'il n'y a de consolation qu'en la
Lettre sur la mort de m. pascal le père. 237
vérité seulement. Il est sans doute que Socrate et Sénèque
n'ont rien de persuasif en cette occasion. Ils ont été sous l'er-
reur qui a aveuglé tous les hommes dans le premier : Ils ont
tous pris la mort comme naturelle à l'homme »; et tous les
discours qu'ils ont fondés sur ce faux principe sont si futiles,
qu'ils ne servent qu'à montrer par leur inutilité combien
l'homme en général est faible, puisque les plus hautes produc-
tions des plus grands d'entre les hommes sont si basses et si
puériles. Il n'en est pas de même de Jésus- Christ, il n'en est
pas ainsi des livres canoniques : la vérité y est découverte, et
la consolation y est jointe aussi infailliblement qu'elle est in-
failliblement séparée de l'erreur.
Considérons donc la mort dans la vérité que le Saint-Esprit
nous a apprise. Nous avons cet admirable avantage de con-
naître que véritablement et effectivement la mort est une peine
du péché imposée à l'homme pour expier son crime, néces-
saire à l'homme pour le purger du péché ; que c'est la seule
qui peut délivrer l'âme de la concupiscence des membres, sans
laquelle les saints ne viennent point dans ce monde. Nous sa-
vons que la vie, et la vie des chrétiens, est un sacrifice conti-
nuel qui ne peut être achevé que par la mort : nous savons que
comme Jésus-Christ, étant au monde, s'est considéré et s'est
offert à Dieu comme un holocauste et une véritable victime ;
que sa naissance, sa vie, sa mort, sa résurrection, son ascen-
sion, et sa présence dans l'Eucharistie, et sa séance éternelle à la
droite, ne sont qu'un seul et unique sacrifice ; nous savons que
ce qui est arrivé en Jésus-Christ, doit arriver en tous ses
membres.
Considérons donc la vie comme un sacrifice; et que les acci-
dents de la vie ne fassent d'impression dans l'esprit des chré-
tiens qu'à proportion qu'ils interrompent ou qu'ils accomplis-
sent ce sacrifice. N'appelons mal que ce qui rend la victime de
Dieu victime du diable, mais appelons bien ce qui rend la vic-
time du diable en Adam victime de Dieu ; et sur cette règle
examinons la nature de la mort.
Pour cette considération, il faut recourir à la personne de
t. Tandis qu'elle n'est, suivaut la foi, que la punition du péché originel. Gen.t H, 17;
Jtiom., vi, l'i, ete.
il. 16
?3B OPUSCULES DE PASCAL
Jésus-Christ; car tout ce qui est dans les hommes est abomi-
nable, et comme Dieu ne considère les hommes que par ïe
médiateur Jésus-Christ, les hommes aussi ne devraient re-
garder ni les autres ni eux-mêmes que médiatement par Jésus-
Christ. Car si nous ne passons par le milieu, nous ne trouve-
rons en nous que de véritables malheurs ou des plaisirs abo-
minables ; mais si nous considérons toutes choses en Jésus-
Christ, nous trouverons toute consolation, toute satisfaction,
toute édification.
Considérons donc la mort en Jésus-Christ, et non pas sans
Jésus-Christ. Sans Jésus-Christ elle est horrible, elle est dé-
testable, et l'horreur de la nature. En JÉsus-CHRist elle est
tout autre; elle est aimable, sainte, et la joie du hdèle. Tout
est doux en Jésus-Christ, jusqu'à la mort : et c'est pourquoi
il a souffert et est mort pour sanctifier la mort et les souf-
frances; et que, comme Dieu et comme homme, il a été tout
ce qu'il y a de grand et tout ce qu'il y a d'abject, afin de sanc-
tifier en soi toutes choses, excepté le péché, et pour être mo-
dèle de toutes les conditions â.
Pour considérer ce que c'est que la mort, et la mort en Jé-
sus-Christ, il faut voir quel rang elle tient dans son sacrifice
continuel et sans interruption, et pour cela remarquer que
dans les sacrifices la principale partie est la mort de l'hostie.
L'oblation et la sanctification qui précèdent sont des disposi-
tions ; mais l'accomplissement est la mort, dans laquelle, par
l'anéantissement de la vie, la créature rend à Dieu tout l'hom-
mage dont elle est capable, en s'anéantissant devant les yeux
de sa majesté, et en adorant sa souveraine existence, qui seule
existe réellement. Il est vrai qu'il y a une autre partie, après
la mort de l'hostie, sans laquelle sa mort est inutile; c'est
l'acceptation que Dieu fait du sacrifice. C'est ce qui est dit
dans l'Écriture : Et odoratus est Dominus suavitatem : « Et Dieu
a odoré et reçu l'odeur du sacrifice. » * C'est véritablement
celle-là qui couronne l'oblation; mais elle est plutôt une ac-
tion de Dieu vers la créature, que de la créature envers Dieu,
1. Voyez le fragment 44 de 1 article xxv. Et que t'ait suite à c'est pourquoi, comme s'il
yafnit, c'est pour cla que... et que...
->. Le texte est: Odoratusque est Dominus odorem suaviuilis , Gen., via, 21.
LETTRE SUR LA MORT DE M. PASCAL LÉ PÈRE 239
et n'empêche pas que la dernière action de la créature ne soit
la mort.
Toutes ces choses ont été accomplies en Jésus-Christ. En
entrant au monde, il s'est offert : Obtulit semetipsum per Spi-
ritum sanctum. fngrediens mundum, dixit ; Hostiam noluisti...
Tune dixi : Ecce venio. In capite, etc. « Il s'est offert par le
Saint-Esprit. En entrant au inonde, Jésus-Christ a dit : Sei-
gneur, les sacrifices ne te sont point agréables ; mais tu m'as
donné un corps. Lors j'ai dit : Voici que je viens pour faire, ô
Dieu, ta volonté, et ta loi est dans le milieu de mon cœur1. »
Voilà son oblation. Sa sanctification a été immédiate de son
oblation2. Ce sacrifice a duré toute sa vie, et a été accompli
par sa mort. Il a fallu qu'il ait passé par les souffrances, pour
entrer en sa gloire 3. Et, quoiqu'il fût fils de Dieu, il a fallu
qu'il ait appris l'obéissance. Mais au jour de sa chair, ayant
crié avec grands cris à celui qui le pouvait sauver de mort, il
a été exaucé pour sa révérence 4. » Et Dieu Ta ressuscité, et
envoyé sa gloire, figurée autrefois par le feu du ciel qui tom-
bait sur les victimes 5, pour brûler et consumer son corps, et
le faire vivre spirituel de la vie de la gloire. C'est ce que Jé-
sus-Christ a obtenu, et qui a été accompli par sa résurrection.
Ainsi ce sacrifice étant parfait par la mort de Jésus-Christ,
et consommé même en son corps par sa résurrection, où l'image
de la chair du péché a été absorbée par la gloire, Jésus-Christ
avait tout achevé de sa part ; il ne restait sinon que le sacrifice
fût accepté de Dieu ; que, comme la fumée s'élevait et portait
l'odeur au trône de Dieu, aussi Jésus-Christ fût, en cet état
1. LTebr., tx. 14; x, 5. Le texte entier est : Ingrédients mundum dicit : Hostiam et obla-
lionem noluisti; corpus autem aptasti mihi. Holocautomata pro peccato non tibi placuerunt ;
tune dixi : Ecce venio : in capite libri scriptum est de me, ut faciam, Deus, voluntatem
tuam. C'est-à-dire : « En entrant au monde, il dit : Tu n'as pas voulu de victime et d'of-
frande; mais tu m'as donné un corps. Tu n'as pas voulu des holocaustes pour expiation
du péché; alors j'ai dit : Me voici : il est écrit de moi, au chapitre du livre, que je dois
accomplir, ô Dieu, ta volonté. » Les paroles mêmes de l'Epitre sont prises du psaume
xxxix, tel que l'auteur de la Lettre aux Hébreux le lisait dans le texte des Septante. —
Les commentateurs n'ont pu déterminer le sens de ces trois mots : in capite libri.
2. C'est-à-dire, inséparable, ne faisant qu'un avec son oblation. Il faut qu'une victimo
soit consacrée, mais Jésus n'a qu'à s'offrir; il n'a pas besoin d'autre consécration j car il
est prêtre aussi bien que victime.
3. Luc, xxiv, 26.
4. Hébr., v, 8 et 7.
5. Au sacrifice fait par Elie (III, Rois, xvin, 38).
Des prophètes menteurs la troupe confondue,
Et la ûamme du ciel sur l'autel descendue.
24Ô OPUSCULES DE PASCAL
d'immolation parfaite, offert, porté et reçu au trône de Dieu
même; et c'est ce qui a été accompli en l'ascension, en laquelle
il est monté, et par sa propre force, et, par la force de son
Saint-Esprit qui l'environnait de toutes parts, il a été enlevé l ;
comme la fumée des victimes, ligures de Jésus-Christ, était
portée en haut par l'air qui la soutenait, figure du Saint-Esprit;
et les Actes des apôtres nous marquent expressément qu'il fut
reçu au ciel, pour nous assurer que ce saint sacrifice accompli
en terre a été reçu et acceptable à Dieu, reçu dans le sein de
Dieu, où il brûle de la gloire dans les siècles des siècles.
Voilà Tétat des choses en notre souverain Seigneur. Consi-
dérons-les en nous maintenant. Dès le moment que nous en-
trons dans l'Église, qui est le monde des Fidèles et particuliè-
rement des élus, où Jésus-Christ entra dès le moment de son
incarnation par un privilège particulier au fils unique de Dieu,
nous sommes offerts et sanctifiés. Ce sacrifice se continue par
la vie, s'accomplit à la mort dans laquelle l'âme quittant vérita-
blement tous les vices, et l'amour de la terre, dont la contagion
l'infecte toujours durant cette vie, elle achève son immolation,
et est reçue dans le sein de Dieu.
Ne nous affligeons donc pas comme les païens qui n'ont point
d'espérance. Nous n'avons pas perdu mon père au moment de
sa mort; nous l'avons perdu, pour ainsi dire, dès qu'il entra
dans l'Église par le baptême. Dès lors il était à Dieu; sa vie
était vouée à Dieu; ses actions ne regardaient le monde que
pour Dieu. Dans sa mort il s'est totalement détaché des pé-
chés; et c'est en ce moment qu'il a été reçu de Dieu, et que son
sacrifice a reçu son accomplissement et son couronnement. Il
a donc fait ce qu'il avait voué ; il a achevé l'œuvre que Dieu
lui avait donnée à faire; il a accompli la seule chose pour la-
quelle il était créé. La volonté de Dieu est accomplie en lui , et
sa volonté est absorbée en Dieu. Que notre volonté ne sépare
donc pas ce que Dieu a uni; et étouffons ou modérons, par
l'intelligence de la vérité, les sentiments de la nature corrompue
et déçue qui n'a que de fausses images, et qui trouble par ses
I. Il faut construire comme s'il y avait : Et il est monté, par sa propre force, et, pat
la force de son Saint-Esprit, il a été enlevé. C'est un commenfnire des deux expressions
employées à ce sujet par l'Écriture ftetuidiL assumptus est. Voir Ad. i il, et Ephes
lv, 10.
LETTRE SUR LA MOUT DE M. PASCAL LE PÈRE 241
illusions la sainteté des sentiments que la vérité et l'Évangile
nous doit donner.
Ne considérons donc plus la mort comme des païens, mais
comme les chrétiens, c'est-à-dire avec l'espérance, comme
saint Paul l'ordonne, puisque c'est le privilège spécial des
chrétiens â. Ne considérons plus un corps comme une charo-
gne infecte, car la nature trompeuse se le ligure de la sorte ;
mais comme le temple inviolable et éternel du Saint-Esprit,
comme la foi l'apprend. Car nous savons que les corps saints
sont habités par le Saint-Esprit jusqu'à la résurrection, qui se
fera par la vertu de cet Esprit qui réside en eux pour cet effet2.
C'est pour cette raison que nous honorons les reliques des
morts, et c'est sur ce vrai principe que l'on donnait autrefois
l'Eucharistie dans la bouche des morts, parce que, comme on
savait qu'ils étaient le temple du Saint-Esprit, on croyait qu'ils
méritaient d'être aussi unis à ce saint sacrement. Mais l'Église
a changé cette coutume; non pas pour ce que ces corps ne
soient pas saints, mais par cette raison que l'Eucharistie étant
le pain de vie et des vivants, il ne doit pas être donné aux morts3.
Ne considérons plus un homme comme ayant cessé de vivre,
quoi que la nature suggère; mais comme commençant à vivre,
comme la vérité l'assure. Ne considérons plus son âme comme
périe et réduite au n^ant, mais comme vivifiée et unie au sou-
verain vivant ; et corrigeons ainsi, par l'attention à ces vérités,
les sentiments d'erreur qui sont si empreints en nous-mêmes,
et ces mouvements d'horreur qui sont si naturels à l'homme.
Pour dompter plus fortement cette horreur, il faut en bien
comprendre l'origine; et pour vous le toucher en peu de mots,
je suis obligé de vous dire en général quelle est la source
de tous les vices et de tous les péchés. C'est ce que j'ai appris
le deux très-grands et très-saints personnages 4. La vérité que
\. I Thess., iv, 12, 17.
2. Le manuscrit des Mémoires de Marguerite Tericr ajoute ici : < C'est le senlîmen*
do* Pères. » En effet, cela n'est pas établi sur l'autorité de l'Ecriture. Je ne sais quels
tout les Pères qui parlent ainsi.
3. Je trouve un concile d'Auxerre, tenu en 581, qui, dans son douzième canon, défend
de donner la communion aux morts. Voir Jean, vr, 4S.
4. Sans doute Augustin et Jansénius. Voir, en effet, sur les doux amours, VAur/us/inus
II, 11, 25 : Omnibus animalibus nalura insitum est ut seipsa dilirjant, etc.... Sed quia Ao-
mini anima rationalis data est, cujus nullum est bonum nisi soins Deus..., etc. Ad hoc
tnim vellc débet nec dolore corporis moleslari, née desiderio perlurbari, nec morte dis-
•ulvi. >ti bonum illud suum cognoscat ac diligat. C'est le texte que Pascal va développer.
24? OPUSCULES DE PASCAL
couvre ce mystère est que Dieu a créé l'homme avec deux
amours, l'un pour Dieu, l'autre pour soi-même; mais avec
cette loi, que l'amour pour Dieu serait infini, c'est-à-dire sans
aucune autre fin que Dieu même ; et que l'amour pour soi-
même serait fini et rapportant à Dieu.
L'homme en cet état non-seulement s'aimait sans péché,
mais ne pouvait pas ne point s'aimer sans péché 4. Depuis, le
péché étant arrivé, l'homme a perdu le premier de ces amours;
et l'amour pour soi-même étant resté seul dans cette grande
âme capable d'un amour infini, cet amour-propre s'est étendu
et débordé dans le vide que l'amour de Dieu a quitté ; et ainsi
il s'est aimé seul, et toutes choses pour soi, c'est-à-dire infi-
niment. Voilà l'origine de l'amour-propre. Il était naturel à
Adam, et juste en son innocence; mais il est devenu et cri-
minel et immodéré, ensuite de son péché.
Voilà la source de cet amour, et la cause de sa défectuosité
et de son excès. Il en est de même du désir de dominer, de la
paresse, et des autres. L'application en est aisée. Venons à
notre seul sujet. L'horreur de la mort était naturelle à Adam
innocent, parce que sa vie étant très-agréable à Dieu, elle de-
vait être agréable à Fhomme ; et la mort était horrible lors-
qu'elle finissait une vie conforme à la volonté de Dieu. Depuis
l'homme ayant péché, sa vie est Cevenue corrompue, son
corps et son âme ennemis l'un de l'autre, et tous deux de Dieu.
Cet horrible changement ayant infecté une si sainte vie, l'a-
mour de la vie est néanmoins demeuré; et l'horreur de la
mort étant restée pareille, ce qui était juste en Adam est in-
juste et criminel en nous.
Voilà l'origine de l'horreur delà mort, et la cause de sa dé-
fectuosité. Éclairons donc l'erreur de la nature par la lumière
de la foi. L'horreur de la mort est naturelle, mais c'est en l'é-
tat d'innocence; la mort à la vérité est horrible, mais c'est
quand elle finit une vie toute pure. Il était juste de la haïr,
quand elle séparait une âme sainte d'un corps saint ; mais il
est juste de l'aimer, quand elle sépare une âme sainte d'un
1. « Loin de nous l'insupportable folie, comme l'appelle saint Augustin, de croire qu'on
puisse ne se pas aimer, ni s'aimer sans désirer d'être heureux, » Bossuet, Avertisse-
ment sur ses écrits concernant es Maximes des saints.
LETTRE SUR U MORT DE M. PASCAL LE PÈRE. 213
corps impur. Il était juste de la fuir, quand elle rompait la
paix entre l'âme et le corps; mais non pas quand elle en calme
la dissension irréconciliable. Enlin quand elle affligeait un corps
innocent, quand elle ôtait au corps la liberté d'honorer Dieu,
quand elle séparait de l'âme un corps soumis et coopérateur à
ses volontés, quand elle finissait tous les biens dont l'homme
est capable, il était juste de l'abhorrer -, mais quand elle finit
une vie impure, quand elle ôte au corps la liberté de pécher,
quand elle délivre l'âme d'un rebelle très-puissant et contre-
disant tous les motifs de son salut, il est très-injuste d'on
conserver les mêmes sentiments.
Ne quittons donc pas cet amour que la nature nous a donné
pour la vie, puisque nous l'avons reçu de Dieu; mais que ce
soit pour la même vie pour laquelle Dieu nous l'a donné, et
non pas pour un objet contraire. En consentant à l'amour
qu'Adam avait pour sa vie innocente, et que Jésus- Christ
même a eu pour la sienne, portons-nous à haïr une vie con-
traire à celle que Jésus-Christ a aimée, et à n'appréhender
que la mort que Jésus-Christ a appréhendée, qui arrive à un
corps agréable à Dieu ; mais non pas à craindre une mort qui,
punissant un corps coupable, et purgeant un corps vicieux, doit
nous donner des sentiments tout contraires, si nous avons un
peu de foi, d'espérance et de charité.
C'est un des grands principes du christianisme, que tout ce
qui est arrivé à Jésus-Christ doit se passer dans l'âme et dans
le corps de chaque chrétien: que comme Jésus-Christ a souf-
fert durant sa vie mortelle, est mort à cette vie mortelle, est
ressuscité d'une nouvelle vie, est monté au ciel, et sied à la
droite du Père ; ainsi le corps et l'âme doivent souffrir, mourir,
ressusciter, monter au ciel, et seoir à la dextre *. Toutes ces
choses s'accomplissent en l'âme durant cette vie, mais non
pas dans le corps. L'âme souffre et meurt au péché dans la pé-
nitence et dans le baptême; l'âme ressuscite à une nouvelle vie
dans le même baptême ; l'âme quitte la terre et monte au ciel
à l'heure de la mort, et sied à la droite au temps où Dieu l'or-
donne 2. Aucune de ces choses n'arrive dans le co-ps durant
^. Allusion aux mots du psaume, Sede a dextris mets, Ps. cix.
2. Par cette expression, Pascal réserve le temps des peines du Purgatoire, que l'ûrae
du fidèle peu* avoir encore à souffrir avant de jouir de la gloire de Dieu.
244 OPDSCULES DE PASCAt
cette vie; mais les mêmes choses s'y passent ensuite. Car, à la
mort, le corps meurt à sa vie mortelle, au jugement, il ressus-
citera à une nouvelle vie ; après le jugement, il montera au
ciel, et seoira à la droite. Ainsi les mêmes choses arrivent au
corps et à l'âme, mais en différents temps; et les changements
du corps n'arrivent que quand ceux de l'âme sont accomplis,
c'est-à-dire à l'heure de la mort ; de sorte que la mort est le
couronnement de la béatitude de l'âme, et le commencement
de la béatitude du corps.
Voilà les admirables conduites de la sagesse de Dieu sur le
salut des saints; et saint Augustin nous apprend sur ce sujet
que Dieu en a disposé de la sorte, de peur que si le corps de
l'homme fût mort et ressuscité pour jamais dans le baptême,
on ne fût entré dans l'obéissance de l'Évangile que par l'amour
de la vie ; au lieu que la grandeur de la foi éclate bien davan-
tage lorsque l'on tend à l'immortalité par les ombres de la
mort1.
Voilà certainement quelle est notre créance, et la foi que
nous professons ; et je crois qu'en voilà plus qu'il n'en faut
pour aider vos consolations par mes petits efforts. Je n'entre-
prendrais pas de vous porter ce secours de mon propre, mais
comme ce ne sont que des répétitions de ce que j'ai appris, je
le fais avec assurance en priant Dieu de bénir ces semences, et
de leur donner de l'accroissement, car sans lui nous ne pouvons
rien faire, et ses plus saintes paroles ne prennent point en nous,
comme il l'a dit lui-même3.
Ce n'est pas que je souhaite que vous soyez sans ressentiment.
Le coup est trop sensible ; il serait même insupportable sans
un secours surnaturel. Il n'est donc pas juste que nous soyons
sans douleur, comme des anges qui n'ont aucun sentiment de
la nature; mais il n'est pas juste aussi que nous soyons sans
consolation, comme des païens qui n'ont aucun sentiment de
la grâce; mais il est juste que nous soyons affligés et consolés
comme chrétiens, et que la consolation de la grâce l'emporte
par-dessus les sentiments de la nature ; que nous disions
1. De Civ. Dei, XIII, 4.
2. Pascal parait avoir dans la pensée la parabole du chapitre iv de Marc, qu'il inter-
prète conformément à la dootnue de la gràot»
LETTRE SUR LA MORT DE M. PASCAL LE PÈRE 245
comme les apôtres : « Nous sommes persécutés et nous bénis-
sons *, » afin que la grâce soit non-seulement en nous, mais
victorieuse en nous; qu'ainsi, en sanctifiant le nom de notre
Père, sa volonté soit faite la nôtre ; que sa grâce règne et
domine sur la nature, et que nos afflictions soient comme la
matière d'un sacrifice que sa grâce consomme et anéantisse
pour la gloire de Dieu ; et que ces sacrifices particuliers hon-
norent et préviennent le sacrifice universel où la nature entière
doit être consommée par la puissance de Jésus-Christ. Ainsi
nous tirerons avantage de nos propres imperfections, puis-
qu'elles serviront de matière à ces holocaustes; car c'est le but
des vrais chrétiens de profiter de leurs propres imperfections,
parce que « tout coopère en bien pour les élus *. »
Et si nous y prenons garde de près, nous trouverons de
grands avantages pour notre édification, en considérant la
chose dans la vérité comme nous avons dit tantôt. Car, puis-
qu'il est véritable que la mort du corps n'est que l'image de
celle de l'âme, et que nous bâtissons sur ce principe, qu'en
cette rencontre nous avons tous les sujets possibles de bien es-
pérer de son salut, il est certain que si nous ne pouvons arrêter
le cours du déplaisir, nous en devons tirer ce profit que, puisque
la mort du corps est si terrible qu'elle nous cause de tels mou-
vements, celle de l'âme nous en devrait bien causer de plus
inconsolables. Dieu nous a envoyé la première; Dieu a détour-
né la seconde. Considérons donc la grandeur de nos biens dans
la grandeur de nos maux, et que l'excès de notre douleur soit
la mesure de celle de notre joie.
Il n'y a rien qui la puisse modérer, sinon la crainte qu'il ne
languisse pour quelque temps dans les peines qui sont destinées
à purger le reste des péchés de cette vie ; et c'est pour fléchir
la colère de Dieu sur lui que nous devons soigneusement nous
employer. La prière et les sacrifices sont un souverain remède
à ses peines. Mais j'ai appris d'un saint homme dans notre
affliction qu'une des plus solides et plus utiles charités envers
les morts est de faire les choses qu'ils nous ordonneraient s'ils
étaient encore au monde, et de pratiquer les saints avis qu'ils
1. I Cor., iv, 12. Le texte dit : « On nous mauda, et nous bénissons; on nous persa-
cute, et nous savons souffrir, » etc.
2. C'est une parole de Paul, fiom.f vrit, 2}#
246 OPUSCULES DE PASCAL
nous ont donnes, et de nous mettre pour eux en l'état auquel
ils nous souhaitent à présent. Par cette pratique, nous les fai-
sons revivre en nous en quelque sorte, puisque ce sont leurs
conseils qui sont encore vivants et agissants en nous ; et comme
les hérésiarques sont punis en l'autre vie des péchés auquels
ils ont engagé leurs sectateurs, dans lesquels leur venin vit
encore, ainsi les morts sont récompensés, outre leur propre
mérite, pour ceux auquels ils ont donné suite par leurs conseils
et par leur exemple.
Faisons-le donc revivre devant Dieu en nous de tout notre
pouvoir; et consolons-nous en l'union de nos cœurs, dans la-
quelle il me semble qu'il vit encore, et que notre réunion nous
rend en quelque sorte sa présence, comme Jésus-Christ se
rond présent en l'assemblée de ses Fidèles.
Je prie Dieu de former et maintenir en nous ces sentiments,
et de continuer ceux qu'il me semble qu'il me donne, d'avoir
pour vous et pour ma sœur plus de tendresse que jamais ; car
il me semble que l'amour que nous avions pour mon père ne
doit pas être perdu, et que nous en devons faire une réfusion
sur nous-mêmes, et que nous devons principalement hériter
de l'affection qu'il nous portait, pour nous aimer encore plus
cordialement s'il est possible.
Je prie Dieu de nous fortifier dans ces résolutions, et sur
cette espérance je vous conjure d'agréer que je vous donne un
avis que vous prendriez bien sans moi; mais je ne laisserai pas
de le faire. C'est qu'après avoir trouvé des sujets de consolation
pour sa personne, nous n'en venions point à manquer pour la
nôtre, par les prévoyances des besoins et des utilités que nous
aurions de sa présence.
C'est moi qui y suis le plus intéressé. Si je l'eusse perdu il
y a six ans, je me serais perdu1, et quoique je croie en avoir à
présent une nécessité moins absolue, je sais qu'il m'aurait été
encore nécessaire dix ans, et utile toute ma vie. Mais nous de-
vons espérer que Dieu l'ayant ordonné en tel temps, en tel lieu,
1. Cette lettre est de 1651. Six ans pins tôt, c'est-à dire en 1645, l'accident qui amena
chez Etienne Pascal les deux saints gentilshommes par qui se communiqua à toute a
famille l'impression de la grâce n'était $>as arrivé. Voir les Remarques sur la Vie de
Pascal, page cm de l'Introduction.
REMARQUES SUR LA LETTRE DE PASCAL 247
en telle manière, sans doute c'est le plus expédient pour sa
gloire et pour notre salut.
Quelque étrange que cela paraisse, je crois qu'on en doit es-
timer de la sorte en tous les événements, et que, quelque sinis-
tres qu'ils nous paraissent, nous devons espérer que Dieu en ti-
rera la source de notre joie si nous lui en remettons la con-
duite. Nous connaissons des personnes de condition qui ont
appréhendé des morts domestiques que Dieu a peut-être dé-
tournées à leur prière, qui ont été cause ou occasion de tant de
misères, qu'il serait à souhaiter qu'ils n'eussent pas été exaucés.
L'homme est assurément trop infirme pour pouvoir juger
sainement de la suite des choses futures. Espérons donc en
Dieu, et ne nous fatiguons pas par des prévoyances indiscrètes
et téméraires. Remettons-nous à Dieu pour la conduite de nos
vies, et que le déplaisir ne soit pas dominant en nous.
Saint Augustin nous apprend qu'il y a dans chaque homme
un serpent, une Eve et un Adam *. Le serpent sont les sens et
notre nature, l'Eve est l'appétit concupiscible, et l'Adam est la
raison. La nature nous tente continuellement, l'appétit concu-
piscible désire souvent ; mais le péché n'est pas achevé, si la
raison ne consent. Laissons donc agir ce serpent et cette Eve,
si nous ne pouvons l'empêcher-, mais prions Dieu que sa grâce
fortifie tellement notre Adam qu'il demeure victorieux ; et que
Jésus-Christ en soit vainqueur, et qu'il règne éternellement
en nous. Amen.
REMARQUES SUR LA LETTRE DE PASCAL A L'OCCASION
DE LA MORT DE SON PÈRE.
L'esprit janséniste, avec ce qu'il y a de plus contraire à la nature,
n'est pas moins marqué dans cette Lettre que dans la Prière. Nous li-
sions tout à l'heure qu'il faut prendre garde d'estimer la santé un bien.
Nous apprenons maintenant que c'est une erreur de croire la mort natu-
relle à l'homme ! Gicéron disait au Sénat romain, à propos de l'opinion
de César qui ne voulait pas qu'on prononçât la mort contre les com-
plices de Catilina : « Il sait que la mort n'a pas été établie par les
dieux comme un châtiment, mais comme une nécessité de notre nature,
i. Daas ses livre» de Genesi contra M<m\Ghçeo*, il, *tf»
2IS OPUSCULES DE PASCAL
ou comme un terme où nous nous reposons de nos peines et de nos
misères (ive Catilinaire, 4). » Cicéron, suivant Pascal, était aveuglé;
cotte nécessité n'est entrée dans le monde que par le péché originel,
et sans le péché originel, la vie n'aurait pas abouti tout naturellement
à la mort. Il faut expliquer ces choses-là à notre siècle, à qui il est
aussi malaisé de les comprendre que de les croire. Nous sommes tous
aujourd'hui, que nous le sachions ou non, naturalistes, sur la vie
comme sur la mort. Nous avons lu Buffon et sa lumineuse analyse :
« Toutes les causes de dépérissement que nous venons d'indiquer,
agissent continuellement sur notre être matériel et le conduisent peu à
peu à sa dissolution : la mort, ce changement d'état si marqué, si re-
douté, n'est donc dans la nature que la dernière nuance d'un état pré-
cédent; la succession nécessaire du dépérissement de notre corps
amène ce degré, comme tous les autres qui ont précédé ; la vie com-
mence à s'éteindre longtemps avant qu'elle s'éteigne entièrement, et
dans le réel il y a peut-être plus loin de la caducité à la jeunesse que
de la décrépitude à la mert ; car on ne doit pas ici considérer la vie
comme une chose absolue, mais comme une quantité susceptible
d'augmentation et de diminution. Dans l'instant de la formation du
fœtus, cette vie corporelle n'est encore rien ou presque rien ; peu à
peu elle augmente, elle s'étend, elle acquiert de la consistance à me-
sure que le corps croît, se développe et se fortifie ; dès qu'il commence
à dépérir, la quantité de vie diminue ; enfin, lorsqu'il se courbe, se des-
sèche et s'affaisse, elle décroît, elle se resserre, elle se réduit à rien :
nous commençons de vivre par degrés, et nous finissons de mourir
comme nous commençons de vivre. »
Combien d'hommes ayant lu ces choses et en ayant été nourris des
la jeunesse, combien, même parmi ceux qui se disent et se croient
chrétiens, peuvent encore considérer la mort d'une personne aimée
comme une suite indispensable, inévitable, juste, sainte, utile au bien
del' Eglise et a V exaltation du nom et de la grandeur de Dieu, d'un ar-
rêt éternel de sa providence ? Ces idées sont bien loin de nous, et déjà
elles étaient bien loin de Montaigne et de Descartes.
La plupart des idées fausses sont en même temps des idées mauvai-
ses, et ce qui est contre la nature est aussi contre l'humanité. Il est
triste de lire, au milieu des consolations d'un frère à sa sœur, cette
mention froide et dure des hérésiarques, punis en Vautre vie des pé-
chés auxquels ils ont engagé leurs sectateurs, et de voir que cette joie
orgueilleuse d'un homme qui se croit, lui et les siens, du nombre des
élus, n'est troublée en rien par la pensée de tant d'hommes ses sem-
blables, éternellement condamnés. Joie d'ailleurs assez mal fondée et
REMARQUES SUR LA LETTRE DE PASCAL
peu conséquente. « Nous avons, dit Pascal, tous les sujets possibles de
bien espérer de son salut », et il conclut : « Considérons donc la gran-
deur de nos biens dans la grandeur de nos maux, et que l'excès de no-
tre douleur soit la mesure de celle de notre joie. »
Mais pour éprouver cette joie immense, est-ce donc assez d'avoir
tous les sujets possibles de bien espérer? Celui qui espère, craint encore
par cela même; mais qu'une telle crainte est horrible ! Pascal s'aban-
donnant à son respect et à sa tendresse de fils, semble mettre la main
devant ses yeux pour se dérobera lui-môme l'effrayante rigueur du
dogme. Elle subsiste cependant, elle force d'avouer qu'aucun enfant
ne peut être assuré du salut de son père ; aucun père, aucune mère,
de celui de son enfant.
Voici une pensée beaucoup plus touchante, parce qu'elle est hu-
maine, et dont M. Sainte-Beuve s'est souvenu dans son livre intitulé :
Chateaubriand et son groupe, t. Ier, page 282. Ayant dit que pour tout
ce qui ne se rattache pas directement à son idéal moral, le christia-
nisme ne s'enquiert point de la poésie, il ajoute en note :
« Là même où à la réflexion la beauté morale l'emporte, notez quo la
poésie naturelle n'y gagne pas toujours. En voici un exemple qui me
vient à l'esprit et qui est frappant. C'est au IVe livre de V Odyssée,
dans cette admirable scène de l'arrivée de Télémaque chez Ménélas,
quand tout le monde pleure, les uns et les autres au souvenir des mal-
heurs qu'ils ont soufferts, Hélène plus particulièrement, en repentir de
ceux qu'elle a causés. Le fils de Nestor à son tour, Pisistrate, se met à
pleurer en pensant à son frère Antiloque, tué devant Troie; mais il
fait naïvement remarquer qu'il vaudrait mieux remettre au lende-
main les larmes et ne pas s'affliger au milieu du festin : Demain, il
sera bon de pleurer, car enfin, dit-il, le seul hommage que nous puissions
offrir aux malheureux morts, c'est de couper notre chevelure et d'inon-
der notre joue de larmes. Conclusion touchante et naturelle, qui expri-
me à la fois la vivacité et l'impuissance de la douleur humaine. Que
dit Pascal, au contraire, au sujet de la mort de son père? « La prière et
les sacrifices sont un souverain remède à leurs peines; mais une des
plus solides et des plus utiles charités envers les morts est défaire les
choses qu'ils nous ordonneraient s'il revenaient au monde, et de nous
mettre pour eux en l'état auquel ils nous souhaitent à présent. Par cette
pratique, nous les faisons revivre en nous â. L'autre mot n'était que
touchant, celui-ci est d'une tout autre valeur, mais dans l'ordre moral,
remarquez-le, non pas dans l'ordre poétique. Il n'y a rien là qui émeuve
tout d'abord, et de premier mouvement; il faut, pour en sentir la
4. C'est le texte de l'cditioa de Port-Knyul.
-50 OPUSCULES DE PASCAL
beauté, être déjà soi-même une âme plus que naturelle, une âme tra*
vaillée par le christianisme. »
Ne pourrait-on pas répondre que l'ordre moral a aussi sa poésie, et
donner en preuve le poëme de Monsieur Jean (des Pensées d'août) ,
composition originale et pénétrante, dont le thème est ce passage
même de Pascal, que l'auteur a pris pour épigraphe?
« Pour considérer ce que c'est que la mort, et la mort en Jésus-
Christ, il faut voir quel rang elle tient dans un sacrifice, etc. » Ce
n'est pas dans l'Écriture que Pascal a pris cette anatomie de tout ce
qui constitue un sacrifice, et cette allégorie poursuivie à travers les
détails les plus subtils jusqu'à ce qu'elle soit épuisée. Il emprunte
beaucoup sans doute à la Lettre aux Hébreux, comprise parmi les Let-
tres de Paul, mais qui n'est ni de lui ni de son temps, et dont la théo-
logie offre un caractère tout particulier. Il est bien dit, soit dans Paul
lui-même, soit surtout dans la Lettre aux Hébreux, que les sacrifices
de l'ancienne loi étaient des figures du vrai sacrifice que Jésus-Christ,
sacrificateur perpétuel, a accompli par sa mort, et après lequel il s'est
assis à la droite de Dieu ; mais il n'est pas dit que la gloire de Dieu
consuma le corps mortel de Jésus-Christ, comme le feu du ciel avait
consumé le sacrifice d'Élie, ni que la fumée qui s'élevait des victimes
figurait Jésus-Christ s'élevant au ciel dans l'ascension, ni que l'air qui
emportait la fumée, figurait le Saint-Esprit emportant Jésus, etc.
Tous ces raffinements bizarres viennent d'ailleurs, s'ils ne sont de
Pascal lui-même. Ils nous paraissent bien froids, et rendent cette Letr-
tre peu touchante, malgré l'intérêt du sujet.
Mais la théologie d'alors se nourrissait volontiers de ces curiosités
mystiques. Elles abondent encore dans les sermons de Bossuet, qui sont
à peu près du temps de Pascal. On voit cependant, par Bossuet même,
que le goût public commençait à s'en éloigner. Il parle, dans son pre-
mier Sermon pour le jour de Pâques, de certains esprits délicats, qui
reconnaissent que ces vérités sont fort excellentes, mais il leur semble
que cette morale est trop raffinée, qu'il faut renvoyer ces subtilités
dans les cloîtres, pour servir de matière aux méditations de ces per-
sonnes dont les âmes se sont plus épurées dans la solitude. Pour nous,
diront-ils, nous avons peine à goûter toute cette mystagogie, » etc.
Dans le Sermon pour le jour de l'Ascension, adressé, il est vrai, à des
religieuses, il prend pour texte les mêmes chapitres de la Lettre aux
Hébreux auxquels s'attache ici Pascal ; et sans raffiner autant que
lui, sans même ajouter précisément au texte, il appuie sur tous lesdé-
ttiijs, et les commente avec une complaisance qui nous étonne.
DISCOURS
SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR».
L'homme est né pour penser*; aussi n'est-il pas un moment
sans le faire ; mais les pensées pures, qui le rendraient heu-
reux s'il pouvait toujours les soutenir, le fatiguent et l'abattent.
C'est une vie unie à laquelle il ne peut s'accommoder; il lui
faut du remuement et de l'action, c'est-à-dire qu'il est néces-
saire qu'il soit quelquefois agité des passions, dont il sent dans
son cœur des sources si vives et si profondes.
Les passions qui sont les plus convenables à l'homme, et
qui en renferment beaucoup d'autres, sont l'amour et l'ambi-
tion ; elles n'ont guère de liaison ensemble, cependant on les
allie assez souvent; mais elles s'affaiblissent l'une l'autre réci-
proquement, pour ne pas dire qu'elles se ruinent.
Quelque étendue d'esprit que l'on ait, l'on n'est capable que
d'une grande passion ; c'est pourquoi quand l'amour et l'am-
bition se rencontrent ensemble, elles ne sont grandes que de la
moitié de ce qu'elles seraient s'il n'y avait que l'une ou l'au-
tre. L'âge ne détermine point, ni le commencement, ni la fin
de ces deux passions; elles naissent dès les premières années,
et elles subsistent bien souvent jusqu'au tombeau. Néanmoins,
comme elles demandent beaucoup de feu, les jeunes gens y
sont plus propres, et il semble qu'elles se ralentissent avec
les années : cela est pourtant fort rare.
La vie de l'homme est misérablement courte. On la compte
depuis la première entrée dans le monde; pour moi je ne vou-
i. Voir les Remarques sur la Vie de Pascal, page civ de l'Introduction. — Les passions,
et non pas , la passion. Les passions, ce sont les accidents, les symptômes, Ta nâ.Bi\.
C'est une espèce de pathologie morale de l'amour.
2. Voyez le fragment o3 de l'article Xiiv:« L'homme est visiblement fait pour penser.»
25? OPUSCULES DE PASCAL
drais la compter que depuis la naissance de la raison, et
depuis qu'on commence à être ébranlé par la raison, ce qui
n'arrive pas ordinairement avant vingt ans. Devant ce temps
l'on est enfant, et un enfant n'est pas un homme.
Qu'une vie est heureuse quand elle commence par l'amour et
qu'elle finit par l'ambition ! Si j'avais à en choisir une, je pren-
drais celle-là. Tant que l'on a du feu, l'on est aimable ; mais ce
feu s'éteint, il se perd; alors que la place est belle et grande
pour l'ambition! La vie tumultueuse est agréable aux grands
esprits, mais ceux qui sont médiocres n'y ont aucun plaisir;
ils sont machines partout. C'est pourquoi, l'amour et l'ambition
commençant et finissant la vie, on est dans l'état le plus heu-
reux dont la nature humaine est capable.
A mesure que l'on a plus d'esprit, les passions sont plus
grandes ; parce que les passions n'étant que des sentiments et
des pensées qui appartiennent purement à l'esprit, quoiqu'elles
soient occasionnées par le corps, il est visible qu'elles ne sont
plus que l'esprit même, et qu'ainsi elles remplissent toute sa
capacité. Je ne parle que des passions de feu, car pour les
autres, elles se mêlent souvent ensemble, et causent une con-
fusion très -incommode; mais ce n'est jamais dans ceux qui ont
de l'esprit. Dans une grande âme tout est grand.
L'on demande s'il faut aimer. Cela ne se doit pas demander,
on le doit sentir. L'on ne délibère point là-dessus, l'on y est
porté, et l'on a le plaisir de se tromper quand on consulte.
La netteté d'esprit cause aussi la netteté de la passion ;
c'est pourquoi un esprit grand et net aime avec ardeur, et il
voit distinctement ce qu'il aime.
Il y a de deux sortes d'esprits, l'un géométrique, et l'autre
que l'on peut appeler de finesse1. Le premier a des vues lentes,
dures et inflexibles, mais le dernier a une souplesse de pensée
qu'il applique en même temps aux diverses parties aimables de
ce qu'il aime. Des yeux il va jusques au cœur, et par le mou-
vement du dehors il connaît ce qui se passe au dedans. Quand
on a l'un et l'autre esprit tout ensemble, que l'amour donne de
plaisir ! Car on possède à la fois la force et la flexibilité de l'es-
1. On se rappelle que cette distinction est le sujet d'un long fragment des Pensée»
VIT, 2.
DISCOURS SUR LES PASSIONS DR T,\\Mmfa 255
prit, qui est très-nécessaire pour l'éloquence de deux personnes.
Nous naissons avec un caractère d'amour dans nos cœurs,
qui se développe à mesure que l'esprit se perfectionne, et qui
nous porte à aimer ce qui nous paraît beau sans que l'on nous ait
jamais dit ce que c'est. Qui doute après cela si nous sommes
au monde pour autre chose que pour aimer ? En effet, on a
beau se cacher, l'on aime toujours. Dans les choses même où
il semble que l'on ait séparé l'amour, il s'y trouve secrètement
et en cachette, et il n'est pas possible que l'homme puisse vivre
un moment sans cela.
L'homme n'aime pas à demeurer avec soi , cependant il ai-
me; il faut donc qu'il cherche ailleurs de quoi aimer. Il ne le
peut trouver que dans la beauté; mais comme il est lui-même
la plus belle créature que Dieu ait jamais formée, il faut qu'il
trouve dans soi même le modèle de cette beauté qu'il cherche
au dehors. Chacun peut en remarquer en soi-même les pre-
miers rayons ; et selon que l'on s'aperçoit que ce qui est au
dehors y convient ou s'en éloigne, on se forme les idées de
beau ou de laid sur toutes choses. Cependant quoique l'homme
cherche de quoi remplir le grand vide qu'il a fait en sortant de
soi-même, néanmoins il ne peut pas se satisfaire par toutes
sortes d'objets. Il a le cœur trop vaste, il faut au moins que ce
soit quelque chose qui lui ressemble, et qui en approche le
plus près. C'est pourquoi la beauté qui peut contenter l'homme
consiste non seulement dans la convenance, mais aussi dans
la ressemblance; elle la restreint et elle l'enferme dans la
différence du sexe 4.
La nature a si bien imprimé cette vérité dans nos âmes, que
nous trouvons cela tout disposé ; il ne faut point d'art ni d'é-
tude ; il semble même que nous ayons une place à remplir dans
nos cœurs et qui se remplit effectivement. Mais on le sent mieux
qu'on ne le peut dire. Il n'y a que ceux qui savent brouiller et
mépriser leurs idées qui ne le voient pas.
Quoique cette idée générale de la beauté soit gravée dans le
fond de nos âmes avec des caractères ineffaçables, elle ne laisse
pas de recevoir de très-grandes différences dans l'application
1. C'est-à-dire que la beauté consiste en la ressemblance, mais en une ressemblance
restreinte et enfermée dans la différence du sexe, assujettie à la condition de cette dif-
férence. Elle, c'est la beauté; elle la restreint, veut dire, elle la suppose restreinte.
H. 17
754 OPUSCULES DE PASCAL
particulière, mais c'est seulement pour la manière d'envisager
ce qui plaît. Car Ton ne souhaite pas nûment une beauté, mais
l'on y désire mille circonstances qui dépendent de la disposi-
tion où l'on se trouve ; et c'est en ce sens que l'on peut dire que
chacun a l'original de sa beauté, dont il cherche la copie dans
le grand monde1. Néanmoins les femmes déterminent sou-
vent cet original. Gomme elles ont un empire absolu sur l'es-
prit des hommes, elles y dépeignent ou les parties des beautés
qu'elles ont, ou celles qu'elles estiment, et elles ajoutent par
ce moyen ce qui leur plaît à cette beauté radicale. C'est pour-
quoi il y a un siècle pour les blondes, un autre pour les bru-
nes, et le partage qu'il y a entre les femmes sur l'estime des
unes ou des autres fait aussi le partage entre les hommes dans
un même temps sur les unes et sur les autres. La mode même et
les pays règlent souvent ce que l'on appelle beauté *. C'est une
chose étrange que la coutume se mêle si fort de nos passions. Cela
n'emp êche pas que chacun n'ait son idée de beauté sur laquelle
il juge des autres, et à laquelle il les rapporte; c'est sur ce prin-
cipe qu'un amant trouve sa maîtresse plus belle, et qu'il la
propose comme exemple.
La beauté est partagée en mille différentes manières. Le
sujet le plus propre pour la soutenir, c'est une femme. Quand
elle a de l'esprit, elle l'anime et la relève merveilleusement3.
Si une femme veut plaire, et qu'elle possède les avantages de
la beauté, ou du moins une partie, elle y réussira; et même,
si les hommes y prenaient tant soit peu garde, quoiqu'elle n'y
tâchât point, elle s'en ferait aimer. Il y a une place d'attente
dans leur cœur ; elle s'y logerait.
L'homme est né pour le plaisir : il le sent, il n'en faut point
d'autre preuve. Il suit donc sa raison en se donnant au plai-
sir. Mais bien souvent il sent la passion dans son cœur sans
savoir par où elle a commencé.
Un plaisir vrai ou faux peut remplir également l'esprit. Car
qu'importe que ce plaisir soit faux, pourvu que l'on soit per-
suadé qu'il est vrai?
1. Cette expression n'est-elle pas prise ici dans un autre sens qu'on ne la prend d'ordi-
naire, pour dire simplement le grand nombre, la foule du monde?
2. « Comme la mode fait l'agrément, aussi fait-elle la justice. » vi, 5.
3. Elle est sans doute la femme; elle anime sa beauté par son esprit.
DISCOURS SUIt LOS PASSIONS DE l/.VMOUR Ô5S
A force de parler d'amour, on devient amoureux. Il n'y a
rien si aisé. C'est la passion la plus naturelle à l'homme.
L 'amour n'a point d'âge; il est toujours naissant. Les poètes
nous l'ont dit ; c'est pour cela qu'ils nous le représentent comme
un enfant. Mais sans lui rien demander, nous le sentons1.
L'amour donne de l'esprit, il se soutient par l'esprit. Il faut
de l'adresse pour aimer. L'on épuise tous les jours les maniè-
res de plaire; cependant il faut plaire, et l'on plait.
Nous avons une source d'amour-propre qui nous représente
à nous-mêmes comme pouvant remplir plusieurs places au de-
hors; c'est ce qui est cause que nous sommes bien aises d'ê-
tre aimés. Gomme on le souhaite avec ardeur, on le remarque
bien vite et on le reconnaît dans les yeux de la personne qui
aime. Car les yeux sont les interprètes du cœur; mais il n'y a
que celui qui y a intérêt qui entend leur langage.
L'homme seul est quelque chose d'imparfait; il faut qu'il
trouve un second pour être heureux. Il le cherche bien sou-
vent dans l'égalité de la condition, à cause que la liberté et que
l'occasion de se manifester s'y rencontrent plus aisément.
Néanmoins l'on va quelquefois bien au-dessus, et l'on sent le
feu s'agrandir, quoiqu'on n'ose pas le dire à celle qui l'a causé.
Quand on aime une dame sans égalité de condition, l'ambi-
tion peut accompagner le commencement de l'amour; mais en
peu de temps il devient le maître. C'est un tyran qui ne souffre
point de compagnon; il veut être seul; il faut que toutes les
passions ploient et lui obéissent.
Une haute amitié remplit bien mieux qu'une commune et
égale le cœur de l'homme; et les petites choses flottent dans
sa capacité ; il n'y a que les grandes qui s'y arrêtent et qui y
demeurent.
L'on écrit souvent des choses que l'on ne prouve qu'en obli-
geant tout le monde à faire réflexion sur soi-même et à trou-
ver la vérité dont on parle. C'est en cela que consiste la force
des preuves de ce que je dis.
Quand un homme est délicat en quelque endroit de son es-
prit, il l'est en amour. Car comme il doit être ébranlé par
1. Comment faut-il entendre cette phrase? Elle signifie peut-être que nous nous sea-
tou: tout à coup amoureux sans avoir demandé à l'être.
256 OPUSCULES DE PASCAL
quelque objet qui est hors de lui *, s'il y a quelque chose qui
répugne à ses idées, il s'en aperçoit, et il le fuit. La règle de
cette délicatesse dépend d'une raison pure, noble et sublime;
ainsi l'on se peut croire délicat, sans qu'on le soit effective-
ment, et les autres ont le droit de nous condamner. Au lieu
que pour la beauté chacun a sa règle souveraine et indépen-
dante de celle des autres. Néanmoins, entre être délicat et ne
l'être point du tout, il faut demeurer d'accord que, quand on
souhaite d'être délicat, l'on n'est pas loin de l'être absolument.
Les femmes aiment à apercevoir une délicatesse dans les hom-
mes ; et c'est, ce me semble, l'endroit le plus tendre pour les
gagner; l'on est aise de voir que mille autres sont méprisables,
et qu'il n'y a que nous d'estimables.
Les qualités d'esprit ne s'acquièrent point par l'habitude ; on
les perfectionne seulement. De là, il est aisé de voir que la
délicatesse est un don de nature, et non pas une acquisition de
l'art.
A mesure que l'on a plus d'esprit, l'on trouve plus de beau-
tés originales 2 ; mais il ne faut pas être amoureux ; car quand
l'on xime, l'on n'en trouve qu'une.
Ne semble-t-il pas qu'autant de fois qu'une femme sort
d'elle-même pour se caractériser dans le cœur des autres 3, elle
fait une place vide pour les autres dans le sien ? Cependant
j'en connais qui disent que cela n'est pas vrai. Oserait-on ap-
peler cela injustice? Il est naturel de rendre autant qu'on a pris
L'attachement à une même pensée fatigue et ruine l'esprit
de l'homme. C'est pourquoi pour la solidité... du plaisir de
l'amour, il faut quelquefois ne pas savoir que l'on aime ; et ce
n'est pas commettre une infidélité, car l'on n'en aime pas d'au-
tre ; c'est reprendre des forces pour mieux aimer. Cela se fait
bans que Ton y pense; l'esprit s'y porte de soi-même ; la nature
le veut; elle le commande. Il faut pourtant avouer que c'est
une misérable suite de la nature humaine, et que l'on serait
1. Comme est ici dans le sens de lorsque, et le verbe doit exprime ce qui est sur le
point de se faire. Comme il doit être ébranlé, c'est-à-dire, au moment qu'il va être
ébranlé, qu'il est en disposition de l'être.
2. On lit dans les Pensées : « A mesure qu'on a pi s d'esprit, on trouve qu'il y a plus
d'hommes originaux. » vu, 1.
3. Imprimer son image, son caractère, dans le sens primitif de ce mot.
DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L'aMOUR 257
plus heureux si l'on n'était point obligé de changer de pensée;
mais il n'y a point de remède.
Le plaisir d'aimer sans l'oser dire a ses peines, mais aussi il
a ses douceurs. Dans quel transport n'est-on point de former
toutes ses actions dans la vue de plaire à une personne que
l'on estime infiniment! L'on s'étudie tous les jours pour trou-
ver les moyens de se découvrir, et l'on y emploie autant de
temps que si l'on devait entretenir celle que Ton aime. Les
yeux s'allument et s'éteignent dans un même moment ; et
quoique Ton ne voie pas manifestement que celle qui cause
tout ce désordre y prenne garde, l'on a néanmoins la satisfac-
tion de sentir tous ces remuements pour une personne qui le
mérite si bien. L'on voudrait avoir cent langues pour le faire
connaître ; car comme l'on ne peut pas se servir de la parole,
l'on est obligé de se réduire à l'éloquence d'action.
Jusque-là on a toujours de la joie, et l'on est dans une assez
grande occupation. Ainsi l'on est heureux ; car le secret d'en-
tretenir toujours une passion, c'est de ne pas laisser naître
aucun vide dans l'esprit, en l'obligeant de s'appliquer sans
cesse à ce qui le touche si agréablement. Mais quand il est
dans l'état que je viens de décrire, il n'y peut pas durer long-
temps, à cause qu'étant seul acteur dans une passion où il en
faut nécessairement deux, il est difficile qu'il n'épuise bientôt
tous les mouvements dont il est agité.
Quoique ce soit une môme passion, il faut de la nouveauté ;
l'esprit s'y plaît, et qui sait se la procurer sait se faire aimer l.
Après avoir fait ce chemin, cette plénitude quelquefois di-
minue, et ne recevant point de secours du côté de la source,
l'on décline misérablement, et les passions ennemies se sai-
sissent d'un cœur qu'elles déchirent en mille morceaux. Néan-
moins un rayon d'espérance, si bas que l'on soit, relève aussi
haut qu'on était auparavant. C'est quelquefois un jeu auquel
les dames se plaisent; mais quelquefois, en faisant semblant
d'avoir compassion, elles l'ont tout de bon. Que l'on est heu-
reux quand cela arrive !
Un amour ferme et solide commence toujours par l'éloquence
I. Se procurer la nouveauté, c'est-à-dire s'en procurer le mérite, ntre nouvelle 8U*
yeux de l'aui^nt.
258 OPUSCULES DE PASCAL
d'action; les yeux y ont la meilleure part. Néanmoins il faut
deviner, mais bien deviner â.
Quand deux personnes sont de même sentiment, ils ne de-
vinent point, ou du moins il y en a une qui devine ce que veut
dire l'autre sans que cet autre l'entende ou qu'il ose l'entendre.
Quand nous aimons, nous paraissons à nous-mêmes tout au-
tres que nous n'étions auparavant. Ainsi nous nous imaginons
que tout le monde s'en aperçoit ; cependant il n'y a rien de si
faux. Mais parce que la raison a sa vue bornée par la passion,
l'on ne peut s'assurer, et l'on est toujours dans la défiance.
Quand l'on aime, on se persuade que l'on découvrirait la
passion d'un autre : ainsi l'on a peur.
Tant plus le chemin est long dans l'amour, tant plus un es-
prit délicat sent de plaisir.
Il y a de certains esprits à qui il faut donner longtemps des
espérances, et ce sont les délicats. Il y en a d'autres qui ne
peuvent pas résister longtemps aux difficultés, et ce sont les
plus grossiers. Les premiers aiment pkis longtemps et avec
plus d'agrément; les autres aiment plus vite, avec plus de
liberté, et finissent bientôt
Le premier effet de l'amour c'est d'inspirer un grand res-
pect ; l'on a de la vénération pour ce que l'on aime. Il est
bien juste 2; on ne reconnaît rien au monde de grand comme
cela.
Les auteurs ne nous peuvent pas bien dire les mouvements
de l'amour de leurs héros; il faudrait qu'ils fussent héros
eux-mêmes.
L'égarement à aimer en divers endroits est aussi monstrueux
que l'injustice dans l'esprit.
Ifln amour un silence vaut mieux qu'un langage. Il est bon
d'être interdit; il y a une éloquence de silence qui pénètre plus
que la langue ne saurait faire. Qu'un amant persuade bien sa
maîtresse quand il est interdit, et que d'ailleurs il a de l'esprit!
Quelque vivacité que l'on ait, il est bon dans certaines rencon-
tres qu'elle s'éteigne. Tout cela se passe sans règle et sans
1. Néanmoins signifie que, quoique les yeux parlent, ils ne parlent pas si clairement
q l'il ne faille deviner.
-2. r.ela e«t, bien junte : il est au neutre, comme dans il est vrai
DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR 259
réflexion; et quand L'esprit Le fait, il n'y pensait pas auparavant.
C'est par nécessité que cela arrive.
L'en adore souvent ce qui ne croit pas être adoré, et l'on ne
laisse pas de lui garder une fidélité inviolable, quoiqu'il n'en
sache rien. Mais il faut que l'amour soit bien fin ou bien pur.
Nous connaissons l'esprit des hommes, et par conséquent
leurs passions, par la comparaison que nous faisons de nous-
mêmes avec les autres. Je suis de l'avis de celui qui disait que
dans l'amour on oubliait sa fortune, ses parents et ses amis;
les grandes amitiés vont jusque-là. Ce qui fait que l'on va si
loin dans l'amour, c'est que l'on ne songe pas que l'on a besoin
d'autre chose que de ce que Ton aime; l'esprit est plein; il n'y
a plus de place pour le soin ni pour l'inquiétude. La passion
ne peut pas être sans excès; de là vient qu'on ne se soucie plus
de ce que dit le monde, que l'on sait déjà ne devoir pas con-
damner notre conduite, puisqu'elle vient de la raison. Il y a
une plénitude de passion, il ne peut pas y avoir un commen-
cement de réflexion.
(Ce n'est point un effet de la coutume, c'est une obligation
de la nature que les hommes fassent les avances pour gagner
l'amitié des dames1.)
Cet oubli que cause l'amour et cet attachement à ce que l'on
aime, fait naître des qualités que l'on n'avait pas auparavant *.
L'on devient magnifique, sans l'avoir jamais été. Un avaricieux
même qui aime devient libéral, et il ne se souvient pas d'avoir
jamais eu une habitude opposée; l'on en voit la raison en con-
sidérant qu'il y a des passions qui resserrent l'âme et qui la
rendent immobile, et qu'il y en a qui l'agrandissent et la font
répandre au dehors.
L'on a ôté mal à propos le nom de raison à l'amour, et on
les a opposés sans un bon fondement, car l'amour et la raison
n'est qu'une même chose. C'est une précipitation de pensées
qui se porte d'un côté sans bien examiner tout, mais c'est tou-
i. Voir Montaigne, III, 5, t. îv, p. 338.
2. On voit bien que le petit alinéa qui précède, et que j'ai mis entre paranthèseg,
rompt absolument la suite du discours, et ne peut pas être ici à sa place. Il est évident
que le copiste auquel nous devons le texte retrouvé par M. Cousin se sera fourvoyé au
milieu des surcharges et des renvois de toute espèce qui couvraient les feuilles volantes
de Pascal. Maintenant où replacer cette phrase égarée? je n'oserais le préciser. Mais
elle figurerait as?r>z bien, re me semble, parmi les pensées qu'on trouve un peu plus
haut : t Tant plus le chemin est long dans l'amour, » eto
?60 OPUSCULES DE PASCAL
jours une raison, et l'on ne doit et on ne peut pas souhaiter
que ce soit autrement, car nous serions des machines très-
désagréables. N'excluons donc point la raison de l'amour, puis-
qu'elle en est inséparable. Les poètes n'ont donc pas eu raison
de nous dépeindre l'amour comme un aveugle ; il faut lui ôter
son bandeau, et lui rendre désormais la jouissance de ses yeux.
Les âmes propres à l'amour demandent une vie d'action qui
éclate en événements nouveaux. Comme le dedans est mouve-
ment, il faut aussi que le dehors le soit, et cette manière de
vivre est un merveilleux acheminement à la passion. C'est de
là que ceux de la cour sont mieux reçus dans l'amour que ceux
de la ville, parce que les uns sont tout de feu, et que les autres
mènent une vie dont l'uniformité n'a rien qui frappe ; la vie
de tempête surprend, frappe et pénètre. Il semble que l'on ait
toute une autre âme quand on aime que quand on n'aime pas ;
on s'élève par cette passion, et on devient toute grandeur ; il
faut donc que le reste ait proportion; autrement cela ne con-
vient pas, et partant cela est désagréable.
L'agréable et le beau n'est que la même chose, tout le monde
en a l'idée. C'est d'une beauté morale que j'entends parler, qui
consiste dans les paroles et dans les actions du dehors. L'on a
bien une règle pour devenir agréable * ; cependant la disposi-
tion du corps y est nécessaire; mais elle ne se peut acquérir *.
Les hommes ont pris plaisir à se former une idée de l'agréa-
ble si élevée, que personne n'y peut atteindre. Jugeons-en
mieux, et disons que ce n'est que le naturel, avec une facilité
et une vivacité d'esprit qui surprennent 3. Dans l'amour, ces
deux qualités sont nécessaires : il ne faut rien de force, et
cependant il ne faut rien de lenteur. L'habitude donne le reste.
Le respect et l'amour doivent être si bien proportionnés
qu'ils se soutiennent sans que ce respect étouffe l'amour.
Les grandes âmes ne sont pas celles qui aiment le plus sou-
vent; c'est d'un amour violent que je parle; il faut une inon-
1. Il dit de même, dans le deuxième fragment de l'Esprit géométrique, qu'il croit qu'il
y a des règles aussi sûres pour plaire que pour démontrer Mais il ajoute qu'il est tout-
à-fait impossible, à son avis, de trouver et d'établir ces règles.
2. On prenait alors le mot disposition dans le sens à peu près que l'adjectif dispos a
conservé; c'est comme s'il disait, la bonne grâce du corps.
3. Surprendre n'est ras ici dans le sens d'étonner, mais dans :elui de prendre pal
■arprise,
DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR 2G1
dation de passion pour les ébranler et pour les remplir. Mais
quand elles commencent à aimer, elles aiment beaucoup mieux.
L'on dit qu'il y a des nations plus amoureuses les unes que
les autres; ce n'est pas bien parler, ou du moins cela n'est pas
vrai en tout sens.
L'amour ne consistant que dans un attachement de pensée,
il est certain qu'il doit être le même par toute la terre. Il est
vrai que se déterminant autre part que dans la pensée, le cli-
mat peut ajouter quelque chose, mais ce n'est que dans le
corps.
11 est de l'amour comme du bon sens; comme l'on croit
avoir autant d'esprit qu'un autre, on croit aussi aimer de
même. Néanmoins quand on a plus de vue, Ton aime jusques
aux moindres choses, ce qui n'est pas possible aux autres. Il
faut être bien fin pour remarquer cette différence.
L'on ne peut presque faire semblant d'aimer que l'on ne soit
bien près d'être amant, ou du moins que l'on n'aime en quel-
que endroit; car il faut avoir l'esprit et les pensées de l'amour
pour ce semblant, et le moyen de bien parler sans cela? La
vérité des passions ne se déguise pas si aisément que les véri-
tés sérieuses. Il faut du feu, de l'activité et un feu d'esprit na-
turel et prompt pour la première ; les autres se cachent avec
la lenteur et la souplesse, ce qu'il est plus aisé de faire.
Quand on est loin de ce que l'on aime, l'on prend la résolu-
tion de faire ou de dire beaucoup de choses ; mais quand on
est près, on est irrésolu. D'où vient cela ? C'est que quand on
est loin la raison n'est pas si ébranlée, mais elle l'est étrange-
ment en la présence de l'objet : or pour la résolution il faut
de la fermeté, qui est ruinée par l'ébranlement.
Dans l'amour on n'ose hasarder parce que l'on craint de
tout [ dre ; il faut pourtant avancer, mais qui peut dire jus-
ques où? L'on tremble toujours jusques à ce que l'on ait
trouvé ce point. La prudence ne fait rien pour s y maintenir
quand on Ta trouvé.
Il n'y a rien de si embarrassant que d'être amant, et de voir
quelque chose en sa faveur sans l'oser croire : l'on est égale-
ment combattu de l'espérance et de la crainte. Mais enfin la
dernière devient victorieuse de l'autre.
262 OPUSCULES DE PASCAL
Quand on aime fortement, c'est toujours une nouveauté de
voir la personne aimée. Après un moment d'absence on la
trouve de manque dans son cœur. Quelle joie de la retrouver !
l'on sent aussitôt une cessation d'inquiétudes. Il faut pourtant
que cet amour soit déjà bien avancé; car quand il est naissant
et que l'on n'a fait aucun progrès, on sent bien une cessation
d'inquiétudes, mais il en survient d'autres.
Quoique les maux se succèdent ainsi les uns aux autres, on
ne laisse pas de souhaiter la présence de sa maîtresse par l'es-
pérance de moins souffrir; cependant quand on la voit, on
croit souffrir plus qu'auparavant. Les maux passés ne frap-
pent plus, les présents touchent, et c'est sur ce qui touche que
Von juge. Un amant dans cet état n'est-il pas digne de com-
passion ?
REMARQUES SUR LE DISCOURS SUR LES PASSIONS
DE L'AMOUR.
Voilà ce fragment fameux, dont on doit à M. Cousin la découverte
inattendue, et qui demeurera, ainsi qu'il l'a dit avec un orgueil légi-
time, la récompense de ses travaux sur Pascal.
Ce fragment appartient sans cloute aux années 1652 ou 1653, seule
époque où il semble qu'on puisse placer la vie mondaine de Pascal. Il
avait vingt-neuf ou trente ans.
Il est clair qu'une femme du grand monde toucha le cœur de Pascal,
c'est pour elle que furent écrites ces pages; elle ne les a jamais vues
peut-être, mais Pascal les écrivait comme si elle eût dû les voir. Il met-
tait là ce qu'il n'osait dire. Quant à deviner quelle a été cette femme,
c'est ce qui paraît impossible, et ce que je n'essaierai pas.
Nous n'avons en autographe aucun des opuscules de Pascal. Une
copie de celui-ci a été conservée dans un recueil où il porte ce titre :
Discours sur les passions de l'amour. On l'attribue a M. Pascal. Ces ex-
pressions sembleraient permettre de révoquer en doute l'authenticité
de cet écrit; mais, dès qu'on le lit, cela n'est plus possible. La marque
de Pascal y est partout, a On y reconnaît, comme le dit M. Cousin,
l'esprit géométrique qui ne l'abandonne jamais, ses expressions favo-
rites, ses mots d'habitude, sa distinction si vraie du raisonnement et
du sentiment, et mille autres choses semblables qui se retrouvent à
REMARQUES SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR 2G3
:haque pas dans les Pensées. » On y sent surtout ce contraste de gran-
deur et de subtilité qui déjà nous a frappés tant de fois.
J'ose dire d'ailleurs qu'au sujet d'un écrit de cette nature, l'expres-
sion du doute, de la part des amis de Pascal, équivaut à un aveu. Qui
donc, parmi les personnes attachées à Port Royal ou à la famille Perier,
et qui conservaient les traditions de la petite église, qui donc se fût
avisé de dire ou de laisser croire qu'un discours sur l'Amour fût de
Pascal, s'il y avait eu moyen de croire le contraire?
J'ai signalé dans les notes les traits qui se retrouvent pour ainsi dire
textuellement dans les Pensées. Le plus remarquante est la distinction
des deux esprits, de géométrie et de finesse. Mais bien d'autres ressem-
blances ont dû frapper les lecteurs. Ce besoin de remuement qui est
dans l'homme, cette répugnance qu'il éprouve à demeurer avec soi, cette
misérable suite de la nature humaine qui nous force à changer de pen-
sée, sont bien des traits de Pascal. On le reconnaît encore dans ces
expressions de mathématicien : « Elles ne sont grandes que de la moitié
de ce qu'elles seraient, etc. » — « Il faut pourtant avancer, mais qui peut
dire jusques ouï L'on tremble toujours jusques à ce que l'on ait trouvé
ce point ». Voyez ni, 2 bis; vi, 4, etc. Signalons encore : « Ils sont
machines partout. » Et cette pensée : « Nous avons une source d'amour-
propre qui nous représente à nous-mêmes comme pouvant remplir plu-
sieurs places au dehors. » Et celle-ci : « Pour la beauté, chacun a sa
règle souveraine... (Voir vu, 24). » Au sujet de cette phrase : « L'on
écrit souvent des choses que l'on ne prouve qu'en obligeant tout le
monde à faire réflexion sur soi-même et à trouver la vérité dont on
parle. C'est en cela que consiste la force des preuves de ce que je dis »,
M. Cousin a raison de dire : a C'est en cela que consistaient la logi-
que et la rhétorique de Pascal. » (Voyez xxv, 26.) Enfin il y a de ces
traits fins et profonds qui seraient bien difficilement d'un autre, comme,
page 256 : « C'est reprendre des forces pour mieux aimer. »
Mais on cherche involontairement dans ces pages les secrets du cœur
de Pascal plus encore que les marques de son esprit. Voici un passage
où il semble que ce cœur s'ouvre : « Quand on a l'un et l'autre esprit
tout ensemble, que l'amour donne de plaisir ! » Et, en effet, qui a jamais
mieux uni le don de sentir vivement et celui de redoubler et de multi-
plier la sensation par l'analyse? Plus tard, il aurait pu dire de même :
Quand on a l'un et l'autre esprit tout ensemble, que la dévotion donne
de plaisirl De même à la fin du Discours, il montre qu'il n'est pas donné
à tout le monde d'aimer de même; mais, quand on a plus de vue, on
aime jusques aux moindres choses, ce qui riext pas possible aux au-
tres Il envie pourtant aux brillants gentilshommes, aux héros de la
264 OPUSCULES DE PASCAL
cour, cette vie de tempête qui surprend, frappe et pénètre; il sent avec
dépit que son existence trop réglée et trop unie n'est pas en proportion
avec la passion qui est toute grandeur, mais il reprend toute sa fierté
dans ce passage : « Les grandes âmes ne sont pas celles qui aiment le
plus souvent; c'est d'un amour violent que je parle : il faut une inon-
dation de passion pour les ébranler et pour les remplir. Mais quand
elles commencent à aimer, elles aiment beaucoup mieux. »
Pour moi, quelque piquant que soit le contraste entre le Discours sur
l'Amour et tant de pages austères, je suis plus frappé peut-être encore
de ce que, sous cet aspect nouveau, c'est bien toujours le même homme
que l'on retrouve. Il a été dans l'amour de Dieu ce qu'il prétend être ici
dans l'amour terrestre ; il lui a fallu aussi, en fait de foi et de charité,
une inondation de passion pour le remplir. Cette passion déborde, pour
ainsi dire, dans ce papier qu'il conservait comme un souvenir dont il
alimentait sa flamme : « Certitude, certitude, sentiment, joie, paix.
Joie, joie, joie, pleurs de joie1 ! » "Voilà les passions et voilà les cris de
l'amour mystique; amour sans satiété et sans bornes, par lequel il a
désiré, souffert, joui, de toutes les forces de son âme.
Je relèverai maintenant quelques détails, et d'abord les traits aux-
quels on reconnaîtrait sûrement, si on avait pu en douter, que Pascal
écrit sous le coup d'une passion présente : « Néanmoins l'on va quel-
quefois bien au dessus (de sa condition), et l'on sent le feu s'agrandir
quoiqu'on n'ose pas le dire à celle qui Fa causé. » — « L'on s'étudie
tous les jours pour trouver les moyens de se découvrir, et l'on y em-
ploie autant de temps que si l'on devait entretenir celle que l'on aime. »
Quel moyen il avait trouvé en écrivant ces pages, s'il a pu faire qu'on
les lût/ — «Les yeux s'allument et s'éteignent dans un même moment»,
et le reste. — « Mais quelquefois, en faisant semblant d'avoir compas-
sion, elles l'ont tout de bon. Que Von est heureux quand cela arrivel »
« C'est pourquoi la beauté qui peut contenter l'homme consiste
non-seulement dans la convenance, mais aussi dans la ressemblance :
elle la restreint et elle l'enferme dans la différence du sexe. » Pour-
quoi la restriction du sexe ? comment la concilier avec cette théorie
platonicienne, d'après laquelle l'amour n'est qu'une aspiration vers l'i-
dée de la beauté? Qu'a de commun le sexe avec l'idée pure? Aussi
Platon, dans ses imaginations, n'en tient aucun compte, et sa méta-
physique trop large accueille toutes les dépravations des mœurs grec-
ques. Par une heureuse inconséquence, Pascal abandonne ici Platon
pour rentrer dans la nature. Pour mettre d'accord la nature et la théo-
rie, il faudrait renverser la définition, et dire que le sexe ne délimite
1 Voyez page evi de l'introduction.
REMARQUES SUR LES PASSIONS DE ï/aMOUR 265
pas Beulemenl dos désira, mais qu'il en est le principe même. C est au
sexe que l'amour va tout d'abord, puis dans le sexe, il s'attache de
préférence à la beauté.
Il n'est pas vrai non plus de dire que l'amour ne consiste que dans
un attachement de pensée, car on est obligé d'ajouter tout aussitôt qu'il
se détermine pourtant autre part que dans la pensée, et les profanes
sont tentés de rire. C'est lace galimatias des Précieuses, dont Molière
s'est moqué si bien.
« Qu'importe que ce plaisir soit faux, pourvu qu'on soit persuadé
qu'il est vrai? »
On peut même dire que le plaisir est toujours vrai, car il est tou-
jours vraiment plaisir. On ne peut entendre par plaisir faux que le
plaisir que nous fait quelque chose qui ne devrait pas nous en faire.
« Ceux de la cour sont mieux reçus dans l'amour que ceux de la
ville. » Voyez La Bruyère, Des Femmes, 29 : « Le rebut de la cour
est reçu à la ville dans une ruelle, où il défait le magistrat, etc. »
« Les hommes ont pris plaisir à se former une idée de l'agréable si
élevée, que personne n'y peut atteindre. Jugeons-en mieux, et disons
que ce n'est que le naturel, avec une facilité et une vivacité d'esprit
qui surprennent. »
En effet, être naturel et saisissant, ce n'est que cela I
FRAGMENT D'UN TRAITÉ DU VIDE l
Le respect que l'on porte à l'antiquité est aujourd'hui à tel
point, dans les matières où il doit avoir moins de force, que
Ton se fait des oracles de toutes ses pensées, et des mystères
même de ses obscurités 2; que l'on ne peut plus avancer de
nouveautés sans péril, et que le texte d'un auteur suffit pour
détruire les plus fortes raisons...
Ce n'est pas que mon intention soit de corriger un vice par
un autre, et de ne faire nulle estime des anciens, parce que
l'on en fait trop. Je ne prétends pas bannir leur autorité pour
relever le raisonnement tout seul, quoique l'on veuille établir
leur autorité seule au préjudice du raisonnement
Pour faire cette importante distinction avec attention 8 , il
i'aut considérer que les unes dépendent seulement de la mé-
moire, et sont purement historiques, n'ayant pour objet que
de savoir ce que les auteurs ont écrit; les autres dépendent
seulement du raisonnement, et sont entièrement dogmatiques,
ayant pour objet de chercher et découvrir les vérités cachées.
{. Ce morceau semble avoir dû e*ifi«er dans la préface d'un Traité du Vide, auquel
Pascal travaillait en 1651. Car dans uj lettre de cette date à M. Ribeyre, on lit : Vous
les verrez bientôt (les conséquences) dans un traité que j'achève, et que j'ai déjà com-
muniqué à plusieurs de nos amis, où l'on connaîtra quelle est la véritable cause de
tous les eflets que l'on a attribués à l'horreur du vide. » Pascal n'a point achevé ce traité,
qu'il promettait déjà dans son Récit de l'expérience du Puy-de-Dôme (1648); il s'est borné
à écrire les deux petits traités sur YÉ>/uilibre des liqueurs et sur la Pesanteur de l'air,
réunis en un corps d'ouvrage par des conclusions; ils n'ont paru qu'après sa mort. Voyez
le fragment 207 de l'article xxv.
On ne peut dire la date précise de ce morceau, mais il doit être antérieur, comme le
Discours qui précède, à la grande conversion de Pascal.
Le premier qui l'a publié est Bossut, qui en a fait le premier article de son édition
des Pensées, et qui l'a intitulé : De l'Autorité en matière de philosophie. M. Faugère a
donné le véritable texte de ce fragment, qui avait été un peu altéré par Bossut.
2. Ce mot de mystères est ici dans toute sa force, trop souvent oubliée dans l'usage;
il ne signitie pas seulement des obscurités, mais des obscurités sacrées et vénérables.
3. La distinction entre les deux sortes de connaissances que 1 homme peut poursuivre.
FTUfiMKNT D'UN TRAITÉ DU VJDE 267
Celles de la première sorte sont bornées, d'au Unit que les
livres dans lesquels elles sont contenues
C'est suivant cette distinction qu'il faut régler différemment
l'étendue de ce respect. Le respect que l'on doit avoir pour....
Dans les matières où l'on recherche seulement de savoir ce
que les auteurs ont écrit, comme dans l'histoire, dans la géo-
graphie, dans la jurisprudence, dans les langues,... et surtout
dans la théologie; et enfin dans toutes celles qui ont pour
principe, ou le fait simple, ou l'institution, divine ou hu-
maine, il faut nécessairement recourir à leurs livres, puisque
tout ce que l'on en peut savoir y est contenu : d'où il est évi-
dent que l'on peut en avoir la connaissance entière, et qu'il
n'est pas possible d'y rien ajouter.
S'il s'agit desavoir qui fut premier roi des Français; en quel
lieu les géographes placent le premier méridien; quels mot s
sont usités dans une langue morte, et toutes les choses de cette
nature ; quels autres moyens que les livres pourraient nous y
conduire? Et qui pourra rien ajouter de nouveau à ce qu'ils
nous en apprennent, puisqu'on ne veut savoir que ce qu'ils
contiennent? C'est l'autorité seule qui nous en peut éclaircir.
Mais où cette autorité a la principale force, c'est dans la théo-
logie, parce qu'elle y est inséparable de la vérité, et que nous
ne la connaissons que par elle ; de sorte que pour donner la
certitude entière des matières les plus incompréhensibles à la
raison, il suffit de les faire voir dans les livres sacrés (comme
pour montrer l'incertitude des choses les plus vraisemblables,
il faut seulement faire voir qu'elles n'y sont pas comprises);
parce que ses principes sont au-dessus de la nature et de la
raison, et que, l'esprit de l'homme étant trop faible pour y
arriver par ses propres efforts, il ne peut parvenir à ces hau-
tes intelligences, s'il n'y est porté par une force toute-puis-
sante et surnaturelle.
Il n'en est pas de même des sujets qui tombent sous le sens
ou sous le raisonnement : l'autorité y est inutile; la raison
seule a lieu d'en connaître. Elles ont leurs droits séparés :
l'une avait tantôt tout l'avantage; ici l'autre règne à son tour.
Mais comme lés sujets de cette sorte sont proportionnés à la
portée de l'esprit, il trouve une liberté tout entière de s'y éten-
2ÔÔ OPUSCULES DE PASCAt
dre : sa fécondité inépuisable produit continuellement, et ses
inventions peuvent être tout ensemble sans fin et sans inter-
ruption
C'est ainsi que la géométrie, l'arithmétique, la musique, la
physique, la médecine, l'architecture, et toutes les sciences
qui sont soumises à l'expérience et au raisonnement, doivent
être augmentées pour devenir parfaites. Les anciens les ont
trouvées seulement ébauchées par ceux qui les ont précédés ;
et nous les laisserons à ceux qui viendront après nous en un
état plus accompli que nous ne les'avons reçues. Gomme leur
perfection dépend du temps et de la peine, il est évident qu'en-
core que notre peine et notre temps nous eussent moins ac-
quis que leurs travaux, séparés des nôtres, tous deux néan-
moins joints ensemble doivent avoir plus d'effet que chacun en
particulier.
L'éclaircissement de cette différence doit nous faire plaindre
l'aveuglement de ceux qui apportent la seule autorité pour
preuve dans les matières physiques, au lieu du raisonnement
ou des expériences; et nous donner de l'horreur pour la malice
des autres, qui emploient le raisonnement seul dans la théolo-
gie, au lieu de l'autorité de l'Écriture et des Pères1. Il faut re-
lever le courage de ces gens timides qui n'osent rien inventer
en physique, et confondre l'insolence de ces téméraires qui
produisent des nouveautés en théologie. Cependant le malheur
du siècle est tel, qu'on voit beaucoup d'opinions nouvelles en
théologie, inconnues à toute l'antiquité, soutenues avec obsti-
nation et reçues avec applaudissement; au lieu que celles qu'on
produit dans la physique, quoiqu'en petit nombre, semblent
devoir être convaincues de fausseté dès qu'elles choquent tant
soit peu les opinions reçues; comme si le respect qu'on a pour
les anciens philosophes était de devoir, et que celui que l'on
porte aux plus anciens des Pères était seulement de bien-
séance ! Je laisse aux personnes judicieuses à remarquer l'im-
portance de cet abus qui pervertit l'ordre des sciences avec tant
d'injustice; et je crois qu'il y en aura peu qui ne souhaitent
que cette.... s'applique à d'autres matières, puisque les inven-
I. Ceci est un trait contre le probabilisme des Jésuites. Voir, dans les Pensées, le frag-
ment xxiv, 41.
FRAGMENT D'UN TRAITÉ MJ VIDE 269
tions nouvelles sont infailliblement des erreurs dans les ma-
tières que Ton profane impunément, et qu'elles sont absolument
nécessaires pour la perfection de tant d'autres sujets incompa-
rablement plus bas, que toutefois on n'oserait toucher.
Partageons avec plus de justice notre crédulité et notre dé-
fiance, et bornons ce respect que nous avons pour les anciens.
Comme la raison le fait naître, elle doit aussi le mesurer; et
considérons que, s'ils fussent demeurés dans cette retenue de
n'oser rien ajouter aux connaissances qu'ils avaient reçues, ou
que ceux de leur temps eussent fait la même difficulté de re-
cevoir les nouveautés qu'ils leur offraient, ils se seraient privés
eux-mêmes et leur postérité du fruit de leurs inventions.
Comme ils ne se sont servis de celles qui leur avaient été lais-
sées que comme de moyens pour en avoir de nouvelles, et que
cette heureuse hardiesse leur avait ouvert le chemin aux
grandes choses, nous devons prendre celles qu'ils nous ont ac-
quises de la même sorte, et à leur exemple en faire les moyens
et non pas la fin de notre étude, et ainsi tâcher de les surpasser
en les imitant. Car qu'y a-t-il de plus injuste que de traiter
nos anciens avec plus de retenue qu'ils n'ont fait ceux qui les
ont précédés , et d'avoir pour eux ce respect inviolable qu'ils
n'ont mérité de nous que parce qu'ils n'en ont pas eu un pareil
pour ceux qui ont eu sur eux le même avantage?
Les secrets de la nature sont cachés; quoiqu'elle agisse tou-
jours, on ne découvre pas toujours ses effets; le temps les ré-
vèle d'âge en âge, et, quoique toujours égale en elle-même,
elle n'est pas toujours également connue. Les expériences qui
nous en donnent l'intelligence multiplient continuellement ;
et, comme elles sont les seuls principes de la physique, les
conséquences multiplient à proportion. C'est de cette façon que
l'on, peut aujourd'hui prendre d'autres sentiments et de nou-
velles opinions sans mépris et sans ingratitude, puisque les
premières connaissances qu'ils nous ont données ont servi de
degrés aux nôtres, et que dans ces avantages nous leur sommes
redevables de l'ascendant que nous avons sur eux ; parce que
s'étant élevés jusqu'à un certain degré où ils nous ont portés,
le moindre effort nous fait monter plus haut, et avec moins de
peine et moins de gloire nous nous trouvons au-dessus d'eux.
11.
270 OPUSCULtS DE PASCAL
C'est de là que nous pouvons découvrir des choses qu'il leur
était impossible d'apercevoir. Notre vue a plus d'étendue; et,
quoiqu'ils connussent aussi bien que nous tout ce qu'ils pou-
vaient remarquer de la nature, ils n'en connaissaient pas tant
néanmoins, et nous voyons plus qu'eux.
Cependant il est étrange de quelle sorte on révère leurs sen-
timents. On fait un crime de les contredire et un attentat d'y
ajouter, comme s'ils n'avaient plus laissé de vérités à con-
naître. N'est-ce pas là traiter indignement la raison de l'homme,
et la mettre en parallèle avec l'instinct des animaux, puisqu'on
en ôte la principale différence, qui consiste en ce que les effets
du raisonnement augmentent sans cesse, au lieu que l'instinct
demeure toujours dans un état égal? Les ruches des abeilles
étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu'aujourd'hui, et
chacune d'elle forme cet hexagone aussi exactement la pre-
mière fois que la dernière. Il en est de même de tout ce que
les animaux produisent par ce mouvement occulte1. La nature
les instruit, à mesure que la nécessité les presse; mais cette
science fragile se perd avec les besoins qu'ils en ont; comme
ils la reçoivent sans étude, ils n'ont pas le bonheur de la con-
server ; et toutes les fois qu'elle leur est donnée , elle leur est
îouvelle, puisque, la nature n'ayant pour objet que de main-
tenir les animaux dans un ordre de perfection bornée, elle leur
inspire cette science nécessaire toujours égale, de peur qu'ils
ne tombent dans le dépérissement, et ne permet pas qu'ils y
ajoutent, de peur qu'ils ne passent les limites qu'elle leur a
prescrites. Il n'en est pas de même de l'homme, qui n'est pro-
duit que pour l'infinité. Il est dans l'ignorance au premier âge
de sa vie , mais il s'instruit sans cesse dans son progrès ; car il
tire avantage non-seulement de sa propre expérience, mais
encore de celle de ses prédécesseurs; parce qu'il garde toujours
dans sa mémoire les connaissances qu'il s'est une fois acquises,
et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les
livres qu'ils en ont laissés. Et comme il conserve ces connais-
sances, il peut aussi les augmenter facilement; de sorte que
les hommes sont aujourd'hui en quelque sorte dans le même
état où se trouveraient ces anciens philosophes, s'ils pouvaient
1. ( Ils le ïont toujours, et jamais autrement », ùd ^..uurs Pascal xxy, li bis).
FlUOMENT 0*UN TRAITÉ MJ VIDE. 271
avoir vieilli jusques à présent, en ajoutant aux connaissances
qu'il avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérii
à la faveur de tant de siècles. De là vient que, par une préro-
gative particulière, non-seulement chacun des hommes s'a-
vance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les
hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que
l'univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la suc
cession des hommes que dans les âges différents d'un particu-
lier. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours
de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme
qui subsiste toujours et qui apprend continuellement; d'où
l'on voit avec combien d'injustice nous respectons l'antiquité
dans ses philosophes ; car, comme la vieillesse est l'âge le plus
distant de l'enfance, qui ne voit que la vieillesse, dans cet
homme universel, ne doit pas être cherchée dans les temps
proches de sa naissance, mais dans ceux qui en sont les plus
éloignés? Ceux que nous appelons anciens étaient véritablement
nouveaux en toutes choses, et formaient l'enfance des hommes
proprement; et comme nous avons joint à leurs connaissances
l'expérience des siècles qui les ont suivis, c'est en nous que
l'on peut trouver cette antiquité que nous révérons dans les
autres.
Ils doivent être admirés dans les conséquences qu'ils ont
bien tirées du peu de principes qu'ils avaient, et ils doivent
être excusés dans celles où ils ont plutôt manqué du bonheur
de l'expérience que de la force du raisonnement.
Car n'étaient -ils pas excusables dans la pensée qu'ils ont eue
pour la voie de lait, quand, la faiblesse de leurs yeux n'ayant
pas encore reçu le secours de l'artifice *, ils ont attribué cette
couleur à une plus grande solidité en cette partie du ciel , qui
renvoie la lumière avec plus de force2? Mais ne serions-nous
pas inexcusables de demeurer dans la même pensée, mainte-
nant qu'aidés des avantages que nous donne la lunette d'ap-
proche, nous y avons découvert une infinité de petites étoiles,
1. Nous dirions, de l'art. La voie de lait est la voie lactée.
2. Aristote , Meteor. I, 8, parle en effet de physiciens qui attribuaient la blancheul
lactée à la réflexion de la lumière du soleil renvoyée par les régions célestes. Lui-mêma
combat cette opinion , mais l'explication qu'il donne du phénomène ne vaut pas mieux
que celle qu'il condamne
272 OPUSCULES DE PASCAL /
dont la splendeur plus abondante nous a fait reconnaître quelle
est la véritable cause de cette blancheur?
N'avaient-ils pas aussi sujet de dire que tous les corps cor-
ruptibles étaient renfermés dans la sphère du ciel de la lune,
lorsque durant le cours de tant de siècles ils n'avaient point
encore remarqué de corruptions ni de générations hors de cet
espace? Mais ne devons-nous pas assurer le contraire, lorsque
toute la terre a vu sensiblement des comètes s'enflammer et
disparaître bien loin au delà de cette sphère * ?
C'est ainsi que, sur le sujet du vide, ils avaient droit de dire
que la nature n'en souffrait point, parce que toutes leurs expé-
riences leur avaient toujours fait remarquer qu'elle l'abhorrait
et ne le pouvait souffrir2. Mais si les nouvelles expériences
leur avaient été connues, peut-être auraient-ils trouvé sujet
d'affirmer ce qu'ils ont eu sujet de nier par là que le vide n'a-
vait point encore paru3. Aussi, dans le jugement qu'ils ont fait
que la nature ne souffrait point de vide , ils n'ont entendu
parler de la nature qu'en l'état où ils la connaissaient ; puisque,
pour le dire généralement, ce ne serait assez de l'avoir vu cons-
tamment en cent rencontres, ni en mille, ni en tout autre
nombre, quelque grand qu'il soit; puisque, s'il restait un seul
cas à examiner, ce seul suffirait pour empêcher la définition
générale, et si un seul était contraire, ce seul Car, dans
toutes les matières dont la preuve consiste en expériences et
non en démonstrations, on ne peut faire aucune assertion uni-
verselle que par la générale énumération de toutes les parties et
de tous les cas différents. C'est ainsi que, quand nous disons que
le diamant est le plus dur de tous les corps, nous entendons
de tous les corps que nous connaissons , et nous ne pouvons
{. Voir le second chapitre du TJepl xôsfxov, faussement attribué à Arîstote. On suppo-
sait entre la terre et la grande sphère des étoiles fixes , un certain nombre de cercles
ou de cieux sur chacun desquels tournait chaque planète : celui de la lune était le dernier
et le plus rapproché de nous. Au dessous s'étendait la région ignée où naissent et meu-
rent les météores de toute espèce, parmi lesquels on confondait les comètes. — Cicéron
a dit dans le Songe de Scipion [de Republ. VI, 10) : ... in infimoque orbe luna... lnfra
autem jarn nihil est nisi rnorlale et caducum... supra lunam sunt xlcrna omnia.
2. Voir les prolégomènes des nvîity/.fcTtxà d'Héron d'Alexandrie. Les expériences de la
succion, du siphon, etc., y sont expliquées par ce principe, qu'en aspirant l'air on fait
un vide, et que ce vide étant contre nature (noLpà pûstv), et ne pouvant absolument sub-
sister, le liquide s'élève aussitôt pour le remplir. Quant à la métaphore de l'horreur du
vide, elle appar ient, je pense, à la scolastique.
3. Voyez la Vie de Pascal, page lxviii de l'Introduction.
REMARQUES SUR LE FRAGMENT D'UN TRAITÉ DU VIDE 273
ni no (lovons y comprendre ceux qu<> nous ne connaissons
point; et quand nous disons que Toi* est le plus pesant de tous
les corps , nous serions téméraires de comprendre dans cette
proposition générale ceux qui ne sont point encore en notre
connaissance, quoiqu'il ne soit pas impossible qu'ils soient en
nature1. De même, quand les anciens ont assuré que la nature
ne souffrait point de vide, ils ont entendu qu'elle n'en souffrait
point dans toutes les expériences qu'ils avaient vues, et ils
n'auraient pu sans témérité y comprendre celles qui n'étaient
pas en leur connaissance. Que si elles y eussent été, sans doute
ils auraient tiré les mêmes conséquences que nous, et les au-
raient par leur aveu autorisées de cette antiquité dont on veut
fairo aujourd'hui l'unique principe des sciences.
C'est ainsi que, sans les contredire, nous pouvons assurer le
contraire de ce qu'ils disaient ; et, quelque force enfin qu'ait
cette antiquité, la vérité doit toujours avoir l'avantage, quoi-
que nouvellement découverte, puisqu'elle est toujours plus
ancienne que toutes les opinions qu'on en a eues, et que ce se-
rait ignorer sa nature de s'imaginer qu'elle ait commencé d'ê-
tre au temps qu'elle a commencé d'être connue.
REMARQUES SUR LE FRAGMENT D'UN TRAITÉ DU VIDE.
En confondant cet opuscule avec les Pensées, en le plaçant presque à
côté du fragment fameux : « Que l'homme contemple donc la nature
entière... », Bossut et ceux qui l'ont suivi n'ont pas fait attention que
ces deux écrits nous présentent l'esprit de Pascal sous deux aspects
presque contraires. Celui-ci est plein d'une foi profonde dans le travail
et le progrès de la raison, foi qui convenait si bien à un tel génie, et
qu'une sorte de maladie de l'intelligence a pu seule étouffer en lui.
Autant on souffre avec Pascal quand sa pensée travaille, par de si vio-
lents efforts, à se convaincre elle-même d'impuissance, autant il y a
plaisir à l'entendre ici, joyeux et fier, reconnaître, en termes magnifi-
ques, toute la portée de l'esprit humain, sa fécondité inépuisable, et ses
inventions qui peuvent être tout ensemble sans fin et sans interruption.
Au lieu de cette éloquence désespérée qui va poussant l'homme jus-
qu'à l'abêtissement, on goûte avec bonheur l'imagination saine et géné-
1. En effet, nous connaissons maintenant le platine, qni est plus pesant que l'or.
274 OPUSCULES DE PASCAL
reuse qui célèbre l'indépendance et la souveraineté de la raison, et
proteste contre la superstition de l'antiquité avec une force que Pas-
cal n'a pas retrouvée contre d'autres superstitions. Tout ce qu'il dit à
ce sujet est admirable, soit qu'il tranche tout par des mots irrésisti-
bles, comme quand il dit que la vérité est toujours plus ancienne que
toutes les opinions quon en a eues, soit qu'il arrive par un développe-
ment large et superbe à mettre en pleine lumière cette conclusion,
que a c'est en nous que l'on peut trouver cette antiquité que nous ré-
vérons dans les autres » .
Ici d'ailleurs, comme pour cette image fameuse (dans les Pensées)
de la sphère infinie, dont le centre est partout et la circonférence nulle
part, c'est le développement et le grand style qui lui appartiennent;
l'idée remonte plus haut que lui. Bacon avait dit, dans le livre De di-
gnitate et augmenlis scientiarum, son premier ouvrage : « En réalité,
l'antiquité de l'histoire est la jeunesse du monde. C'est nous qui som-
mes les anciens, puisque maintenant le monde est vieux, et non pas
ceux qu'on appelle ainsi parce que l'on compte, en remontant le cours
des siècles, à partir de notre temps. » Et dans le Novum organum
(V, 84), il avait développé ainsi sa pensée : Le préjugé que les hom-
mes nourrissent en faveur de l'antiquité est tout à fait irréfléchi, et
contradictoire même dans les termes. La véritable antiquité, c'est la
vieillesse du monde, qui doit être placée au temps où nous sommes, et
non pas au temps où le monde était jeune, qui est celui des anciens.
Par rapport à nous, ils sont des anciens et des aînés ; mais par rapport
à l'âge du monde, l'antiquité est toute jeune, et notre cadette. Et de
même que la connaissance de la vie et la maturité du jugement se
rencontrent plutôt chez le vieillard que chez le jeune homme, à cause
de son inexpérience et de tout ce qu'il a amassé d'observations, d'in-
formations, de réflexions de toute espèce ; ainsi notre temps, s'il veut
connaître ses forces, les essayer et s'évertuer, doit être capable de bien
plus grandes choses que les anciens âges, etc. i »
Et déjà, plus de trois cents ans auparavant, le vieux Roger Bacon
était bien près de la même idée, lorsqu'au chapitre vi de la première
partie de YOpus majus, il exprimait cette pensée, en l'attribuant à Sé-
nèque, qu'il n'y a rien de complet dans les inventions humaines, et
que les plus jeunes sont les plus éclairés, parce que les plus jeunes,
venant les derniers dans la succession des temps, entrent en posses-
sion du travail de ceux d'avant eux 2.
1. M. Bouillet, dans les notes de son édition de Bacon, n'avait pas oublié de rappro-
cher ces passages de celui de Pascal.
2. • Et infert, quanto juniores, tanto perspicaciores, quia juniores, posteriores suc-
cessiune temporum, ingrediunlur labores priorum. » — ■ Ce passage avait été relevé dans
REMARQUES SUR LE FRAGMENT D'UN TRAITÉ DU VIDE 275
Baillet dit, dans sa Vie de Descartes, vin, 10, que, dans des frag-
ments laissas par Descartes en manuscrit, on trouve ce passage : Non
est quod anfitjuis multum tribuamué propter antiquitatem, sed nos po-
tins iis antiquiores dicendi. Jam enim senior est mundus quam tune,
majoremque habemus rerum experientiam.
Enfin Fontenelle a écrit, dans sa Digression sur les anciens et les mo-
dernes, à la suite de ses Eglogues otàe son Discours sur VÉglog :c(1688):
« Un bon esprit cultivé est, pour ainsi dire, composé de tous les es-
prits dfs siècles précédents; ce n'est qu'un même esprit, qui s'est cul-
tivé pendant tout ce temps-là. Ainsi, cet homme, qui a vécu depuis
le commencement du monde jusqu'à présent, a eu son enfance, etc. ' »
Mais quelle dislance entre Pascal et Fontenelle I Tout le bel esprit
de l'académicien est froid, petit, sophistique même dans le vrai, et le
présentant sous un jour faux. Ici, tout est lumière, chaleur, élévation;
c'est la vérité dans sa splendeur. Cette plainte sur la raison, indigne-
ment traitée et rabaissée jusqu'à l'instinct, cette vue large de l'action
continuelle de la nature dans les espèces animales, ce mot sur
l'homme, qui n est produit que pour l'infinité, cet homme universel, qui
subsiste toujours et qui apprend continuellement, voilà des traits de
Pascal. La grandeur des choses fait la grandeur de la phrase. Et la fin
des deux écrivains ne diffère pas moins que leur style : l'un est un
penseur qui veut faire reconnaître les droits de la raison humaine ;
I autre est un poëte (puisque cela s'appelle ainsi), qui prétend prouver
que la poésie de Tbéocritc et de Virgile n'est rien au prix de celle de
ses Églogues.
On a cru retrouver dans Augustin cette pensée en germe. Nous
voyons, en effet, dans la Cité de Dieu (X, 14), l'humanité qui se déve-
loppe comme un seul homme par périodes distinctes, et suivant des
âges qui se succèdent : Sicut autem unius hominis, ita humanigeneris.,.
recta eruditio per quosdam articulos temporum tanquam œtatum proces-
sit accessibus. Il dit la même chose dans la question 58 du livre inti-
tulé, De diversis quœstionibus lxxxiii liber unus. Et j'ai cité, dans les Re-
marques sur le fragment 99 bis de l'article xxv, un autre passage sur
le même thème. Mais ce passage, véritablement bizarre jusqu'à l'ab-
surde, est aussi loin que possible des grandes pensées que développe
ici Pascal. La ressemblance est purement extérieure; et Augustin n'a
pas même entrevu l'idée du développement indéfini de l'humanité. Au
contraire, il ne partage l'histoire du monde en six âges, déterminés
le brillant volume d'Hippolyte Riirault (aussi judicieux que brillant) sur YHisioire de la
querelle des anciens et des modernes (1856), p. 24.
1. Le morceau de Pascal n'était pas publié quand rûnlencllo écrivait cette page. L'a-
yait-il lu en rar.nusail?
276 OPUSCULES DE PASCAL
uniquement par certaines dates de l'histoire sainte, que pour conclure
que nous sommes au dernier, et que nous touchons à la fin des temps.
Remarquons enfin que Pascal rend aux anciens, c'est-à-dire aux
Grecs, tout ce qu'on leur doit, quand il reconnaît, non-seulement que
nous avions besoin d'eux pour aller plus loin qu'eux, mais que notre
peine et notre temps nous eussent moins acquis que leurs travaux séparés
des nôtres. Fontenelle n'avait ni assez de justice, ni assez de lumières
pour parler ainsi.
Quand Pascal se plaint que les opinions nouvelles qu'on produit dans
la physique, quoique en petit nombre, semblent devoir être convain-
cues de fausseté, dès qu elles choquent tant soit peu les opinions re-
çues, il ne parle que des opinions reçues dans l'École, et non des opi-
nions théologiques, puisqu'il ajoute aussitôt, comme si le respect qu'on
a pour les anciens était de devoir. Il ne fait donc pas allusion à la doc-
trine du mouvement de la terre, qu'il n'a jamais osé adopter lui-
même, mais peut-être à celle de la circulation du sang, et surtout à
celle de la pesanteur de l'air, que sa fameuse expérience du Puy-de-
Dôme avait achevé de démontrer, et qui faisait le sujet du livre dont
ces pages mêmes devaient faire partie. Il savait mieux que personne
quel est l'empire de la tradition, puisque lui-même était resté long-
temps fidèle à Y horreur du vide, et qu'il avait eu la plus grande peine
à se détacher de cette croyance universelle du monde, comme il l'appelle
quelque part. Voyez son écrit intitulé : Expérience touchant le vide,
etc., 1647, au tome iv des Œuvres de Biaise Pascal, édition de 1819
(pages 54 et suivantes).
On remarquera, au sujet des comètes (p. 273), que tout en recon-
naissant qu'elles se montrent bien au delà de la lune, Pascal paraît
les considérer lui-même comme des météores ou feux passagers, qui
se produisent tout à coup et s'éteignent tout à coup aussi. Il semble
ignorer que les comètes sont de véritables astres, dont l'existence est
indépendante de leur apparition, et qui accomplissent leur révolution
autour du soleil. C'est pourtant ce que de grands esprits avaient de-
viné déjà chez les anciens, comme on le voit par Aristote même, qui
combat leurs conjectures (Meteor. I, 6). Voir aussi la belle exposi-
tion du VIIe livre des Questions naturelles de Sénèque. Du reste, cela
n'empêche pas qu'il ne puisse y avoir partout, dans l'univers, produc-
tion et destruction continuelle, ou, comme dit Pascal, d'après les
Grecs, génération et corruption (yivtmç xal f6opâ)-} et que les soleils
mêmes et les étoiles ne s'enflamment ou ne s'éteignent en des points
divers de l'espace et du temps. Voyez le Cosmos d'Alex, de Humboldt,
tome Ier, page 88 de la traduction française.
REMARQUES SUR LE FRAGMENT D*UN TRAITÉ DU VIDE 277
Il y a une chose, dans ce beau manifeste philosophique, qu'on ne
peut s'empêcher de voir avec regret, c'est un dédain des connaissances
historiques qui témoigne assez que Pascal était trop étranger à ces
connaissantes. Il s'en faut beaucoup que les sciences historiques con-
sistent uniquement à savoir ce que les auteurs ont écrit ; elles consistent
bien plutôt à démêler, à travers ce qu'ils ont écrit, ce qui a été, tâche
beaucoup plus intéressante et beaucoup plus grande. Il ajoute qu'elles
sont bornées; cela est bientôt dit, mais dans ces bornes mêmes, quelle
n'est pas l'effrayante étendue de ces études ! Savoir seulement ce que
les autres ont écrit, pour parler comme Pascal, est un travail énorme,
et de plus un travail d'une portée immense. L'histoire est le fond
de tout pour les sciences de l'ordre moral. Si Pascal avait connu
l'Orient, l'antiquité, le moyen âge; s'il avait su les langues, s'il avait
pu lire et s'il avait lu davantage; s'il s'était bien rendu compte de ce
qu'ont écrit les auteurs des livres sacrés, et surtout de ce qu'ils n'ont
pas écrit; s'il s'était fait une plus juste idée de la critique des dates et
des textes, toute sa théologie et toute sa philosophie ensemble auraient
crouié.
DE L'ESPRIT GEOMETRIQUE
PREMIER FRAGMENT
1.
On peut avoir trois principaux objets dans l'étude de la vé-
rité ; Pun, de la découvrir quand on la cherche ; l'autre, de la
démontrer quand on la possède; le dernier, de la discerner
d'avec le faux quand on l'examine.
Je ne parle point du premier; je traite particulièrement du
second, et il enferme le troisième. Car, si l'on sait la méthode
i. Les deux fragments réunis sous ce titre forment les articles n et m de la première
partie dans l'édition de Bossut, et y sont intitulés : le premier, Réflexions sur la Géomé-
trie en général, et le second, De l'Art de persuader.
M. Faugère a cité un passa e du premier Discours placé en tête de la Logique de Port-
Royal, où il est dit que, dans cette Logique, on a tiré plusieurs choses d'un petit écrit
non imprimé, qui avait été fait par feu M. Pascal, et qu'il avait intitulé : De l'Esprit
géométrique. Mais il ne rapporte cette indication qu'au premier des deux fragments. Ce-
pendant, après les mots que j'ai cités, les auteurs de la Logique ajoutent immédiatement :
t Et c'est ce qui est dit dans le chapitre xi de la première partie, de la différence des
définitions de nom et des définitions de chose, et les cinq règles qui sont expliquées dans
la quatrième partie [chap. ni et suivants], que l'on y a beaucoup plus étendues qu'elles
ne le sont dans cet écrit. ■ Or, la distinction des définitions de nom et de chose se trouve
bien dans le premier fragment, mais c'est dans le second, dans celui qu'on intitule or-
dinairement : De l'Art de persuader, que les cinq règles dont il est question ici sont
présentées. Donc l'indication de la Logique de Port-Royal se rapporte aux deux fragments
à la fois, dont elle parie comme d'un seul écrit.
Dans l'un et l'autre fragment, l'auteur divise son sujet en deux parties, et n'aborde
que la première. Pour cette première partie même, tous les deux sont incomplets. Le
premier, quoique ayant plus d'étendue, l'est tellement, qu'on peut dire qu'il s'arrête aux
préliminaires du sujet. Ce sont deux rédactions différentes d'un même travail ; la pre-
mière est commencée seulement; la seconde, qui va plus vite, va aussi plus loin. C'est
ainsi que Pascal a laissé, d'une part, des fragments d'un grand Traité du Vide; de l'autre,
une espèce de réduction achevée de ce traité, dans le petit ouvrage qui se compose des
deux écrits sur l'Équilibre des liqueurs et la Pesanteur de l'air.
On verra, par différents traits, que ces deux morceaux on dû être 6crits à une époque
où les sentiments religieux de Pascal étaient déjà très-vifs, sans que son esprit fût en-
core absorbé tout entier dans les méditations théologiques. J'imagine qu'il les a compo-
sés dans les premiers temps de sa retraite à Port-Royal, un peu avant les Provinciales
(16j5). Le premier fragment a été publié pour la première fois par Condorcet, d'une ma-
nière incomplète. Le second l'avait été par le P. Desmolets. 11 s'en est conservé en ma-
nuscrit une copie, d'après laquelle M. Faugère les a donnés.
de l'esprit géométrique 279
de prouver la vérité, on aura en même temps celle de la discer-
ner, puisqu'en examinant si la preuve qu'on en donne est con-
forme aux règles qu'on connaît, on saura si elle est exacte-
ment démontrée.
La géométrie, qui excelle en ces trois genres, a expliqué l'art
de découvrir les vérités inconnues; et c'est ce qu'elle appelle
Analyse, et dont il serait inutile de discourir après tant d'ex-
cellents ouvrages qui ont été faits.
Celui de démontrer des vérités déjà trouvées, et de les éclair-
cir de telle sorte que la preuve en soit invincible, est le seul
que je veux donner ; et je n'ai pour cela qu'à expliquer la mé-
thode que la géométrie y observe; car elle l'enseigne parfaite-
ment par ses exemples, quoiqu'elle n'en produise aucun dis-
cours. Et parce que cet art consiste en deux choses principales,
l'une de prouver chaque proposition en particulier, l'autre de
disposer toutes les propositions dans le meilleur ordre, j'en
ferai deux sections, dont l'une contiendra les règles de la con-
duite des démonstrations géométriques, c'est-à-dire méthodi-
ques et parfaites, et la seconde comprendra celles de l'ordre
géométrique , c'est-à-dire méthodique et accompli : de sorte
que les deux ensemble enfermeront tout ce qui sera nécessaire
pour la conduite du raisonnement à prouver et discerner les
vérités ; lesquelles j'ai dessein de donner entières1*
SECTION PREMIÈRE.
De la méthode des démonstrations géométriques, c'est-à-dire
méthodiques et parfaites.
Je ne puis faire mieux entendre la conduite qu'on doit gar-
der pour rendre les démonstrations convaincantes, qu'en ex-
pliquant celle que la géométrie observe.
[Mon objet] est bien plus de réussir à Tune qu'à l'autre8, et
je n'ai choisi cette science pour y arriver que parce qu'elle
seule sait les véritables règles du raisonnement, et, sans s'ar-
1. Lesquelles deux sections. Pascal n'a pas fait ce qu'il se promettait de faire.
2. Cet alinéa et le suivant étaient sur un papier à part, à ce que nous apprend un©
note du copiste. J'ai rempli la lacune des premiers mots. 11 veut dire : mon objet est
bien plus de réussir dans la méthode générale de démontrer que dans la géométrie en
particulier»
280 OPUSCULES DE PASCAL
rêter aux règles des syllogismes, qui sont tellement naturelles
qu'on ne peut les ignorer, s'arrête et se fonde sur la véritable
méthode de conduire le raisonnement en toutes choses, que
presque tout le monde ignore, et qu'il est si avantageux de sa-
voir, que nous voyons par expérience qu'entre esprits égaux et
toutes choses pareilles, celui qui a de la géométrie l'emporte
et acquiert une vigueur toute nouvelle.
Je veux donc faire entendre ce que c'est que démonstration
par l'exemple de celles de géométrie, qui est presque la seule
des sciences humaines qui en produise d'infaillibles, parce
qu'elle seule observe la véritable méthode, au lieu que toutes
les autres sont par une nécessité naturelle dans quelque sorte
de confusion, que les seuls géomètres savent extrêmement
connaître 1.
Mais il faut auparavant que je donne l'idée d'une méthode
encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes
ne sauraient jamais arriver : car ce qui passe la géométrie
nous surpasse ; et néanmoins il est nécessaire d'en dire quel-
que chose, quoiqu'il soit impossible de le pratiquer.
Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations
dans la plus haute excellence, s'il était possible d'y arriver,
consisterait en deux choses principales : l'une, de n'employer
aucun terme dont on n'eût auparavant expliqué nettement le
sens; l'autre, de n'avancer jamais aucune proposition qu'on
ne démontrât par des vérités déjà connues ; c'est-à-dire, en
un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les pro-
positions. Mais, pour suivre l'ordre même que j'explique, il
faut que je déclare ce que j'entends par définition.
On ne reconnaît en géométrie que les seules définitions que
les logiciens appellent définitions de nom, c'est-à-dire que les
seules impositions de nom aux choses qu'on a clairement dési-
gnées en termes parfaitement connus ; et je ne parle que de
celles-là seulement. Leur utilité et leur usage est d'éclaircir
et d'abréger le discours, en exprimant par le seul nom qu'on
impose ce qui ne pourrait se dire qu'en plusieurs termes ; en
sorte néanmoins que le nom imposé demeure dénué de tout
autre sens, s'il en a, pour n'avoir plus que celui auquel on le
I. Ces derniers mots ne s'entendent pas biea.
DE l'esprit géométrique 281
destine uniquement. En voici un exemple. Si l'on a besoin de
distinguer dans les nombres ceux qui sont divisibles en deux
également d'avec ceux qui ne le sont pas, pour éviter de répé-
ter souvent cette condition, on lui donne mi nom en cette
sorte : j'appelle tout nombre divisible en deux également nom-
bre pair. Voilà une définition géométrique; parce qu'après
avoir clairement désigné une chose, savoir tout nombre divi-
sible en deux également, on lui donne un nom que l'on desti-
tue de tout autre sens, s'il en a, pour lui donner celui de la
chose désignée. D'où il paraît que les définitions sont très-li-
bres, et qu'elles ne sont jamais sujettes à être contredites, car
il n'y a rien de plus permis que de donner à une chose qu'on a
clairement désignée un nom tel qu'on voudra. 11 faut seulement
prendre garde qu'on n'abuse de la liberté qu'on a d'imposer
des noms, en donnant le même à deux choses différentes.
Ce n'est pas que cela ne soit permis, pourvu qu'on n'en con-
fonde pas les conséquences, et qu'on ne les étende pas de l'une
à l'autre.
Mais si l'on tombe dans ce vice, on peut lui opposer un re-
mède très-sûr et très-infaillible : c'est de substituer mentale-
ment la définition à la place du défini, et d'avoir toujours la
définition si présente que, toutes les fois qu'on parle, par
exemple, de nombre pair, on entende précisément que c'est ce-
lui qui est divisible en deux parties égales, et que ces deux
choses soient tellement jointes et inséparables dans la pensée,
qu'aussitôt que le discours en exprime l'une, l'esprit y attache
immédiatement l'autre. Car les géomètres, et tous ceux qui
agissent méthodiquement, n'imposent des noms aux choses
que pour abréger le discours, et non pour diminuer ou chan-
ger l'idée des choses dont ils discourent. Et ils prétendent que
l'esprit supplée toujours la définition entière aux termes courts,
qu'ils n'emploient que pour éviter la confusion que la multi-
tude des paroles apporte. Rien n'éloigne plus promptement et
plus puissamment les surprises captieuses des sophistes que
cette méthode, qu'il faut avoir toujours présente, et qui suffit
seule pour bannir toutes sortes de difficultés et d'équivoques.
Ces choses étant bien entendues, je reviens à l'explication
du véritable ordre, qui consiste, comme je disais, à tout défi-
282 OPUSCULES Î)Ë PASCAL
nir et à tout prouver. Certainement cette méthode serait belle,
mais elle est absolument impossible ; car il est évident que
les premiers termes qu'on voudrait définir en supposeraient de
précédents pour servir à leur explication, et que de même les
premières propositions qu'on voudrait prouver en suppose-
raient d'autres qui les précédassent; et ainsi il est clair qu'on
n'arriverait jamais aux premières. Aussi, en poussant les re-
cherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des mots
primitifs qu'on ne peut plus définir, et à des principes si clairs
qu'on n'en trouve plus qui le soient davantage pour servir à
leur preuve. D'où il paraît que les hommes sont dans une im-
puissance naturelle et immuable de traiter quelque science
que ce soit dans un ordre absolument accompli.
Mais il ne s'ensuit pas de là qu'on doive abandonner toute
sorte d'ordre. Car il y en a un, et c'est celui de la géométrie,
qui est à la vérité inférieur en ce qu'il est moins convaincant,
mais non pas en ce qu'il est moins certain. Il ne définit pas
tout et ne prouve pas tout, et c'est en cela qu'il lui cède ; mais
il ne suppose que des choses claires et constantes par la lu-
mière naturelle, et c'est pourquoi il est parfaitement véritable,
la nature le soutenant au défaut du discours l. Cet ordre, le
plus parfait entre les hommes, consiste non pas à tout définir
ou à tout démontrer, ni aussi à ne rien définir ou à ne rien dé-
montrer, mais à se tenir dans ce milieu de ne point définir les
choses claires et entendues de tous les hommes, et de définir
toutes les autres ; et de ne point prouver toutes les choses con-
nues des hommes, et de prouver toutes les autres. Contre cet
ordre pèchent également ceux qui entreprennent de tout définir
et de tout prouver, et ceux qui négligent de le faire dans les
choses qui ne sont pas évidentes d'elles-mêmes.
C'est ce que la géométrie enseigne parfaitement. Elle ne dé-
finit aucune de ces choses, espace, temps, mouvement, nombre,
égalité, ni les semblables qui sont en grand nombre, parce que
ces termes-là désignent si naturellement les choses qu'ils signi-
fient, à ceux qui entendent la langue, que l'éclaircissement
qu'on en voudrait faire apporterait plus d'obscurité que d'ins-
i. C'est-à-dire, du raisonnement.
de l'esprit gêomêtriqub 283
traction. Car il n'y a rien de plus faible que le discours de
ceux qui veulent définir ces mots primitifs. Quelle nécessité
y a-t-il, par exemple, d'expliquer ce qu'on entend par le mot
homme ? Ne sait-on pas assez quelle est la chose qu'on veut
désigner par ce terme? Et quel avantage pensait nous procurer
Platon, en disant que c'était un animal à deux jambes sans
plumes '? Gomme si l'idée que j'en ai naturellement, et que je
ne puis exprimer, n'était pas plus nette et plus sûre que celle
qu'il me donne par son explication inutile et môme ridicule;
puisqu'un homme ne perd pas l'humanité en perdant les deux
jambes, et qu'un chapon ne l'acquiert pas en perdant ses
plumes.
Il y en a qui vont jusqu'à cette absurdité d'expliquer un mot
par le mot même. J'en sais qui ont défini la lumière en cette
sorte : La lumière est un mouvement luminaire des corps lumi-
neux; comme si on pouvait entendre les mots de luminaire et
(\e lumineux sans celui de lumière *.
On ne peut entreprendre de définir l'être sans tomber dan*
cette absurdité : car on ne peut définir un mot sans commencer
par celui-ci, c'est, soit qu'on exprime ou qu'on le sous-en-
tende. Donc pour définir l'être, il faudrait dire c'est, et ainsi
employer le mot défini dans sa définition3.
On voit assez de là qu'il y a des mots incapables d'être dé-
finis ; et si- la nature n'avait suppléé à ce défaut par une idée
pareille qu'elle a donnée à tous les hommes, toutes nos
expressions seraient confuses ; au lieu qu'on en use avec la
même assurance et la même certitude que s'ils étaient expli-
qués d'une manière parfaitement exempte d'équivoques; parce
que la nature nous en a elle-même donné, sans paroles, une
1. Montaigne, Apol, t. ni, p. 213, d'après Diogène Laërce, IV, 40.
î. Celte absurdité appartient au P. Noël, jésuite, qui avait attaqué les premiers tra-
vaux scientifiques de Pascal avec une physique et une éloquence également ridicules.
On lit en effet dans sa première lettre (imprimée au tome iv des OEuvres de Pascal) ces
incroyables paroles : «... Puisque la lumière, ou plutôt l'illumination, est un mouvement
luminaire des rayons composés des corps lucides qui remplissent les corps transparents
et ne sont mus luminairement que par d'autres corps lucides. > Pascal releva sur-le-
champ cette définition étrange dans sa Réponse au P. Noél, en lui opposant les mêmes
principes qu'il énonce ici. Mais le galimatias est tellement incompatible avec l'esprit de
Pascal qu'il n'a pu conserver celui-là dans toute sa richesse; il l'a simplifié et l'a rendu
plus net comme malgré lui. Le P. Noël, dans sa seconde lettre à Pascal, essaie d'expli-
quer sa définition, mais le commentaire n'est pas moins obscur que le texte.
3. Voyez la même pensée dans l'Entretien de Pascal avec M. de Saci, p. cxxviii de
l'Introduction.
284 OPUSCULES DE PASCAL
intelligence plus nette que celle que l'art nous acquiert pai
nos explications.
Ce n'est pas que tous les hommes aient la même idée de l'es-
sence des choses que je dis qu'il est impossible et inutile de
définir. Car par exemple, le temps est de cette sorte. Qui le
pourra définir? Et pourquoi l'entreprendre, puisque tous les
hommes conçoivent ce qu'on veut dire en parlant du temps,
sans qu'on le désigne davantage? Cependant il y a bien de
différentes opinions touchant l'essence du temps, lies uns di-
sent que c'est le mouvement d'une chose créée ; les autres, la
mesure du mouvement1, etc. Aussi ce n'est pas la nature de
ces choses que je dis qui est connue à tous; ce n'est simple-
ment que le rapport entre le nom et la chose ; en sorte qu'à
cette expression, temps, tous portent la pensée vers le même
objet; ce qui suffit pour faire que ce terme n'ait pas besoin
d'être défini, quoique ensuite, en examinant ce que c'est que
le temps, on vienne à différer de sentiment après s'être mis à
y penser ; car les définitions ne sont faites que pour désigner
les choses que l'on nomme, et non pas pour en montrer la
nature. Ce n'est pas qu'il ne soit permis d'appeler du nom de
temps le mouvement d'une chose créée; car, comme j'ai dit
tantôt, rien n'est plus libre que les définitions. Mais ensuite
de cette définition il y aura deux choses qu'on appellera du
nom de temps : l'une est celle que tout le monde entend na-
turellement par ce mot, et que tous ceux qui parlent notre
langue nomment par ce terme ; l'autre sera le mouvement
d'une chose créée, car on l'appellera aussi de ce nom suivant
cette nouvelle définition. Il faudra donc éviter les équivoques,
et ne pas confondre les conséquences. Car il ne s'ensuivra pas
de là que la chose qu'on entend naturellement par le mot de
temps soit en effet le mouvement d'une chose créée. Il a été
libre de nommer ces deux choses de même ; mais il ne le sera
pas de les faire convenir de nature aussi bien que de nom.
i. La scolastique distinguait trois espèces de durée : l'éternité, qui est la permanence
de Dieu, également immuable dans sa substance et dan3 ses modes; la perpétuité (œvum),
qui est la permanence des créatures incorruptibles , telles que les anges et les âmes,
quant à la substance, non quant aux modes ; et enfin le temps, ou la mobilité des créa-
tures en général, incorruptibles ou corruptibles, celles-là n'étant sujettes à cette mobilité
que dans leurs modes, celles-ci l'étant dans leur substance même. Voir la Somme de
saint Thomas, quest. x, art. 4 et 5. Cf. quest, lui, art. 3. — L'autre définition est d'A-
ristote, Phys., IV, il : àifiid/j.bs xjvvjffswj.
dr l'esprit géométrique é85
Ainsi, si Ton avance ce discours : Le temps est le mouvement
d'une chose créée; il faut demander ce qu'on entend par ce
mot de temps, c'est-à-dire si on rai laisse le sens ordinaire et
reçu de tous, on si on l'en dépouille pour lui donner en cette
occasion celui de mouvement d'une chose créée. Que si on le
destitue de tout autre sens, on ne peut contredire, et ce sera
une définition libre, ensuite de laquelle, comme j'ai dit, il y
aura deux choses qui auront ce même nom. Mais si on lui
laisse son sens ordinaire, et qu'on prétende néanmoins que ce
qu'on entend par ce mot soit le mouvement d'une chose créée,
on peut contredire. Ce n'est plus une définition libre, c'est une
proposition qu'il faut prouver, si ce n'est qu'elle soit très-évi-
dente d'elle-même ; et alors ce sera un principe et un axiome,
mais jamais une définition, parce que dans cette énonciation
on n'entend pas que le mot de temps signifie la même chose
qu ! ceux-ci, le mouvement d'une chose créée ; mais on entend
que ce que l'on conçoit par le terme de temps soit ce mouve-
ment supposé.
Si je ne savais combien il est nécessaire d'entendre ceci par-
faitement, et combien il arrive à toute heure, dans les discours
familiers et dans les dicours de science, des occasions pareilles
à celle-ci que j'ai donnée en exemple, je ne m'y serais pas ar-
rêté. Mais il me semble, par l'expérience que j'ai de la confu-
sion des disputes, qu'on ne peut trop entrer dans cet esprit
de netteté, pour lequel je fais tout ce traité, plus que pour le
sujet que j'y traite.
Car combien y a-t-il de personnes qui croient avoir défini le
temps quand ils ont dit que c'est la mesure du mouvement, en
lui laissant cependant son sens ordinaire î Et néanmoins ils ont
fait une proposition, et non pas une définition. Combien y en
a-t-il de même qui croient avoir défini le mouvement quand ils
ont dit : Motus nec sbnpliciter actus, nec mera polentia est, sed ac-
tus entis in polentia l ! Et cependant s'ils laissent au mot de mou-
1. Tous les éditeurs sans exception donnent ainsi cette phrase : Motus nec simpliciter
motus, non mera, etc., ce qui ne me paraît pas offrir de sens. En lisant actus et née
tnei'a, on obtient l'expression exacte des idées d'Aristote sur le mouvement (Phys., III,
1 et 2) : € Le mouvement n'est ni simplement un acte, ni une pure puissance, mais la
mise en action de ce qui est en puissance. » Aristote ajoute, en tant qu'étant en puis-
tance : h toû Su-jv.jxu ovtoç ivrôH/îta, y} tojoutov, xîv/jîi's èurtv. Expliquons cela en
langage moderne. Voici un corps pesant que je tiens suspendu en l'air; tant que je le
19
286 OPUSCULES DE PASCAL
vement son sens ordinaire comme ils font, ce n'est pas nne
définition, mais une proposition; et, confondant ainsi les défi-
nitions qu'ils appellent définitions de nom, qui sont les vérita-
bles définitions libres, permises et géométriques, avec celles
qu'ils appellent définitions de chose, qui sont proprement des
propositions nullement libres, mais sujettes à contradiction,
ils s'y donnent la liberté d'en former aussi bien que des autres ;
et chacun définissant les mêmes choses à sa manière par une
liberté qui est aussi défendue dans ces sortes de définitions
que permise dans les premières, ils embrouillent toutes cho-
ses, et perdant tout ordre et toute lumière, ils se perdent eux-
mêmes et s'égarent dans des embarras inexplicables.
On n'y tombera jamais en suivant Tordre de la géométrie.
Cette judicieuse science est bien éloignée de définir ces mots
primitifs, espace, temps, mouvement, égalité, majorité, dimi-
nution, tout, et les autres que le monde entend de soi-même.
Mais hors ceux-là, le reste des termes qu'elle emploie y sont
tellement éclaircis et définis, qu'on n'a pas besoin de diction-
naire pour en entendre aucun; de sorte qu'en un mot tous ces
termes sont parfaitement intelligibles, ou par la lumière natu-
relle ou par les définitions qu'elle en donne.
Voilà de quelle sorte elle évite tous les vices qui se peuvent
rencontrer dans le premier point, lequel consiste à définir les
seules choses qui en ont besoin. Elle en use de même à l'égard
de l'autre point, qui consiste à prouver les propositions qui ne
sont pas évidentes . Car, quand elle est arrivée aux premières
vérités connues, elle s'arrête là et demande qu'on les accorde,
n'ayant rien de plus clair pour les prouver ; de sorte que tout
ce que la géométrie propose est parfaitement démontré, ou
par la lumière naturelle, ou par les preuves. De là vient que
o}i cette science ne définit pas et ne démontre pas toutes cho-
ses, c'est par cette seule raison que cela nous est impossible.
Mais comme la nature fournit tout ce que cette science ne
donne pas, son ordre à la vérité ne donne pas une perfection
tiens, il tend à tomber, mais ce n'est qu'une tendance sans résultat, qu'une puissance
sans acte. Si je le lâche, l'acte se produit, mais tant que le corps tombe, l'acte n'est pas
complet, la puissance de chute n'est pas consommée. Qu'est-ce donc que le mouvement
de ce corps? C'est la réalisation de la disposition à tomber, c'est la mise en action d'une
puissance de chute.
D8 l'esprit géométrique ?87
plus qu'humaine, mais il a toute celle où les hommes peuvent
arriver. Il m'a semblé à propos de donner dès l'entrée de ce
discours cette....
On trouvera peut-être étrange que la géométrie ne puisse
définir aucune des choses qu'elle a pour principaux objets ; car
elle ne peut définir ni le mouvement, ni les nombres, ni l'es-
pace ; et cependant ces trois choses sont celles qu'elle consi-
dère particulièrement et selon la recherche desquelles elle
prend ces trois différents noms de mécanique, d'arithmétique,
de géométrie, ce dernier nom appartenant au genre et à l'es-
pèce1. Mais on n'en sera pas surpris, si l'on remarque que
cette admirable science ne s'attachant qu'aux choses les plus
simples, cette même qualité qui les rend dignes d'être ses ob-
jets les rend incapables d'être définies; de sorte que le manque
de définition est plutôt une perfection qu'un défaut, parce qu'il
ne vient pas de leur obscurité, mais au contraire de leur ex-
trême évidence, qui est telle qu'encore qu'elle n'ait pas la con-
viction des démonstrations, elle en a toute la certitude. Elle
suppose donc que l'on sait quelle est la chose qu'on entend par
ces mots, mouvement, nombre, espace; et, sans s'arrêter à les
définir inutilement, elle en pénètre la nature, et en découvre
les merveilleuses propriétés.
Ces trois choses, qui comprennent tout l'univers, selon ces
paroles : Deus fecit omnia in pondère, in numéro, et mensura, ont
une liaison réciproque et nécessaire2. Car on ne peut imaginer
de mouvement sans quelque chose qui se meuve; et cette
chose étant une, cette unité est l'origine de tous les nombres ;
et enfin le mouvement ne pouvant être sans espace, on voit
ces trois choses enfermées dans la première. Le temps même
y est aussi compris ; car le mouvement et le temps sont rela-
tifs l'un à l'autre; la promptitude et la lenteur, qui sont les
différences des mouvements, ayant un rapport nécessaire avec
le temps. Ainsi il y a des propriétés communes à toutes ces
1. Le nom de géométrie n'appartient aujourd'hui qu'à l'espèce; on ne désigne le genre
que par celui de mathématiques.
2. Sagesse, xi, 21 : Sed omnia in mensura et numéro et -pondère disposuisti. « Vous
avez ordonné toutes choses avec mesure, avec nombre et avec poids. > Dans l'applica-
tion contestable que Pascal fait de ces paroles, on voit qu'il identifie les idées de poids
et de mouvement; c'est parler en philosophe et en disciple de Descartes. Voir les Prin-
cipia philosophice, II, 26.
'88 GPUSCLES DE PASCAL
choses, dont la connaissance ouvre l'esprit aux pins grandes
merveilles de la nature.
La principale comprend les deux infinités qui se rencontrent
dans toutes : l'une de grandeur, l'autre de petitesse.
Car, quelque prompt que soit un mouvement, on peut en
concevoir un qui le soit davantage, et hâter encore ce dernier;
et ainsi toujours à l'infini, sans jamais arriver à un qui le soit
de telle sorte qu'on ne puisse plus y ajouter. Et au contraire,
quelque lent que soit un mouvement, on peut le retarder da-
vantage, et encore ce dernier, et ainsi à l'infini, sans jamais
arriver à un tel degré de lenteur qu'on ne puisse encore en
descendre ci une infinité d'autres, sans tomber dans le repos.
De même, quelque grand que soit un nombre, on peut en con-
cevoir un plus grand, et encore un qui surpasse le dernier , et
ainsi à l'infini, sans jamais arriver à un qui ne puisse plus être
augmenté. Et au contraire, quelque petit que soit un nombre,
comme la centième ou la dix-millième partie, on peut encore
en concevoir un moindre, et toujours à l'infini, sans arriver au
zéro ou néant. Quelque grand que soit un espace, on peut en
concevoir un plus grand, et encore un qui le soit davantage
et ainsi à l'infini, sans jamais arriver à un qui ne puisse plus
être augmenté. Et au contraire quelque petit que soit un es-
pace, on peut encore en considérer un moindre, et toujours à
l'infini, sans jamais arriver à un indivisible qui n'ait plus au-
cune étendue. Il en est de même du temps. On peut toujours
en concevoir un plus grand sans dernier, et un moindre, sans
arriver à un instant, et à un pur néant de durée. C'est-à-dire,
en un mot, que quelque mouvement, quelque nombre, quel-
que espace, quelque temps que ce soit, il y en a toujours un
plus grand et un moindre ; de sorte qu'ils se soutiennent tous
entre le néant et l'infini, étant toujours infiniment éloignés de
ces extrêmes.
Toutes ces vérités ne se peuvent démontrer ; et cependant
ce sont les fondements et les principes de la géométrie. Mais
mme la cause qui les rend incapables de démonstration n'est
pas leur obscurité, mais au contraire leur extrême évidence,
ce manque de preuve n'est pas un défaut, mais plutôt une per-
fection. D'où l'on voit que la géométrie ne peut définir les ob-
jets, ni prouver les principes; maie par cette seule et avanta-
de l'esprit géométrique 289
geuse raison, que 1rs uns et les autres sont dans une extrême
clarté naturelle, qui convainc la raison plus puissamment que
le discours Car qu'y a-t-il de plus évident que cette vérité,
qu'un nombre, tel qu'il soit, peut être augmenté ? ne peut-on
pas le doubler? Que la promptitude d'un mouvement peut être
doublé, et qu'un espace peut être doublé de même? Et qui peut
aussi douter qu'un nombre, tel qu'il soit, ne puisse être divisé
par la moitié, et sa moitié encore parla moitié? Car cette
moitié serait- elle un néant? Et comment ces deux moitiés, qui
seraient deux zéros, feraient elles un nombre? De même, un
mouvement, quelque lent qu'il soit, ne peut-il pas être ralenti
de moitié, en sorte qu'il parcoure le même espace dans le
double du temps, et ce dernier mouvement encore? Car serait-
ce un pur repos? Et comment se pourrait-il que ces deux moi-
tiés de vitesse, qui seraient deux repos, fissent la première vi-
tesse? Enfin un espace, quelque petit qu'il soit, ne peut-il pas
être divisé en deux, et ces moitiés encore? Et comment pour-
rait-il se faire que ces moitiés fussent indivisibles sans aucune
étendue, elles qui jointes ensemble ont fait la première éten-
due?
Il n'y a point de connaissance naturelle dans l'homme qui
précède celles-là, et qui les surpasse en clarté. Néanmoins,
afin qu'il y ait exemple de tout, on trouve des esprits excellents
en toutes autres choses, que ces infinités choquent, et qui n'y
peuvent en aucune sorte consentir.
Je n'ai jamais connu personne qui ait pensé qu'un espace ne
puisse être augmenté. Mais j'en ai vu quelques-uns, très-ha-
biles d'ailleurs, qui ont assuré qu'un espace pouvait être divisé
en deux parties indivisibles, quelque absurdité qu'il s'y ren-
contre1. Je me suis attaché à rechercher en eux quelle pouvait
être la cause de cette obscurité, et j'ai trouvé qu'il n'y en avait
qu'une principale, qui est qu'ils ne sauraient concevoir un
continu divisible à l'infini; d'où ils concluent qu'il n'y est pas
1. Tl s'agit ici du chevalier de Méré, qui niait absolument la divisibilité à l'infini, et
qui s'était expliqué là-dessus avec Pascal dans une longue et curieuse lettre, dont j'ai
parlé déjà, (tome I. p. 16.) Dans une lettre à Fermât (de juillet 1651), Pascal s'exprime
encore ainsi sur Méré : « Il a très-bon esprit, mais il n'est pis géomètre; c'est, comme
vous savez, un grand défaut; et même il ne comprend pas qu'une ligne mathématique
«oit divisible à l'infini , et croit fort bien entendre qu'elle est composée de pointa eu
nombre uni, et jamais je n'ai pu l'eu tirer: si vous pouviez le faire, on le rendrait par-
fait, t
290 OPUSCULES DE PASCAL
divisible. C'est une maladie naturelle à l'homme de croire
qu'il possède la vérité directement; et de là vient qu'il est tou-
jours disposé à nier tout ce qui lui est incompréhensible; au
lieu qu'en effet il ne connaît naturellement que le mensonge,
et qu'il ne doit prendre pour véritables que les choses dont le
contraire lui paraît faux. Et c'est pourquoi, toutes les fois
qu'une proposition est inconcevable, il faut en suspendre le
jugement et ne pas la nier à cette marque, mais en examiner
le contraire; et si on le trouve manifestement faux, on peut
hardiment affirmer la première, tout incompréhensible qu'elle
est. Appliquons cette règle à notre sujet.
Il n'y a point de géomètre qui ne croie l'espace divisible à
l'infini. On ne peut non plus l'être sans ce principe qu'être
homme sans âme. Et néanmoins il n'y en a point qui com-
prenne une division infinie ; et l'on ne s'assure de cette vérité
que par cette seule raison, mais qui est certainement suffisante,
qu'on comprend parfaitement qu'il est faux qu'en divisant un
espace on puisse arriver à une partie indivisible, c'est-à-dire
qui n'ait aucune étendue. Car qu'y a-t-il de plus absurde que
de prétendre qu'en divisant toujours un espace, on arrive en-
fin à une division telle qu'en la divisant en deux, chacune des
moitiés reste indivisible et sans aucune étendue, et qu'ainsi ces
deux néants d'étendue fissent ensemble une étendue? Car je
voudrais demander à ceux qui ont cette idée, s'ils conçoivent
nettement que deux indivisibles se touchent; si c'est partout,
ils ne sont qu'une même chose, et partant les deux ensemble
sont indivisibles; et si ce n'est pas partout, ce n'est donc qu'en
une partie; donc ils ont des parties, donc ils ne sont pas indi-
visibles. Que s'ils confessent, comme en effet ils l'avouent
quand on les presse, que leur proposition est aussi inconce-
vable que l'autre, qu'ils reconnaissent que ce n'est pas par
notre capacité à concevoir ces choses que nous devons juger
de leur vérité, puisque ces deux contraires étant tous deux in-
concevables, il est néanmoins nécessairement certain que l'un
des deux est véritable.
Mais qu'à ces difficultés chimériques, et qui n'ont de pro-
portion qu'à notre faiblesse, ils opposent ces clartés naturelles
et ces vérités solides : s'il était véritable que l'espace fût corn-
DE L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE 291
posé d'un certain nombre fini d'indivisibles, il s'ensuivrait que
deux espaces, dont chacun serait carré, c'est-à-dire égal et pa-
reil de tous côtés, étant doubles l'un de l'autre, l'un contien-
drait un nombre de ces indivisibles double du nombre des in-
divisibles de l'autre. Qu'ils retiennent bien cette conséquence,
et qu'ils s'exercent ensuite à ranger des points en carrés jus-
qu'à ce qu'ils en aient rencontré deux dont l'un ait le double
des points de l'autre ; et alors je leur ferai céder tout ce qu'il y
a de géomètres au monde. Mais si la chose est naturellement
impossible, c'est-à-dire s'il y a impossibilité invincible à ran-
ger des carrés de points, dont l'un en ait le double de l'autre,
comme je le démontrerais en ce lieu-là même si la chose mé-
ritait qu'on s'y arrêtât, qu'ils en tirent la conséquence.
Et pour les soulager dans les peines qu'ils auraient en de cer-
taines rencontres, comme à concevoir qu'un espace ait une in-
finité de divisibles, vu qu'on les parcourt en si peu de temps,
pendant lequel on aurait parcouru cette infinité de divisibles,
il faut les avertir qu'ils ne doivent pas comparer des choses
aussi disproportionnées qu'est l'infinité des divisibles avec le
peu de temps où ils sont parcourus ; mais qu'ils comparent
l'espace entier avec le temps entier, et les infinis divisibles de
l'espace * avec les infinis instants de ce temps ; et ainsi ils trou-
veront que l'on parco i „ une infinité de divisibles en une infi-
nité d'instants, et un petit espace en un petit temps ; en quoi
il n'y a plus la disproportion qui les avait étonnés.
Enfin, s'ils trouvent étrange qu'un petit espace ait autant de
parties qu'un grand, qu'ils entendent aussi qu'elles sont plus
petites à mesure; et qu'ils regardent le firmament au travers
d'un petit verre, pour se familiariser avec cette connaissance,
en voyant chaque partie du ciel en chaque partie du verre.
Mais s'ils ne peuvent comprendre que des parties si petites
qu'elles nous sont imperceptibles, puissent être autant divisées
que le firmament, il n'y a pas de meilleur remède que de les
leur faire regarder avec des lunettes qui grossissent cette
pointe délicate jusqu'à une prodigieuse masse; d'où ils conce-
vront aisément que par le secours d'un autre verre encore plus
artistement taillé, on pourrait les grossir jusqu'à égaler ce fir-
I. Divisibles est le substantif, les divisibles ec nombre infini.
29^ OPUSCULES DE PASCAL
marnent dont ils admirent l'étendue. Et ainsi ces objets leur
paraissant maintenant très-facilement divisibles, qu'ils se sou-
viennent que la nature peut infiniment plus que l'art. Car en-
fin qui les a assurés que ces verres auront changé la grandeur
naturelle de ces objets, ou s'ils auront au contraire rétabli la
véritable, que laiigure de notre œil avait changée et raccourcie,
comme font les lunettes qui amoindrissent?
Il est fâcheux de s'arrêter à ces bagatelles ; mais il y a des
temps de niaiser *.
Il suffit de dire à des esprits clairs en cette matière que deux
néants d'étendue ne peuvent pas faire une étendue. Mais parce
qu'il y en a qui prétendent s'échapper a cette lumière par cette
merveilleuse réponse, que deux néants d'étendue peuvent aussi
bien faire une étendue que deux unités dont aucune n'est nom-
bre font un nombre par leur assemblage ; il faut leur repartir
qu'ils pourraient opposer, de la même sorte, que vingt mille
hommes font une armée, quoique aucun d'eux ne soit armée;
que mille maisons font une ville, quoique aucune ne soit ville;
ou que les parties font le tout, quoique aucune ne soit le tout;
ou, pour demeurer dans la comparaison des nombres, que
deux binaires font le quaternaire, et dix dizaines une centaine,
quoique aucun ne le soit. Mais ce n'est pas avoir l'esprit juste
que de confondre par des comparaisons si inégales la nature
immuable des choses avec leurs noms libres et volontaires, et
dépendant du caprice des hommes qui les ont composés. Car
il est clair que pour faciliter les discours on a donné le nom
d'armée à vingt mille hommes, celui de ville à plusieurs mai-
sons, celui de dizaine à dix unités; et que de cette liberté nais-
sent les noms d'unité, binaire, quaternaire, dizaine, centaine,
différents par nos fantaisies, quoique ces choses soient en effet
de même genre par leur nature invariable, et qu'elles soient
toutes proportionnées entre elles et ne diffèrent que du plus ou
du moins, et quoique, ensuite de ces noms, le binaire ne soit
pas quaternaire, ni une maison une ville, non plus qu'une
ville n'est pas une maison. Mais encore, quoique une maison
ne soit pas une ville, elle n'est pas néanmoins un néant de ville;
i. Expression suggérée sans doute par un passage célèbre de l'Ecclésiaste, quoiqu'elle
n'en soit pas traduite précisément. Voyez les uo.es sur xxiv, 12.
de l'esprit géométrique 293
il y a bien do la différence entiv n'être pas une chose et en
être un néant.
Car, afin qu'on entende la chose à fond, il faut savoir que la
soûle raison pour laquelle l'unité n'est pas au rang des nom-
bres est qu'Euclide et les premiers auteurs qui ont traité d'ari-
thmétique, ayant plusieurs propriétés à donner qui conve-
naient à tous les nombres hormis à l'unité, pour éviter de dire
souvent qu'en tout nombre, hors l'unité, telle condition se
rencontre, ils ont exclu l'unité de la signification du mot de
nombre, par la liberté que nous avons déjà dit qu'on a de faire
à son gré des définitions. Aussi, s'ils eussent voulu, ils en eus-
sent de même exclu le binaire et le ternaire, et tout ce qu'il
leur eût plu ; car on en est maître, pourvu qu'on en avertisse;
comme au contraire l'unité se met quand on veut au rang des
nombres, et les fractions de même. Et, en effet, l'on est obligé
de le faire dans les propositions générales, pour éviter de
dire à chaque fois : En tout nombre, et à l'unité et aux frac-
tions, une telle propriété se trouve; et c'est en ce sens indéfini
que je l'ai pris dans tout ce que j'en ai écrit. Mais le même Eu-
clide qui a été à l'unité le nom de nombre, ce qui lui a été per-
mis, pour faire entendre néanmoins qu'elle n'en est pas un néant,
mais qu'elle est au contraire du même genre, il définit ainsi
les grandeurs homogènes. Les grandeurs, dit-il, sont dites
être de même genre, lorsque l'une étant plusieurs fois multi-
pliée peut arriver à surpasser l'autre. Et par conséquent, puis-
que l'unité peut, étant multipliée plusieurs fois, surpasser
quelque nombre que ce soit, elle est de même genre que les
nombres précisément par son essence et par sa nature immua-
ble, dans le sens du même Euclide qui a voulu qu'elle ne fût
pas appelée nombre.
11 n'en est pas de même d'un indivisible à l'égard d'une
éti ndue; car, non-seulement il diffère de nom, ce qui est volon-
taire, mais il diffère de genre, par la même définition; puis-
qu'un indivisible, multiplié autant de fois qu'on voudra, est
si éloigné de pouvoir surpasser une étendue, qu'il ne peut ja-
mais former qu'un seul et unique indivisible ; ce qui est natu-
rel et nécessaire, comme il est déjà montré. Et comme cette
dernière preuve est fondée sur la définition de ces deux cho-
394 OPUSCULES DE PASCAL
ses, indivisible et étendue, on va achever et consommer la dé-
monstration.
Un indivisible est ce qui n'a aucune partie, et l'étendue est
ce qui a diverses parties séparées.
Sur ces définitions, je dis que deux indivisibles étant unis ne
font pas une étendue. Car, quand ils sont unis, il se touchent
chacun en une partie; et ainsi les parties par ou ils se touchent
ne sont pas séparées, puisque autrement elles ne se toucheraient
pas. Or, par leur définition, il n'ont point d'autres parties;
donc ils n'ont pas de parties séparées ; donc ils ne sont pas une
étendue, par la définition de l'étendue, qui porte la séparation
des parties. On montrera la même chose de tous les autres in-
divisibles qu'on y joindra, par la même raison. Et partant un
indivisible, multiplié autant qu'on voudra, ne fera jamais une
étendue. Donc il n'est pas de même genre que l'étendue, par la
définition des choses du même genre.
Voilà comment on démontre que les indivisibles ne sont pas
de même genre que les nombres. De là vient que deux unités
peuvent bien faire un nombre, parce qu'elles sont de même
genre ; et que deux indivisibles ne font pas une étendue, parce
qu'ils ne sont pas de même genre. D'où l'on voit combien il y
a peu de raison de comparer le rapport qui est entre l'unité et
les nombres à celui qui est entre les indivisibles et l'étendue.
Mais si l'on veut prendre dans les nombres une comparaison
qui représente avec justesse ce que nous considérons dans l'é-
tendue, il faut que ce soit le rapport du zéro aux nombres;
car le zéro n'est pas du même genre que les nombres, parce
qu'étant multiplié, il ne peut les surpasser ; de sorte que c'est
un véritable indivisible de nombre, comme l'indivisible est un
véritable zéro d'étendue. Et on en trouvera un pareil entre le
repos et le mouvement, et entre un instant et le temps ; car
toutes ces choses sont hétérogènes à leurs grandeurs, parce
qu'étant infiniment multipliées, elles ne peuvent jamais faire
que des indivisibles, non plus que les indivisibles d'étendue,
et par la même raison. Et alors on trouvera une correspon-
dance parfaite entre ces choses; car toutes ces grandeurs sont
divisibles à l'infini, sans tomber dans leurs indivisibles, de
sorte qu'elles tiennent toutes le milieu entre l'infini et le néant.
de l'esprit géométrique 295
Voilà l'admirable rapport que la nature a mis entre ces cho-
ses, et les deux merveilleuses infinités qu'elle a proposées aux
hommes, non pas à concevoir, mais à admirer ; et pour en finir
la considération par une dernière remarque, j'ajouterai que ces
deux infinis, quoique infiniment différents, sont néanmoins re-
latifs l'un à l'autre', de telle sorte que la connaissance de l'un
nène nécessairement à la connaissance de l'autre. Car dans les
nombres, de ce qu'ils peuvent toujours être augmentés, il s'en-
suit absolument qu'ils peuvent toujours être diminués, et cela
clairement; car si l'on peut multiplier un nombre jusqu'à
100, 000, par exemple, on peut aussi en prendre une 100,000e
partie, en le divisant par le même nombre qu'on le multiplie,
et ainsi tout terme d'augmentation deviendra terme de divi-
sion, en changeant l'entier en fraction. De sorte que l'augmen-
tation infinie enferme nécessairement aussi la division infinie.
Et dans l'espace le même rapport se voit entre ces deux infinis
contraires ; c'est-à-dire que, de ce qu'un espace peut être infi-
niment prolongé, il s'ensuit qu'il peut être infiniment dimi-
nué, comme il paraît en cet exemple : Si on regarde au tra-
vers d'un verre un vaisseau qui s'éloigne toujours directe-
ment, il est clair que le lieu du diaphane ' où l'on remarque
un point tel qu'on voudra du navire haussera toujours par un
flux continuel, à mesure que le vaisseau fuit 2. Donc, si la
course du vaisseau est toujours allongée et jusqu'à l'infini, ce
point haussera continuellement; et cependant il n'arrivera ja-
mais à celui où tombera le rayon horizontal mené de l'œil au
verre, de sorte qu'il en approchera toujours sans y arriver ja-
mais, divisant sans cesse l'espace qui restera sous ce point ho-
rizontal, sans y arriver jamais. D'où l'on voit la conséquence
nécessaire qui se tire de l'infinité de l'étendue du cours du
vaisseau, à la division infinie et infiniment petite de ce petit
Bspace restant au-dessous de ce point horizontal.
Ceux qui ne seront pas satisfaits de ces raisons, et qui demeu-
reront dans la créance que l'espace n'est pas divisible à l'infini,
ne peuvent rien prétendre aux démonstrations géométriques;
1. Dn milieu diaphane, du verre.
2. Le vaisseau est sur une mer supposée plane, comme l'explique la Logique de Port-
Royal en reprenant cet exemple, (chapitre premier de la quatrième partiej.
296 OPUSCULES DE PASCAL
et, quoiqu'ils puissent être éclairés en d'autres choses, ils le se-
ront fort peu en celles-ci ; car on peut aisément être très-habile
homme et mauvais géomètre. Mais ceux qui verront claire-
ment ces vérités pourront admirer la grandeur et la puissance
de la nature dans cette double infinité qui nous environne de
toutes parts, et apprendre par cette considération merveilleuse
à se connaître eux-mêmes, en se regardant placés entre une
infinité et un néant d'étendue, entre une infinité et un néant de
nombre, entre une infinité et un néant de mouvement, entre
une infinité et un néant de temps. Sur quoi on peut apprendre
à s'estimer à son juste prix, et former des réflexions qui valent
mieux que tout le reste de la géométrie même.
J'ai cru être obligé de faire cette longue considération en fa-
veur de ceux qui, ne comprenant pas d'abord cette double infi-
nité, sont capables d'en être persuadés. Et quoiqu'il y en ait
plusieurs qui aient assez de lumières pour s'en passer, il peut
néanmoins arriver que ce discours, qui sera nécessaire aux uns,
ne sera pas entièrement inutile aux autres
SECOND FRAGMENT
L'art de persuader a un rapport nécessaire à la manière dont
les hommes consentent à ce qu'on leur propose, et aux condi-
tions des choses qu'on veut faire croire.
Personne n'ignore qu'il y a deux entrées par où les opinions
sont reçues dans l'âme, qui sont ses deux principales puis-
sances, l'entendement et la volonté. La plus naturelle est celle
de l'entendement, car on ne devrait jamais consentir qu'aux
vérités démontrées; mais la plus ordinaire, quoique contre la
nature, est celle de la volonté, car tout ce qu'il y a d'hommes
sont presque toujours emportés à croire non pas par la preuve,
mais par l'agrément. Cette voie est basse, indigne, et étran-
gère; aussi tout le monde la désavoue. Chacun fait profession
de ne croire et même de n'aimer que ce qu'il sait le mériter.
Je ne parle pas ici des vérités divines, que je n'aurais garde
de faire tomber sous fart de persuader, car elles sont infini-
de l'esprit géométrique 207
ment an dessus do la nature, Dieu seul peut les mettre dans
l'âme, et par la minière qu'il lui plaît. Je sais qu'il a voulu
qu'elles entrent du cœur dans l'esprit, et non pas de l'esprit
dans le cœur, pour humilier cette superbe puissance du raison-
nement, qui prétend devoir être juge des choses que la volonté
moisit, et pour guérir cette volonté infirme, qui s'est toute
corrompue par ses sales attachements. Et de là vient qu'au lieu
qu'en parlant des choses humaines, on dit qu'il faut les con-
naître avant que de les aimer, ce qui a passé en proverbe1, les
saints au contraire disent en parlant des choses divines, qu'il
faut les aimer pour les connaître, et qu'on n'entre dans la vérité
que par la charité2; dont ils ont fait une de leurs plus utiles sen-
tences. En quoi il paraît que Dieu a établi cet ordre surnaturel,
et tout contraire à l'ordre qui devait être naturel aux hommes
dans les choses naturelles. Ils ont néanmoins corrompu cet or-
dre en faisant des choses profanes ce qu'ils devaient faire des
choses saintes, parce qu'en effet nous ne croyons presque que
ce qui nous plaît. Et de là vient l'éloignement où nous sommes
de consentir aux vérités de la religion chrétienne, tout opposée
à nos plaisirs. Dites-nous des choses agréables et nous vous
écouterons, disaientles Juifs à Moïse3; comme si l'agrément de-
vait régler la créance ! Et c'est pour punir ce désordre par un
ordre qui lui est conforme, que Dieu ne verse ses lumières
dans les esprits qu'après avoir dompté la rébellion de la vo-
lonté par une douceur toute céleste qui la charme et qui l'en-
traîne.
Je ne parle donc que des vérités de notre portée ; et c'est
d'elles que je dis que l'esprit et le cœur sont comme les portes
par où elles sont reçues dans l'âme, mais que bien peu entrent
par l'esprit, au lieu qu'elles y sont introduites en foule par les
caprices téméraires de la volonté, sans le conseil du raisonne-
ment.
Ces puissances ont chacune leurs principes et les premiers
1. îgnoti nulla cupido, dit Ovide. Voyez Erasme, A dag., au mot Occulta. Tout le
monde sait le vers de Voltaire :
On ne peut désirer ce qu'on ne connaît pas.
t. II Thess. ii, 10, etc.
S. Je ne trouve pis cela dans le Pentateuque ; à moins que Pascal n'interprète ainfli
le verset 19 du chapitre xx de l'Exode, qui ne parait ras avoir ce sens.
?98 OPUSCULES DE PASCAL
moteurs de leurs actions. Ceux de l'esprit sont des vérités natu-
relles et connues à tout le monde, comme, que le tout est plus
grand que sa partie, outre plusieurs axiomes particuliers, que
les uns reçoivent et non pas d'autres, mais qui, dès qu'ils sont
admis, sont aussi puissants, quoique faux, pour emporter la
créance, que les plus véritables. Ceux de la volonté sont de cer-
tains désirs naturels et communs à tous les hommes, comme le
désir d'être heureux, que personne ne peut pas ne pas avoir,
outre plusieurs objets particuliers que chacun suit pour y ar-
river, et qui, ayant la force de nous plaire, sont aussi forts,
quoique pernicieux en effet, pour faire agir la volonté, que s'ils
faisaient son véritable bonheur.
Voilà pour ce qui regarde les puissances qui nous portent à
consentir. Mais pour les qualités des choses que nous devons
persuader, elles sont bien diverses.
Les unes se tirent, par une conséquence nécessaire, des prin-
cipes communs et des vérités avouées. Celles-là peuvent être
infailliblement persuadées ; car en montrant le rapport qu'elles
ont avec les principes accordés, il y a une nécessité inévitable
de convaincre, et il est impossible qu'elles ne soient pas reçues
dans l'âme dès qu'on a pu les enrôler à ces vérités qu'elle a déjà
admises.
Il y en a qui ont une union étroite avec les objets de notre
satisfaction ; et celles-là sont encore reçues avec certitude1, car
aussitôt qu'on fait apercevoir à l'âme qu'une chose peut la con-
duire à ce qu'elle aime souverainement, il est inévitable qu'elle
ne s'y porte avec joie.
Mais celles qui ont cette liaison tout ensemble, et avec les
vérités avouées, et avec les désirs du cœur, sont si sûres de leur
effet, qu'il n'y a rien qui le soit davantage dans la nature.
Comme, au contraire, ce qui n'a de rapport ni à nos créances ni
à nos plaisirs nous est importun, faux et absolument étran-
ger.
En toutes ces rencontres il n'y a point à douter. Mais il y en
a où les choses qu'on veut faire croire sont bien établies sur
des vérités connues, mais qui sont en même temps contraires
1. C'est-à-dire, qu'il est encore certain qu'elles seront reçues.
DE [/ESPRIT géométrique 299
aux plaisirs qui nous touchent le plus. Et celles-là sont en
grand péril de Taire voir, par une expérience qui n'est que trop
ordinaire, ce que je disais au commencement : que cette âme
impérieuse, qui se vantait de n'agir que par raison, suit par un
choix honteux et téméraire ce qu'une volonté corrompue désire,
quelque résistance que l'esprit trop éclairé puisse y opposer.
C'est alors qu'il se fait un balancement douteux enlre la vérité
et la volupté, et que la connaissance de l'une et le sentiment
de l'autre font un combat dont le succès est bien incertain,
puisqu'il faudrait, pour en juger, connaître tout ce qui se passe
dans le plus intérieur de l'homme, que l'homme même ne con-
naît presque jamais.
Il paraît de là que, quoi que ce soit qu'on veuille persuader,
il faut avoir égard à la personne à qui on en veut, dont il faut
connaître l'esprit et le cœur, quels principes il accorde, quelles
choses il aime ; et ensuite remarquer, dans la chose dont il s'a-
git, quels rapports elle a avec les principes avoués, ou avec les
objets délicieux par les charmes qu'on lui donne. De sorte
que l'art de persuader consiste autant en celui d'agréer qu'en
celui de convaincre, tant les hommes se gouvernent plus par
caprice que par raison !
Or, de ces deux méthodes, Tune de convaincre, l'autre d'a-
gréer, je ne donnerai ici les règles que de la première ; et encore
au cas qu'on ait accordé les principes et qu'on demeure ferme
à les avouer ; autrement je ne sais s'il y aurait un art pour ac-
commoder les preuves à l'inconstance de nos caprices. Mais la
manière d'agréer est bien sans comparaison plus difficile, plus
subtile, plusutile, et plus admirable ; aussi si je n'en traite pas,
c'est parce que je n'en suis pas capable ; et je m'y sens tellement
disproportionné, que je crois la chose absolument impossible.
Ce n'est pas que je ne croie qu'il y ait des règles anssi sûres
pour plaire que pour démontrer, et que qui les saurait parfai-
tement connaître et pratiquer ne réussît aussi sûrement à se faire
aimer des rois et de toutes sortes de personnes, qu'à démontrer
les éléments de la géométrie à ceux qui ont assez d'imagination
pour en comprendre les hypothèses. Mais j'estime, et c'est
peut-être ma faiblesse qui me le fait croire, qu'il est impossible
d'y arriver. Au moins je sais que si quelqu'un en est capable,
300 OPUSCULES DE PASCAL
ce sont des personnes que je connais, et qu'aucun autre n'a sur
cela de si claires et de si abondantes lumières1.
La raison de cette extrême difficulté vient de ce que les prin-
cipes du plaisir ne sont pas fermes et stables. Ils sont divers en
tous les hommes, et variables dans chaque particulier avec une
telle diversité, qu'il n'y a point d'homme plus différent d'un
autre que de soi-même dans les divers temps. Un homme a
d'autres plaisirs qu'une femme ; un riche et un pauvre en ont de
différents; un prince, un homme de guerre, un marchand, un
bourgeois, un paysan, les vieux, les jeunes, les sains, les mala-
des, tous varient ; les moindres accidents les changent. Or, il
y a un art, et c'est celui que je donne, pour faire voir la liai-
son des vérités avec leurs principes, soit de vrai, soit de plaisir,
pourvu que les principes qu'on a une fois avoués demeurent
fermes et sans être jamais démentis. Mais, comme il y a peu de
principes de cette sorte, et que hors de la géométrie, qui ne
considère que des figures très-simples, il n'y a presque point
de vérités dont nous demeurions toujours d'accord, et encore
moins d'objets de plaisir dont nous ne changions à toute heure,
je ne sais s'il y a moyen de donner des règles fermes pour ac-
corder les discours à l'inconstance de nos caprices.
Cet art, que j'appelle l'art de persuader, et qui n'est propre-
ment que la conduite des preuves méthodiques parfaites, con-
siste en trois parties essentielles : à définir les termes dont on
doit se servir par des définitions claires ; à proposer des princi-
pes ou axiomes évidents pour prouver la chose dont il s'agit ;
et à substituer toujours mentalement dans la démonstration les
définitions à la place des définis.
La raison de cette méthode est évidente, puisqu'il serait inu-
tile de proposer ce qu'on veut prouver et d'en entreprendre la
démonstration, si on n'avait auparavant défini clairement tous
les termes qui ne sont pas intelligibles ; et qu'il faut de même
que la démonstration soit précédée de la demande des princi-
1. On se demande si ce magnifique éloge s'adresse à Nicole. Pascal n'avait pu lire le
Traité des moyens de conserver la paix entre les hommes, mais il connaissait l'esprit
qui devait produire un jour cet ouvrage. C'est en parlant de ce livre, dont l'idée géné-
rale rentre tout à fait dans Y art d'agréer, que Mme de Sévigné écrivait : « Jamais le
cœur humain n'a été mieux anatomisé que parces messieurs-là (Lettre du 16 août 1671). >
Voir encore la lettre du 30 septembre, et le témoignage de Voltaire dans le Siècle de
Louis XIV.
DE L*ESPRIt GÉOMÉTRIQUE 301
pes évidents qui y sont nécessaires, car si L'on n'assure le fon-
dement on ne peut assurer l'édifice ; et qu'il faut enfin, en dé-
montrant, substituer mentalement les définitions à la pUce des
définis, puisque autrement on pourrait abuser des divers sens
qui se rencontrent dans les termes. Il est facile de voir qu'en
observant cette méthode on est sur de convaincre, puisque, les
termes étant tous entendus et parfaitement exempts d'équivo-
ques par les définitions, et les principes étant accordés, si dans
la démonstration on substitue toujours mentalement les défi-
nitions à la place des définis, la force invincible des consé-
quences ne peut manquer d'avoir tout son effet. Aussi jamais
une démonstration dans laquelle ces circonstances sont gardées
n'a pu recevoir le moindre doute; et jamais celles où elles
manquent ne peuvent avoir de force. Il importe donc bien de
les comprendre et de les posséder; et c'est pourquoi, pour ren-
dre la chose plus facile et plus présente, je les donnerai toutes,
en ce peu de règles qui enferment tout ce qui est nécessaire
pour la perfection des définitions, des axiomes et des démons-
trations, et par conséquent de \d méthode entière des preuves
géométriques de Fart de persuader.
Règles pour les définitions. — 1 . N'entreprendre de définir
aucune des choses tellement connues d'elles-mêmes, qu'on
n'ait point de termes plus clairs pour les expliquer. 2. N'omet-
tre aucun des termes un peu obscurs ou équivoques, sans dé-
finition. 3. N'employer dans la définition des termes que des
mots parfaitement connus, ou déjà expliqués.
Règles pour les axiomes. — 1. N'omettre aucun des princi-
pes nécessaires sans avoir demandé si on l'accorde, quelque
clairet évident qu'il puisse être. 2. Ne demander, en axiomes,
que des choses parfaitement évidentes d'elles-mêmes.
Règles pour les démonstrations. — 1. N'entreprendre de dé-
montrer aucune des choses qui sont tellement évidentes d'elles-
mêmes qu'on n'ait tien de plus clair pour les prouver. 2. Prouver
toutes les propositions un peu obscures, et n'employer à leur
preuve que des axiomes très-évidents, ou des propositions déjà
accordées ou démontrées. 3. Substituer toujours mentalement
les définitions à la place des définis, pour ne pas se tromper
par l'équivoque des ternies, que les définitions ont restreints.
u.
20
302 OPUSCULES DE PASCAL
Voilà les huit règles qui contiennent tous les préceptes des
preuves solides et immuables. Desquelles il y en a trois qui ne
sont pas absolument nécessaires, et qu'on peut négliger sans
erreur ; qu'il est même difficile et comme impossible d'obser-
ver toujours exactement, quoiqu'il soit plus parfait de le faire
autant qu'on peut; ce sont les trois premières de chacune des
parties :
Pour les définitions : Ne définir aucun des termes qui sont
parfaitement connus.
Pour les axiomes : N'omettre à demander aucun des axiomes
parfaitement évidents et sii îples.
Pour les démonstrations : Ne démontrer aucune des choses
très-connues d'elles-mêmes.
Car il est sans doute que ce n'est pas une grande faute de dé-
finir et d'expliquer bien clairement des choses, quoique très-
claires d'elles-mêmes, ni d'omettre à demander par avance des
axiomes qui ne peuvent être refusés au lieu où ils sont néces-
saires, ni enfin de prouver des propositions qu'on accorderait
sans preuves. Mais les cinq autres règles sont d'une nécessité
absolue, et on ne peut s'en dispenser sans un défaut essentiel et
souvent sans erreur ; et c'est pourquoi je les reprendrai ici en
particulier.
Règles nécessaires pour les définitions. — N'omettre aucun
des termes un peu obscurs ou équivoques, sans définition.
N'employer dans les définitions que des termes parfaitement
connus ou déjà expliqués.
Règle nécessaire pour les axiomes. — Ne demander en
axiomes que des choses parfaitement évidentes.
Règles nécessaires pour les démonstrations. — Prouver
toutes les propositions, en n'employant à leur preuve que des
axiomes très évidents d'eux mêmes, ou des propositions déjà
démontrées ou accordées. N'abuser jamais de l'équivoque des
termes, en manquant de substituer mentalement les définitions
qui les restreignent et les expliquent.
Voilà les cinq règles qui forment tout ce qu'il y a de néces-
saire pour rendre les preuves convaincantes, immuables, et
pour tout dire géométriques ; et les huit règles ensemble les
rendent encore plus parfaites.
DE L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE 303
Je passe maintenant à celle de l'ordre dans lequel on doit
disposer les propositions, pour être dans une suite excellente
et géométrique.
Après avoir établi ,
Voilà en quoi consiste cet art de persuader, qui se ren-
ferme dans ces deux principes : Définir tous les noms qu'on
impose. Trouver tout, en substituant mentalement les défini-
tions à la place des définis.
Sur quoi il me semble à propos de prévenir trois objections
principales qu'on pourra faire. L'une, que cette méthode n'a
rien de nouveau; l'autre, qu'elle est bien facile à apprendre,
sans qu'il soit nécessaire pour cela d'étudier les éléments de
géométrie, puisqu'elle consiste en ces deux mots qu'on sait à
la première lecture ; et enfin qu'elle est assez inutile, puisque
son usage est presque renfermé dans les seules matières géo-
métriques. Il faut donc faire voir qu'il n'y a rien de si inconnu,
rien de plus difficile à pratiquer, et rien de plus utile et de
plus universel.
Pour la première objection, qui est que ces règles sont com-
munes dans le monde, qu'il faut tout définir et tout prouver ,
et que les logiciens mêmes les ont mises entre les préceptes de
leur art, je voudrais que la chose fût véritable, et qu'elle fût si
connue, que je n'eusse pas eu la peine de rechercher avec tant
de soin la source de tous les défauts des raisonnements, qui sont
véritablement communs. Mais cela l'est si peu que, si l'on en
excepte les seuls géomètres, qui sont en si petit nombre qu'ils
sont uniques en tout un peuple et dans un long temps, on n'en
voit aucun qui le sache aussi. Il sera aisé de le faire entendre à
ceux qui auront parfaitement compris le peu que j'en ai dit; mais
s'ils ne l'ont pas conçu parfaitement, j'avoue qu'ils n'y auront
rien à y apprendre. Mais s'ils sont entrés dans l'esprit de ces
règles, et qu'elles aient assez fait d'impression pour s'y enra-
ciner et s'y affermir, ils sentiront combien il y a de différence
entre ce qui est dit ici et ce que quelques logiciens en ont peut-
être écrit d'approchant au hasard, en quelques lieux de leurs
ouvrages.
Ceux qui ont l'esprit de discernement savent combien il y a
de différence entre deux mots semblables, selon les lieux et les
3U4 OPUSCULES DE PASCAL
circonstances qui les accompagnent. Croira-t-on, en vérité,
que deux personnes qui ont lu et appris par cœur le même li-
vre le sachent également, si l'un le comprend en sorte qu'il en
sache tous les principes, la force des conséquences, les répon-
ses aux objections qu'on y peut faire, et toute l'économie de
l'ouvrage; au lieu qu'en l'autre ce soient des paroles mortes, et
des semences qui, quoique pareilles à celles qui ont produit
des arbres si fertiles, sont demeurées sèches et infructueuses
dans l'esprit stérile qui lésa reçues en vain? Tous ceux qui
disent les mêmes choses ne les possèdent pas de la même sor-
te ; et c'est pourquoi l'incomparable auteur de l'Art de conférer
s'arrête avec tant de soin à faire entendre qu'il ne faut pas
juger de la capacité d'un homme par l'excellence d'un bon mot
qu'on lui entend dire : mais, au lieu d'étendre l'admiration d'un
bon discours à la personne, qu'on pénètre, dit-il, l'esprit d'où
il sort ; qu'on tente s'il le tient de sa mémoire ou d'un heureux
hasard; qu'on le reçoive avec froideur et avec mépris, afin de
voir s'il ressentira qu'on ne donne pas à ce qu'il dit l'estime que
son prix mérite : on verra le plus souvent qu'on le lui fera désa-
vouer sur l'heure, et qu'on le tirera bien loin de cette pensée,
meilleure qu'il ne croit, pour le jeter dans une autre toute basse
et ridicule, Il faut donc sonder comme cette pensée est logée
en son auteur; comment, par où, jusqu'où il la possède : au-
trement, le jugement précipité sera jugé téméraire1.
Je voudrais demander à des personnes équitables si ce prin-
cipe : La matière est dans une incapacité naturelle invincible
rie penser, et celui-ci : Je pense, donc je suis, sont en effet les
mêmes dans l'esprit de Descartes et dans l'esprit de saint Au-
gustin, qui a dit la même chose douze cents ans auparavant *.
1. De l'art de conférer est le titre donné par Montaigne au huitième chapitre du troi-
sième livre de ses Essais. On y lit (t. iv, p. 439) : « Voicy un aultre advertissement, du-
quel ie tire grand usage : c'est qu'aux disputes et conférences, touts les mots qui nous
semblent bons ne doibvent pas incontinent estre acceptez.... Tl peult bien advenir à tel
de dire un beau traict, une bonne response et sentence, et la mettre en avant, sans en
cognoislre la force 11 n'y fault point tousiours céder, quelque vérité ou beauté qu'elle
ayt : ou il la fault combattre à escient, ou se tirer arrière soubs couleur de ne l'entendre
pas, pour taster de toutes parts comment elle est logée en .son auclenr, etc. » Montaigne
continue longtemps sur ce ton avec beaucoup d'esprit et de malice, mais non pas avec la
gravité de Pascal. M. Le Clerc arapproché dutexte de Montaigne le résumé que Pascal
en a fait, en ajoutant : • Voilà le meilleur commentaire de tout ce passage, et ce commen-
taire est un hommage au génie d'un écrivain que Pascal n'a pas toujours si bien traité. »
2. Après le premier étonnement causé par l'originalité de la méthode de Descartes, ou
«aperçut que les principes sur lesquels il établissait sa philosophie se retrouvaient dans
de l'esprit géométrique 305
En vérité, je suis bien éloigné de dire que Descartes n'eu
soit pas le véritable auteur, quand même il ne l'aurait appris
que dans la Lecture de ce grand saint1 ; car je sais combien il
y a de différence entre écrire un mot à l'aventure, sans y faire
une réflexion plus longue et plus étendue, et apercevoir dans
ce mot une suite admirable de conséquences, qui prouve la
distinction des natures matérielle et spirituelle, et en faire un
principe ferme et soutenu d'une physique entière, comme T^«-
cartes a prétendu faire. Car, sans examiner s'il a réussi effica-
cement dans sa prétention, je suppose qu'il l'ait fait, et c'est
dans cette supposition que je dis que ce mot est aussi différent
dans ses écrits d'avec le même mot dans les autres qui l'ont dit
en passant, qu'un homme plein de vie et de force d'avec un
homme mort.
Tel dira une chose de soi-même sans en comprendre l'ex-
cellence, où un autre comprendra une suite merveilleuse de
conséquences qui nous font dire hardiment que ce n'est plus
le même mot, et qu'il ne le doit non plus à celui d'où il l'a appris,
qu'un arbre admirable n'appartiendra pas à celui qui en aurait
jeté la semence, sans y penser et sans la connaître, dans une
terre abondante, qui en aurait profité de la sorte par sa propre
fertilité.
Les mêmes pensées poussent quelquefois tout autrement
dans un autre que dans leur auteur : infertiles dans leur champ
naturel, abondantes étant transplantées. Mais il arrive bien
plus souvent qu'un bon esprit fait produire lui-même à ses
divers passages de saint Augustin. Voir, à ce sujet, la Vie de Descartes par Baillet. Le
plus remarquable parmi ces passages est ce qu'on lit au chapitre 10 du livre X sur la Tri-
nité. Les hommes, dit saint Augustin, ont pu douter de la nature du principe qui vit,
qui se souvient, qui comprend, etc. « Mais le fait même de la vie, de la mémoire, de
l'intelligence, de la volonté, de la pensée, de la connaissance, du jugement, qui peut
en douter? Car si on doute, c'est qu'on vit; si on doute, c'est qu'on se souvient des rai-
sops qu'on a de douter; si on doute, c'est qu'on comprend qu'on doute ; si ou doute, c'est
qu'on veut s'assurer; si on doute, c'est qu'on pense; si on doute, c'est qu'on sait qu'on
De sait pas; si on doute, c'est qu'on juge qu'on ne doit pas croire légèrement. Ainsi,
celui même qui docte de tout le reste ne peut douter de ces choses; car, sans ces
choses, il ne lui serait pas possible de douter.» Il ajoute que Pâme, se sachant, et ne
sachant pas la matière, n'est donc pas matière ; qu'elle est ce qu'elle se sait, c'est-à-dire
pensée. Voyez aussi Le De Civ. Dei, XI, 26 : « Je ne crains pas ici [dans la croyance que
j'ai à mon existence] les arguments des académiciens disant : Mais si vous vous trompez'
Car si je me trompe, j'existe. En effet, celui qui n'existe pas ne peut pas se tromper, etc. t
Voir encore Soliloq . lï, 1, 3; De bb. arb. Il, '6, etc.
1. Descartes n'en convient pas. Voir sa Lettre à la personne qui lui avait signalé ceftfc
rencontre, tome u de l'édition de 1667, lettre 118 (tome vin, page 421 de l'édition de
M CoU: in .
306 OPUSCLES DE PASCAL
propres pensées tout le fruit dont elles sont capables, et qu'en-
suite quelques autres, les ayant ouï estimer, les empruntent
et s'en parent, mais sans en connaître l'excellence; et c'est alors
que la différence d'un même mot en diverses bouches paraît le
plus.
C'est de cette sorte que la logique a peut-être emprunté les
règles de la géométrie sans en comprendre la force ; et ainsi,
en les mettant à l'aventure parmi celles qui lui sont propres,
il ne s'ensuit pas de là qu'ils aient entré dans l'esprit de la
géométrie; et je serai bien éloigné, s'ils n'en donnent pas d'au-
tres marques que de l'avoir dit en passant, de les mettre en
parallèle avec cette science, qui apprend la véritable méthode de
conduire la raison. Mais je serai au contraire bien disposé aies
en exclure, et presque sans retour. Car de l'avoir dit en pas-
sant, sans avoir pris garde que tout est renfermé là-dedans , et,
au lieu de suivre ces lumières, s'égarer à perte de vue après
des recherches inutiles, pour courir à ce que celles-là offrent
et qu'elles ne peuvent donner, c'est véritablement montrer
qu'on n'est guère clairvoyant, et bien plus que si l'on avait
manqué de les suivre parce qu'on ne les avait pas aperçues.
La méthode de ne point errer est recherchée de tout le
monde. Les logiciens font profession d'y conduire, les géo-
mètres seuls y arrivent , et, hors de leur science et de ce qui
l'imite, il n'y a point de véritables démonstrations. Tout l'art
en est renfermé dans les seuls préceptes que nous avons dits;
ils suffisent seuls, ils prouvent seuls ; toutes les autres règles
sont inutiles ou nuisibles. Voilà ce que je sais par une longue
expérience de toutes sortes de livres et de personnes.
Et sur cela je fais le même jugement de ceux qui disent que
les géomètres ne leur donnent rien de nouveau par ces règles,
parce qu'ils les avaient en effet, mais confondues parmi une
multitude d'autres inutiles ou fausses dont ils ne pouvaient
pas les discerner, que de ceux qui, cherchant un diamant de
grand prix parmi un grand nombre de faux, mais qu'ils n'en
sauraient pas distinguer, se vanteraient, en les tenant tous en-
semble, de posséder le véritable aussi bien que celui qui, sans
s'arrêter à ce vil amas, porte la main sur la pierre choisie que
Von recherche, et pour laquelle on ne jetait pas tout le reste.
de l'esprit géométrique 307
Le défaut d'un raisonnement faux est une maladie qui se
guérit par ces deux remèdes. On en a composé un autre d'une in-
finité d'herbes inutiles, où les bonnes se trouvent enveloppées,
et où elles demeurent sans effet, par les mauvaises qualités de
ce mélange. Pour découvrir tous les sophismes et toutes les
équivoques dcz raisonnements captieux, ils ont inventé des
noms barbares, qui étonnent ceux qui les entendent; et au
lieu qu'on ne pont débrouiller tous les replis de ce nœud si
embarrassé qu'en tirant l'un des bouts que les géomètres assi-
gnent, ils en ont marqué un nombre étrange d'autres où ceux-
là se trouvent compris, sans qu'ils sachent lequel est le bon. Et
ainsi, en nous montrant un nombre de chemins différents qu'ils
disent nous conduire où nous tendons, quoiqu'il n'y en ait
que deux qui y mènent (il faut savoir les marquer en particu-
lier), on prétendra que la géométrie, qui les assigne certaine-
ment, ne donne que ce qu'on avait déjà des autres, parce qu'ils
donnaient en effet la même chose et davantage ; sans prendre
garde que ce présent perdait son prix par son abondance , et
qu'il ôtait en ajoutant.
Rien n'est plus commun que les bonnes choses, il n'est
question que de les discerner ; et il est certain qu'elles sont
toutes naturelles et à notre portée, et même connues de tout le
monde, mais on ne sait pas les distinguer. Ceci est universel.
Ce n'est pas dans les choses extraordinaires et bizarres que se
trouve l'excellence de quelque genre que ce soit. On s'élève
pour y arriver, et on s'en éloigne; il faut le plus souvent s'a-
baisser. Les meilleurs livres sont ceux que ceux qui les lisent
croient qu'ils auraient pu faire. La nature, qui seule est bonne,
est toute familière et commune.
Je ne fais donc pas de doute que ces règles, étant les véri-
tables, ne doivent être simples, naïves, naturelles, comme elles
le sont. Ce n'est pas barbara et baralipton qui forment le rai-
sonnement1. Il ne faut pas guinder l'esprit; les manières ten-
1. Des trois propositions dont se compose un syllogisme, chacune est ou universelle
ou particulière, chacune est aussi ou affirmative ou négative. Désignant par A, E, les pro-
positions universelles, affirmatives et négatives; par I, O, les propositions particulières,
affirmatives et négatives, les différentes formes possibles du syllogisme seront représen-
tées par certaines combinaisons des lettres A, E, I, O, [irises trois à trois. On a exprimé
ee» combinaisons par des mots où entrent ces voyelles, et afin de graver ces mots dans
308 OPUSCULES DE PASCaL
dues et pénibles le remplissent d'une sotte présomption par
une élévation étrangère et par une enflure vaine et ridicule, au
lieu d'une nourriture solide et vigoureuse. Et l'une des rai-
sons principales qui éloignent autant ceux qui entrent dans ces
connaissances du véritable chemin qu'ils doivent suivre, est l'i-
magination qu'on prend d'abord que les bonnes choses sont
inaccessibles, en leur donnant le nom de grandes, hautes, éle-
vées, sublimes. Gela perd tout. Je voudrais les nommer basses,
communes , familières : ces noms-là leur conviennent mieux ;
je hais ces mots d'enflure1
REMARQUES SUR LES DEUX FRAGMENTS DE
L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE.
PREMIER FRAGMENT.
La logique pratique de Pascal est excellente dans sa simplicité. Mais
les principes qu'il établit dans ce premier fragment et qu'il prétend
mettre au-dessus de la pratique, sont faux et inacceptables, comme
l'est en général le pyrrhonisme voulu et forcé des Pensées. C'est une
étrange chimère que cette méthode « plus éminente et plus accomplie,
mais où des hommes ne sauraient jamais arriver, car ce qui passe la
géométrie nous surpasse » : phrase qui contient, pour ainsi dire, la tran-
sition de Pascal géomètre à Pascal pyrrhonien. Cette méthode consiste
a tout définir et h tout prouver. Arrêtons là, et puisque Pascal veut
qu'on définisse, définissons ce que c'est que prouver ou démontrer.
la mémoire, on les a liés ensemble, soit par le sens, comme dans cette phrase grecque :
ypkppkrA. EypkpE yp\'j)l$l tE/vI^Os,
Boit par le mètre, comme dans ce vers latin :
barbara celèrent àarii terio baralî'r/on,
et autres semblables, composés de sons qui n'ont aucun sens.
i. Les idées exprimées dans ces deux derniers alinéas sont prises de Montaigne, T, 25,
t. i, page 2154 : « On a grand tort de la peindre [la philosophie] inaccessible aux enfants,
d'un visage renfrongné, sourcilleux et terrible... La plus expresse marque de la sagesse,
c'est une esiouissance constante... C'est baroco et baralipton qui rendent leurs supposts
ainsi crottez et enfumez; ce n'est pas elle, etc. » Et III, 5, t. iv, p. 317 : « Les sciences
traictent les choses trop finement, d'une mode artificielle, et différente à la commune et
naturelle... Je ne recognois pas chez Aristote la plus part de mes mouvemenls ordinaires;
on les a couverts et revestus d'une aultre robbe, pour l'usage de l'eschole. Dieu leurdoint
bien faire I Si i'estois du mestier, i« naturaliseiois l'art autant comme ils artialisent la
oature. »
de l'esprit géométrique 300
N'est-ce pas faire voir qu'uni; proposition qui paraît douteuse est ef-
fectivement contenue dans une autre dont on ne peut pas douter? Dès
lors, il n'y a lieu à démonstration qu'autant qu'il y a des propositions
indubitables par elles-mêmes, et qui ne se prouvent pas; et, loin que
le véritable ordre soit de tout prouver, on ne saurait même attacher à
ces deux mots réunis une idée nette.
« Certainement, dit Pascal, cette méthode serait belle, mais elle est
absolument impossible. » Elle est bien plus qu'impossible, elle ren-
ferme une contradiction essentielle; et ce qui implique contradiction
ne peut s'appeler un ordre absolument accompli. C'est comme si on
disait qu'un bâton accompli serait celui qui n'aurait qu'un bout, mais
que l'homme est obligé, dans cette vie, de se contenter des bâtons qui
en ont deux.
Ce qui est contre nature n'est pas au-dessus de la lumière naturelle.
Le raisonnement n'est pas quelque chose qui soit supérieur, par soi-
même, à l'évidence sensible; car le raisonnement ne fait autre chose
que montrer le lien qui rattache à cette évidence une vérité où elle
ne se manifeste pas tout d'abord. Dans quelles subtilités Pascal s'em-
barrasse ! Quoi! parce que je ne puis définir l'espace, ni démontrer
qu'entre deux points on ne peut tirer qu'une seule ligne droite, je ne
serai convaincu de rien, même en géométrie, je ne pourrai être que
certain ! Quelle distinction !
Mais le pyrrhonien m'intéresse beaucoup moins dans ce fragment
que le cartésien, qui, après avoir réduit l'homme à la géométrie, pré-
tend retrouver dans la géométrie le reste des choses et les clefs qui
ouvrent toute connaissance. La première de ces clefs est la vue des
deux infinis, sujet d'un si magnifique développement dans les Pensées :
l'infini en grand, qui fatigue plutôt notre pensée qu'il ne la trouble;
l'infini en petit, qui confond l'imagination, parce qu'il semble qu'on le
tient, et que pourtant il échappe. Je voudrais bien ne pas me perdre
dans cette question si abstruse de la divisibilité à l'infini. L'étendue
est divisible à l'infini, cela est tout simple, il en est de même de la
durée; il en est de même du nombre, qui n'est que le signe de ces
deux espèces de quantité, la durée et l'étendue. Mais la matière, la
réalité, est-elle aussi divisible à l'infini? Je répondrais avec clarté à
cette question, si je pouvais dire avec clarté ce que c'est que la matière
et ce que c'est que diviser. Des philosophes définissent la matière : un
ensemble de forces manifestées par des phénomènes qui se perçoivent
distinctement les uns des autres. Cette distinction se fait, disent-ils,
suivant une certaine forme de notre intelligence qui est ce que nous
appelons l'étendue, pure illusion sans réalité. Et ils concluent que ce
310 OPUSCULES DE PASCAL
qu'on appelle divisibilité à l'infini ne porte que sur une intuition ou
une pure idée.
De là ces contradictions, que Kant a rendues fameuses sous le nom
d'antinomies, mais on n'avait pas attendu Kant pour les signaler. Il
répugne à l'esprit qu'on puisse s'arrêter dans la division, et il répu-
gne également à l'esprit qu'on ne puisse pas s'arrêter *. Pascal en conclut
« que ce n'est pas par notre capacité à concevoir ces choses que nous
devons juger de leur vérité, puisque, ces deux contraires étant tous
deux inconcevables, il est néanmoins certain que Vun des deux est vé-
ritable. » D'autres concluent au contraire que lorsque, sur une même
question, la thèse et l'antithèse sont également inconcevables, c'est la
marque que la question ne porte sur rien de réel, et qu'elle implique
quelque illusion de notre esprit.
Quand Pascal considère l'étendue comme une réalité, il cède donc,
je le crois, à une illusion, mais à une illusion universelle et peut-être
inévitable. C'en est une plus facile à éviter, et qui tient surtout à la
complaisance de son esprit pour l'abstraction, que de parler des points
ou des instants comme de quelque chose de réel (page 296), tandis que
ce ne sont que des idées. Ainsi, dans l'exemple du vaisseau qu'on re-
garde à travers un verre, sans doute les deux lignes dont il parle ne
se confondront jamais, mais à condition que ce ne soient que des li-
gnes, c'est-à-dire rien, car il n'y a pas de lignes dans la nature, il n'y
a que des corps.
De même quand il dit : « Quelque mouvement, quelque nombre,
quelque espace, quelque temps que ce soit, il y en a toujours un plus
grand et un moindre » , cela est bon pour le nombre, l'espace et le
temps, abstractions pures ; mais, quant au mouvement, il fallait se con-
tenter de dire qu'on en conçoit toujours un plus grand et un moindre,
et rien de plus. On conçoit aussi toujours des corps plus grands qu'un
corps donné, ou plus petits, ou un monde plus grand qu'un monde
donné, mais cela ne nous apprend pas ce qui est.
Pascal demande si les lunettes changent la grandeur naturelle des
objets, ou si, au contraire, ils rétablissent la véritable. Mais cette ques-
tion ne trahit-elle pas une méprise de l'imagination? L'idée de gran-
deur est essentiellement relative à celle d'étendue; si celle-ci est sans
réalité, il en est de même de l'autre ; il n'y a plus de réel que les rap-
ports et les lois de ces apparences. L'éléphant est plus grand que la
mouche, voilà ce qui demeure réel, et rien de plus, mais cela suffit.
Je relèverai maintenant quelques détails. Pascal accorde que la
I. Voir, sur cette seconde supposition, l'article Zenon d'Êlie, dans le Dictionnaire de
Bayle.
REMARQUES SDR L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE. 311
définition de nom est arbitraire, au point qu'il est permis de donner
te même nom ;\ deux choses différentes, pourvu qu'on n'en confonde
pa les conséquences et qu'on ne les étende pas de lune h Vautre. Mais
t'est ce qui est presque inévitable* La Logique de Port-Royal a donc
raison de vouloir qu'on prenne bien garde d'abuser de ce principe?,
quoique vrai en rigueur, que les définitions sont libres.
o On ne peut entreprendre de définir l'être... : car..., pour définir
l'être, il faudrait dire, c'est, et ainsi employer le mot défini dans la défi-
nition. » Gela ne paraît pas bien rigoureux; car, en y regardant de près,
on voit que le mot c'est, dans le discours, n'exprime qu'une conception
de notre esprit, et n'a pas le même sens que dans cette expression,
l'être. Il équivaut à un signe algébrique tel que=. Il pourrait y avoir
deux mots différents pour ces deux idées différentes, et même il y en
a deux en effet, car on peut dire : L'existence est. Ainsi., on n'emploie
plus le mot défini dans la définition. 11 est vrai pourtant qu'on ne peut
définir l'existence, mais ce n'est pas, je crois, pour la raison que donne
Pascal, c'est uniquement à cause de la simplicité irréductible de
cette idée.
« On ne peut imaginer de mouvement sans quelque chose qui se
meuve, et cette chose étant une, cette unité est l'origine de tous les
nombres. »
Gela est hien détourné, car la chose était aussi bien une dans l'état
de repos que dans celui de mouvement. La seule mesure du mouve-
ment, le calcul de l'espace parcouru, rapporté à un autre espace pris
pour unité, suffit pour donner le nombre. D'ailleurs, comment sait-il
que cette chose est une, et qu'entend-il par un? Ce mot bien analysé
ne présente d'autre sens à l'esprit que celui de totalité ou d'ensemble.
« C'est une maladie naturelle à l'homme de croire qu'il possède la
vérité directement..., au lieu qu'en effet il ne connaît naturellement
que le mensonge, et qu'il ne doit prendre pour véritables que les cho-
ses dont le contraire lui paraît faux. » Paradoxe et non-sens qu'on
trouve aussi dans les Pensées, vi, 60, mais nous le surprenons ici à
sa source, qui ne peut être que la considération de l'infini. En effet,
on n'arrive à l'affirmative : Ceci est infini, qu'au moyen de la néga-
tive : Il n'est pas vrai que ceci soit fini. Mais cela est tout simple,
puisque l'idée d'infini est une négation, et il n'y a pas là grand mys-
tère.
SECOND FRAGMENT.
Les réflexions par lesquelles s'ouvre ce fragment, sur ce que Pascal
appelle Varl d'agréer, sont peut-être ce qui s'y trouve de plus original ;
312 OPUSCULES DE PASCAL
mais on les lisant il faut se défier de sa pensée de derrière (comme il
dit dans les Pensées), qui est la condamnation de la nature humaine.
Il est injuste quand il suppose que des vérités démontrées pour la rai-
son sont rejetées par la passion. Gela est rare, si cela arrive jamais
Ce qui arrive le plus souvent, ce qui fait les surprises de la passion et
celles de l'éloquence, c'est qu'en dehors des sciences pures, et dans
l'ordre des choses qui font les grands intérêts de la vie, il n'y a guère
de vérités rigoureusement démontrées, ni même de vérités absolu-
ment vraies, je veux dire qui le soient en toutes circonstances et sous
toutes les faces. La passion peut donc les prendre sous le jour qui lui
agrée. Pascal va le dire un peu plus loin : « Il n'y a presque point de
vérités dont nous demeurions toujours d'accord. » Ce n'est pas qu'il
n'y ait d'ordinaire, à un moment donné, une cause qui est la bonne
cause, qu'il est juste d'embrasser, et qu'on est blâmable de combattre.
Mais, quoiqu'elle soit la bonne cause, elle n'est pas cependant bonne
en tout point. En un mot, lorsque la passion prend parti contre la rai-
son, ce n'est pas sans avoir aussi des raisons pour elle. Ces raisons
sont des vraisemblances, c'est-à-dire des vérités relatives. Et la rhé-
torique n'est que la dialectique des vraisemblances, comme Aristote
Ta définie admirablement.
On ne saurait consentir non plus au dédain avec lequel Pascal traite
la sensibilité, ne l'appelant que des noms de volupté et de caprice.
L'homme ne doit pas plus mépriser en lui la sensibilité que la raison,
et il n'a pas trop de toutes les deux pour se soutenir. Il y a des vérités
que nous ne devons pas seulement croire, mais aimer, et des men-
songes que nous ne devons pas seulement rejeter, mais haïr. C'est
donc le devoir de celui qui parle pour le vrai et contre le faux, de
toucher en nous ces puissances d'amour ou de haine. Qu'on l'entende
bien : ce n'est pas une nécessité à laquelle il soit réduit, et dont il ait
à se plaindre; c'est sa force, c'est son honneur, et ce doit être son
ambition et sa joie. Mais comment l'auteur des Provinciales, comment
l'homme qui fut peut-être le plus passionné des hommes éloquents,
semble-t-il ne voir dans l'éloquence passionnée qu'un instrument de
volupté? C'est qu'il méprise dans l'éloquence la nature elle-même, la
concupiscence toujours présente, le misérable héritage d'Adam. Cela
ne l'empêche pas de sentir ce qu'elle vaut humainement , et il nous
dira tout à l'heure combien c'est un art difficile, et combien admi-
rable.
Il est vrai que cet art n'a point de règles fermes (p. 300); mais, sans
prétendre fixer cette anatomie du cœur humain, il est possible de
faire un certain nombre d'observations généralement vraies, observa-
REMARQUES SUR L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE. 313
tions utiles d'abord en elles-mêmes, et aussi en ce qu'étant conduites
méthodiquement elles nous apprennent à en faire d'autres. C'est ce
qu Aristote a exécuté dans sa Rhétorique. Il y a marqué précisément
les principales de ces différences que Pascal reconnaît entre les ca-
ractères des divers âges et des diverses conditions.
Quand Pascal met en opposition (p. 299) les suggestions de l'esprit et
celles du cœur, il contredit ee qu'il avait dit lui-même : « L'amour
et la raison n'est qu'une même chose » (dans le Discours sur les pas-
sions de l'amour). C'était peut-être trop donner au sentiment et à la
nature. Ici il leur refuse tout, parce qu'il parle suivant sa théologie.
Il veut établir l'impuissance de la raison, soit pour persuader, soit
pour gouverner, la vanité de la pure logique et de la pure sagesse. Et,
par une étrange contradiction, en même temps qu'il trouve mauvais
qu'on se détermine dans les choses humaines par le cœur, il trouve
très-bon qu'on soit pris par le cœur en religion, et il voit là un mys-
tère divin : « Et c'est pour punir ce désordre par un ordre qui lui est
conforme, que Dieu ne verse ses lumières dans les esprits qu'après
avoir dompté la rébellion de la volonté par une douceur toute céleste
qui la charme et qui l'entraîne. » C'est dans les mêmes termes qu'il
explique, dans la XVIIIe Provinciale, l'action de la grâce sur le libre
arbitre de l'homme. C'est bien déjà, en effet, le Pascal des Provinciales
et des Pensées que nous entendons dans ces deux fragments, et qui, à
la fin du premier, met son âme à nu, pour ainsi dire, dans cette phrase :
« Sur quoi on peut apprendre à s'estimer à son juste prix, et former
des réflexions qui valent mieux que tout le reste de la géométrie
même. »
« Ce n'est pas barbara et baralipton qui forment le raisonnement. »
Non, sans doute ; et Montaigne a bien fait de le dire, et Pascal de le
répéter. L'esprit humain n'avait que trop souffert de l'éducation de
l'École. Mais ce n'est pas à Aristote qu'il faut imputer la science morte
du moyen âge; la sienne est vivante et originale, et il reste permis
d'admirer chez lui l'analyse si curieuse, lors même qu'elle n'est pas
utile pour la pratique, du mécanisme du raisonnement, et cette cri-
tique déliée qui débrouille habilement un à un tous les fils mêlés par
les sophistes.
Pascal a raison de dire qu'Augustin n'a pas tenté comme Descartes
de bâtir sur le Je pense, donc je suis une physique entière, c'est-à-dire,
au sens que ce mot avait alors, une philosophie complète de la nature .
(Voir les Principia philosophiœ.) Mais il se trompe, ainsi qu'on l'a dit
justement *, quand il fait entendre que le saint docteur n'a écrit ce
1. M. l'abbé Flottes, Etudes sur saint Augustin, 1861, p. 584.
314 OPUSCULES DE PASCAL
mot qu'en passant et a l'aventure. Augustin prétend s'en servir pour
prouver Dieu, et même la Trinité : Dieu, en reconnaissant dans nous
Un principe intelligent qu'il ne peut rapporter à la matière ; la Trinité,
en considérant le moi sous divers aspects, sous lesquels il lui paraît
un et triple, idée que Bossuet a reprise en plusieurs endroits.
Au reste, le débat a moins d'intérêt pour ceux qui pensent (et j'a-
voue que je suis du nombre), que ce fameux principe n'a pas au fond
toute la valeur qu'on lui attribue, car personne ne doute de la vie ni
de la pensée; la question est seulement de savoir ce que c'est qui vit
et qui pense, et c'est ce que le Cogito, ergo sum ne nous apprend pas,
quoi qu'aient dit Augustin et Descartes.
« C'est de cette sorte que la logique a peut-être emprunté les règles
de la géométrie sans en comprendre la force, etc. »
M. Barthélémy Saint-Hilaire répond à cela dans la Préface de sa tra-
duction de la Logique d'Aristote, (p. xxxviii) : « Les mathématiques ont
presque la forme pure, la forme idéale de la logique.. . Les mathéma-
tiques en tirent vanité, et c'est avec raison. Seulement il ne faut pas,
comme il arrive quelquefois, qu'elles se méprennent sur elles-mêmes,
et qu'elles essayent de détrôner la logique en se substituant à elle.
Pascal a commis cette énorme erreur, que Malebranche aurait partagée
volontiers. La logique, selon lui, a peut-être emprunté les règles de
la géométrie sans en comprendre la force. Puis, par une confusion
non moins erronée, il ajoute : La méthode de ne point errer est recher-
chée de tout le monde; les logiciens font profession d'y conduire, les
géomètres seuls y arrivent. Pascal, comme on le voit, confond l'art
avec la science; et parce que les logiciens ne conduisent pas infailli-
blement au vrai, il immole la logique à ses chères mathématiques.
C'est Leibnitzqui a pleine raison, quand il dit contrairement à Pascal :
La logique des géomètres est une extension ou promotion particulière
de la logique générale. Les mathématiciens empruntent donc la puis-
sance de leur forme à la logique, loin de la lui donner. »
SUR LA CONVERSION DU PECHEUR
La première chose que Dieu inspire à l'âme qu'il daigne
toucher véritablement, est une connaissance et une vue tout
extraordinaire par laquelle l'âme considère les choses et elle-
même d'une façon toute nouvelle.
Cette nouvelle lumière lui donne de la crainte, et lui apporte
un trouble qui traverse le repos qu'elle trouvait dans les
choses qui faisaient ses délices. Elle ne peut plus goûter avec
tranquillité les choses qui la charmaient. Un scrupule conti-
nuel la combat dans cette jouissance, et cette vue intérieure
ne lui fait plus trouver cette douceur accoutumée parmi les
choses où elle s'abandonnait avec une pleine eifusion de cœur.
Mais elle trouve encore plus d'amertume dans les exercices de
piété que dans les vanités du monde. D'une part , la présence
des objets visibles2 la touche plus que l'espérance des invi-
sibles, et de l'autre la solidité des invisibles la touche plus que
la vanité des visibles. Et ainsi la présence des uns et la solidité
des autres disputent son affection, et la vanité des uns et l'ab-
sence des autres excitent son aversion; de sorte qu'il naît dans
elle un désordre et une confusion.
Elle considère les choses périssables comme périssantes et
1. Fragment publié pour la première fois par Bossut. M. Faugère l'a donné d'après
les manuscrits du P. Guerrier. Quoique le P. Guerrier dise qu'il ne sait de qui est cet
écrit, et que l'auteur d'une note qui se trouve daus un antre manuscrit croie pouvoir
l'attribuer à Jacqueline, je pense avec M. Faugère que Bossut ne s'est point trompé en
le donnant comme de Pascal, et qu'on ne peut y méconnaître su manière. Mais je ne
puis rapporter ce morceau à la date à laquelle on l'a rapporté. Il me semble que Pascal
y exprime ce qui s'est passé dans son âme pendant ce temps critique de sa vie où s'ac-
complit laborieusement sa jrandeet dernière conversion, c'est-à-dire, pendant l'année 1654,
2. Je crois qu il faut lire ainsi, et non pas, la vanité, leçon qui ne donne pas un sens
satisfaisant.
316 OPUSCULES DE PASCAL
même déjà péries; et, dans la vue certaine de l'anéantissemenV
de tout ce qu'elle aime, elle s'effraie dans cette considération,
en voyant que chaque instant lui arrache la jouissance de son
bien, et que ce qui lui est le plus cher s'écoule à tout moment1,
et qu'enfin un jour certain viendra, auquel elle se trouvera dé-
nuée de toutes les choses auxquelles elle avait mis son espé-
rance. De sorte qu'elle comprend parfaitement que son cœur
ne s'étant attaché qu'à des choses fragiles et vaines, son âme
doit se trouver seule et abandonnée au sortir de cette vie, puis-
qu'elle n'a pas eu soin de se joindre à un bien véritable et sub-
sistant par lui-même, qui pût la soutenir et durant et après
cette vie.
De là vient qu'elle commence à considérer comme un néant
tout ce qui doit retourner dans le néant, le ciel , la terre , son
esprit, son corps, ses parents, ses amis, ses ennemis ; les biens,
la pauvreté; la disgrâce, la prospérité; l'honneur, l'ignominie;
l'estime, le mépris ; l'autorité, l'indigence8; la santé, la mala-
die, et la vie même. Enfin tout ce qui doit moins durer que
son âme est incapable de satisfaire le désir de cette âme, qui
recherche sérieusement à s'établir dans une félicité aussi du-
rable qu'elle-même.
Elle commence à s'étonner de l'aveuglement où elle a vécu;
et, quand elle considère d'une part le long temps qu'elle a vécu
sans faire ces réflexions et le grand nombre de personnes qui
vivent de la sorte, et de l'autre combien il est constant que
l'âme, étant immortelle comme elle est, ne peut trouver sa fé-
licité parmi des choses périssables et qui lui seront ôtées au
moins à la mort, elle entre dans une sainte confusion , et dans
un étonnement qui lui porte un trouble bien salutaire. Car elle
considère que, quelque grand que soit le nombre de ceux qui
vieillissent dans les maximes du monde, et quelque autorité
que puisse avoir cette multitude d'exemples de ceux qui posent
leur félicité au monde, il est constant néanmoins que, quand
les choses du monde auraient quelque plaisir solide, ce qui est
reconnu pour faux par un nombre infini d'expériences si fu
1. Voyez, dans les Pensées, xxiv, 16, bis : «C'est une chose horrible de sentir s'écouler
tout ce qu on possède. »
'-. C'est encore une antithèse, quoique moins nettement marquée : l'indigence est l'état
où on u besoin des autres [indigere], où on dépend d'eux.
SUR TA CONVERSION DU PÊCHEUR. 317
nestes et si continuelles, il est inévitable que la perte de ces
choses ou que la mort enfin nous en prive; de sorte que, l'âme
s'étant amassé des trésors de biens temporels de quelque na-
ture qu'ils soient, soit or, soit science, soit réputation, c'est
une nécessité indispensable qu'elle se trouve dénuée de tous
ces objets de sa félicité ; et qu'ainsi, s'ils ont eu de quoi la sa-
tisfaire, ils n'auront pas de quoi la satisfaire toujours; et que
si c'est se procurer un bonheur véritable, ce n'est pas se pro-
poser un bonheur bien durable , puisqu'il doit être borné avec
le cours de cette vie. De sorte que, par une sainte humilité, que
Dieu relève au-dessus de la superbe, elle commence à s'élever
au-dessus du commun des hommes; elle condamne leur con-
duite, elle déteste leurs maximes, elle pleure leur aveuglement ;
elle se porte à la recherche du véritable bien ; elle comprend
qu'il faut qu'il ait ces deux qualités : l'une, qu'il dure autant
qu'elle, et qu'il ne puisse lui être ôté que de son consentement,
et l'autre, qu'il n'y ait rien de plus aimable1.
Elle voit que, dans l'amour qu'elle a eu pour le monde, elle
trouvait en lui cette seconde qualité dans son aveuglement;
car elle ne reconnaissait rien de plus aimable. Mais, comme elle
n'y voit pas la première, elle connaît que ce n'est pas le souve-
rain bien. Elle le cherche donc ailleurs, et connaissant par une
lumière toute pure qu'il n'est point dans les choses qui sont en
elle, ni hors d'elle , ni devant elle, rien donc en elle ni à ses
côtés, elle commence à le chercher au-dessus d'elle.
Cette élévation est si éminenteet si transcendante, qu'elle ne
s'arrête pas au ciel : il n'a pas de quoi la satisfaire; ni au-dessus
du ciel, ni aux anges, ni aux êtres les plus parfaits. Elle tra-
verse toutes les créatures, et ne peut arrêter son cœur qu'elle
ne se soit rendue jusqu'au trône de Dieu, dans lequel elle com-
mence à trouver son repos , et ce bien qui est tel qu'il n'y a
rien de plus aimable, et qui ne peut lui être ôté que par son
propre consentement. Car, encore qu'elle ne sente pas ces
charmes dont Dieu récompense l'habitude dans la piété, elle
comprend néanmoins que les créatures ne peuvent pas être plus
aimables que le Créateur ; et sa raison, aidée des lumières de
I. Cela est pris d'Augustin, de Mor. ceci. cath. I, i.
H. 21
318 OPUSCULES DE PASCAL
la grâce, lui fait connaître qu'il n'y a rien de plus aimable que
Dieu, et qu'il ne peut être ôté qu'à ceux qui le rejettent, puis-
que c'est le posséder que de le désirer, et que le refuser c'est
le perdre1. Ainsi elle se réjouit d'avoir trouvé un bien qui ne
peut pas lui être ravi tant qu'elle le désirera, et qui n'a rien
au-dessus de soi.
Et, dans ces réflexions nouvelles, elle entre dans la vue des
grandeurs de son Créateur, et dans des humiliations et des
adorations profondes. Elle s'anéantit en conséquence, et ne
pouvant former d'elle-même une idée assez basse, ni en conce-
voir une assez relevée de ce bien souverain , elle fait de nou-
veaux efforts pour se rabaisser jusqu'aux derniers abîmes du
néant, en considérant Dieu dans des immensités qu'elle multi-
plie sans cesse. Enfin, dans cette conception, qui épuise ses
forces2, elle l'adore en silence, elle se considère comme sa vile
et inutile créature, et par ses respects réitérés l'adore et le bé-
nit, et voudrait à jamais le bénir et l'adorer. Ensuite elle re-
connaît la grâce qu'il lui a faite, de manifester son infinie ma-
jesté à un si chrtif vermisseau; et après une ferme résolution
d'en être éternellement reconnaissante, elle entre en confusion
d'avoir préféré tant de vanités à ce divin maître; et, dans un
esprit de componction et de pénitence, elle a recours à sa pitié
pour arrêter sa colère, dont l'effet lui paraît épouvantable.
Dans la vue de ces immensités , .
Elle fait d'ardentes prières à Dieu pour obtenir de sa misé-
ricorde que, comme il lui a plu de se découvrir à elle, il lui
plaise de la conduire à lui, et lui faire connaître les moyens
d'y arriver. Car, comme c'est à Dieu qu'elle aspire, elle aspire
encore à n'y arriver que par des moyens qui viennent de
Dieu même , parce qu'elle veut qu'il soit lui-même son che-
min, son objet et sa dernière fin 8
Ensuite de ces prières, elle commence d'agir, et chcLche entre
ceux
Elle commence à connaître Dieu, et désire d'y arriver; mais,
comme elle ignore les moyens d'y parvenir, si son désir est
1. Voyez lr: Mystère de Jésus, 2 : « Tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais trouvé. »
2. < Que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions,»
P< nsées, t. i, p. 2.
3 Voyez le fragment xxv, 43, dans les Pensées,
SUR TA CONVERSION DTJ PÉCHEUR 319
nfncère el véritable, elle Fail la même cho 6 qa une personne
qui, désirant arriver en quelque lieu, ayant perdu le chemin,
et connaissant son égarement, aurait recours i ceux qui sau-
raient parfaitement ce chemin3
Elle se résout de conformer à ses volontés le reste de sa vie;
mais, co^nme sa faiblesse naturelle, avec l'habitude qu'elle a
aux péchés où elle a vécu, l'ont réduite dans l'impuissance d'ar-
river à cette félicité, elle implore de sa miséricorde les moyens
d'arriver à lui, de s'attacher à lui, dy adhérer éternellement. . .
Ainsi elle reconnaît qu'elle doit adorer Dieu comme créature,
lui rendre grâce comme redevable, lui satisfaire comme coupa-
ble, le prier comme indigente.
REMARQUES SUR LE FRAGMENT DE LA CONVERSION
DU PÉCHEUR.
On a une lettre de Jacqueline à madame Perier, d i 25 janvier 1655,
où elle fait l'histoire de la conversion de son frère, et voici ce qu'on
lit dans cette lettre : « Il me vint voir [vers la fin de septembre 1654],
et, à cette visite, il s'ouvrit à moi d'une manière qui me fit pitié, en
m'avouant qu'au milieu de ses occupations, qui étaient grandes, et
parmi toutes les choses qui pouvaient contribuer à lui faire aimer le
monde, et auxquelles on avait raison de le croire fort attaché, il était
de telle sorte sollicité de quitter tout cela, et par une aversion extrême
qu'il avait des folies et des amusements du monde 2, et par le re-
proche continuel que lui faisait sa conscience, qu'il se trouvait détaché
de tontes choses d'une telle manière qu'il ne l'avait jamais été de la
sorte, ni rien d'approchant; mais que d'ailleurs il était dans un si
grand abandonnement du côté de Dieu, qu'il ne sentait aucun attrait
de ce côté-la ; qu'il s'y portait néanmoins de tout son pouvoir, mais
qu'il sentait bien que c'était plus sa raison et son propre esprit qui
i. Il désigne ses maîtres dans la piété, ses directeurs, M. Singlin, M. de Saci. Il em-
ploie des expressions semblables dans un passage fameux des Pensées, x, 1 (p. 152):
i Vous voulez aller à la foi, et vous n'en savez pas le chemin... Apprenez de ceux qui
ont été liés comme vous... Ce sont gens qui savent ce chemin que vous voudriez
suivre, et guéris d'un mal dont vous voulez guérir. » Mais là, c'est lui-même, pécheur
converti, que Pascal propose à d'autres pécheurs comme un exemple des miracles de la
grâce.
Depuis plus d'un an, écrivait Jacqueline dans une lettre précédente (du 8 décembre
1654.]
320 OPUSCULES DE PASCAL
l'excitait à ce qu'il connaissait le meilleur, que non pas le mouvement
de celui de Dieu. »
Ce que raconte Jacqueline, est précisément ce que peint Pascal.
Il exprimait déjà ces pensées dans la Prière pour la maladie. Il a
retrouvé les mêmes sentiments de Dieu qu'autrefois, comme dit encore
Jacqueline dans sa Lettre.
Ces sentiments remplissent encore les Pensées, et particulièrement
l'article vm. L'antithèse entre le néant de l'homme et la grandeur de
Dieu est reprise dans le premier fragment des Pensées ; mais là son
point de vue est plutôt philosophique, ici il est surtout religieux. Là il
contemple en silence, ici il adore en silence ; là il songe plus à rabais-
ser l'homme, ici à exalter Dieu.
« Elle ne s'arrête pas au ciel, il n'a pas de quoi la satisfaire, ni au-
dessus du ciel, ni aux anges. »
Pascal prend-il ces expressions figurément, ou place-t-il en effet les
anges et Dieu même dans l'espace, au-delà d'une certaine sphère qu'il
appelle le ciel? Ce serait le langage d'un poëte plutôt que d'un philo-
sophe :
Par-delà tous ces cieux le Dieu des cieux réside.
Et Lamartine :
Quand je pourrais le suivre [le soleil] en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ;
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire,
Je ne demande rien à l'immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère.
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux.
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire,
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour.
COMPARAISON DES CHRETIENS
DES PREMIERS TEMPS AVEC CEUX D'AUJOURD'HUI*.
Dans les premiers temps, les chrétiens étaient parfaitement
instruits dans tous les points nécessaires au salut; au lieu que
l'on voit aujourd'hui une ignorance si grossière, qu'elle fait gé-
mir tous ceux qui ont des sentiments de tendresse pour l'É-
glise.
On n'entrait alors dans l'Église qu'après de grands travaux
et de longs désirs. On s'y trouve maintenant sans aucune
peine, sans soin et sans travail.
On n'y était admis qu'après un examen très-exact. On y
est reçu maintenant avant qu'on soit en état d'être examiné.
On n'y était reçu alors qu'après avoir abjuré sa vie passée,
qu'après avoir renoncé au monde, et à la chair, et au diable.
On y entre maintenant avant qu'on soit en état de faire au-
cune de ces choses.
Enfin, il fallait autrefois sortir du monde pour être reçu dans
TÉglise ; au lieu qu'on entre aujourd'hui dans l'Église au
même temps que dans le monde. On connaissait alors par ce
procédé une distinction essentielle du monde d'avec l'Église.
On les considérait comme deux contraires, comme deux enne-
mis irréconciliables, dont l'un persécute l'autre sans discon-
tinuation, et dont le plus faible en apparence doit un jour
1. Rien n'indique la date de ce morceau, qui a été publié par Bossnt. Ce passage : « On
fréquente les sacrements , et on jouit des plaisirs du monde », peut paraître inspiré par
le livre d'Arnauld, De la Fréquente communion. L'esprit général du morceau est bien
l'esprit de réforme que le jansénisme portait dans la religion, mais sans cet accent de
protestation et d'opposition qui perce ailleurs (xxiv, 93, dans les Pensées). Ici Pascal
n'accuse point la discipline présente de l'Église, il ne s'exprime qu'avec respect. Ce mor-
ceau peut donc paraître antérieur aux Provinciales.
322 OPUSCULES DE PASCAL
triompher du plus fort; en sorte que de ces deux partis con-
traires on quittait l'un pour entrer dans l'antre ; on abandon-
nait les maximes de l'un pour embrasser les maximes de l'autre ;
on se dévêtait des sentiments de l'un pour se revêtir des senti-
ments de l'autre ; enfin, on quittait, on renonçait, on abjurait
le monde, où l'on avait reçu sa première naissance, pour se
vouer totalement à l'Église, où Ton prenait comme sa seconde
naissance; et ainsi on concevait une différence épouvantable
entre l'un et l'autre ; au lieu qu'on se trouve maintenant
presque au même temps dans l'un et dans l'autre, et le même
moment qui nous fait naître au monde nous fait renaître dans
l'Église ; de sorte que la raison survenant ne fait plus de dis-
tinction de ces deux mondes si contraires. Elle est élevée dans
l'un et dans l'autre tout ensemble. On fréquente les sacre-
ments, et on jouit des plaisirs du monde. Et ainsi, au lieu
qu'autrefois on voyait une distinction essentielle entre l'un et
l'autre, on les voit maintenant confondus et mêlés, en sorte
qu'on ne les discerne plus.
De là vient qu'on ne voyait autrefois entre les chrétiens que
des personnes très- instruites; au lieu qu'elles sont maintenant
dans une ignorance qui fait horreur. De là vient qu'autrefois
ceux qui avaient été régénérés par le baptême, et qui avaient
quitté les vices du monde pour entrer dans la piété de l'Église,
retombaient si rarement de l'Église dans le monde ; au lieu
qu'on ne voit maintenant rien de plus ordinaire que les vices
du monde dans le cœur des chrétiens. L'Église des saints se
trouve toute souillée par le mélange des méchants; et ses en-
fants, qu'elle a conçus et nourris dès l'enfance dans son sein,
sont ceux-là mêmes qui portent dans son cœur, c'est-à-dire
jusqu'à la participation de ses plus augustes mystères, le plus
cruel de ses ennemis, l'esprit du monde, l'esprit d'ambition,
l'esprit de vengeance, l'esprit d'impureté, l'esprit de concu-
piscence ; et l'amour qu'elle a pour ses enfants l'oblige d 'ad-
mettre jusque dans ses entrailles le plus cruel de ses persécu-
teurs.
Mais ce n'est pas l'Église à qui on doit imputer les malheurs
qui ont suivi un changement de discipline si salutaire, car elle
n'a pas changé d'esprit, quoiqu'elle ait changé de conduite.
COMPARAISON DES Cn RETIENS. 323
Ayant donc vu que la dilation du baptême1 laissait un grand
nombre d'enfants dans la malédiction d'Adam, elle a voulu les
délivrer de cette mas^o de perdition * en précipitant le secours
qu'elle leur donne ; et cette bonne mère ne voit qu'avec un re-
gret extrême que ce qu'elle a procuré pour le salut de ses en-
fants est devenu l'occasion de la porte des adultes. Son véritable
esprit est que ceux qu'elle retire dans un âge si tendre delà
contagion du monde prennent des sentiments tout opposés à
ceux du monde. Elle prévient l'usage de la raison pour préve-
nir les vices où la raison corrompue les entraînerait; et avant
que leur esprit puisse agir, elle les remplit de son esprit, afin
qu'ils vivent dans une ignorance du monde et dans un état
d'autant plus éloigné du vice qu'ils ne l'auront jamais connu.
Cela paraît par les cérémonies du baptême ; car elle n'accorde
le baptême aux enfants qu'après qu'ils ont déclaré, par la bou-
che des parrains, qu'ils le désirent, qu'ils croient, qu'ils renon-
cent au monde et à Satan. Et, comme elle veut qu'ils conservent
ces dispositions dans toute la suite de leur vie, elle leur com-
mande expressément de les garder inviolablement, et ordonne,
par un commandement indispensable, aux parrains d'instruire
les enfants de toutes ces choses; car elle ne souhaite pas que
ceux qu'elle a nourris dans son sein soient aujourd'hui moins
instruits et moins zélés que les adultes qu'elle admettait autre-
fois au nombre des siens ; elle ne désire pas une moindre per-
fection dans ceux qu'elle nourrit que dans ceux qu'elle reçoit.
Cependant on en use d'une façon si contraire à l'intention de
l'Église, qu'on n'y peut penser sans horreur. On ne fait quasi
plus de réflexion sur un aussi grand bienfait, parce qu'on ne l'a
jamais souhaité, parce qu'on ne l'a jamais demandé, parce
qu'on ne se souvient pas même de l'avoir reçu. .....
Mais, comme il est évident que l'Église ne demande pas moins
de zèle dans ceux qui ont été élevés domestiques de la foi 3 que
dans ceux qui aspirent à le devenir, il faut se mettre devant les
yeux l'exemple des catéchumènes, considérer leur ardeur, leur
dévotion, leur horreur pour le monde, leur généreux renonce-
1. Le fait de le difïôrer.
î. Cette expression est prise de Paul, l Cor. v, 6, etc. (massa dans la Vulgate),
3. Latinisme, qui sont d<' la maison.
324 OPUSCULES DE PASCAL
ment au monde; et, si on ne les jugeait pas dignes de recevoir
le baptême sans ces dispositions, ceux qui ne les trouvent pas
en eux
Il faut donc qu'ils se soumettent à recevoir l'instruction qu'ils
auraient eue s'ils commençaient à entrer dans la communion
de l'Église ; il faut de plus qu'ils se soumettent à une péni-
tence continuelle, et qu'ils aient moins d'aversion pour l'aus-
térité de leur mortification, qu'ils ne trouvent de charmes dans
l'usage des délices empoisonnées du péché '
Pour les disposer à s'instruire, il faut leur faire entendre la
différence des coutumes qui ont été pratiquées dans l'Église
suivant la diversité des temps ,
Qu'en l'Église naissante on enseignait les catéchumènes, c'est-à
dire ceux qui prétendaient au baptême, avant que de le leur
conférer; et on ne les y admettait qu'après une pleine ins-
truction des mystères de la religion, qu'après une pénitence de
leur vie passée, qu'après une grande connaissance de la gran-
deur et de l'excellence de la profession de la foi et des maximes
chrétiennes où ils désiraient entrer pour jamais, qu'après des
marques éminentes d'une conversion véritable du cœur, et
qu'après un extrême désir du baptême. Ces choses étant con-
nues de toute l'Église, on leur conférait le sacrement d'incor-
poration par lequel ils devenaient membres de l'Église ; au lieu
qu'en ces temps le baptême ayant été accordé aux enfants avant
l'usage de la raison, par des considérations très-importantes,
il arrive que la négligence des parents laisse vieillir les chré-
tiens sans aucune connaissance de la grandeur de notre reli-
gion.
Quand l'instruction précédait le baptême, tous étaient ins-
truits ; mais maintenant que le baptême précède l'instruction,
l'enseignement qui était nécessaire est devenu volontaire, et
ensuite négligé et presque aboli. La véritable raison de cette
1. Cette phrase n'est pas très-nette. Le sens est qu'il faut qu'ils aient plus de goût do-
rénavant pour l'austérité de la mortification qu'ils ne trouvent actuellement de charmes
dans les délices du péché. Au lieu de plus de goût, il a écrit moins d'aversion, ce qui re-
vient au même sans doute, mais il se trouve ainsi qu'une expression négative, celle d'a-
version, entre en comparaison avec une expression positive, celle de charm«s; et c'est et
qui fait l'embarras. Il y a dans le choix de l'expression négativo une espèce d'ironie; ï.
n'ose exiger qu'on ait de l'attrait pour la pénitence, il demande seulement qu'on n'en ail
point tant d'aversion.
COMPARAISON DES CHRÉTIENS 325
conduite est qu'on est persua.lt'! de la nécessité du baptême, et
on ne l'est pas de la nécessité de l'instruction. De sorte que,
quand l'instruction précédait le baptême, la nécessité de l'un
faisait que l'on avait recours a l'autre nécessairement; au lieu
que, le baptême précédant aujourd'hui l'instruction, comme on
a été fait chrétien s as avoir été instruit, on croit pouvoir de-
meurer chrétien sans se faire instruire
Et qu'au lieu que les premiers chrétiens témoignaient tant de
reconnaissance envers l'Église pour une grâce qu'elle n'accor-
dait qu'à leurs longues prières, ils témoignent aujourd'hui
tant d'ingratitude pour cette même grâce qu'elle leur accorde
avant même qu'ils aient été en état de la demander. Et si elle
détestait si fort les chutes des premiers, quoique si rares,
combien doit-elle avoir en abomination les chutes et rechutes
continuelles des derniers, quoiqu'ils lui soient beaucoup plus
redevables, puisqu'elle les a tirés bien plus tôt et bien plus li-
béralement de la damnation où ils étaient engagés par leur
première naissance! Elle ne peut voir, sans gémir, abuser d*»
la plus grande de ses grâces, et que ce qu'elle a fait pour assu-
rer leur salut devienne l'occasion presque assurée de leur perte,
car elle n'a pas...
REMARQUES SUR LA COMPARAISON DES CHRÉTIENS.
Deux choses nous frappent également en lisant cet écrit de Pascal :
la justesse de ses vues comme historien, et l'illusion de son zèle comme
sectaire. L'évidence avec laquelle il prouve à un siècle de christia-
nisme tempéré et facile combien il est loin du christianisme pur et
rigoureux des premiers âges, ne condamnait-elle pas l'obstination des
jansénistes à prétendre réformer l'Église sur le modèle des mœurs et
de la discipline des temps primitifs? Il n'est donné à personne de
faire revivre ce qui a vécu.
Sur les conditions exigées, au quatrième siècle, de ceux qui deman-
daient à être reçus dans l'Église, on peut consulter particulièrement
dans Augustin le chapitre 6 du livre De Fide et operibus. et tout le
livre De Catechizandis rudibus. Sur les cérémonies du baptême, telles
32G OPUSCULES DE PASCAL
que la renonciation au monde et au démon, voir les premiers chapitres
du livre d'Ambroise De Mysteriis.
On trouve des réflexions semblables à celle de Pascal, quoique
moins amères, à la fin des Dialogues de Fénelon sur l'Éloquence, e
dans les Discours de Fleury.
EXTRAITS DES LETTRES A MLLE DE ROANNEZ
1.
... Pour répondre à tous vos articles, et bien écrire malgré
mon peu de temps a.
Je suis ravi de ce que vous goûtez le livre de M. de Lavais et
les Méditations sur la Grâce 4; j'en tire de grandes conséquen-
ces pour ce que je souhaite 5.
Je mande le détail de cette condamnation qui vous avait
effrayée 6; cela n'est rien du tout, Dieu merci, et c'est un mi-
racle de ce qu'on n'y fait pas pis, puisque les ennemis de la
vérité ont le pouvoir et la volonté de l'opprimer. Peut-être
êtes- vous de celles qui méritent que Dieu ne l'abandonne pas,
et ne la retire pas de la terre, qui s'en est rendue si indigne;
et il est assuré que vous servez à l'Église par vos prières, si
l'Église vous a servi par les siennes* Car c'est l'Église qui mé-
rite, avec Jésus-Christ qui en est inséparable, la conversion
de tous ceux qui ne sont pas dans la vérité; et ce sont ensuite
1. Charlotte Gouffier, depuis duchesse de La Feuillade, sœur du duc de Roannez, née
en 1633, morte en 1683. Elle vivait flans le monde, et pensait à se marier, lorsqu'elle
fut touchée de la grâce, et résolut de se donner à Dieu. Elle s'échappa de chez sa mère,
et entra à Port-Royal, où elle fut reçue comme novice. C'est à la veille de cet événe-
ment qu'ont été écrites (en 1656) les lettres dont on nous a conservé ces extraits. MM. de
Port- Royal en avaieut détaché diverses pensées, mais les neuf Extraits ont été retrouvés
3t publié» par M. Cousin. — Voir tome I, pag\. ut.
21 C'est-à-dire, éc ire d'une bonne écriture. Mal écrit se trouve plus loin dans le même
sens.
3. Pseudonyme sous lequel le duc de Luynes a écrit divers ouvrages de piété. Si les
dates données dans la Biographie universelle sont exactes, les Sentences tirées de l'Ecri-
ture sainte et des Pères (1648) étaient le seul de ces ouvrages qui eût j(»aru en 1656.
4. Je pense qu'il s'agit du livre De la Grâce victorieuse de Jésus-Chbmt, par le sieur de
Bonlieu (Noël de Lalane), 1651.
5. C'est-à-dire la convi'rsion de MUe de Roannez, son entrée en religion.
6. Il semble naturel de rapporter cela à la censure prononcée contre Arnauld par la
Sorbonne à la fin de janvier 1656 (ce qui donne approximativement 1* date de cette
lettre). Le duc de Roanne?; était probablement alors avec sa sœur dans so» gouvernement
de Poitou, et ignorait les détails.
328 OPUSCULES DE PASCAL
ces personnes converties qui secourent la mère qui les a déli-
vrées. Je loue de tout mon cœur le petit zèle que j'ai reconnu
dans votre lettre pour l'union avec le pape. Le corps n'est non
plus vivant sans le chef, que le chef sans le corps. Quiconque
se sépare de l'un ou de l'autre n'est plus du corps, et n'appar-
tient plus à Jésus-Christ. Je ne sais s'il y a des personnes dans
l'Église plus attachées à cette unité du corps que ceux que
vous appelez nôtres. Nous savons que toutes les vertus, le
martyre, les austérités et toutes les bonnes œuvres sont inuti-
les hors de l'Église, et de la communion du chef de l'Église,
qui est le pape Je ne me séparerai jamais de sa communion,
au moins je prie Dieu de m'en faire la grâce; sans quoi je se-
rais perdu pour jamais.
Je vous fais une espèce de profession de foi, et je ne sais
pourquoi; mais je ne l'effacerai pas ni ne recommencerai pas.
M. du Gas m'a parlé ce matin de votre lettre avec autant
d'étonnement et de joie qu'on en peut avoir; il ne sait où vous
avez pris ce qu'il m'a rapporté de vos paroles ; il m'en a dit
des choses surprenantes et qui ne me surprennent plus tant *.
Je commence à m'accoutumer à vous et à la grâce que Dieu
vous fait, et néanmoins je vous avoue qu'elle m'est toujours
nouvelle, comme elle est toujours nouvelle en effet. Car c'est
un flux continuel de grâces, que l'Écriture compare à un
fleuve 2, et à la lumière que le soleil envoie incessamment hors
de soi, et qui est toujours nouvelle, en sorte que, s'il cessait
un instant d'en envoyer, toute celle qu'on aurait reçue dispa-
raîtrait, et on resterait dans l'obscurité 3.
Il m'a dit qu'il avait commencé à vous répondre, et qu'il le
transcrirait pour le rendre plus lisible, et qu'en même temps
il retendrait. Mais il vient de me l'envoyer avec un petit billet,
où il me mande qu'il n'a pu ni le transcrire ni l'étendre; cela
me fait croire que cela sera mal écrit. Je suis témoin de son
peu de loisir, et du désir qu'il avait d'en avoir pour vous.
! . Je n'ai trouvé nulle part ce nom de Du Gas, qui est peut-être un faux nom. Serait-
ce M. Du Gué de Bagnols?
2. Pascal fait peut-être allusion à ce passade du psaume iaiv : « Te as visité la terre,
et tu l'as soûlée de tes eaux... Le fleuve de Dieu a coulé à pleins bords. »
3. L'image de la lumière est dans Jean, i, 4, 9. Mais la paraphrase qui suit est de
Pascal.
EXTRAITS DES LETTAtiS A MIlu DE ROANNEZ 329
Je prends part à la joie que vous donnera l'affaire des1 ...
r je vois bien que vous vous intéressez pour l'Église; vous
m êtes bien obligée. Il y a seize cents ans qu'elle gémit pour
vous. Il est temps de gémir pour elle, et pour nous tout en-
semble, et de lui donner tout ce qui nous reste de vie, puisque
Jésus-Christ n'a pris la sienne que pour la perdre pour elle et
pour nous.
2.
Il me semble que vous prenez assez de part au miracle pour
vous mander en particulier que la vérification en est achevée
par l'Église, comme vous le verrez par cette sentence de
M. le grand vicaire '.
Il y a si peu de personnes à qui Dieu se fasse paraître par ces
coups extraordinaires, qu'on doit bien profiter de ces occa-
sions, puisqu'il ne sort du secret de la nature qui le couvre
que pour exciter notre foi à le servir avec d'autant plus d'ardeur
que nous le connaissons avec plus de certitude.
Si Dieu se découvrait continuellement aux hommes, il n'y
aurait point de mérite à le croire; et, s'il ne se découvrait ja-
mais, il y aurait peu de foi. Mais il se cache ordinairement,
et se découvre rarement, à ceux qu'il veut engager dans son
service. Cet étrange secret, dans lequel Dieu s'est retiré, im-
pénétrable à la vue des hommes, est une grande leçon pour
nous porter à la solitude loin de la vue des hommes. Il est de-
meuré caché, sous le voile de la nature qui nous le couvre,
jusques à l'Incarnation; et, quand il a fallu qu'il ait paru, il s'est
encore plus caché en se couvrant de l'humanité. Il était bien
i. Des religieuses, dans un manuscrit. Peut-être s'agit-il de religieuses du Poitou aux-
quelles s'intéressait M"e de Roannez. Quant aux religieuses de Port-Royal, elle n'avaient
à cette époque aucun sujet de joie.
2. Il y a, comme on va le voir, entre la lettre précédente et celle-ci un intervalle de
plus de huit mois. Dans cet intervalle, Mlle de Roannez était revenue à Paris, soit
avant, soit après le grand événement de cette année 1656, je veux dire le miracle de la
Sainte-Épine. Ce miracle, qui avait éclaté si près de la personne de Pascal, dut toucher
d'autant plus le duc de Roannez et sa sœur. Marguerite Perier raconte que M»« de
Roannez pensait encore à se marier quand elle vint faire une neuvaine à la Sainte-Epine
pour un înai d'yeux, et que le dernier jour de la neuvaine elle fut touchée de Dieu si
>vement,que durant toute la messe elle fondit en larmes; du retour, elle témoigna à sa
mère qu'elle voulait se donner à Dieu. On a vu par l'Extrait précédent que depuis long-
temps déjà cette conversion était désirée et préparée Le grand vicaire était M. de Ho-
dencq, agissant au nom de l'archevêque de Paris, qui était le cardinal de Retz, éloigné
de son diocèse. Cette sentence, qui approuva solennellement le miracle, est du 22 octo-
bre 1656, ce qui donne à peu près la date de cette lettre-
330 OPUSCULES DE PASCAL
plus reconnaissais quand il était invisible, que non pas quand
il s'est rendu visible. Et enfin, quand il a voulu accomplir la
promesse qu'il fit à ses apôtres de demeurer avec les hommes
jusqu'à son dernier avènement, il a choisi d'y demeurer dans
le plus étrange et le plus obscur secret de tous, qui sont les
espèces de l'Eucharistie f. C'est ce sacrement que saint Jean
appelle dans l'Apocalypse (u, 17) une manne cachée ; et je crois
qu'Isaïe le voyait en cet état, lorsqu'il dit en esprit de prophé-
tie (xlv, 15) : « Véritablement tu es un Dieu caché. » C'est là
le dernier secret où il peut être. Le voile de la nature qui
couvre Dieu a été pénétré par plusieurs infidèles, qui, comme
dit saint Paul {Rom. i, 20), ont reconnu un Dieu invisible par
la nature visible. Les chrétiens hérétiques l'ont connu à tra-
vers son humanité, et adorent Jésus-Christ Dieu et homme.
Mais de le reconnaître sous des espèces de pain, c'est le pro-
pre des seuls catholiques ; il n'y a que nous que Dieu éclaire
jusque-là. On peut ajouter à ces considérations le secret de
l'Esprit de Dieu caché encore dans l'Écriture. Car il y a deux
sens parfaits, le littéral et le mystique; et les Juifs, s'arrc tant à
l'un, ne pensent pas seulement qu'il y en ait un autre, ef ne
songent pas à le chercher ; de même que les impies, voyant
les effets naturels, les attribuent à la nature, sans penser qu'il
y en ait un autre auteur; et comme les Juifs, voyant un
homme parfait en Jésus-Christ, n'ont pas pensé à y chercher
une autre nature : g Nous n'avons pas pensé que ce fût lui »,
dit encore Isaïe (lui, 3) ; et de même enfin que les hérétiques,
voyant les apparences parfaites du pain dans l'Eucharistie, ne
pensent pas à y chercher une autre substance. Toutes choses
couvrent quelque mystère ; toutes choses sont des voiles qui
couvrent Dieu. Les chrétiens doivent le reconnaître en tout.
Les afflictions temporelles couvrent les biens éternels où elles
conduisent. Les joies temporelles couvrent les maux éternels
qu'elles causent. Prions Dieu de nous le faire reconnaître et
servir en tout; et rendons-lui des grâces infinies de ce que,
s'étant caché en toutes choses pour les autres, il s'est découvert
en toutes choses et entant de manières pour nous.
1. Mot consacré dans la langue de la théologie. Il signifie les apparences sensibles,
specie».
EXTRAITS DES LETTRES A Mllc DE ROANNKZ 33)
Je ne sais comment vous aurez reçu la perte de vos lettres.
Je voudrais bien que vous l'eussiez prise comme il faut '. Il est
temps de commencer à juger de ce qui est bon ou mauvais par
la volonté de Dieu, qui ne peut être ni injuste ni aveugle, et
non pas parla nôtre propre, qui est toujours pleine de malice
et d'erreur. Si vous avez eu ces sentiments, j'en serai bien con-
tent, afin que vous vous en soyez consolée sur une raison plus
solide que celle que j'ai à vous dire, qui est que j'espère qu'el-
les se retrouveront. On m'a déjà apporté celle du 5 ; et quoi-
que ce ne soit pas la plus importante, car celle de M. Du Gas
l'est davantage, néanmoins cela me fait espérer de ravoir l'au-
tre ».
Je ne sais pourquoi vous vous plaignez de ce que je n'avais
rien écrit pour vous 3; je ne vous sépare point vous deux, et je
songe sans cesse à l'un et à l'autre. Vous voyez bien que mes
autres lettres, et encore celle-ci, vous regardent assez. En vé-
rité, je ne puis m' empêcher de vous dire que je voudrais être
infaillible dans mes jugements ; vous ne seriez pas mal si cela
était, car je suis bien content de vous, mais mon jugement
n'est rien. Je dis cela sur la manière dont je vois que vous
parlez de ce bon cordelier persécuté, et de ce que fait le... Je
ne suis pas surpris de voir M. N. s'y intéresser, je suis accou-
tumé à son zèle, mais le vôtre m'est tout à fait nouveau; c'est
ce langage nouveau que produit ordinairement le cœur nou-
veau. Jésus-Christ a donné dans l'Évangile cette marque pour
reconnaître ceux qui ont la foi, qui est qu'ils parleront un lan-
gage nouveau ; et, en effet, le renouvellement des pensées et des
désirs cause celui des discours4. Ce que vous dites des jours
où vous vous êtes trouvée seule, et la consolation que vous
donne la lecture, sont des choses que M. N. sera bien aise de
savoir quand je les lui ferai voir, et ma sœur aussi. Ce sontas-
1. M,,e de Roannez avait à craindre que ses lettres ne fussent surprises et ne compro-
missent Port-Royal.
î. Celle de M. Bu Gas parait signifier, celle que vous écriviez à M. Du Gas.
3. En écrivant au duc de Ruannez.
4. Marc, xvi, 17 : « Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : Tls
chasseront les démons en mon nom, ils parleront dans des langues nouvelles. » Pascal
sub-ti ue le sens mystique au .sens littéral. On sait que les derniers versets de cet évan-
gile, à partir de xvi, 9, sont une addition postérieure.
332 OPUSCULES DE PASCAL
sûrement des choses nouvelles, mais qu'il faut sans cesse re-
nouveler; car cette nouveauté, qui ne peut déplaire à Dieu,
comme le vieil homme ne lui peut plaire, est différente des
nouveautés de la terre, en ce que les choses du monde, quel-
que nouvelles qu'elles soient, vieillissent en durant ; au lieu
que cet esprit nouveau se renouvelle d'autant plus qu'il dure
davantage. « Notre vieil homme périt, dit saint Paul, et se re-
nouvelle de jour en jour1 », et ne sera parfaitement nouveau
que dans l'éternité, où l'on chantera sans cesse ce cantique
nouveau dont parle David dans les psaumes de Laudes, c'est-à-
dire ce chant qui part de l'esprit nouveau de la charité *.
Je vous dirai pour nouvelle de ce qui touche ces deux per-
sonnes, que je vois bien que leur zèle ne se refroidit pas ; cela
m'étonne, car il est bien plus rare de voir continuer dans la
piété que d'y voir entrer. Je les ai toujours dans l'esprit, et
principalement celle du miracle, parce qu'il y a quelque chose
de plus extraordinaire, quoique l'autre le soit aussi beaucoup
et quasi sans exemple 3. Il est certain que les grâces que Dieu
fait en cette vie sont la mesure de la gloire qu'il prépare en
l'autre. Aussi, quand je prévois la fin et le couronnement de
son ouvrage par les commencements qui en paraissent dans les
personnes de piété, j'entre en une vénération qui me transit de
respect envers ceux qu'il semble avoir choisis pour ses élus. Je
vous avoue qu'il me semble que je les vois déjà dans un de ces
trônes où ceux qui auront tout quitté jugeront le monde avec
Jésus-Christ, selon la promesse qu'il en a faite4. Mais quand je
viens à penser que ces mêmes personnes peuvent tomber, et
!• Coloss. m, 9-10, et ailleurs. Voir Augustin, De vera relig., xxvi.
î. Cantate Domino canticum novum. Ces mots se trouvent dans plusieurs psaumes,
dont lun, le psaume cxlix, se chantait en effet aux Laudes du dimanche à cette époque
comme on le voit par le Bréviaire de Paris de 1653, partie d'automne.
3. Celle du miracle n'est pas la petite miraculée Marguerite Perier, car on voit bieQ
Tite qu'il ne peut être question d'elle ici. C'était une enfant de dix ans, tout à fait in-
capable de cette grande piété et de ce grand zèle. Mais qui sont donc ces deux per-
sonnes dont parle Pascal? 11 ne les faut pas chercher bien loin. Ce sont, je crois,
celles-mêmes à qui il écrit, MIIe de Roannez et son frère. 11 prend ce tour pour mieux
donner le change à ceux qui pourraient surprendre sa lettre; l'accident qui est arrivé,
et dont il se plaint en commençant, est cause qu'il redouble de précaution. C'est
MUe de Roannez qui est désignée par ces mots, celle du miracle, car c'était le miracle
qui avait décidé sa conversion. Voir plus haut. L'autre personne est M. de Roannez, bien
extraordinaire aussi sans doute ; car quoi de plus extraordinaire, parmi les miracles de
la grâce, qu'un duc et pair, seul héritier d'un grand nom, qui avait renoncé à 24 ans au
monde et au mariage, pour attacher sa destinée à celle de quelques persécutés?
4. Multh. xix, 28.
EXTRAITS DBS LETTRES A M DE ROANNEZ 333
être au contraire au nombre malheureux des jugés, et qu'il y
en aura tant qui tomberont de la gloire, et qui laisseront
prendre à d'autres par leur négligence la couronne que Dieu
leur avait offerte, je ne puis souffrir cette pensée ; et l'effroi que
j'aurais de les voir en cet état éternel de misère, après les avoir
imaginées avec tant de raison dans l'autre état, me fait détour-
ner l'esprit de cette idée, et revenir à Dieu pour le prier de ne
pas abandonner les faibles créatures qu'il s'est acquises, et à
lui dire pour les deux personnes que vous savez ce que l'Église
dit aujourd'hui avec saint Paul : « Seigneur, achevez vous-
même l'ouvrage que vous-même avez commencé1. » Saint
Paul se considérait souvent en ces deux états, et c'est ce qui
lui fait dire ailleurs (I Cor. ix, 27) : « Je châtie mon corps, de
peur que moi-même, qui convertis tant de peuples, je ne
devienne réprouvé. » Je finis donc par ces paroles de Job
(xxxi, 23) : <c J'ai toujours craint le Seigneur comme les flots
d'une mer furieuse et enflée pour m'engloutir2. » Et ail-
leurs : a Bienheureux est l'homme qui est toujours en crainte.»
(P*. CXI, 1.)
4.
Il est bien assuré qu'on ne se détache jamais sans douleur.
On ne sent pas son lien quand on suit volontairement celui qui
entraîne, comme dit saint Augustin3; mais quand on com-
mence à résister et à marcher en s' éloignant, on souffre bien ;
1. Pascal tourne en forme de prière le verset 6 du chapitre premier de la Lettre 4
ceux de Pbilippes : Qui cœpit in vobis opus bonum, perficiet usque in diem Christi Jesu.
Mais, au temps de Pascal, le passage où se trouvent ces mots (versets 6— 11), servait
à'Epitre pou» la messe du xin» dimanche après la Pentecôte. C'est ce qui résulte de la
Table jointe au texte de la Vulgate reçu par l'Église, table qui est intitulée : Index
Epistolarum et Evangeliorum quœ, e veteri et novo Testamento excerpla, in Ecclesia do-
minicis et aliis festis diebus leguntur, juxta Missalis reformationem ex décréta sacrosancti
Concilii iridentini restituti, PU V Pont. Max. jussu editi, et démentis VIII auctoritale
recorjnili. La même indication du xxue dimanche se retrouve dans le Nouveau Testa-
ment de Mons, qui est, comme on sait, l'œuvre de Port-Royal. Aujourd'hui, dans le Mis-
sel de Paris, Y Ê pitre du xxn<' dimanche après la Pentecôte n'est plus celle-là.
Maintenant, ce dimanche tombait, en 1656, le 5 novembre; on a donc la date de cette
lettre. Quant à la lettre du 5, dont il est question au commencement, il faut entendre
par conséquent une lettre du 5 octobre.
2. Fontaine a écrit, en parlant de M. de Saci : « Ce qui lui donnait cette çrravité que
l'on admirait, c'est qu'il se disait sans cesse cette parole de Job : Semper enim quasi tu-
mentes super me fluctus timui Deum, et pondus ejus ferre non potui ; et je ne crois pas
qu il y ait eu un de ceux qui l'ont connu qui ne l'ait ouïe de sa bouche, o Cité par
M. Sainte-Beuve, Port-Royal, l™ édit, t. n, p. 318. Était-ce de M. de Saci que Pascal
avait appris cette pensée, ou au contraire?
3. In Joann. evang. Tract, xxvi, 5, à l'occasion de ces mots du texte, Nemo venit ad
me, nisi Patfr traxent eum.
:;;!} OPUSCULES de pascal
le lien s'étend et endure toute la violence; et ce lien est notre
propre corps, qui ne se rompt qu'à la mort. Notre Seigneur a
dit que, depuis la venue de Jean-Baptiste, c'est-à-dire depuis
son avènement dans chaque fidèle, le royaume de Dieu souffre
violence et que les violents le ravissent {Malt h. xi, 12). Avant
que l'on soit touché, on n'a que le poids de sa concupiscence,
qui porte à la terre. Quand Dieu attire en haut, ces deux ef-
forts contraires font cette violence, que Dieu seul peut faire
surmonter. Mais nous pouvons tout, dit saint Léon, avec Celui
sans lequel nous ne pouvons rien *. 11 faut donc se résoudre à
souffrir cette guerre toute sa vie : car il n'y a point ici de paix.
« Jésus-Christ est venu apporter le couteau, et non pas la
paix.» (Maltli. x, 34.) Mais néanmoins il faut avouer que
comme l'Écriture dit que la sagesse des hommes n'est que folie
devant Dieu (I Cor. m, 19), aussi on peut dire que cette guerre
qui paraît dure aux hommes est une paix devant Dieu ; car
c'est cette paix que Jésus-Christ a aussi apportée. Elle ne sera
néanmoins parfaite que quand le corps sera détruit; et c'est ce
qui fait souhaiter la mort, en souffrant néanmoins de bon
cœur la vie pour l'amour de Celui qui a souffert pour nous et
la vie et la mort, et qui peut nous donner plus de biens que
nous ne pouvons ni demander ni imaginer, comme dit saint
Paul (Eph. m, 20) en l'épître de la messe d'aujourd'hui*.
5.
Je ne crains plus rien pour vous, Dieu merci, et j'ai une es-
pérance admirable. C'est une parole bien consolante que celle
de Jésus-Christ : « Il sera donné à ceux qui ont déjà.» (Matth.
xi::, 12.) Par cette promesse, ceux qui ont beaucoup reçu ont
droit d'espérer davantage, et ainsi ceux qui ont reçu extraor-
dinairement doivent espérer extraordinairement.
J'essaie autant que je puis de ne m'affliger de rien, et de
prendre tout ce qui arrive pour le meilleur 3 . Je crois que
1. Dans son huitième Sermon pour l'Epiphanie, Léon commente ces paroles de Jésus
{Jean, xv, 5) : Sine me nihil polestis fac.ere. Du reste, la même doctrine revient sans cesse
dans les autres sermons.
2. Cette épître est celle du xvi« dimanche après la Pentecôte, lequel tombait le 24 sep-
tembre en 1656. Il faut donc admettre que cet Extrait n'est pas à sa place.
3. M. de Saci, écrivant à Mme Perier à l'occasion de la mort de son rils aîné, loi rap-
pelait celte parole de Pascal : c Je ne doute pas que vous n'ayez eu dans l'esprit cette
peusée de monsieur votre frère, qui me parait admirable., et que je n'ai vue qu'en lui
EXTRAITS DBS LETTRES A M11'' DE ROANNEZ 33")
c'est un devoir, et qu'on pêche en ne l<i faisant pas. Car enfin, la
raison pour laquelle les péchés sont péchés, c'est seulement
parce qu'ils sont contraires à la volonté de Dieu; et ainsi, l'es-
sence du péché consistant à avoir une volonté opposée à celle
que nous connaissons en Dieu, il est visible, cerne semble, que,
quand il nous découvre sa volonté par les événements, ce se-
rait un péché de ne s'y pas accommoder1. J'ai appris que tout
ce qui est arrivé a quelque chose d'admirable, puisque la vo-
lonté de Dieu y est marquée. Je le loue de tout mon cœur de
la continuation faite de ses grâces, car je vois bien qu'elles ne
diminuent point.
L'affaire du... ne va guère bien* : c'est une chose qui fait
trembler ceux qui ont de vrais mouvements de Dieu, de voir la
persécution qui se prépare non-seulement contre les personnes
(ce serait peu), mais contre la vérité. Sans mentir, Dieu est
bien abandonné. Il me semble que c'est un temps où le ser-
vice qu'on lui rend lui est bien agréable. Il veut que nous ju-
gions de la grâce par la nature ; et ainsi il permet de considé-
rer que, comme un prince chassé de son pays par ses sujets a
des tendresses extrêmes pour ceux qui lui demeurent fidèles
dans la révolte publique, de même il semble que Dieu consi-
dère avec une bonté particulière ceux qui défendent aujour-
d'hui la pureté de la religion et de la morale, qui est si fort com-
battue. Mais il y a cette différence entre les rois de la terre
et le Roi des rois, que les princes ne rendent pas leurs sujets
fidèles, mais qu'ils les trouvent tels; au lieu que Dieu ne
trouve jamais les hommes qu'infidèles et qu'il les rend fidèles
seul : Il faut tâcher, dit-il, de se consoler dans les plus grands maux, et de prendre
tout ce qui arrive pour le meilleur, etc. Cette parole est d'autant plus considérable, que
celui qui l'a dite l'a pratiquée, et qu'elle est encore plus l'effusion de son cœur que de
son esprit, o Note de M. Fougère.
t. Voyez xxv, 105, dans les Pensées. M"« de Roannez s'était plainte sans doute de
quelque incident qui faisait obstacle à l'accomplissement de ses résolutions.
2. Qu'il faille lire X affaire du... ou l'affaire de... comme on lit dans l'Extrait suivant,
il est clair que Pascal veut parler de ce qui se passait dans l'Assemblée du clergé de 1656.
On pourrait suppléer ici, l'affaire du formulaire. L'assemblée avait adopté et prescrit en
septembre un premier formulaire pour l'acceptation de la bulle d'Innocent X contre les
cinq propositions. Le 16 octobre, le nouveau pape, Alexandre Vil, donna une bulle pour
confirmer celle d'iunocent, où il déclarait expressément que les cinq propositions étaient
condamnées au sens de Jansénius. Les ennemis des Jansénistes s'occupèrent aussitôt
de faire accepter cette nouvelle bulle avec un nouveau formulaire, dont on exigerait la
signature de toutes personnes tenant à l'Église, sous menace des peines ecclésiastiques
et civiles. Gela n'était pas fait encore, et ne se fit définitivement qu'en 1661, mais cela
se préparait et paraissait proche.
336 OPUSCULES DE PASCAL
quand ils le sont. De sorte qu'au lieu que les rois ont une obliga-
tion insigne à ceux qui demeurent dans leur obéissance, il arrive
au contraire que ceux qui subsistent dans le service de Dieu lui
sont eux-mêmes redevables infiniment. Continuons donc à le
louer de cette grâce, s'il nous l'a faite, de laquelle nous le loue-
rons dans l'éternité, et prions-le qu'il nous la fasse encore, et
qu'il ait pitié de nous et de l'Église entière, hors laquelle il n'y
a que malédiction.
Je prends part aux... persécutés dont vous parlez l. Je vois
bien que Dieu s'est réservé des serviteurs cachés, comme il le
dit à Élie 2. Je le prie que nous en soyons, bien et comme il
faut, en esprit et en vérité et sincèrement.
6.
Quoi qu'il puisse arriver de l'affaire de..., il y en a assez,
Dieu merci, de ce qui est déjà fait pour en tirer un admirable
avantage contre ces maudites maximes 3. 11 faut que ceux qui
ont quelque part à cela en rendent de grandes grâces à Dieu4 ,
et que leurs parents et amis prient Dieu pour eux, afin qu'ils
ne tombent pas d'un si grand bonheur et d'un si grand hon-
neur que Dieu leur a faits. Tous les honneurs du monde n'en
sont que l'image ; celui-là seul est solide et réel, et néanmoins
il est inutile sans la bonne disposition du cœur. Ce ne sont ni
les austérités du corps, ni les agitations de l'esprit, mais les
bons mouvements du cœur qui méritent, et qui soutiennent
les peines du corps et de l'esprit. Car enfin il faut ces deux
choses pour sanctifier, peines et plaisirs. Saint Paul a dit que
ceux qui entreront dans la bonne voie trouveront des troubles
et des inquiétudes en grand nombre (Act. xiv, 21). Gela doit
consoler ceux qui en sentent 5, puisque, étant avertis que le
1. Un manuscrit donne, aux quatre persécutés. Je ne sais ce que c'est.
2. Voyez xxv, 106, dans les Pensées.
3. En même temps que l'assemblée du clergé frappait les cinq propositions, elle était
invitée à rendre un décret de censure en sens contraire, et à faire droit, pour ainsi dire,
contre la morale relâchée des casuistes, aux réquisitoires des Provinciales. L'assemblée
fut saisie dans les formes par les curés de Paris vers la fin de novembre 1656. C'est
probablement à cette date que Pascal écrit, et qu'il s'applaudit de ce qui est déjà fait. D
reste l'assemblée, sous prétexte que le temps manquait, ne prononça point de censure
mais elle ne put s'empêcher de faire publier une Instruction, qui était déjà une condam
nation morale. Voir, dans les OEuvres de Pascal, le sixième Factum pour les curés d
Paris.
4. C'est-à-dire, Pascal lui-même.
ï>. 11 revient à M|le de Roauaez et à ses peines
EXTRAITS DES LETTRES A 6lUa DLi UOANNEZ 337
chemin du ciel qu'ils cherchent en est rempli, ils doivent se
réjouir de rencontrer des marques qu'ils sont dans le véritable
chemin. Mais ces peines-là ne sont pas sans plaisirs, et ne sont
jamais surmontées que par le plaisir. Car, de même que ceux
qui quittent Dieu pour retourner au monde ne le font que
parce qu'ils trouvent plus de douceur dans les plaisirs de la
terre que dans ceux de l'union avec Dieu, et que ce charme
victorieux les entraîne, et, les faisant repentir de leur premier
choix, les rend des pénitents du diable, selon la parole de Ter-
tullien *, de même on ne quitterait jamais les plaisirs du
monde pour embrasser la croix de Jésus-Christ, si on ne trou-
vait plus de douceur dans le mépris, dans la pauvreté, dans
le dénûment et dans le rebut des hommes, que dans les délices
du péché. Et ainsi, comme dit Tertullien, il ne faut pas croire
que la vie des chrétiens soit une vie de tristesse 2 On ne quitte
les plaisirs que pour d'autres plus grands. « Priez toujours, dit
saint Paul, rendez grâces toujours, réjouissez- vous toujours. »
( I T/icss. v, 16- 18.) C'est la joie d'avoir trouvé Dieu qui est
le principe de la tristesse de l'avoir offensé et de tout le chan-
gement de vie. Celui qui a trouvé le trésor dans un champ en
a une telle joie, que cette joie, selon Jésus-Christ, lui fait
vendre tout ce qu'il a pour l'acheter (Matth. xm, 44). Les gens
du monde n'ont point cette joie, « que le monde ne peut ni
donner ni ôter », dit Jésus-Christ même {Jean, xiv, 27, et xvi,
22). Les bienheureux ont cette joie sans aucune tristesse; les
gens du monde ont leur tristesse sans cette joie, et les chré-
tiens ont cette joie mêlée de la tristesse d'avoir suivi d'autres
plaisirs, et de la crainte de la perdre par l'attrait de ces au-
tres plaisirs qui nous tentent sans relâche. Et ainsi nous devons
travailler sans cesse à nous conserver cette joie qui modère
notre crainte, et à conserver cette crainte qui conserve notre
joie3, et selon qu'on se sent trop emporter vers l'une, se pen-
i. De Pœnitentia, 5 .
2. De Spectaculis, 28 : Quœ major voluptas, qua.n, faslidium ipsum voluptatis! et la
suite. Il est à remarquer que ces deux passages de fertullieu se trouvent dans les Sen-
tences et instructions chrétiennes tirées des anciens Pères de t' Eglise, par le sieur de La-
val, 1680, et <c trouvaient probablement déjà dan? le recueil que lisait Mu« de Roannea
(voir page 327, note 3). Je pense que c'est là que Pascal les avait lus.
S. « Oui conserve notre joie, n Qui modère notre joie, dans le texte donné par M. Cou-
sin.
338 OPUSCULES DE PASCAL
cher vers l'autre pour demeurer debout '. « Souvenez-vous
des biens dans les jours d'affliction, et souvenez-vous de l'afflic-
tion dans les jours de réjouissance », dit l'Écriture (Ecclésias-
tique, xi, 27), jusqu'à ce que la promesse que Jésus-Christ
nous a faite (Jean, xn, 24), de rendre sa joie pleine en nous,
soit accomplie. Ne nous laissons donc pas abattre à la tristesse,
et ne croyons pas que la piété ne consiste qu'en une amertume
sans consolation. La véritable piété, qui ne se trouve parfaite
que dans le ciel, est si pleine de satisfactions, qu'elle en remplit
et l'entrée et le progrès et le couronnement. C'est une lumière
si éclatante, qu'elle rejaillit sur tout ce qui lui appartient ; et, s'il
y a quelque tristesse mêlée, et surtout à l'entrée, c'est de nous
qu'elle vient, et non pas de la vertu ; car ce n'est pas l'effet de
la piété qui commence d'être en nous, mais de l'impiété qui y
est encore 2. Ôtons l'impiété, et la joie sera sans mélange. Ne
nous en prenons donc pas à la dévotion, mais à nous-mêmes,
et n'y cherchons du soulagement que par notre correction.
7.
Je suis bien aise de l'espérance que vous me donnez du bon
succès de l'affaire dont vous craignez de la vanité. Il y a à
craindre partout, car si elle ne réussissait pas, j'en craindrais
cette mauvaise tristesse dont saint Paul dit qu'elle donne la
mort, au lieu qu'il y en a une autre qui donne la vie (II Cor.
vu, 10). Il est certain que cette affaire-là était épineuse, et que
si la personne en sort, il y a sujet d'en prendre quelque vanité,
si ce n'est à cause qu'on a prié Dieu pour cela, et qu'ainsi il
doit croire que le bien qui en viendra sera son ouvrage. Mais
si elle réussissait mal, il ne devrait pas en tomber dans l'abat-
tement, par cette même raison qu'on a prié Dieu pour cela, et
qu'il y a apparence qu'il s'est approprié cette affaire ; aussi il
le faut regarder comme l'auteur de tous les biens et de tous
les maux, excepté le péché. Je lui répéterai là-dessus ce que j'ai
autrefois rapporté de l'Écriture : « Quand vous êtes dans les
biens, souvenez-vous des maux que vous méritez ; et quand
vous êtes dans les maux, souvenez vous des biens que vous
I. Voyez xxv, 12, dans les Pensées.
î. Voyez xxiv, fil ter, dan? le" Ppvip'ps.
EXTRAITS DES LETTRES A W1' DE ROANNEZ 330
espérez '.» Cependant je vous dirai sur le sujet de L'autre
personne que vous savez, qui mande qu'elle a bien des choses
dans l'esprit qui rembarrassent, que je suis bien fâché de la
voir eu cet état ■. J'ai bien de la douleur de ses peines, etje
voudrais bien l'en pouvoir soulager; je la prie de ne point pré-
venir L'avenir, et de se souvenir que, comme dit notre Sei«
neur, « à chaque jour suffit sa malice;» (Malt h. vi, 34).
Le passé ne nous doit point embarrasser, puisque nous n'a-
vons qu'à avoir regret de nos fautes; mais l'avenir nous doit
encore moins toucher, puisqu'il n'est point du tout à notre
égard, et que nous n'y arriverons peut-être jamais. Le présent
est le seul temps qui est véritablement à nous, et dont nous
devons user selon Dieu. C'est là où nos pensées doivent être
principalement comptées. Cependant le monde est si inquiet,
qu'on ne pense presque jamais à la vie présente et à l'instant
où l'on vit, mais à celui où l'on vivra. Do sorte qu'on est tou-
'ours en état de vivre à l'avenir, et jamais de vivre mainte-
nant3. Notre Seigneur n'a pas voulu qae notre prévoyance s'é-
tendît plus loin que le jour où nous sommes. C'est les bornes
qu'il faut garder, et pour notre salut, et pour notre propre re-
pos. Car, en vérité, les préceptes chrétiens sont les plus pleins
de consolations ; je dis plus que les maximes du monde.
Je prévois aussi bien des peines et pour cette personne, et
pour d'autres et pour moi. Mais je prie Dieu, lorsque je sens que
je m'engage dans ces prévoyances, de me renfermer dans mes
limites; je me ramasse dans moi-même, et je trouve que je
manque à faire plusieurs choses à quoi je suis obligé présen-
tement, pour me dissiper en des pensées inutiles de l'avenir
i. 11 me semble que l'homme à qui s'adresse ici Pascal ne peut être que le duc de
RoariDez. C'est la supposition qui explique le mieux ces paroles : «Le bon succès de l'af-
faire dont vous craifjnez de la vanilé », et celles-ci : « Je lui répéterai là-dessus ce que
j'ai autrefois rapporté de l'Ecriture. » Car il répète en effet ce qu'il avait écrit à MH° de
Roannez (sixième Extrait). Les lettres à la sœur étaient aussi pour le frère, comme il le
dit dans le premier Extrait. Mais je ne puis dire ce que c'est que cette affaire épineuse.
1. Je suis persuadé qu ici surtout, en ayant l'air de parler d'une tierce personne, Pas-
cal ne parle à M'ie de Roannez que d'elle-même. C'est elle qui, à la veille de se dérober
à sa mère pour s'enfuir dans un couvent, mande quelle a bien des choses dans l'esprit
qui l'embarrassent, et ne songe qu'avec effroi aux suites de sa résolution. C'est elle à qui
Pascal compatit avec une sincérité qui attendrit un moment sa parole sévère. Remar-
quons qu'il dit elle et la : on peut dire, il est vrai, que c'est à cause du mot de per-
sonne, m lis tout à l'heure ce même mot de personne ne l'avait pas empêché de se servir
du pronom il. L'emploi du féminin est encore plus remarquable dans l'Extrait suivant.
4. Voyez m, :>, dans les Pensées,
340 OPUSCULES DE PASCAL
auxquelles, bien loin d'être obligé de m'arrêter, je suis au
contraire obligé de ne m'y point arrêter. Ce n'est que faute de
savoir bien connaître et étudier le présent qu'on fait l'en-
tendu pour étudier l'avenir. Ce que je dis là, je le dis pour
moi, et non pas pour cette personne, qui a assurément bien
plus de vertu et de méditation que moi; mais je lui représente
mon défaut pour l'empêcher d'y tomber. On se corrige quelque-
fois mieux par la vue du mal que par l'exemple du bien ; et il
est bon de s'accoutumer à profiter du mal, puisqu'il est si or-
dinaire, au lieu que le bien est si rare l.
8.
Je plains la personne que vous savez 2, dans l'inquiétude où
je sais qu'elle est, et où je ne m'étonne pas de la voir. C'est un
petit jour du jugement, qui ne peut arriver sans une émotion
universelle de la personne, comme le jugement général en
causera une générale dans le monde, excepté ceux qui se se-
ront déjà jugés eux-mêmes, comme elle prétend faire 3. Cette
peine temporelle garantirait de l'éternelle, par les mérites in-
finis de Jésus-Christ, qui la souffre et qui se la rend propre ;
c'est ce qui doit la consoler. Notre joug est aussi le sien; sans
cela il serait insupportable. « Portez, dit-il, mon joug sur
vous.» Ce n'est pas notre joug, c'est le sien, et aussi il le porte.
« Sachez, dit-il, que mon joug est doux et léger. » (Matth. xi,
29, 30.) Il n'est léger qu'à lui et à sa force divine. Je lui vou-
drais dire qu'elle se souvienne que ces inquiétudes ne viennent
pas du bien qui commence d'être en elle , mais du mal qui y
1. Ces inquiétudes étaient le fruit inévitable des résolutions de M1^ de Roannez.
On pouvait prévoir aisément les transports d'une mère contristée et offensée, ses
réclamations d'jà si pénibles à repousser par elles-mêmes, et qui sans doute seraient
appuyées, comme elles le furent en effet, par la puissance publique. L'éclat de cepieux
détournement devait d'ailleurs ranimer contre Port-Royal toutes les colères de la cour
et du monde. Quant à Pascal, il n'était pas douteux qu'on n'imputât à lui surtout une
telle démarche de la part de la sœur de son ami. Déjà auparavant, en arrachant au
monde un jeune duc et pair, en lui faisant refuser un très-beau mariage, il avait irrité
profondément les parents de M. de Roannez, et cette colère se répandant chez tous les
domestiques de l'hôtel de Roannez, où Pascal logeait alors, « la concierge de la maison
alla un matin, sur les huit heures, avec un poignard pour le tuer; heureusement elle
ne le trouva point; il était sorti ce jour-là, contre son ordinaire, de grand matin. 11
fut averti de cette aventure, et n'y retourna plus. « Manuscrits de Marguerite Perier.
2. Nous savons aussi maintenant qui est cette personne si agitée.
3. Quel peut donc être ce petit jour du jugement, image de celui où l'âme se trouvera
tout à coup devant Dieu, séparée de son corps et de la vie, sinon le jour où Mlle de
Roannez, mettant le pied hors de la maison de sa mère pour n'y plus rentrer, rompra
brusquement les liens de la nature et dw monde? Voir l'Extrait suivant.
EXTRAITS DES LETTRES A Mlle DE ROANNEZ 311
est encore et qu'il faut diminuer continuellement * ; et qu'il
faut qu'elle fasse comme un enfant qui est tiré par des voleurs
d'entre les bras de sa mère, qui ne le veut point abandonner;
car il ne doit pas accuser de la violence qu'il souffre la mère
qui le retient amoureusement, mais ses injustes ravisseurs 2.
Tout l'office de l'Avent est bien propre pour donner courage
aux faibles, et on y dit souvent ce mot de l'Écriture : « Prenez
courage, lâches et pusillanimes, voici votre rédempteur qui
vient 3;» et on dit aujourd'hui à Vêpres : « Prenez de nouvel-
les forces, et bannissez désormais toute crainte; voici notre
Dieu qui arrive, et vient pour nous secourir et nous sauver4, s
9.
Votre lettre m'a donné une extrême joie. Je vous avoue que
je commençais à craindre, ou au moins à m'étonner. Je ne
sais ce que c'est que ce commencement de douleur dont vous
parlez ; mais je sais qu'il faut qu'il en vienne. Je lisais tantôt le
treizième chapitre de saint Marc en pensant à vous écrire, et
aussi je vous dirai ce que j'y ai trouvé. Jésus-Christ y fait un
grand discours à ses apôtres sur son dernier avènement ; et
commetoutce qui arrive àl'Église arrive aussi à chaque chrétien
en particulier, il est certain que tout ce chapitre prédit aussi
bien l'état de chaque personne qui, en se convertissant, dé-
truit le vieil homme en elle, que l'état de l'univers entier, qui
sera détruit pour faire place à de nouveaux cieux et à une nou-
velle terre, comme dit l'Écriture 5. Et aussi je songeais que
cette prédiction de la ruine du temple réprouvé, qui figure la
ruine de l'homme réprouvé qui est en chacun de nous, et dont
il est dit qu'il ne sera laissé pierre sur pierre, marque qu'il ne
doit être laissé aucune passion du vieil homme ; et ces effroya-
bles guerres civiles et domestiques représentent si bien le trou-
1. Il la renvoie à ce qu'il lui a écrit déjà : voir l'Extrait sixième.
2. Voyc xxiv, 61 ter, dans les Pensées.
3. Pusillanimes confortamini, ecce Dominus Deus vester veniet. Isaïe, xxxv, 4.
4. Constantes estote, videbitis auxilium Domini super vos. Ces paroles se trouvaient,
d'après le Bréviaire de Paris de 1653, dans le capitule des vêpres de la veille de Noël,
ce qui doune la date précise de cette lettre. N'admire-t-on pas comme à chaque instant
Pascal fait entendre la voix même de Dieu qui appelle à lui son élue?
5. Voir la seconde des Épîtres qui portent le nom de Pierre, m, 13, d'après Isaïe,
lxv, 17 et lxvi, 29. Voilà le commentaire de ces expressions de l'Extrait huitième :
■ C'est un petit jour du jugement. •
342 OPUSCULES DE PASCAL
ble intérieur que sentent ceux qui se donnent à Dieu, qu'il n'y
a rien de mieux peint.
Mais cette parole est étonnante : « Quand vous verrez l'abo-
mination dans le lieu où elle ne doit pas être, alors, que
chacun s'enfuie sans rentrer dans sa maison pour reprendre
quoi que ce soit. » Il me semble que cela prédit parfaite-
ment le temps où nous sommes, où la corruption de la morale
est aux maisons de sainteté, et dans les livres des théologiens
et des religieux où elle ne devrait pas être. Il faut sortir après
un tel désordre, et malheur à celles qui sont enceintes ou nour-
rices en ce temps-là, c'est-à-dire, à ceux qui ont des attache-
ments au monde qui les y retiennent1 ! La parole d'une sainte
est à propos sur ce sujet2 : Qu'il ne faut pas examiner si on a
vocation pour sortir du monde, mais seulement si on a voca-
tion pour y demeurer, comme on ne consulterait point si on
est appelé à sortir d'une maison pestiférée ou embrasée.
Ce chapitre de l'Évangile, que je voudrais lire avec vous tout
entier, finit par une exhortation à veiller et à prier pour éviter
tous ces malheurs, et en effet il est bien juste que la prière
soit continuelle quand le péril est continuel.
J'envoie à ce dessein des prières qu'on m'a demandées; c'est
à trois heures après midi. Il s'est fait un miracle depuis votre
départ à une religieuse de Pontoise, qui, sans sortir de son
couvent, a été guérie d'un mal de tête extraordinaire par une
dévotion à la Sainte-Épine. Je vous en manderai un jour da-
vantage. Mais je vous dirai sur cela un beau mot de saint Au-
gustin, et bien consolatif pour de certaines personnes; c'est
qu'il dit que ceux-là voient véritablement les miracles aux-
quels les miracles profitent; car on ne les voit pas si on n'en
profite pas 3.
1. Vce autem prœgnanlibus et nutrientibus in illis diebus. Tout ce texte, ainsi présenté
à M1,e de Roannez, dut lui paraître, comme dit Pascal, étonnant, et lui porter les der-
niers coups.
2. Je ne puis dire quelle est cette sainte.
3. Je ne puis indiquer précisément l'endroit d'Augustin que Pascal a dans l'esprit
Mais je trouve à peu près la même idée dans le Sermon cxliii, et dans le xxiveTraitésur
l'Evangile de saint Jean, chap. 6. — M. Frédéric Chavannes, dans le même article sui
Pascal que j'ai cité ailleurs (t. r, p. 101), a trouvé d'après ce passade le moyen de déter
miner la date de cette lettre. Il renvoie à un opuscule intitulé, Réponse à un écrit pu-
blié sur le sujet dus miracles qu'il a plu à Lieu de faire à Port-Royal, etc., qui se trouve
au tome m des Œuvres de Pascal (édition de 18 19). On y voit ce qui suit, à la page 4G2 ;
« Uns des religieuses ur^ulines de Pontoise, nommée sœur Marie de l'Assomption, avait
REMARQUES SUR LES LETTRES A M1' DE ROANNEZ 343
Je vous ai une obligation que je ne puis assez vous dire du
présent que vous m'avez fait; je ne savais ce que ce pouvait
être, car je l'ai déployé avant que de lire votre lettre, et je me
suis repenti ensuite de ne lui avoir pas rendu d'abord le res-
pect que je lui devais. C'est une vérité que le Saint-Esprit re-
pose invisiblement dans les reliques de ceux qui sont morts
dans la grâce de Dieu, jusqu'à ce qu'il y paraisse visiblement
en la résurrection, et c'est ce qui rend les reliques des saints si
dignes de vénération. Car Dieu n'abandonne jamais les siens,
non pas même dans le sépulcre, où leurs corps, quoique morts
aux yeux des hommes, sont plus vivants devant Dieu, à cause
que le péché n'y est plus, au lieu qu'il, y réside toujours
durant cette vie, au moins quant à sa racine, car les fruits du
péché n'y sont pas toujours; et cette malheureuse racine, qui
en est inséparable pendant la vie, fait qu'il n'est pas permis de
les honorer alors, puisqu'ils sont plutôt dignes d'être haïs.
C'est pour cela que la mort est nécessaire pour mortifier en-
tièrement cette malheureuse racine, et c'est ce qui la rend
souhaitable. Mais il ne sert de rien de vous dire ce que vous
savez si bien ; il vaudrait mieux le dire à ces autres personnes
dont vous parlez : mais elles ne l' écouteraient pas.
REMARQUES SUR LES EXTRAITS DES LETTRES A Mlle DE
ROANNEZ.
Nous avons pour l'histoire de Mn° de Roannez trois sources princi-
pales : 1° Une notice qui se trouve dans les manuscrits de Marguerite
été tourmentée durant huit mois d'un si horrible mal de tête-, etc.. Enfin, ayant ouï
parler des merveilles que Dieu T.isait à Port-Royal par la Sainte-Epine, y envoya des
linges qui la touchèrent, et qu'elle appliqua à son mal le 17 août dernier, et depuis ce
jour elle sentit une si notable diminution de son mal, que,... le vendredi 25, toute la
communauté en rendit grâces à Dieu avec elle;... ce qui a porté les religieuses à en-
voyer à la mère abbesse de Port-Royal une attestation de cette guérison miraculeuse,
signée des otficières de la maison, et accompagnée de l'attestation des deux médecins
et du chirurgien, qui déclarent, etc.. Ces actes sont datés du 14 du présent mois do
septembre, o 11 résulte clairement de cette dernière phrase que la Réponse à un écrit, etc.
a paru pendant le mois de septembre. Et, comme évidemment Pascal n'a pas attendu,
pour donner cette nouvelle à Mlle de Roannez, que la chose fût imprimée et publique,
la lettre est donc antérieure à cette Réponse. Il est probable même qu'elle a été écrite
presque immédiatement après le prétendu miracle, c'est-à-dire à la un d'août, ou dans
les premiers jours de septembre. Mais comme le huitième Extrait porte en lui-même,
ainsi que je l'ai constaté, la date de l'Avent de cette année, et même la date plus pré-
ise de la veille de Noël, il résulte du fait reconnu par M. Chavanms une preuve nou-
velle de co qui a déjà été indiqué plus haut (page 3 14, note 2), que ces Extraits n9 nous
ont pas été conservés dans l'ordre où ils avaient été écrits.
344 OPUSCULES DE PASCAL
Perier, notice publiée pour la première fois par M. Cousin clans la
Bibliothèque de l'Ecole des Chartes (septembre et octobre 1843); 2° Son
article, sous le nom de madame la duchesse de La Feuillade, dans le
Nécrologe de Port-Royal, au 13 février ; 3° Une note du Recueil d'Utrccht,
page 301. Tous ces documents ne sont encore ni assez complets, ni
assez exacts. M. Faugère, clans l'Introduction de son édition des Pen-
sées, p. lxv, a donné la date précise de la naissance de Mlle de Roannez
d'après son acte de baptême. Elle avait, à l'époque de ces Lettres, vingt-
trois ans, dix ans de moins que Pascal.
Elle subit son influence aussi bien que son frère; mais femme, et d'une
âme faible, ce fut pour le malheur et le déchirement de toute sa vie
qu'elle fut exposée à l'influence de ce terrible génie et au zèle farouche
de Port -Royal. Plusieurs endroits de ces Lettres témoignent assez de
ce que lui coûta la résolution violente à laquelle on la poussait (voir
particulièrement les Extraits 4, 7 et 8). A peine l'avait-elle accomplie
et était-elle entrée au monastère, que sa mère obtint une lettre de ca-
chet pour l'en faire sortir. Elle obéit avec douleur, mais sa ferveur ne
faisant que s'irriter par ces obstacles, elle fit avant de sortir des vœux
simples de virginité. Rentrée chez sa mère, elle y vécut dans la retraite,
soutenue dans sa dévotion par celui qui l'y avait attirée. Plus d'un an
après la mort de Pascal, il se présenta une circonstance qui la troubla.
Une rencontre préparée lui fit revoir l'homme qui la recherchait en
mariage à l'époque où elle s'était jetée à Port-Royal. « Cet homme lui
marqua les mêmes empressements qu'il avait fait il y a six ou sept ans.
Mlle de Roannez fut touchée. » Mais, à défaut de Pascal, Mme Perier,
et M. Singlin avec elle, ressaisirent cette âme qui se laissait aller à la
douceur d'être aimée, et la firent rentrer dans la voie étroite qu'on lui
avait faite. Puis M. Singlin mourut, Mme Perier quitta Paris, et
Mlle de Roannez fut livrée à d'autres conseils. Son frère, renonçant au
monde, avait vendu son gouvernement, et s'était retiré à la maison
des Pères de l'Oratoire. Ses deux sœurs étaient religieuses. Mî!e de
Roannez devenait un grand parti, et, avec l'agrément de la cour, pouvait
porter avec elle dans une autre maison le duché de son frère. Un conseil de
conscience l'autorisa à se faire relever de son vœu, et elle devint, en
1667, duchesse de La Feuillade (les relations ne parlent plus de celui qui
avait pensé àelle en d'autres temps). Dès que Port-Royal avait senti sa
conquête lui échapper et retourner au monde, il avait été indigné. Le
Recueil d'Utrecht (p. 309) a transcrit une lettre d'Arnauld àMme Pe-
rier, de mars 1666, où se lisent ces dures paroles : « Ce n'est pas que
les exemples dont vous me parlez ne soient de terribles leçons... Celui
que vous laissez entendre sans le marquer expressément e?t \e plug
REMARQUES SUR LES LETTRES À MeMe UE ROANNEZ 345
effroyable, n'y ayant rien de plus touchant que ce qu'a écrit autrefois
de ses dispositions cette personne, lorsqu'elle s'engageait à Dieu par
tant de vœux, et n'y ayant rien au contraire de plus scandaleux que
l'oubli où elle paraît être aujourd'hui de toutes ces grâces de Dieu.
Mais la frayeur salutaire que ces exemples causent nous est un puissant
moyen pour éviter de semblables chutes. Il y a deux choses principa-
lement qui ont pu contribuer à la perte de cette, personne, etc. » Mais
elle était à peine mariée, qu'elle reconnut sa faute, dit le Recueil d'U-
trccht, et commença a en faire pénitence. Dieu lui offrit dans la suite
divers moyens de la faire, qu'elle accepta avec joie. En effet, cruelle-
ment frappée dans ses enfants l, atteinte elle-même profondément
dans sa santé, elle mourut d'un cancer au sein, en 1683, après quinze
ans d'une vie qui ne fut pas seulement consumée par tous ces maux,
mais par les scrupules et les tourments d'une conscience troublée.
Elle disait, suivant le Nécrologe, qu'elle eût été plus heureuse de vivre
paralytique à Port-Royal, que comme elle vivait dans l'éclat de sa
fortune. Elle laissa trois mille livres à l'abbaye, en demandant qu'on
y reçût une religieuse converse (c'est-à-dire de celles qui font l'office
de servantes), qui remplirait la place qu'elle devait tenir elle-même,
tâchant de perpétuer ainsi son expiation. Et cependant Port-Royal,
dans son impitoyable zèle, n'a pas eu pour elle une parole d'atten-
drissement.
Les fragments que MM. de Port-Royal ont détachés de ces Lettres
pour les donner au public ont été placés dans les titres xxvn et xxvm
de leur édition, Pensées sur les miracles et Pensées chrétiennes. Ils n'en
indiquent pas l'origine, et surtout ils en ont effacé ce qui en fait au-
jourd'hui pour nous tout l'intérêt. Nous sommes effrayés, en lisant ces
Extraits, des ravages qu'ont dû faire dans un cœur faible l'éloquence
fougueuse de Pascal, sa charité avide et jalouse, son imagination qui
tour à tour éblouit et épouvante. Une pareille influence dévore autant
qu'une passion. Tantôt il l'exalte par l'orgueil. «Il y a si peu de per-
sonnes à qui Dieu se fasse paraître par ces coups extraordinaires, qu'on
doit bien profiter de ces occasions, puisqu'il ne sort du secret de la nature
qui le couvre que pour exciter notre foi à le servir avec d'autant plus
d'ardeur que nous le connaissons avec plus de certitude. Rendons-lui
des grâces infinies de ce que, s'étant caché en toutes choses pour les
autres, il s'est découvert en toutes choses et en tant de manières pour
nous.» Le Dieu caché invite les âmes qu'il aime à se cacher comme lui.
Mais quel éclat sera le prix de cette obscurité! « J'entre en une vénéra-
. • Le premier enfant qu'elle eut ne reçut point le baptême. Te second vint au
de tout contrefait. Le troisième fut une fille raine qui mourut à l'âge de dix-neuf
■ Recueil d' Utrecht.
316 OPUSCULES DE PASCAL
tion qui me transit de respect envers ceux qu'il semble avoir choisis
pour ses élus. Je vous avoue qu'il me semble que je les vois déjà dans
un de ces trônes où ceux qui auront tout quitté jugeront le monde avec
Jésus-Christ. » Je les vois, c'est-à-dire, je vous vois; mais le détour
qu'a pris Pascal lui permet seul d'adresser à celle à qui il écrit de tels
hommages. Pourrait-il lui dire en face : Je vous vois déjà couronnée
radieuse au haut du ciel?
Et puis tout à coup il la terrasse en ajoutant :
a Mais, quand je viens à penser que ces mêmes personnes peuvent
tomber, et être au contraire au nombre malheureux des jugés, et qu'il
y en aura tant qui tomberont de la gloire, et qui laisseront prendre à
d'autres par leur négligence la couronne que Dieu leur avait offerte,
je ne puis souffrir cette pensée; et l'effroi que j'aurais de les voir en
cet état éternel de misère, après les avoir imaginées avec tant de rai-
son dans l'autre état, me fait détourner l'esprit de cette idée, et reve-
nir à Dieu pour le prier de ne pas abandonner les faibles créatures
qu'il s'est acquises. »
Quelle péripétie 1 quelle secousse! Mlle de Roannez avait-elle la tête
assez forte pour supporter de tels ébranlements? Pouvait-elle résister
longtemps, ainsi suspendue et ballottée entre la gloire de l'apothéose
et l'abîme de la damnation?
«Je vous dirai pour nouvelle de ce qui touche ces deux personnes...
je plains la personne que vous savez, etc. » Ces désignations couvertes
sont dans les habitudes de Port-Royal, réduit à s'envelopper de mys-
tère en toutes choses. Voici ce qu'on lit dans une Lettre de M. de Re-
bours à M. de Pontchâteau, de 1651 , conservée dans le Recueil d'Utrecht,
page 413 : « Vous me permettrez encore, monsieur, de vous dire qu'il
esta propos que, dans les lettres que vous nous écrirez, vous ne nom-
miez personne, comme vous pouvez voir que j'ai fait en celle-ci; afin
que si, par quelque mauvaise rencontre, les lettres venaient à se per-
dre, ou à tomber en des mains ennemies, on ne pût pas avoir pleine
lumière de ce qui s'y pourra traiter. »
Il y a dans le premier Extrait un passage fort remarquable :
« Je loue de tout mon cœur le petit zèle que j'ai reconnu dans votre
lettre pour l'union avec le pape. Le corps n'est non plus vivant sans
le chef que le chef sans le corps. Quiconque se sépare de l'un ou de l'au-
tre n'est plus du corps, et n'appartient plus à Jésus-Christ. Je ne sais
s' il y a des personnes dans l'Église plus attachées à cette unité du corps
que ceux que vous appelez nôtres. Nous savons que toutes les vertus,
9/5*7
REMARQUES SUR I,ES LETTRES A Melle DK ROANNEZ 3 i î
Le martyre, les austérités et toutes los bonnes œuvres sont inutiles hor
de l'Église, et de la communion du chef do l'Église, qui est le pape. Je
ne me séparerai jamais de sa communion : au moins je prie Dieu de
m'en faire la grâce; sans quoi, je serais perdu pour jamais. »
IMHe de Roannez, toujours en proie aux scrupules et aux incertitu-
des, avait sans doute été troublée de la crainte que ses amis ne se sé-
parassent du chef de l'Église. Pascal se montre tendre et même impa-
tient sur ce point, où il sent bien qu'est le côté faible du parti. 11 y a un
peu d'humeur dans sa vive réponse. Le petit zèle, ce n'est pas le peu de
zèle, c'est une expression qui avertit Mlle de Roannez de ne pas
prendre ce zèle trop au sérieux. Il lui parle comme à un enfant à qui
on sait gré d'un bon mouvement, même peu raisonnable.
Il disait de même d'ailleurs dans la xvir* Provinciale : « Je n'ai d'at-
tache sur la terre qu'à la seule église catholique, apostolique et romaine,
dans laquelle* je veux vivre et mourir, et dans la communion avec le
pape, son souverain chef, hors de laquelle je suis très-persuadé qu'il n'y
a point de salut. » C'était donc sans prétendre se séparer de la commu-
nion du pape qu'il écrivait les dures paroles qu'on a lues dans les
Pensées, xxrv, 66. Joseph de Maistre a relevé fortement cette situation
fausse du jansénisme. (De l'Eglise gallicane, I, 3 et 9.) Voyez aussi le
Port-Royal de M. Sainte-Beuve, lre édit., tome m, page 26 et page 157.
Ces mots du cinquième Extrait : « Les rois ont une obligation in-
signe à ceux qui demeurent dans leur obéissance », sentent bien le
voisinage de la Fronde. MM. de Port-Royal, en 1670, ont imprimé
seulement que les rois témoignent d'ordinaire avoir de Vobligation à
ceux, etc.
TROIS DISCOURS DE PASCAL
SUR LA CONDITION DES GRANDS.
Ces discours ont été publiés par Nicole dans le Traité de VÊducalion
d'un prince, 1670, au lendemain de la publication des Pensées de Pas-
cal. C'était un volume comprenant plusieurs écrits réunis sous ce titre
général, De C Éducation d'un prince, qui était aussi le titre particulier
du premier de ces écrits. L'auteur n'avait pas encore donné ses Essais
de Morale, dont le premier volume parut en 1671. Plus tard il réimpri-
ma le Traité de V Éducation d'un 'prince, en supprimant ce titre géné-
ral, comme second volume des Essais de Morale. Et enfin, dans une
troisième édition de ce volume, qui est de 1679, il intervertit l'ordre
des Traités qui le composaient. Celui qui porte pour titre particulier,
De l'Education d'un prince, ne vint plus que le dernier. Les discours
de Pascal se trouvent à la suite du traité De la Grandeur. Nicole les a
fait précéder d'un préambule que je reproduirai d'abord.
« Une des choses sur lesquelles feu M. Pascal avait plus de vues,
était l'instruction d'un prince que l'on tâcherait d'élever de la manière
la plus proportionnée à l'état où Dieu l'appelle, et la plus propre pour
le rendre capable d'en remplir tous les devoirs et d'en éviter tous les
dangers. On lui a souvent ouï dire qu'il n'y avait rien à quoi il désirât
plus de contribuer s'il y était engagé, et qu'il sacrifierait volontiers
sa vie pour une chose si importante. Et comme il avait accoutumé
décrire les pensées qui lui venaient sur les sujets dont il avait l'esprit
occupé, ceux qui l'ont connu se sont étonnés de n'avoir rien trouvé
dans celles qui sont restées de lui, qui regardât expressément cette ma-
tière, quoique l'on puisse dire en un sens qu'elles la regardent toutes,
n'y ayant guère de livres qui puissent plus servir à former l'esprit
d'un prince que le recueil que l'on en a fait.
« Il faut donc, ou que ce qu'il a écrit de cette matière ait été per-
du, ou qu'ayant ces pensées extrêmement présentes il ait négligé de
les écrire. Et comme par l'une et l'autre cause le public s'en trouve
TROIS DISCOURS SUR LA CONDITION DES GRANDS 349
également privé, il est venu dans L'esprit d'une personne, qui a assisté
à trois discours assez courts qu'il fit à un enfant de grande condition *■
et dont l'esprit, qui était extrêmement avancé, était déjà capable de?
vérités les plus fortes, d'écrire neuf ou dix ans après 2 ce qu'il en a
retenu. Or, quoique après un si long temps il ne puisse pas dire que
ce soient les propres paroles dont M. Pascal se servit alors, néanmoins
tout ce qu'il disait faisait une impression si vive sur l'esprit, qu'il
n'était pas possible de l'oublier. Et ainsi il peut assurer que ce sont au
moins ses pensées ou ses sentiments. »
Nicole lui-même est probablement cette personne qui avait assisté è
ces discours, et qui les a rédigés de mémoire longtemps après. Et, mal-
gré son témoignage si remarquable sur la profonde impression que
faisait cette grande parole, et sur l'impossibilité de l'oublier, il est clair
que ce n'est plus la voix même de Pascal, mais celle de Nicole, que
nous entendons. En effet, on ne retrouvera pas ici, comme on la re-
trouvait dans l'Entretien avec M. de Saci, la fierté et la véhémence du
style de Pascal, si ce n'est dans quelques traits détachés, dont la har-
diesse ou la brusquerie avait frappé davantage l'imagination de Nicole,
et élait resiée dans sa mémoire.
Celte phrase de Nicole : Et comme par l'une et Vautre cause le public
s'en trouve également privé, il est venu dans V esprit d'une personne,
etc., fait voir que Nicole n'a songé à rédiger ces discours que vers le
temps de la première édition des Pensées, c'est-à-dire à l'époque même
où il les a donnés au publie; et comme ils remontaient à neuf ou dix
ans, ils sont donc des dernières années de la vie de Pascal. On a sup-
posé, et cette supposition a été admise généralement, que le jeune
seigneur auquel s'adressait Pascal était le duc de Roannez; mais cela
ne peut pas être. Le duc était né vers 1630 3; on ne peut donc se le
représenter, vers 1660, comme un enfant très-avancé pour son âge,
suivant les termes de Nicole. On ne gagne rien en reculant ces entre-
tiens, comme on a voulu le faire, jusqu'à la date de 1652; car le duc
de Roannez aurait eu déjà vingt-deux ans. Il n'avait que sept ans de
moins que Pascal; il s'était lié avec lui, comme voisin et comme ama-
teur de bel esprit et de science, dans un temps où Pascal vivait comme
tout le monde, et n'avait point autorité pour prêcher ainsi. Il est
clair que Pascal n'a pu tenir ce langage que depuis sa retraite à Port-
Royal, et c'est ainsi que Nicole a pu se trouver présent à ces entretiens.
1. Dans les Essais de Morale, on trouve partout qualité au lieu de condition.
t. Dans la première édition, Nicole avait mis, sept ou huit.
3. « Il n'avait guère que vingt-quatre ans, dit le Recueil d'Utrecht, lorsque M. Pascal
s'élant donné à Dieu, lui persuada d'entrer dans les mêmes sentiments que lui, et de se
mettre sous la conduite de M. Singlin. • Or on sait que cette conversion de Pascal est
de 1^4. _„
II. "*
350 OPUSCULES DE PASCAL
El il fallait bien, ce me semble, que celui à qui ces discours s'adres-
saient ne fût qu'un enfant, comme le dit Nicole, pour qu'on se permît
de lui faire la leçon de ce ton âpre et despotique. Si Nicole lui-même
a dit quelque part (Lettre a M. de Sévigné sur les Pensées) que son
amour-propre n'aimait pas hêtre régenté si fièrement, à plus forte rai-
son un jeune duc et pair déjà homme eût trouvé mauvais, je crois,
qu'on lui dît en face, et devant un tiers, ces vérités dures et durement
présentées. Mais un enfant pouvait écouter cela comme il écoutait une
leçon en classe ou un catéchisme. Maintenant, quel nom faut-il mettre
à la place de celui du duc de Roannez?
Je crois pouvoir affirmer que cet enfant de grande condition, comme
dit Nicole, était le fils aîné du duc de Luyncs, connu depuis sous le
titre de duc de Ghevreuse, qui lui fut donné lors de son mariage.
On peut voir à son sujet les Mémoires de Saint-Simon, à l'année
1712. Il était né en octobre 1646; il pouvait donc avoir quatorze ans
quand Pascal lui adressait ces leçons. C'est aussi pour lui que fut
composée la Logique de Port- Royal ,.
I.
Pour entrer dans la véritable connaissance de votre condi-
tion, considérez-la dans cette image.
Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont
les habitants étaient en peine de trouver leur roi, qui s'était
perdu ; et, ayant beaucoup de ressemblance de corps et de vi-
sage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qua-
lité par tout ce peuple. D'abord il ne savait quel parti pren-
dre ; mais il se résolut eniin de se prêter à sa bonne fortune.
1. Je transcris quelques lignes de Saint-Simon, tome x, page 266, de l'édition in-8° de
M. Chéruel : « Né avec beaucoup d'esprit naturel, d'agrément dans l'esprit, de goût pour
l'application, et de facilité pour le travail et pour toutes sortes de sciences, une justesse
d'expression sans recherche et qui coulait de source, une abondance de pensées, une
aisance à les rendre et à expliquer les choses les plus abstraites ou les plus embarras-
sées avec la dernière netteté et la précision la plus exacte, il reçut la plus parfaite
éducation des plus grands maîtres en ce genre, qui lui donnèrent toute leur affection et
tous leurs rares talents.
t> Le duc de Luynes son père n'avait ni moins d'esprit..., ni moins d'application et da
«avoir. Il s'était lié, par le voisinage de Dampierre, avec les solitaires de Port-Royal-
des-Champs, et après la mort de sa première femme, mère du duc de Chevreuse,
s'y était retiré avec eux; il avait pris part à leur pénitence et à quelques-uns de leurs
ouvrages, et il les pria de prendre soin d>' l'insl nie lion de ton fils... Ces messieurs y mirent
tous leurs soins par attachement pour le père, et par celui que leur donna pour leur
élève le fonds de douceur, de sagesse et de talents qu'ils y trouvèrent à cultiver. »
Saint-Simon nous le représente clans ce même chapitre comme amoureuxpar nature des
voies obliques en matière de raisonnement, comme possédé par un goût de raisonnements
peu naturels. C'était donc un écolier admirablement disposé pour recevoir les leçons
paradoxales de Pascal.
TROIS DISCOURS SOfi LA CONDITION t>ES CrRANnS 351
Il reçut tous les respects qu'on lui voulut rendre, et il se laissa
traiter de roi
Mais comme il ne pouvait oublier sa condition naturelle, il
songeait, en même temps qu'il recevait ces respects, qu'il n'é-
tait pas ce roi que ce peuple cherchait, et que ce royaume ne
lui appartenait pas. Ainsi il avait une double pensée: l'une
par laquelle il agissait en roi, l'autre par laquelle il reconnais-
sait son état véritable, et que ce n'était que le hasard qui l'a-
vait mis en la place où il était. Il cachait cette dernière pensée,
et il découvrait l'autre. C'était par la première qu'il traitait
avec le peuple, et par la dernière qu'il traitait avec soi-même.
Ne vous imaginez pas que ce soit par un moindre hasard
que vous possédez les richesses dont vous vous trouvez
maître, que celui par lequel cet homme se trouvait roi. Vous
n'y avez aucun droit de vous-même et par votre nature, non
plus que lui; et non- seulement vous ne vous trouvez fils d'un
duc, mais vous ne vous trouvez au monde, que par une infi-
nité de hasards. Votre naissance dépend d'un mariage, ou plu-
tôt de tous les mariages de ceux dont vous descendez. Mais ces
mariages, d'où dépendent-ils? d'une visite faite par rencontre,
d'un discours en l'air, de mille occasions imprévues1.
Vous tenez, dites-vous, vos richesses de vos ancêtres ; mais
n'est-ce pas par mille hasards que vos ancêtres les ont acqui-
ses et qu'ils les ont conservées? Mille autres,- aussi habiles
qu'eux, ou n'en ont pu acquérir, ou les ont perdues après les
avoir acquises. Vous imaginez- vous aussi que ce soit par quel-
que voie naturelle que ces biens ont passé de vos ancêtres à
vous? Cela n'est pas véritable. Cet ordre n'est fondé que sur
la seule volonté des législateurs , qui ont pu avoir de bonnes
raisons, mais dont aucune n'est prise d'un droit naturel que
vous ayez sur ces choses. S'il leur avait plu d'ordonner que
ces biens, après avoir été possédés par les pères durant leur
vie, retourneraient à la république après leur mort, vous n'au-
riez aucun sujet de vous en plaindre.
Ainsi tout le titre par lequel vous possédez votre bien n'est
t. Dans certaines éditions des Essais, on renvoie ici aux Pensées dioerses, qui sont dans
la fin du vi« volume. On retrouve en effet les mêmes idées dans la 103e, qui a pour titre :
Etendue de la reconnaissance.
352 OPUSCULES T)E PASCAL
pas un titre de nature, niais d'un établissement humain. Un
autre tour d'imagination dans ceux qui ont fait les lois vous
aurait rendu pauvre ; et ce n'est que cette rencontre du hasard
qui vous a fait naître avec la fantaisie des lois favorables à vo-
tre égard, qui vous met en possession de tous ces biens.
Je ne veux pas dire qu'ils ne vous appartiennent pas légi-
timement, et qu'il soit permis à un autre de vous les ravir; car
Dieu, qui en est le maître, a permis aux sociétés de faire des
lois pour les partager; et quand ces lois sont une fois éta-
blies, il est injuste de les violer. C'est ce qui vous distingue
un peu de cet homme qui ne posséderait son royaume que par
l'erreur du peuple, parce que Dieu n'autoriserait pas cette pos-
session et l'obligerait à y renoncer, au lieu qu'il autorise la
vôtre. Mais ce qui vous est entièrement commun avec lui, c'est
que ce droit que vous y avez n'est point fondé, non plus que
le sien, sur quelque qualité et sur quelque mérite qui soit
en vous et qui vous en rende digne. Votre âme et votre corps
sont d'eux-mêmes indifférents à l'état de batelier ou à celui
de duc; et il n'y a nul lien naturel qui les attache à une con-
dition plutôt qu'à une autre.
Que s'ensuit-il de là? Que vous devez avoir, comme cet
homme dont nous avons parlé, une double pensée ; et que, si
vous agissez extérieurement avec les hommes selon votre rang,
vous devez recpnnaître, par une pensée plus cachée mais plus
véritable, que vous n'avez rien naturellement au-dessus d'eux.
Si la pensée publique vous élève au-dessus du commun des
hommes, que l'autre vous abaisse et vous tienne dans une
parfaite égalité avec tous les hommes ; car c'est votre état naturel.
Le peuple qui vous admire ne connaît pas peut-être ce se-
cret. Il croit que la noblesse est une grandeur réelle, et il con-
sidère presque les grands comme étant d'une autre nature que
les autres. Ne leur découvrez pas cette erreur, si vous voulez;
mais n'abusez pas de cette élévation avec insolence, et surtout
ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre
être a quelque chose de plus élevé que celui des autres.
Que diriez -vous de cet homme qui aurait été fait roi par
l'erreur du peuple, s'il venait à oublier tellement sa condition
naturelle, qu'il s'imaginât que ce royaume lui était dû, qu'il le
TROIS DISCOURS SUR LA CONDITION DES GRANDS 353
méritait, et qu'il lui appartenait de droit? Vous admireriez sa
Bottise el sa folie. Mais yen a-t-il moins dans les personnes
le condition qui vivent dans un si étrange oubli de leur état
naturel?
Que cet avis est important! Car tous les emportements, toute
la violence et toute la vanité desgrands vient de cequ'ils ne con-
naissent point ce qu'ils sont, étant difficile que ceux qui se regar-
deraient intérieurement comme égaux à tous les hommes, et qui
seraient bien persuadés qu'ils n'ont rien en eux qui mérite ces
petits avantages que Dieu leur a donnés au-dessus des autres,
les traitassent avec insolence. Il faut s'oublier soi-même pour
cela, et croire qu'ona quelque excellence réelle au-dessus d'eux;
en quoi consiste cette illusion que je tâche de vous découvrir.
II.
Il est bon, monsieur, que vous sachiez ce que Ton vous doit,
afin que vous ne prétendiez pas exiger des hommes ce qui ne
vous est pas dû; car c'est une injustice visible : et cependant
elle est fort commune à ceux de votre condition, parce qu'ils
en ignorent la nature.
Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs; car il y a
des grandeurs d'établissement et des grandeurs naturelles.
Les grandeurs d'établissement dépendent de la volonté des
hommes , qui ont cru avec raison devoir honorer certains
états et y attacher certains respects. Les dignités et la no-
blesse sont de ce genre. En un pays on honore les nobles, en
l'autre les roturiers ; en celui-ci les aînés, en cet autre les ca-
dets. Pourquoi cela? parce qu'il a plu aux hommes. La chose
était indifférente avant l'établissement; après l'établissement,
elle devient juste, parce qu'il est injuste de le troubler1.
, Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indépendantes
de la fantaisie des hommes, parce qu'elles consistent dans les
qualités réelles et effectives de l'âme ou du corps, qui ren-
dent l'une ou l'autre plus estimables, comme les sciences, la
lumière de l'esprit, la vertu, la santé, la force.
Nous devons quelque chose à l'une et à l'autre de ces gran*
1. Il y a, In troubler, dans Nicole (dan? ia troisième édition comme dans \a première),
mais il semble bien que c'est une faute, et plus tard ou a substitué le.
354 OPUSCULES DE PASCAL
deurs ; mais comme elles sont d'une nature différente, nous
leur devons aussi différents respects. Aux grandeurs d'établis-
sement, nous leur devons des respects d'établissement, c'est-à-
dire certaines cérémonies extérieures, qui doivent être néan-
moins accompagnées, selon la raison, d'une reconnaissance
intérieure de la justice de cet ordre, mais qui ne nous font
pas concevoir quelque qualité réelle en ceux que nous hono-
rons de cette sorte. Il faut parler aux rois à genoux; il faut
se tenir debout dans la chambre des princes. C'est une sottise
et une bassesse d'esprit que de leur refuser ces devoirs.
Mais pour les respects naturels, qui consistent dans l'estime,
nous ne les devons qu'aux grandeurs naturelles ; et nous de-
vons au contraire le mépris et l'aversion aux qualités contrai-
res à ces grandeurs naturelles. Il n'est pas nécessaire, parce
que vous êtes duc, que je vous estime; mais il est nécessaire
que je vous salue. Si vous êtes duc et honnête homme, je ren-
drai ce que je dois à l'une et à l'autre de ces qualités. Je ne
vous refuserai point les cérémonies que mérite votre qualité
de duc, ni l'estime que mérite celle d'honnête homme. Mais
si vous étiez duc sans être honnête homme, je vous ferais en-
core justice; car, en vous rendant les devoirs extérieurs que
l'ordre des hommes a attachés à votre naissance, je ne man-
querais pas d'avoir pour vous le mépris intérieur que mérite-
rait la bassesse de votre esprit.
Voilà en quoi consiste la justice de ces devoirs. Et l'injustice
consiste à attacher les respects naturels aux grandeurs d'éta-
blissement, ou à exiger les respects d'établissement pour les
grandeurs naturelles. Monsieur N. est un plus grand géomètre
que moi; en cette qualité il veut passer devant moi : je lui
dirai qu'il n'y entend rien. La géométrie est une grandeur natu-
relle ; elle demande une préférence d'estime ; mais les hommes
n'y ont attaché aucune préférence extérieure. Je passerai donc
devant lui, et Festimerai plus que moi, en qualité de géomè-
tre. De même si, étant duc et pair, vous ne vous contentiez
pas que je me tinsse découvert devant vous, et que vous vou-
lussiez encore que je vous estimasse, je vous prierais de me
montrer les qualités qui méritent mon estime. Si vous le fai-
siez, elle vous est acquise, et je ne pourrais vous la refuser
TROTS DISCOURS SUR LA CONDITION DES GRANDS 355
avec justice; mais, si vous ne le faisiez pas, vous seriez injuste
de me la demander; et assurément vous n'y réussiriez pas,
fussiez-vous le plus grand prince du inonde.
III.
Je vous veux faire connaître, monsieur, votre condition vé-
ritable; car c'est la chose du monde que les personnes de votre
sorte ignorent le plus. Qu'est-ce, à votre avis, que d'être grand
seigneur? C'est être maître de plusieurs objets de la concupis-
cence des hommes, et ainsi pouvoir satisfaire aux besoins et
aux désirs de plusieurs. Ce sont ces besoins et ces désirs qui les
attirent auprès de vous, et qui font qu'ils se soumettent à vous;
sans cela, ils ne vous regarderaient pas seulement. Mais ils
espèrent, par ces services et ces déférences qu'ils vous rendent,
obtenir de vous quelque part de ces biens qu'ils désirent et
dont ils voient que vous disposez.
Dieu est environné de gens pleins de charité, qui lui deman-
dent les biens de la charité qui sont en sa puissance : ainsi il
est proprement le roi de la charité. Vous êtes de même envi-
ronné d'un petit nombre de personnes, sur qui vous régnez en
votre manière. Ces gens sont pleins de concupiscence. Ils vous
demandent les biens de la concupiscence ; c'est la concupiscence
qui les attache à vous. Vous êtes donc proprement un roi de
concupiscence. Votre royaume est de peu d'étendue, mais vous
êtes égal en cela aux plus grands rois de la terre : ils sont
comme vous des rois de concupiscence. C'est la concupiscence
qui fait leur force, c'est-à-dire la possession des choses que
la cupidité des hommes désire.
Mais en connaissant votre condition naturelle , usez des
moyens qu'elle vous donne, et ne prétendez pas régner par
une autre voie que par celle qui vous fait roi. Ce n'est point
votre force et votre puissance naturelle qui vous assujettit tou-
tes ces personnes. Ne prétendez donc point les dominer par
la force, ni les traiter avec dureté. Contentez leurs justes dé-
sirs, soulagez leurs nécessités, mettez votre plaisir à être bien-
faisant; avancez-les autant que vous le pourrez, et vous agirez
en vrai roi de concupiscence.
Ce que je vous dis ne va pas bien loin, et, si vous en demeu-
356 OPUSCULES DE PASCAL
rez là, vous ne laisserez pas de vous perdre ; mais au moins
vous vous perdrez en honnête homme. Il y a des gens qui se
damnent si sottement, par l'avarice, par la brutalité, par les
débauches, par la violence, par les emportements, par les blas-
phèmes! Le moyen que je vous ouvre est sans doute plus
honnête; mais, en vérité, c'est toujours une grande folie que de
se damner; et c'est pourquoi il ne faut pas en demeurer là. 11
faut mépriser la concupiscence et son royaume, et aspirer à ce
royaume de charité, où tous les sujets ne respirent que la cha-
rité, et ne désirent que les biens de la charité. D'autres que moi
vous en diront le chemin ; il me suffit de vous avoir détourné
de ces vies brutales où je vois que plusieurs personnes de votre
condition se laissent emporter , faute de bien connaître l'état
véritable de cette condition.
REMARQUES SUR LES DISCOURS SUR LA CONDITION
DES GRANDS.
Cesdiscours sont pleins d'idées particulières à Pascal et qui se retrou-
vent dans les Pensées. On a vu là cette île inconnue où l'homme est
jeté (art. xi, 8); cette double pensée ou pensée de derrière (v, 9; xxiv,
90); cette négation du droit de propriété (vi, 7 bis et 50); cette illusion
que se fait le peuple ou le grand nombre (v, 2, etc.); ces respects d'éta-
blissement si peu sérieux (v, 6 et 11 ; vi, 10, 37; xxv, 119). Cependant
certaines choses qui, dans les Pensées, paraissent déjà indiscrètes et
hasardées, semblent l'être encore davantage ici.
« Cet ordre n'est fondé que sur la seule volonté des législateurs, qui
ont pu avoir de bonnes raisons, mais dont aucune n'est prise d'un droit
naturel que vous ayez sur ces choses. S'il leur avait plu d'ordonner
que ces biens, après avoir été possédés par les pères durant leur vie,
retourneraient à la république après leur mort, vous n'auriez aucun
sujet de vous en plaindre. »
Pascal oublie que, pour qu'on n'ait pas à se plaindre, il ne suffit pas
qu'il plaise aux législateurs de faire ainsi ; il faut encore qu'ils aient
de bonnes raisons, comme lui-même vient de dire. Tradition ou para-
doxe, rien ne peut plus se justifier aujourd'hui que par les bonnes rai-
sons. Les systèmes, vieilleries ou nouveautés, auxquels manqueraient
les raisons, il faudrait les laisser tomber sans les défendre.
REMARQUES SUR LES DISCOURS SUR LES GRANDS o.r>7
Quand Pascal établit que les grands sont, des rois de concupiscence et
qu'il en conclut qu'ils ne doivent pas régner par une autre voie que par
celle qui les a faits rois, c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas être durs,
mais satisfaire de leur mieux la concupiscence de ceux qui les servent,
quoi qu'on doive penser de ce conseil, il contredit ce que Pascal lui-
même a dit ailleurs. Il soutient, en effet, que la soumission des hom-
mes aux puissants est encore plus fondée sur la crainte des maux que
sur le désir des biens (voy. v, 13) : d'où il s'ensuivrait que, quand ils
régnent par la dureté et la force, c'est-à-dire par la crainte, ils ré-
gnent plus que jamais par la voie qui les fait rois.
L'originalité de Pascal éclate dans des traits tels que ceux-ci :
« Votre âme et votre corps sont d'eux-mêmes indifférents à l'état de
batelier ou à celui de duc. » — « Il n'est pas nécessaire, parce que vous
êtes duc, que je vous estime, mais il est nécessaire que je vous salue. »
— « Vous ne laisserez pas de vous perdre, mais au moins vous vous
perdrez en honnête homme [en galant homme}. Il y a des gens qui se
damnent si sottement! etc. »
Mais son génie est surtout dans ce singulier mélange d'un scep-
ticisme qui semble tout détruire, et d'un dogmatisme qui acquiesce
à tout. Il passe du plus grand mépris au plus grand respect, à l'égard
des choses établies; il sape les fondements de l'édifice, et ne prétend
pas qu'on en dérange une seule pierre. Vous n'avez droit à rien, dit-il,
par la nature et la raison ; et ensuite : Vous avez droit à tout par la
volonté de Dieu. Il les gourmande, il les gronde, il les maltraite; cha-
cune de ses paroles les humilie; il les salue ironiquement du nom de
rois de concupiscence; mais il ne lui vient pas même en pensée de se
demander si, en effet, c'est bien Tordre de Dieu et la loi du genre
humain, que quelques hommes régnent ainsi sur la concupiscence des
autres hommes, et disposent selon leurs caprices des objets du désir de
tous. Il juge le présent, il n'en est pas dupe, ou du moins pas à la
façon vulgaire ; c'est assez pour lui, et il ne va pas plus loin : il n'a sur
l'avenir ni un pressentiment ni un vœu. Et la portée de sa morale ne
dépasse pas celle de sa politique. S'il avait cru à la raison et à la jus-
tice, voici ce qu'il pouvait dire aux grands : Les hommes respectent
votre grandeur, ils ne le feront pas longtemps, si vous ne la leur faites
paraître respectable ; et le seul moyen qu'elle le paraisse, c'est que là où
est la supériorité du rang et de la fortune, vous mettiez aussi la supé-
riorité de l'intelligence, du dévouement et des services. Au lieu de croire
donc qu'il y a deux sortes de grandeurs qui n'ont rien de commun
l'une avec l'autre, et que les grandeurs d'établissement ne dépendent
que de la volonté des hommes, croyez au contraire que les grandeurs
358 OPUSCULES DE PASCAL
d'établissement n'ont pu avoir leur raison que clans les grandeurs na-
turelles, qui seules les peuvent soutenir. Soyez donc les véritables
grands de votre patrie : voilà vos devoirs en un mot. Au lieu de cela,,
que dit-il ? Répandez l'argent autour de vous, répandez les grâces, fai-
tes qu'on se trouve bien de vous faire la cour : voilà à quelles conclu-
sions aboutit, dans l'ordre purement moral, une prédication en appa-
rence si hardie; et cette conclusion bien humble, il ne trouve pas même
un raisonnement rigoureux pour l'étayer. Je ne doute pas cependant
que ces discours n'aient produit, au temps où ils ont paru, une im-
pression profonde; mais je crois que, comme il arrive souvent à Pascal,
sa force a été surtout dans la partie critique et négative de ses idées.
C'est là qu'il est tout-puissant, que sa logique est irrésistible, son
ironie impitoyable, son sang-froid accablant ; c'est là qu'il trouve de
ces traits qui s'enfoncent si bien, qu'il n'y a pas moyen de les arracher
et qu'ils restent au fond de la blessure. L'esprit d'égalité et d'indé-
pendance, déjà répandu partout, quoiqu'il n'éclatât pas encore,se nour-
rissait d'autant plus avidement de ces mots terribles, qu'ils n'éveil-
laient point de scrupule, sortant du sein d'une foi si profonde. Le nom
de Dieu obligeait à la soumission extérieure, mais il autorisait la ré-
volte du dedans. On voulait bien honorer les grands, mais on avait le
plaisir de leur dire en face qu'ils n'avaient aucun droit par eux-mêmes
d'être honorés. Ainsi, l'ordre établi n'ayant plus de racines dans la
terre, et demeurant seulement comme suspendu au haut du ciel par la
chaîne mystique de la foi, il devait suffire un jour, pour tout emporter,
qu'un anneau de cette chaîne vînt à se détacher sous l'effort du doute.
ADDITIONS ET CORRECTIONS
Page 34, à la fin. — (Remarque sur le fragment 12) : « La merveille de
rétablissement du christianisme avait été exposée par Balzac dans le
Socrate chrétien. »
Voici deux passages du troisième Discours : « Il ne paraît rien ici de
l'homme, rien qui porte sa marque et qui soit de sa façon. Je ue vois rien
qui ne me semble pins qne naturel dans la naissance et dans le progrès
de cette doctrine. Les ignorants l'ont persuadée aux philosophes. 13e pauvres
pêcheurs ont été érigés en docteurs des rois et des nations, en professeurs
de la science du ciel. Ils ont pris dans leurs filets les orateurs et les poètes,
les jurisconsultes et les mathématiciens.
« Cette république naissante s'est multipliée parla chasteté et parla mort,
bien que ce soient deux choses stériles et contraires au dessein de multiplier.
Ce peuple choisi s'est accru par les pertes et par les défaites : il a combattu,
il a vaincu étant désarmé. Le monde en apparence avait ruiné l'Eglise, mais
elle a accablé le monde sous ses ruines. La force des tyrans s'est rendue au
courage des condamnés. La patience de nos pères a lassé toutes les mains,
toutes les machines, toutes les inventions de la cruauté...
«Je ne m'étonne point que les Césars aient régné, et que le parti quia
été victorieux ait été le maître. Mais si c'eut été le vaincu à qui l'avantage
fût demeuré ; si les déroutes eussent fortifié Pompée et rétabli sa fortune; si
les proscriptions eussent grossi le parti d'un mort et lui eussent fait naître
des partisans; si un mort lui-même, si une tête coupée eût donné des lois à
toute la terre, véritablement il y aurait de quoi s'étonner d'un succès si
éloigné du cours ordinaire des choses humaines. Je trouverais étrange
qu'après la bataille de Pharsale et plusieurs autres batailles décisives de
l'empire, les amis de Pompée eussent été empereurs de Rome, à l'exclusion
de l'héritier de César. J'aurais de la peine à croire, quand le plus véritable
et le plus religieux historien de Rome me le dirait, que des gens eussent
triomphé autant de fois qu'ils furent battus, qu'une cause si souvent perdue
eût toujours été suivie. Au moins me semble-t-il que ce n'est pas bien le
droit chemin pour arriver à l'empire, et que d'ordinaire on se sert de tout
autre moyen pour obtenir le triomphe. Ce n'est pas la coutume des choses du
monde que les bons succès ne servent de rien, que la victoire soit discréditée,
et que le gain aille aux malheureux.
« Nous voyons pourtant ici cet événement irrégulier, et directement
opposé à la coutume des choses du monde. Le sang des martyrs a été fertile,
et la persécution a peuplé le monde de chrétiens. Les premiers persécuteurs,
voulant éteindre la lumière qui naissait et étouffer l'Eglise au berceau, ont
été .contraints d'avouer leur faiblesse après avoir épuisé leurs forces. Les
autres qui l'attaquèrent depuis ne réussirent pas mieux en leur entreprise :
et bien qu'il y ait encore en la nature des choses, des inscriptions qu'ils
ont laissées : pour avoir purgé la terre de la nation des chrétiens, pour
avoir aboli le nom chrétien en toutes les parties de l'empire, l'expérience
nous fait voir qu'ils ont triomphé à faux, et leurs marbres ontété menteurs.
Ces superbes inscriptions sont aujourd'hui les monuments de leur vanité, et
non de leur victoire; l'ouvrage de Dieu n'a pu être défait par la main des
hommes. Et disons hardiment, à la gloire de notre Jésus-Christ et à la honte
de leur Dioclétien : Les tyrans passent, mais la vérité demeure... »
Dans ces brillantes considérations, on ne peut s'empêcher de remarquer
que Balzac s'étonne de la révolutic chrétienne en homme qui ne sait
ce que c'est que révolution. 11 oublie qu'entre Pontius Pilatus et Cons-
360 ADDITIONS ET CORRECTIONS
tantin il s'était écoulé environ trois siècles. Il n'en a pas fallu autant,
à beaucoup près, en France pour passer de la royauté triomphante de
Louis XIV à la République.
Page 43, 1. 16 : « Mahomet en défendant de lire. » — Je trouve ce
même parallèle dans un discours prononcé en 1471 par un envoyé du pape
Paul II devant l'empereur Frédéric 111 : « Mahomet détourne les hommes
de l'étude de la philosophie et des recherches qui ont pour objet la connais-
sance de vérité... Le Christ, au contraire, à peine âgé de douze ans, disputa
dans le Temple avec les pharisiens sur la Loi et sur les mystères. » Henri
Vast, Le cardinal Bessariofi, 1878, p. 394, en note.
Ce n'est là qu'un préjugé, que M. Garcin de Tassy, si bon chrétien, a
réfuté toutes les fois qu'il en a eu l'occasion. Voir notamment son Discours
d'ouverture du 3 décembre 1866, p. 39 : « C'est une grande erreur de croire
que les musulmans sont ennemis de la science. Mahomet a dit, d'après un
hadis : L'encre dos savants est plus précieuse que le sang des martyrs. »
Page 83, 1. 23 : « Elic, Enoch. » — Au sujet du Livre d'Enoch, voir
mon ouvrage, le Christianisme et ses origines, t. III, p. 370 et 504.
Page 95, à la fin : « Cachot. » — Pour expliquer ce mot, se reporter au
fragment IX, 4, t. I, p. 142.
Page 97, ligne 12 : « Des œufs, sans coq. » — Tertullien, Adversus
V aient isianos, 10 : « Miraris haec! Et gallina sortita est de suo parère. »
Tertullien ne voulait que se moquer de la génération mystique d'Enthy-
mésis ou la Pensée, née de Sophia ou la Sagesse, suivant les Valentiniens,
qui ne lui donnaient pas de père, mais l'argument est pris au sérieux et
appliqué à la Vierge par Origène, Contre Celse, I, 37.
Page 121, I. 19-20 : « Pour la faire servir au bien public. » — Ce frag-
ment et les deux suivants, qui manquent dans l'édition de Port-Royal et
dont le premier seulement a été donné par Rossut (2e partie, xvu, 97), s'éclai-
rent et se complètent par les passages suivants de Nicole (De la Grandeur,
lre partie, ch. vi) :
« Les hommes étant vides de charité par le dérèglement du péché, demeu-
rent néanmoins pleins de besoins et sont dépendants les uns des autres dans
une infinité de choses. La cupidité a donc pris la place de la charité pour
remplir ces besoins, et elle le fait d'une manière que l'on n'admire pas assez,
et où la charité commune ne peut atteindre...
« Il n'y a rien dont on tire de plus grands services que de la cupidité
même des hommes. Mais afin qu'elle soit disposée à les rendre, il faut qu'il
y ait quelque chose qui la retienne; car si on la laisse à elle-même, elle n'a
ni bornes ni mesures... Il a donc fallu trouver un art pour régler la cupidité, et
cet art consiste dans l'ordre politique, qui la retient par la crainte de la peine,
et qui l'applique aux choses qui sont utiles à la société. C'est cet ordre qui
nous donne des marchands, des médecins, des artisans, et généralement tous
ceux qui contribuent aux plaisirs et qui soulagent les nécessités de la vie...
« L'ordre politique est donc une invention admirable que les hommes
ont trouvée, pour procurer à tous les particuliers les commodités dont les
plus grands rois ne sauraient jouir, quelque nombre d'officiers qu'ils aient
et quelques richesses qu'ils possèdent, si cet ordre était, détruit...
« Mais ce qui rend la plupart des gens insensibles à tout cela, est un
principe de vanité et d'ingratitude qu'ils ont dans le cœur; ils tirent en
etîet les mêmes avantages de tous ceux qui travaillent pour le public, dans
lequel ils sont compris, que s'ils ne travaillaient que pour eux seuls; leurs
lettres sont également portées aux extrémités du monde par un courrier
qui en porte dix mille que s'il n'en portait, qu'une seule; ils sont aussi bien
traités par un médecin qui en voit plusieurs autres, que s'il n'était attaché
qu'à eux... Néanmoins, parce qu'ils savent qu'ils ne sont pas les seuls qui
jouissent de ces biens, ils n'en sont pas louches..., et ils croient n'avoir
d'obligation à personne, parce qu'il y a une infinité de gens qui, participant
aux mêmes biens, partagent avec eux cette obligation. »
Mme de Sévigné, dans une Lettre à sa fille du 12 juillet 1671, a par dis-
traction mis au compte de Pascal ce chapitre de Nicole, dont il avait tout
au plus fourni peut-être l'idée fondamentale. Cet endroit de la lettre est
trop piquant pour ne pas le citer en entier.
ADDITIONS ET CORREC1 IONS 361
« Nous avons commencé la Munir (les Essais de Morale de Nicole);
c'est de la môme étoffe que Pascal. A propos de Pascal, je suis en fantaisie
d'admirer l'honnêteté de ces messieurs les postillons, qui sont incessam-
ment sur les chemins pour porter et reporter nos lettres; enfin il n'y a jour
dans la -cm aine qu'ils n'en portent quelqu'une à vous et à moi; il y en a tou-
jours et à toutes les heures par la campagne : les honnêtes gens ! qu'ils sont
obligeants! el que c'esl une lionne invention que la poste, el un bel effet de
la l'rov idenceq le la cupidité! J'ai quelquefois envie de leur écrire pour leur
témoigner ma reconnaissance, et je crois que je l'aurais déjà fait, sans que
je me souviens 'I.' ec chapitre de Pascal, et qu'ils ont peut-être envie de me
remercier de ce que j'écris, comme j'ai envie de les remercier de ce qu'ils
portent mes lettres : voilà une helle digression. » (Lettres, édit. Hachette,
fn-8, t. Il, p. 276.)
Cette distraction de Mme de Sévigné n'est d'ailleurs pas peut-être tout
à t'ait involontaire; car dans une lettre à sa fille (du 23 septemhre de la
même année; elle dit à propos de la même Morale de Nicole : « Je trouve
ce livre admirable. Personne n'a écrit sur ce ton que ces Messieurs, car je
mets Pascal de moitié à tout ce qui est beau. » (IbicL, p. 369).
Page 129, 1. 2 et 3 : « Dans la personne de Galilée. » — On lit dans la
Revue de l'Instruction publique du 8 novembre 18G6, sous la signature
A. Morel, au sujet d'un livre intitulé : Galilée, sa vie, ses découvertes et ses
travaux (par le docteur Max. Parchappe), les réflexions suivantes :
«. Peut-être n'a-t-on pas remarqué suffisamment le vif souvenir que Galilée
a obtenu de Pascal. L'opuscule de l'auteur des Provinciales que l'on intitule
ordinairement De l'autorité en matière de philosophie, cette réclamation si
ferme des droits de la science dans le domaine qui lui est propre, cette
revendication qui parait singulièrement hardie quand on lacompare aux pré-
cautions du discours de la Méthode, qu'est-ce autre chose qu'un résumé de
la lettre justificative adressée en 1615 par Galilée à la grande-duchesse Chris-
tine? Imprimée pour la première fois en 1636, à Strasbourg, elle paraît à
celte date, croirait-on, [tour mettre la franchise de Galilée en regard des
rves de Descartes. « Il me semble, — osait écrire le philosophe précur-
« seur, — que dans la discussion des problèmes naturels, on ne devrait pas
* prendre pour point de départ l'autorité des textes de l'Ecriture, mais les
« expériences sensibles et les démonstrations nécessaires... Qui donc voudrait
« poser des bornes au génie de l'homme? Qui oserait affirmer qu'on a déjà
« vu et su tout ce qu'il y a au monde de visible et d'intelligible?... Dans les
« sciences démonstratives on n'est pas maître de changer d'opinion à volonté,
« et on ne commande pas la conviction à un mathématicien et à un philosophe
« sur les phénomènes de la nature et du ciel, comme à un marchand et à un
« légiste sur ce qui est licite dans un échange ou un contrat. » (P. 120-135.)
« Par ces belles paroles, au moins autant que par ses découvertes, Galilée
est plus que le continuateur de Copernic et de Nicolas de Cusa, plus qu'un
rénovateur, il se montre l'apôtre et le libérateur de la science. »
Page 138, après la 1. 35, ajouter : Louis Racine, dans une note sur le
v. 299 du IVe chant de son poème de la Religion, a justifié Pascal contre
une critique de cette phrase par Voltaire. Mais on voit que l'attaque et la
défense portaient également sur un texte faux, et qui donnait un sens assez
différent à la pensée de Pascal.
En rabaissant les traditions chinoises, Pascal a encore affaire aux Jé-
suites. Dans ce temps-là précisément les Jésuites étaient vivement attaqués
à Rome pour les complaisances que leurs ennemis leur imputaient à l'égard
de l'idolâtrie dans la Chine et aux Indes. Il y eut même des décisions ro-
maines, cette fois fort approuvées de Port-Royal, contre la tolérance de
leurs missionnaires : Pascal a touché à ce sujet dans la cinquième Provin-
ciale, (Voir aussi le chapitre xxxix du Siècle de Louis XIV par Voltaire.) Le
P. Martini, l'auteur de V Historia Sinica, fut même mêlé à ce débat théo-
logique. De là L'importance et l'irritation qu'on sent dans ces mots adressés
aux interprètes complaisants des histoires chinoises: « Je ne crois que les
histoires dont les témoins se feraient égorger. »
Page 118, 1. 24 et 25 : « Comme les animaux. » — Il semble que ces
mots indiquent que les animaux, suivant Pascal, font certaines choses qui
peuvent faire dire qu'ils ont de la volonté. Emile Saissct l'a entendu autre-
362 ADDITIONS ET CORRECTIONS
ment : il croit que Pascal veut dire que la machine, qui ne fait rien qui
puisse faire dire qu'elle a de la volonté, est comme les animaux en cela
même Pascal resterait ainsi plus fidèle à l'opinion de Descartes, qu'il avait
en effet adoptée. Voir pages 151-152 et p. 148.
Page 158, fragment 41. — J'ai mis entre guillemets les mots : Jésus-Christ
rédempteur de tous, dans la supposition que Pascal traduisait ici le vers
latin cité dans la note 2. Autrement j'aurais dû plutôt renvoyer à I 77m.,
n, 6 (cf. II Cor., v. 14, etc.). La théologie de Port-Royal sur cette question
est expliquée dans les Instructions sur le Symbole, par Nicole. Voir la sec-
tion vi de la IIIe Instruction, qui a pour titre : De la réprobation, et prin-
cipalement le vie et dernier chapitre : Comment Jésus-Christ est mort pour
les réprouvés.
Page 159, fragment 16. — Cette pensée a été répétée ici mal à propos.
Elle se trouve déjà t. I, p. 194. — De même le fragment 186, p. 200, se
trouve déjà t. I, p. 193.
Page 180, 1. 11 : « L'origine de cette tradition vient du xvie chapitre du
IVe livre d'Esdras. »
Ce livre apocryphe, dont le texte grec est perdu, s'était conservé dans
une version latine. Le docteur Richard Laurence en a publié à Oxford en
1820 une version éthiopienne inédite, sensiblement différente, avec la tra-
duction en latin et en anglais. Il y a aussi une version arabe. L'ouvrage
parait avoir élé composé au temps de Domilien, mais il est censé écrit par
Esdras sous Artaxercc. Comme il ne se trouve pas dans les Bibles françaises
ordinaires, je crois utile de donner ici le passage auquel se rapporte la note
de Pascal.
« Et je répondis, et dis devant toi, Seigneur : J'irai ainsi que tu m'as
commandé, et je reprendrai le peuple d'à présent: mais ceux qui naîtront
après nous, qui les reprendra?... Car ta Loi est brûlée : de sorte que per-
sonne ne sait ce que tu as fait, ni ce que tu dois faire encore. Mais si j'ai
trouvé grâce devant toi, envoie-moi ton Esprit saint, afin que j'écrive tout
ce qui a, été fait dans le monde depuis le commencement, et qui était écrit
en ta Loi; pour que les hommes puissent trouver leur route, et que ceux
qui voudront vivre aux derniers temps vivent en effet. Et il me répondit :
Va, assemble ton peuple, et lui défends qu'il ne te cherche de quarante
jours. Puis apprête des tablettes, et prends avec toi les cinq que voici, qui
ont la main prompte à écrire, à savoir : Saréa, Dabrias, Salcmias, Echanus
et Asiel, et viens-t'en ici où j'allumerai en ton cœur une lumière d'enten-
dement, laquelle ne sera point éteinte jusqu'à ce que les choses que lu
commenceras à écrire soient achevées. Puis, ayant achevé le tout, tu en
publieras une partie, et communiqueras le reste secrètement aux sages, et
tu commenceras demain à cette heure à écrire...
« Et je pris ces cinq ainsi qu'il m'avait commandé, et nous nous en
allâmes au champ et y demeurâmes. Et le lendemain venu, voici une voix
qui m'appela en disant : Esdras, ouvre ta bouche, et bois ce que je te don-
nerai à noire. J'ouvris ma bouche et un vase plein me fut présenté. Ce qui le
remplissait était comme de l'eau, mais la couleur en était semblable au feu
Je le pris et l'ayant bu, mon cœur fut troublé par le travail.de la pensée,
et la sagesse entrait en moi peu à peu. Lors ma bouche fut ouverte et ne
fut plus fermée. Le Très-Haut donna entendement aux cinq, et ils écri-
virent ce qui leur était dicté, et qu'ils ne savaient point. Ils prenaient leui
réfection le soir, je parlais tout le jour et ne me taisais point la nuit. El
furent écrits, pendant quarante jours, quatre-vingt-quatorze livres. » J'ai
modifié les derniers versets d'après la version du docteur Laurence, qui
paraît meilleure.
Page 292, 1. 4 : « Identité de numéro. » — Sur l'identité de numéro,
voir Aristote, Topica, 1, v. 2. Quant à l'ensemble de cet article, le meilleur
argument que je puisse en donner est de renvoyer à M. Bouillier, Histoire
de la philosophie Cartésienne, 3e édition, 1868, t. I, p. 447 et suivantes
(chap. xxi), et particulièrement à la Lettre de Descartes citée à la p. 454.
Page 222. —Ajoutez ici l'alinéa suivant : Pascal n'avait pas lu seulement
les évangiles pour l'édification ; il en avait fait une étude suivie et détaillée,
comme en témoigne un Abrégé de la vie de Jésus-Christ, que M. Faugère a
AUDITIONS ET CORRECTIONS 363
publia pour la première fois en i I pèce de concordance des
évangiles en français, où toute la vie de Jésus-Christ, est. distribuée en
35» versets, précédés d'une courte préface, qui se termine par ces paroles :
«_Orce que les evangélistes ont écrit, pour des raisons qui ne sont peut-
être pas toutes connues, dans un ordre où ils n'ont pas toujours eu égard
à la suite des temps, nous le rédigeons ici dans la suite des temps, en rap-
portant chaque verset de chaque évangéliste dans l'ordre auquel la chose
«1 ni y esl écrite est arrivée, autant que notre faiblesse nous l'a pu permettre.
Si le lecteur y trouve quelque chose de bon, qu'il en rende grâce à Dieu,
seul auteur de tout bien, et ce qu'il y trouvera de mal, qu'il le pardonne
à mou infirmité '. »
Page 266, note 1. — M. Ch. Thurot {Recherches historiques sur le
principe d'Archimcde, 1869, p. 72) a montré que je m'étais trompé dans
cette note en rapportant à un Traité du Vide les paroles de la lettre de
Pascal à M. Ribeyre, qui se rapportent en réalité, comme il l'a fait voir,
à son Traité de la pesanteur de la masse de l'air. Voir la conclusion de
ce Traité.
1. C'est à la suite de cet écrit que M. Faugère a publié le Testament de Pascal. Voir
• , p. xxxi, note 2.
CONCORDANCE
(voir l'avant-propos en tête DU TOME 1er)
Art. xvi
d, p. 459 — 1 bis, p. 51 — 2, p. 123 — 3 p. 110 — 4, p. 43 — 5, p. 382
— 6, p. 253 — 7, p. 15 — 8, p. 29 - 8 bis, p. 29 — 8 ter, p. 15 — 9, p.
5 — 10, p. 49 — 10 bis, p. 255.
11, p. 253 — 12, p. 31 — 13, p. 35 — 14, p. 35 — 15, p. 33 — 16, p. 33
— 16 bis, p. 37 — 16 ter, 37.
Art. xvii
7,
1, p. 53 — 2, p. 55 — 3, p. 277 — 4, p. 59 — 5, p. 49 — 6, p. 61
p. 467, — 9, p. 61 — 10, p. 485 — 11, p. 61 - 12, p. 227.
Art. xvui
I, p. 167 — 2, p. 167 — 3, p. 405 — 4, p. 199 — 5, p. 59 — 6, p. 165 — 7,
p. 165, — 8, 398 — 9, p. 232 — 10, p. 197.
II, p. 232 — 12, p. 90 — 13, p. 222 — 14, p. 222 — 15, p. 37 — 16, p.
37 _ 17? p. 37 _ 18, p. 77 — 19, p. 487 — 20, p. 19 — 21, p. 229 — 22,
p. 195.
Les traductions reproduites dans mes Remarques (p. 30) sont aux pages
309, 289, 293, 295 de l'autographe.
Art. xix
1, p. 489 — 1 bis, p. 55 — 2, p. 51 — 2 bis, p. 61 — 3, p. 193 — 4, p.
49 — 4 bis, p. 53 - 4 ter, p. 59 — 5, p. 11 — 5 bis, p. 75 — 6, p. 485 —
7, p. 55—7 bis, p. 467 — 8, p. 31 — 9, p. 465 — 9 bis, p. 457 — 10, p.
57 — 10 bis, p. 467.
Art. xx
p. 27 — 8, p. 57,
16, p. 45 — 18, p. 153
Art. xx
I, p. 326 — 3, p. 443 — 5, p. 443 — 6, p. 237 - 7,
9, p. 47 — 10, p. 47.
II, p. 17 - 12, p. 167 - 13, p. 57 — 15, p. 59 — 16,
19, p. 45.
Art. xxi
1, p. 239.
Art. xxu
1, p. 25 - 2, p. 206 - 5, p. 416 — 7, p. 151 - 8, p. 491 - 9, p. 185.
ADDITIONS ET HODUKCTIONS 368
p'. 113 — 40, p!
265.
41, p. 221 — 42, p. 485 — 43, p. 51 — 44, p. 119 - 45, p. 205 - 46, p.
159 — 46 ter, p. 447 — 47, p. 344 — 48, p. 77 — 49, p. 127 — 50, p. 61.
52, p. 125 — 53, p. 4 — 53 bis, p. 229 — 54, p. 7 — 55, p. 481 — 56, p.
8 — 56 bis, p. 11 — 57, p. 1 — 57 bis, p. 65 — 57 ter, p. 73 — 58, p. 63 —
59, p. 149 — 59 bis, p. 149 — 59 ter, p. 149 — 60, p. 265 — 60 bis, p. 199
— 60 ter, p. 199.
61, p. 232 — 61 bis, p. 191 — 61 ter, p. 9Ï - 62, p. 93 — 63, p. 85 —
65, p. 129 — 66, p. 99 — 66 bis, p. 100 — 67, p. 201 — 69, p. 104 — 70, p.
90.
71, p. 483 — 72, p. 429 — 73, p. 429 — 74, p. 433 — 75, p. 109 - 76, p.
123 — 77, p. 123 — 78. p. 123 — 79, p. 107 — 80, p. 407 — 80 bis, p. 232
— 80 ter, p. 405.
81, p. 465 — 81 bis, p. 47 — 82, p. 27 — 83, p. 449 — 83 bis, p. 343 —
84, p. 251 - 85, p. 437 — 86, p. 213 — 87 bis, p. 142 — 88, p. 130 — 89, p.
83 — 89 bis, p. 251 — 90, p. 231 — 90 bis. p. 163.
91, p. 142 — 92, p. 142 — 93, p. 249 — 94, p. 12 — 95, p. 427 — 96, p.
169 — 96 bis, p. 169 — 97, p. 17 - 98, p. 63 — 99, p. 47 — 100 bis, p. 152
— 100 ter, p 415 — 101, p. 61.
59 — 6, p. 440
14, p. 420 —
25, p. 130 - 25 bis,
27, p. 277 — 28,
Art. xxv
I, p. 103 — 2, p. 229 — 3, p. 225 — 4, p. 420 — 5, p. 1
7, p. 440 — 8, p. 431 — 9, p. 423 — 10, p. 423.
II, p. 229 — 11 bis, p. 201 — 12, p. 427 — 13, p. 127 •
16, p. 67 — 17, p. 23 — 19, p. 402 — 20, p. 41.
21. p. 489 — 22, p. 163 — 23, p. 193 — 24. p. 431 — 25, p
p. 130 — 25 ter, p. 441 — 26, p. 47 — 26 bis, p. 485 — 2*
p. 23 — 29, p. 8 — 30, p. 265.
31, p. 393 — 32, p. 416 - 32 bis, p. 47 — 33 bis, p. 63 — 34, p. 447
34 bis, p. 423 — 35, p. 331 — 36, p. 23 — 37, p. 73 — 38, p. 4 — 39, p
— 39 bis, p. 8 — 40, p. 142.
41, p. 344 — 42, p. 485 — 43, p. 197 — 44, p. 89 — 45, p. 27 —
163 — 47, p. 24i — 48, p. 270 — 49, p. 273 - 50, p. 461.
51, p. 409 — 52, p. i5 — 53, p. 402 — 54, p. 90 — 54 bis, p. 419
p. 121 — 55 bis, p. 121 — 57, p. 427 — 58, p. 437 — 60, p. 73.
61, p. 453 — 61 bis, p. 449 — 62, p. 427 — 63. p. 73 — 64, p.
65, p. 435 - 66, p. 69 — 67, p. 412 — 68, p. 441 — 69, p. 441 —
104. n. 24
i, p. 8
46, p.
55,
366 ADDITIONS ET CORRECTIONS
71, p. 142 - 72, p. 67 — 73, p. 99 — 74, p. 123 — 75, p. 123 — 76. p.
415 _ n, p. 435 — 78, p. 153 — 79, p. 469 — 80, p. 61 — 80 bis, p. 394
— 80 ter, p. 81.
81, p. 81. — 83, p. 47 — 85, p. 73 — 86, p. 165 — 87, p. 465 — 88, p.
41.
91, p. 4, 8 — 92, p. 63 — 92 bis, p. 440 — 92 ter, p. 461 — 93, p. 467 —
93 bis, p. 51 — 94, p. 270 — 94 bis, p. 169 — 94 ter, p. 123 — 95, p. 401
— 97, p. 4 — 98, p. 394 - 99, p. 130 — 99 bis, p. 442 — 100, p. 225.
101, p. 43 — 102, p. 79 —103, p. 81 — 104, p. 249 — 105, p. 97 — 106,
p. 439 — 107, p. 90 — 108 bis, p. 29 — 109, p. 29 — 109 bis, p. 485 — 110,
p 485.
111, p. 45 — 111 bis, p. 15 — 112. p. 89 — 113, p. 89 — 114, p. 99 —
115, p. 99 — 116, p. 393 — 117, p. 412 — 118, p. 65 — 118 bis, p. 130 —
119, p. 163 — 120, p. 83.
121, p. 201 — 122, p. 49 — 123, p. 201 — 124, p. 169 — 125, p. 107 —
126, p. 85 - 127, p. 107 — 128, p. 225 — 129, p. 223 — 130. p. 143 —
130 bis, p. 143.
131, p. 415 - 132, p. 125 — 133, p. 12 — 134, p. 205 — 135, p. 205 —
136, p. 374 — 137, p. 485 — 138, p. 442 — 139, p. 119 - 140, p. 491.
141, p. 247 — 142, p. 411 — 144, p. 267 — 145, p. 202 — 146, p. 463 —
147, p. 471 — 148, p. 455 — 149, p. 119 — 150, p. 125.
151, p. 469 — 152, p. 31 — 153, p. 19 — 154, p. 39 — 155, p. 270 — 156,
p. 8 — 157, p. 90 — 158, p. 57 — 159, p. 117 — 160, p. 221.
161, p. 270 — 162, p. 39 — 163, p. 442 — 165, p. 398 — 166, p. 222 —
167, p. 167 — 168, p. 339 - 169, p. 329, 333 — 170, p. 171, 189.
171 bis, p. 113 — 172, p. 232 — 173, p. 374 — 174, p. 61 — 175, p. 91 —
176, p. 485 — 177, p. 255 — 178, p. 159 — 179, p. 453 — 180, p. 115.
181, p. 85 — 182, p. 247 — 183, p. 398 — 184, p. 461 — 185, p. 491 —
186, p. 43 — 187, p. 429 — 188, p. 439 — 189, p. 104 — 190, p. 390 — 191,
p. 3S1 - 192, p. 142 — 193. p. 59 — 194, p. 141 — 195, p. 265 — 196, p.
19 — 197, p. 121 — 199, p. 27 — 200, p. 29.
201, p. 214 — 202, p. 402 — 203, p. 449 — 204, d. 343 — 205, p. 93 —
206, p. 163 — 208, p 442 — 209, p. 81
LISTE
DBS FRAGMENTS QUI MANQUENT DANS L'ÉDITION DE PORT-ROYAL.
Art. ivi — Fr. 5, 16 ter.
— xvn — Fr. 6-8.
— xviii — Fr. 15, 18-19.
— xx — Fr. 10.
— xxn — Fr. 1, 10.
— xxiii — Fr. 25-44.
— xxiv - Fr. 1-4, 6-11, 18, 19, 22, 36, 39 bis, 51, 59-59 bis, 60 bis, 60
ter, 61 ter, 101.
— xxv — Tous les fragments compris dans cet article étaient inédits
avant M. Cousin. Ceux qui composent les autres articles avaient été publiés
dans quelqu'une des éditions antérieures, et tous se retrouvent dansBossut.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME SECOND.
(Les indications entre parenthèses se rapportent aux Editions faites d'après Bossut.)
Art. xvi. (2e partie, art. ix : Des Figures; que l'ancienne loi était figu-
rative) !
Remarques sur l'article xvi il
Art. xvii. (2e partie, art. x : De Jésus-Christ) 15
Remarques sur l'article xvii 19
Art. xviii. (2e partie, art. xi : Preuves de Jésus-Christ par les Pro-
phéties) 21
Remarques sur l'article xvm 30
Art. xix. (2e partie, art. xn : Diverses preuves de Jésus-Christ). . 38
Remarques sur l'article xix. . 44
Art. xx. (2e partie, art. xm : Dessein de Dieu de se cacher aux uns et
de se découvrir aux autres) 47
Remarques sur l'article xx 52
Art. xxi. (2e partie, art. xiv : Que les vrais Chrétiens et les vrais
Juifs n'ont qu'une même religion) 56
Remarques sur l'article xxi 59
Art. xxii. (2e partie, art. xv : On ne connaît Dieu utilement que par
Jésus-Christ) C0
Remarques sur l'article xxii • 63
Art. xxiii. (2e partie, art. xvi : Pensées sur les Miracles) 66
Remarques sur l'article xxm 81
Art. xxiv. (2e partie, art. xvii : Pensées diverses sur la religion). . . 87
Remarques sur l'article xxiv • 127
Art. xxv : Pensées publiées depuis 1842 149
*- — Le Mystère de Jésus 206
Remarques sur l'article xxv 211
Opuscules de Pascal. — Prière pour demander à Dieu le bon usage
des maladies (2e partie, art. xix) 223
Remarques sur la Prière pour la maladie 232
Lettre sur la mort de M. Pascal le père [2* partie, art. xvm) . . . 235
Remarques sur la Lettre sur la mort, etc 241
Discours sur les Passions de l'amour • 250
Remarques sur le Discours sur les Passions de l'amour 262
370 TABLE DES MATIÈRES
Fragment d'an Traité da Vide (1" partie, art. i : De l'autorité en matière
de philosophie/ 266
Remarques sur le Fragment sur le Vide 273
De l'Esprit géométrique. Premier fragment (lre partie, art. n : Réfle-
xions sur la géométrie en général) 278
— Second fragment (lr# partie, art. in : De l'art de persuader). . . • 296
Remarques sur les deux fragments De l'Esprit géométrique. ..... 308
Sur la conversion du pécheur (à la suite de la 2e partie) 315
Remarques sur le fragment de la Conversion du pécheur 319
Comparaison des chrétiens, etc. (à la suite de la 2e partie) 321
Remarques sur la Comparaison des chrétiens 325
Extraits des Lettres à Mlle de Roannez (passim) 327
Remarques sur les Lettres à Mlle de Roannez 343
Trois discours sur la condition des Grands (lre partie, art. xn. '). . . 348
Remarques sur les Discours sur la condition des Grands 356
Additions 359
Concordance du manuscrit autographe 364
Liste des fragments qui manquent dans Port- Royal 367
1. L'article xi de la i'» partie, dans les Editions d'après Bossut (Sur Epictète et Mon-
taigne) a'est autre ihose que l'Entretien avec M. de ïact (voir mon Introduction, 38 par-
ie).
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU TOMB SECOND.
TABLE
ANALYTIQUE ET LEXIQUE
DES PENSÉES DE PASCAL
ET
TABLE DES NOMS PROPRES
POUR l/lNTRODUCTION ET LE COMMKNI'AIRK
AVIS
Ma première édition des Pensées se terminait par une Table des
Matières qui ne remplissait que treize pages. Cette nouvelle Table
analytique et lexique, beaucoup plus étendue et plus complète, a été
rédigée sur le même plan par M. Delzons, professeur au lycée Saint-
Louis, qui s'est aidé aussi de l'ancienne Table analytique refaite par
l'éditeur de 1819, et du Vocabulaire que M. Cousin a joint à son livre
sur les Pensées de Pascal. J'avais déjà beaucoup d'obligation à
M. Delzons pour la part qu'il a bien voulu prendre à l'édition tout
entière : il a revu la plus grande partie des épreuves et m'a fourni
souvent des indications ou proposé des observations utiles. Mais je
dois surtout le remercier, et j'espère aussi que le public lui saura
gré de la composition de cette Table, travail considérable dont il
s'est chargé sans y avoir d'autre intérêt que son zèle pour Pascal
et ses lecteurs, et son amitié pour moi .
J'ai joint à cette Table, pour le texte de Pascal, une table des
noms propres pour l'Introduction et 16 Commentaire. — 4866.
— Delzons (Charles-Octave) est mort le 4 janvier 1872. Voir sa
Notice nécrologique dans le Mémorial des Anciens élèves de VÊcole
normale, 1877 (librairies Baudry et Thorin), page 378. Elle rend
hommage en lui à un des hommes qui ont le plus honoré l'Univer-
sité et l'École c par la distinction de l'esprit comme par la délica-
tesse et l'élévation du cœur •.
TABLE
ANALYTIQUE ET LEXIQUE
DES PENSÉES DE PASCAL
Les mots entre guillemets sont des expressions citées textuellement. — Les mots et les
phrases en italique, quand ce ne sont pas des citations d'auteur ou des titres d'ouvrage,
sont les indications ou étiqui ttes qu'on lit dans le cahier autographe, et que cette édition
a reproduites dans les notes au bas du texte (Voy. l'Avertissement, p. iv). — Le double
trait (=), dai>a un article, distingue les divers sens et emplois d'un même mot.
A
A. Divers emplois de cette préposition. Voy. être (verbe), laisser, lécer.
A P. R. Grandeur et misère. I, 121, note 1. — A P. R. Commen-
cement, après avoir expliqué Vincompre'hensibilité. 1, 183, note 1. —
A P. R. pour demain. Prosopopée. I, 18'i, note, 2.
Abaissement. « Un abaissement qui nous rende incapable du bien. » I, 188.
— Voy. Messie.
Abaisser. « S'il se vante, je l'abaisse; s'il s'abaisse, je le vante. » I, 121.
— La religion chrétienne élève le peuple à l'inférieur, et abaisse les superbes
à l'extérieur. I, 170. — La religion abaisse l'homme, mais sans désespoir.
I, 187.-- S'abaisser sous Jésus-Christ. II, 18.— «Abaisser la superbe.» 11, 48.
— S'abaisser pour arriver à l'excellence. II, 307.
Abandon. « L'abandon des siens. » II, 16. — « L'abandon de Dieu parait
dans les Païens; la protection de Dieu paraît dans les Juifs. Il, 49. — Sentir
son abandon. II, 154.
Abandonné. « Misérables et abandonnés, parce que personne ne les em-
f lèche de songer à eux. » I, 53. — « Sans mentir, Dieu est bien abandonné.»
I, 335.
Abandonner dans (S')- « M'abandonner avec moins de retenue dans l'abon-
dance (les délices delà vie. » il. -2:2S.
Abattement. « Un horrible abattement de cœur. » 1, 186.
Abattre. « Les pensées pures... le fatig-ient et l'abattent. » II, 251. =s
S'abattre. « Il (Montaigne) s'abat dans la lâcheté. >> I, cxxxiv. — Opposé à
s'élever. I, 180.
■ Abeilles. « Les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a c ille
ans qu'aujourd'hui. » II, 270.
Abel. II, 71.
Abêtir. « Gela vous fera croire et vous abêtira. r> I, 152 et 164.
Abîme. « Ces deux abîmes de l'infini et du néant. » I, 3. — « La terre s'ouvre
jusqu'aux abîmes. 1. 6 et 23. — « .le vois mon abîme, d'orgueil, dp curiosité.
de concupiscence. » II, 209.
Abîmé. « Le petit espace que je remplis... abîmé dans l'infinie immensité
des espaces. » II. 152.
Abject. « Et alors l'homme est abject cl vil. » I, 12. — « Cet abaissement
le rendrait horriblement abject. » 1, 18<S. — Avènement abject du Messie. Il,
200. — « Il a été (Jésus-Christ) tout ce qu'il y a de grand et tout ce qu'il y
a d'abject. » II, 238. Voy Tout.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Abjection. Opposé à orgueil. I, 189 : II, 168. Voy. Chrétien.
Abominaislk. « Qu'il (l'homme) est vil et même abominable. » I, 188. —
« I1 (Jésus-Christ) est plus abominable que moi. »ÏI, 209. — C'est un abomi-
lable- » II, 210. — « Tout ce qui est dans les hommes est abominable. »
H, 238.
Abomination." L'abomination était répandue sur toute la terre... » 1, 172. -
« Nos prières et nos vertus sont abomination devant Dieu, si elles ne sont les
prières et les vertus de Jésus-Christ... » II, 173.
Abondamment, pour surabondamment. I, 200.
Abondant. Voy. Infertile.
Abraham. Dieu lui a fait connaître le mystère du Messie. I, 172. — Pro-
messes de Dieu à Abraham. 1, 174. — Pourquoi Dieu fit naître de lui le peuple
juif. I, 205. — Fausses idées des Jttiïs sur Abraham. I, 206. — « Le Dieu
d'Abraham. » II, 61. Ci 1, cvi. — Le juste comparé à Abraham. Il, 172.
Aijreuver. S'abreuver d'une créance. 1, 156.
Absolu. Voy. Empire.
Absorber. «La petite duréede ma vie absorbée dans l'éternité. » II, 152. -
« Sa volonté est absorbée en Dieu. » II, 240.
Abstraire. « Tout abstraits de notre société. » I, 79.
Académiciens. Philosophes grecs. I, 43. — Origine de leur secte. I, 187.
Acceptation. Celle que Dieu fait du sacrifice de l'hostie couronne loblation.
11, 238. — Est une action de Dieu vers la créature, laid.
Accepter, pour Faire ac eption de. Il, 56, 57.
Accommoder (S'). C'est un péché de ne pas s'accommoder aux événements.
II, 175. Voy. Evénement. — « C'est une vie unie à laquelle il ne peut s'accom-
moder. » 11, 251.
Accompagner (S')* « Nos rois se sont accompagnés de gardes, de halle-
bardes. » I, 33.
Accorder, pour Mettre d'accord, concilier. I, cxxxiv, 185; II, 7. Voy. Con-
trariété. = S'accorder. « La force s'accorde avec cette bassesse. » I, 153.
Accroissement. « En priant Dieu de bénir ces semences et de leur donner
de l'accroissement. » II, 244.
Acheminement. « Un merveilleux acheminement à la passion. » II, 260.
Achever. « Ce qui achève notre impuissance à connaître les choses. » I, 7.
— « Le péché n'est pas achevé, si la raison ne consent. » II, 247.
Achoppement. Jésus-Christ, pierre d'achoppement. II, 50.
Achopper. « C'est là où tous ont achoppé. » I, 4.
Acte. « Le dernier acte (de la comédie de la vie) est sanglant. » H, 112.
Action. « Tout a eu sa place entre les actions vertueuses. » I, 38. —
« Les belles actions cachées sont les plus estimables. » I, 73. — « La concu-
f>iscence et la force sont la source de toutes nos actions. » II, 114. — « Dans
a grâce, la moindre action importe pour ses suites à tout. » II, 121. — Ce
qu'il faut regarder en chaque action. Ibid.
Ad tuum, Domine Jesu, tribunal appello. II, 118 et 141.
Adam. Dépositaire de la promesse du Sauveur. I, 173. — Sa tradition dans
Noé et dans .Moïse. I. 174. — Nous ne concevons ni son état glorieux, ni la
nature de son péché, ni la transmission qui s'en est faite. 1, 187. — « Toute
la foi consiste en Jésus-Christ et en Adam. pII, 88. — « Adam forma futuri.»
IL 170. — « Le premier Adam (le secontl est Jésus-Christ). » II, 206.
Voy. Jardin. — « Ce qui était juste en Adam est, injuste et criminel en nous.»
Il, 242. Voy. Amour-propre. — « Il y a dans ciiaque homme un serpent, une
Eve et un Adam... L'Adam est la raison. » II, 247.
Adhérer. « Adhérer éternellement (à Dieu). » II, 319.
Admirateurs. Chacun veut en avoir. I, 25.
Admiration." L'admiration gâte tout dès l'enfance. » II, 164.
Admirer, pour S'étonner. « Qui n'admirera que notre corps, etc. ?» I, 3.
Cf. 1, 75, 175. — « Vous admireriez sa sottise et sa folie. » 11, 362.
A(Iorateur. Païens adorateurs de bêtes; païens adorateurs d'un seul Dieu.
1,211. — J'aime les adorateurs inconnus au monde. » II, 173.
Adorer. « Il (Epictète) mériterait d'être adoré si... » I, cxxv. — « L'on
adore souvent ce qui ne croit pas être adoré. » 1J, 259.
Afkection. L'affection ou la haine change la justice de face. 1, 33. —
Affections païennes ; affections chrétiennes. 1, 211. — « Seigneur, prenez mes
affections que le monde avait volées. » II, 226.
Apfbrmir (S'). Voy. Attachbr.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 3
Affirmatif. « Les discours du pvrrhonisme sont matière d'affirmation aux
affirmât ils. » 1,75.
Affliction. « Que je m'estime heureux dans l'affliction. » II, 238. — Senti-
ments qu'il faut avoir dans les afflictions. [1,244-245. — « Les afflictions tempo-
relles couvrent les biens éternels où elles conduisent, d 11. 330.
Affliger. « l'eu do chose nous afflige, x 1,77. — J'essaie autant que je puis
<!<• ne m'affliger derien.» Il, 334. Pour Frapper, abattre {affligera) . «Quand
elle (la mort) affligeait un corps innocent. o 11, 243.
Affronter. \ oy. Courage.
A6AMEHN0N. -N'a pas existé. 1. -01. Voy. Troie.
AGGRAVER, pour appesantir. I, 7 (note).
Agilité. Agilité de l'Ame. I, 77.
Agir. « Leurs conseils qui sont, encore vivants et agissants en nous. » II, 2'i6.
Agitation. II, 155, note 2. — Les hommes tendent au repos par L'agitation.
I, 51.
Agneau. « Je suis l'agneau qui ôte les péchés. » II, 203.
Agonie. Jésus dans l'agonie. H, 206-20S.
Agrandir. « Il y a des passions qui resserrent l'âme,... il y en a qui l'agran-
dissent. » II, 259.
Agréarle. Il faut de l'agréable. I, 104. — Définition de l'agréable. Il, 200.
Voy. Beau.
Agréer. « La chose m'agrée ou me choque. » II, 162. — L'art d'agréer,
II, 299.
Agrément. (( La mode fait l'agrément. » I, 71. — Un certain modèle d'agré-
ment et de beauté : en quoi consiste. I, 103. — Est l'objet de la poésie. 1,104.
— Voy. Amouu.
Ah eu r ne. « On ne serait pas aheur té à Jésus-Christ. II, 50.
Aidant. Aidé. « Toutes choses étant aidées et aidantes. » I, 7.
Aiguillon. « Cet aiguillon d'envie et de gloire. » II, 16i.
Aimable, a C'est en cela qu'il m'est aimable (Jésus-Christ). » II, 41. — Voy.
Chrétien.
Aimer. On n'aime jamais personne, mais seulement des qualités. 1,65-66. —
Il ne faut pas vouloir être aimé. II, 106, 110, 114, 149. — Injustice de ceux qui,
reconnaissant que Dieu seul est digne d'être aimé et admiré, ont désiré d'être
aimés et admirés des hommes. II, 114. — Pourquoi on n'aime plus une personne
qu'on aimait il y a dix ans. II, 162. — L'homme n'est fait que pour aimer, il,
253. — « Reprendre des forces pour mieux aimer. » II, 256. — « Le plaisir
d'aimer sans l'oser dire a ses peines, mais aussi il a ses douceurs. » II, 257. —
Les esprits délicats aiment plus longtemps; les esprits grossiers aiment plus
vite. IL 25S. - D'où vient qu'on est irrésolu quand on est près de ce qu'on
aime. II, "261.
Aimer Dieu. Marque de la vraie religion. I, 169 et 178, 182, 210-211, 219. —
« Il ne faut aimer que Dieu. » II, 110, 113, lli. Cf. II, 105. Voy. être (substan-
tif). « Qu'il y a loin de la connaissance de Dieu à l'aimer! » II, 174.
Aîné. « La plaisanterie des aînés qui ont tout. » 11, 174.
Air. Le bon air, pour Les façons d'honnête homme, l'honnêteté, les belles
manières du monde. « Qu'il (Montaigne) cherchait le bon air. » I, 80. — «Cela
est si mal pris,... et si éloigné. . de ce bon air qu'ils cherchent. » I, 141.=»
Pour La piété de bienséance, par opposition à la bonne piété. 11, 178.
Alcoran. Fondement de la religion mahométane. IL 41. Voy. Mahombt. —
Son authenticité. II, 43. — « L'Alcoran dit que saint Matthieu était homme
de bien. » Ibid.
Alexandre. On imite plutôt ses vices que ses vertus. I, 79. — Sa jeunesse
opposée à la maturité de César, 1, 84. — Voy. Iwangile.
Aliment. « Les passions... donnent a l'âme de leur aliment. » II, 173.
Allée. « La nature de l'homme a ses allées et venues. » 11, 124.
Allégement. « Trouver un solide allégement. » II, 236.
Allemands. « Les fantaisies et les caprices des Perses et Allemands. » I, 38.
Aller, suivi d'un gérondif. « Ainsi se vont, les opinions succédant du pour
au contre. » I, 60 L
1. Môme tour dans La Fontaine, PMlémon et Baucis, v. 73 :
Plut le vase versait, moins il s'allait vidant.
Voy. les Observations de Ménage sur Malherbe, p. 368 370 de la 2» édit. (88).
4 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Aller a, pour Tendre à, avoir pour but. « La foi chrétienne ne va princi-
palement qu'à établir, etc. » I, 1U). — « Tout ce qui ne va point à la charité
est figure.» II, 9. — . «Le bon air va à n'avoir point de complaisance pour les
autres. » II, 178. = Aller à, pour Arriver à. «Vous voulez aller à la foi, et vous
n'en savez pas le chemin. >;I,52. — Aller à Dieu, pour S'élever à la connaissance
de Dieu. II, 155.
Alliance, pour Rapport, dépendance. « Tout tombe sous son alliance (de
l'homme). » I, 7. = L'alliance de Moïse. Il, 57. — La nouvelle et l'ancienne
alliance. II, 58. — Jésus-Christ nous a admis à son alliance. 11, 173.
Allumer. « Les yeux s'allument et s'éteignent dans un même moment. »
II, 257.
Amant. On ne peut faire semblant d'aimer qu'on ne soit bien près d'être
amant. 11.261.
Ambiguïté. « Ambiguïté ambiguë (de la cabale pyrrhonnienne) . » I, 43.
Ambition. Les passions les plus convenables à l'homme sont l'amour et
l'ambition. 11, 251
Ambitiosa recidet ornamenta (Hor.) I, 86.
Ame. « Grandt«ur de l'âme humaine. » I, cvn. Cf. 1, 73. — Nous avons une
si grande idée de l'âme de l'homme, que nous ne pouvons souffrir de n'être pas
dans l'estime d'une âme. » I, 10. — Agilité de l'âme, comparée un tison de
feu. I, 77. — L'âme a diverses inclinations. 1,81. — « Rien n'est simple dece
qui s offre à l'âme, et l'âme ne s'offre jamais simple à aucun sujet. » Ibid. — Ne
se tient pas aux grands efforts d'esprit. I, 100. — Importance de la question de
l'immortalité del'âme : toute la conduite de la vie endépend. 1, 137; 11,95, 111.
Voy. Morale . — Le doute sur l'immortalité de l'âme est un grand mal. I, 138-
139. — Dilemme des philosophes sur ce sujet. 1. 144. — Pascal n'entreprend pas
de prouver par des raisons naturelles l'immortalité de l'âme. I, 154. — « La sain-
teté, la hauteur et l'humilité d'une âme chrétienne. » I, 177. — « Incompréhen-
sible que l'âme soit avec le corps, que nous n'ayons pas d'âme. » II, 126. —
« Il n'est point parfaitement clair que l'âme soit matérielle. » Ibid — « Tout ce
(jui est arrivé à Jésus-Christ doit se passer dans l'âme et dans le corps de cha-
que chrétien. > II, 243. Cf. II, 237. — « L'âme souffre et meurt au péché dans la
pénitenceet dans lebaptême.» II, 243. Voy. Baptême. — < L'âme quitte la terre
et monte au ciel à l'heure de la mort. » Ibid. — La mort du corps et la mort
de l'âme. II, 245. — « Dans une grande âme tout est grand. » II, 252. — « Les
grandes âmes aiment beaucoup mieux. » II, 261. — Par quelles entrées les
opinions sont reçues dans l'âme. II, 296. Voy. Entrée. — Par quelles portes
les vérités sont reçues dans l'âme. II, 297. Voy. Porte. — Sentiments d'une
âme qui se convertit. II, 315-319.
Ami. Comment on parle de ses amis. 1,28. — Un vrai ami est une chosse si
avantageuse, même pour les grands, qu'ils doivent tout faire pour en avoir,
mais ne pas prendre des sots pour amis. 1, 87 et 91. — Faux amis. — II, 150.
— Voy. Parents.
Amitié. « Peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit
de lui lorsqu'il n'y est pas. » I, 28. — Incertitude de l'amitié des rois. 1,81.=.
Dans le sens d'amour « Une haute amitié. » II, 255. — « L'amitié des dames. »
II, 259.
Amoindrir. Voy Eternité.
Amour. Devoir d'amour rendu à l'agrément. I, 72. — Les amours brutaux
ne valent rien, dans la comédie. I, 80. — La cause de l'amour est un je ne
sais quoi. I, 83. — Ses effets. 1, 84. — L'amour dans la comédie. II, 116 et
140. — Les beautés et les douceurs de l'amour. Il, 117. — Pourquoi il change.
II. 162. — L'amour est la passion la plus naturelle à l'homme. Il, 251, 255. —
« Nous naissons avec un caractère d'amour, etc. » II, 253. Voy. Beauté. —
« A force de parler d'amour, on devient amoureux... L'amour n*a point d'âge...
L'amour donne del'esprit.. . C'est un tyran qui ne souffre point de compagnon. »
II, 235. — Ses défaillances. II, 257. — « Tant plus le chemin est long dans
l'amour, tant plus un esprit délicat sent de plaisir. » II, 258. — Le premier
effet de l'amour, c'est d'inspirer un grand respect... En amour, un silence vaut
mieux qu'un la-ngage. » Ibid. — Amour des héros : il faudrait être héros pour
le bien peindre. Ibid. — « L'amour et la raison n'est qu'une même chose. »
II, 259. — Voy. Poète.
Amour-propre. Sa nature I, 26. — « Qui ne hait en soi son amour-propre
est bien aveuglé. 11. 111. — « Rien n'est si opposé à la justice et la vérité.
Ibid. — « Aucune religion n'a remarqué que ce fût un péché. » Ibid. — Origine
TABLE ANALYTIQUE ET LEftQÙË. 5
de Pimour-propre. Il était naturels Adam, el juste en son innocence. Ji 242.
Amour de Dieu. Sa nécessité. I, 188. — Recommandé au Juifs en tout le
Deutéronome. 11,57. — « Dieu ;i créé L'homme avec deux amours, Tune pour
Dieu, l'autre pour soi-même.» 11, 242. — Voy. Aimer Dibu.
r de soi. Gréé dans l'homme par Dieu. II. 242, Voy. Vie. — Règles
de l'amour uY soi. II. ' 13.
Amoi • busement, eu parlant d'une mère. Il, 341. Cf. II. 115.
Amoureux. « A force <!<■ parler d'amour, on devient amoureux. » 11, 255. —
a L'on dit qu'il y a des nations plus amoureuses les unes (pic les autres ;...
cela n'esl pas vrai en tout sens. » 11, 261.
Ample. « L'ample sein de li nature » 1, 1. — « La diversité est si ample,
etc. » 11, 163. — Tradition ample. 11, 181.
Amplitude. « Amplitude d'esprit. » 1, 96.
Ami sèment. Ce n'est pas l'amusement seul qu'on recherche : un amusement
languissant et sans passion ennuie. 1, 52.
Analyse. Eloge de l'analyse (mathématique). 11. 279.
Ananias. II, 72. Cf. Il, 183.
Anatomiser. (( Un homme est un suppôt: mais si on Fanatomise, sera-ce,
etc.?» 11, 163.
Anciens (Les). Bornes du respect que nous devons avoir pour eux. II, 269. — ■
(( Ceux que nous appelons anciens étaient véritablement nouveaux en toutes
choses. » II, 271 et 27 i. — Voy. Antiquité.
Ancré. Vanité ancrée dans le cœur de l'homme. 1, 25.
Anéantir. Voy. Eternité, Fini.
Ange. « L'homme n'est ni ange ni bête, et... qui veut faire l'ange fait
la bête. » I, 100. Cf. I, 11. Voy. Béte. — Les anges voient la religion de plus
loin que les autres esprits. 11, 94.
Angélique. Dira des choses angéliques. II, 42.
Angleterre. Voy. Boi.
Animaux. Ne sont pas machines. II, 118. — N'ont pas d'esprit. II, 151. —
Leur instinct. II, 270 — « La nature les instruit à mesure que la nécessité
les presse. » Ibid.
Antéchrist. 11,72. — Delacroyanceàl'Antechristetdeses miracles. II, 73-74.
Antiochus. « Ântiochus Deus, roi de Syrie. » II, 32.
Antiquité. « Si l'antiquité était la règle de la créance, les anciens étaient
donc sans règle. » II, 160. — Respect excessif qu'on porte à l'antiquité. II, 266.
— La vérité doit avoir l'avantage sur elle. II, 373. = L'antiquité, pour la tra-
dition de l'Eglise et des Pères. I, 117.
Antithèse. Les antithèses forcées comparées à de fausses fenêtres pour
la symétrie. I, 103.
Apercevoir. Voy. Sens (les).
Apéritif. Vertu apéritive. II, 178.
Apocalyptiques (Les). II, 1. — Extravagances des Apocalyptiques, Préa-
damites, Millénaires, etc. II, 185.
Apôtres. Une des preuves de la religion chrétienne. 1, 177. — « Ils nous
ont appris que les ennemis de l'homme sont ses passions. » II, 4. — « Ces
gens simples et sans force... ôtent l'idolâtrie de toute la terre. » II, 25. —
« Les apôtres ont été trompés, ou trompeurs. L'un ou l'autre est difficile. »
II, 38. — Pourquoi ont fait des miracles. II, 39. Cf. I, 174. — Ont ordonné
de lire. II, 43. — Leurs preuves. II, 68. — Apôtres et exorcisme. II, 72. —
Voy. Circoncision, Ecriture.
Appareil. « Tout cet appareil auguste était fort nécessaire. » I, 33. Voy.
Magistrat.
Apparence, ce Apparence du milieu des choses. » I, 3. — « Notre raison
est toujours déçue par l'inconstance des apparences. » I, 6.
Applsantlssement. Voy. Main.
Appétit. L'appétit concupiscible. II, 217. Voy. Eve.
Approprier (S'). « Il y a apparence qu'il (Dieu) s'est approprié cette af-
faire. » II, 338.
Appui, Appuyer. Voy. Principe.
Après avoir entendu la nature de Vliomme. I, 170. note 1.
Archimède. Sa grandeur dans l'ordre de l'esprit. 11, 15-16. Voy. Prince.
Arianisme. « Que ne les accusez-vous d'arianisme (les Jansénites)? » II, 117.
Ariens. Leur hérésie. II, 91-92.
Akistote. « On ne s'imagine Platon et Aristote qu'avec de grandes robes
6 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
de pédants. C'étaient des gens honnêtes et comme les autres. I, 85. —
« S'ils ont écritde politique, c'était comme pour régler un hôpital de fous. » 1,86.
Arithmétique. Voy. Euclide, Machine
Arius. La vérité a parlé au temps d'Arius. II, 80 et 80.
Ahnaulu Sa condamnation par la Sorbonne. II, 327. Cf. II, 100 et 133.
Art d'agréer. Voy. Agréer.
Art {/' ; de conférer (de Montaigne). H, 304.
Art de persuader. Voy. Persuader.
Art de plaire. Voy. Plaire.
Artifice, pour art. II, 271.
Ase (IL), auteur du Talniud babylonique. II, 182.
Asseoir, au figuré. « Asseoir son imagination. » I, 6. — Voy. Créance.
Assiette, la position dans laquelle on est assis, au propre et au figuré
status). 1, cxxvn. — « Trouver une assiette ferme. » 1, 6. — «Démonter un
i'ugement de son assiette naturelle. » I, 82. — « Assis dans une assiette
iasse et sûre. » II, 103.
Assoupissement, pour Indifférence, insouciance. « Un assoupissement sur-
naturel. » 1, 141.
Assujettir. Voy. Equité.
Assurance. « Kien ne donne l'assurance, que la vérité. » II, 97.
Assurer. « 11 faut savoir assurer où il faut. » I, 193. — « On assure la
conscience... ; on n'assure pas La bourse... » II, 183. = S'assurer « Sur ce
qu'ils s'assuraient de connaître seuls le véritable sens de l'Ecriture. » I, cxxvn.
— « Voyant trop pour nier, et trop peu pour m'assurer. » 1,197.
Astrologues 11, 152.
Athanase. « Au temps où on le persécutait, ce grand saint était un homme
qui s'appelait Athanase. » II, 99.
Athée, m Athées endurcis. » I, 155. Cf. I, 167, et Introduction, p. x. —
Athées combattus sur la résurrection et sur l'enfantement de la Vierge. 11,97. —
« Les athées doiventdire des choses parfaitement claires.» 11,126. — Voy. Déses-
poir.
Athéisme. « Marque de force d'esprit, mais jusqu'à un certain degré seu-
lement. » II, 127. — Voy. Déisme.
Atome. « -Nous n'enfantons que des atomes. » I, 1. — « Dans l'enceinte de
ce raccourci d'atome. » 1, 2 et 21.
Attache. « Je n'ai pu y premlre d'attache. » I, 175. — « Tout ce qui nous
excite 5 autre attache que Dieu seul. » II. 110.
Attachement. « L'attachement à une même pensée fatigue et ruine l'esprit
de l'homme. » II, 256. — « Sales attachements. » 11,297. — « A ceux qui ont
des attachements aumonde qui les y retiennent. » 11, 3*2.
Attacher. « Cordes qui attachent le respect à tel et tel. » 1, 89. = S'attacher.
« Quelque terme où nous pensions nous attacher et nous affermir. » 1, 5. —
« Il est injuste qu'on s'attache à moi. » II, 106.
Attendue. C'est en n'attendant rien de vous que vous devez l'attendre (le
salut, ou Dieu). » 11, 209.
Attente. L'Ancien Testament regarde Jésus-Christ comme son attente. II,
18. — « Ce prophète qui devait être îa dernière attente du monde.» II, 41. =
« Il y a une place d'attente dans leur cœur. » II, 254. »
Attirant. « Un objet attirant. » 1, 50.
Attractif. Vertu attractive. II, 178.
Auguste. Sa jeunesse opposée à la maturité de César. 1, 84. — Bon mot d'Au-
guste. Il, 203.
Augustin (Saint). N'a pas vu la règle des partis. 1,62. — Cité. I, 8, 193;
II, 201, 244, 247, 342. — « A «lit que les forces seraient ôtées au juste. « II,
203. — Désigné. II, 241. — Saint Augustin et Descartes. II, 304. — Voy
Échauffer, Miracle.
Aussi, eu phrase négative, pour Non plus. «Comme je ne sais d'où je viens,
aussi je ne sais où je vas. » 1, 140. — « Je ne prétends pas aussi vous rendre
raison, » I, 185. — « 11 ne pensait pas aussi à en faire une histoire. » I, 201.
— « 11 ne faut pas aussi qu'il en voie assez pour croire. » II, 89. Voy. Pas et Point.
Austérité. Voy. Eglise.
Auteur. « Toutce qui n'est que pour l'auteurne vaut rien. » I, 86. — Auteur
et homme mis en opposition. I, 105. — « Jamais auteur canonique ne s'est servi
de la nature pour prouver Dieu. » 1, 155 et 1(57. — Auteurs contemporains, ne
»ont pas suspects. 1,201. — Auteurs qui disent : Mon livre, mon commentaire
ÎABLE ANALYTIQUE Et LEXIl 7
mon histoire, etc. Il, 118. '*u il fanl recourir nui livres des auteurs. II, 207.
Authentique, pour Public, c< Qui ne peut résister à cette montre si authen
tique. » J, 33.
\i roMATB. « Nous sommes automate autant qu'esprit. » 1. 155. -~ « La cou-
tume incline Pau tomate, qui entraîne l'esprit. » I, 186. Cf. J, 168-109. —
Voy. Dbscabtbs, Machine.
Ai rOBlSÉ. « Cette religion... déjà assez autorisée par une si divine morale. »
I, 113.
AUTORISER. « Dieu n'autoriserait pas cette possession,... au lieu qu'il autorise
re. » II, 358.
Autorité. « L'ennui, de son autorité privée ne laisserait pas, etc. » I, 81.
— .. Attirer autorité à... » 1, 185. — L autorité de celui qui parle, une des
deuv manières de persuader les vérités de la religion. II. 89. — Contre l'auto-
rité. 11, 100. — .Matières où elle règne. Il, 207. Voy. THÉOLOGIE. — Où elle
est inutile. Ibid. — L'autorité, II, 100. Note 2.
Autre. Les autres (opposé aux Chrétiens). II, 52, 330. Voy. Dieu caché.
Avancer, pour Procurer de l'avancement. Il, 355.
Avances Pourquoi ce sont les hommes qui les font. 11, 259.
Avantage. Avoir un avantage. I, il : II, 2'tf. — Trouver des avantages.
11,245. — Tirer avantage. Ibid. Cf. II, 336.
Avantages du peuple juif. I, 200, note 3.
Avaricieux. « lin avaricieux qui aime devient libéral. » II, 259.
Avènement. « Les hérauts de ce grand avènement. » I, 198. — << L'avéne-
ment ignominieux et pauvre du Messie. » 1, 208. — « Le temps du premier
avènement est prédit; le temps du second ne Test point. » 1, 210, Cf. II, 175.
— Deux avènements, un de misère, l'autre de gloire. II, 4. — «. Il a voulu
paraître dans son avènement de douceur. » II, 47. — « Qu'il y a deux avè-
nements, glorieux et abject, du Messie. 11, 200. — La venue de Jean-
Baptiste, époque de l'avènement de Jésus-Christ dans chaque fidèle. II, 334.
— Application morale du discours de Jésus-Christ sur son dernier avènement.
II, 341.
Avenir. « Nous anticipons l'avenir. » 1, 30. Cf. II, 339. — « Le seul
avenir est notre fin. » 1, 37. Voy. Passé, Présent. — L'avenir ne nous doit
point toucher. 11, 339. Voy. Vivre.
Avenir. (Verbe.) II, 197.
Avent. « Tout l'office de l'Avent est bien propre pour donner courage
aux faibles. » II, 341.
Aversion. Voy. Vérité.
Aveugle. Voy. Aveugler.
Aveuglé. « Qui ne hait en soi son amour- propre est bien aveuglé. » II, 111.
Aveuglement. Effroyable aveuglement de l'homme. I, 175. — « Un aveu-
glement pareil à celui que la chair jette dans l'esprit. » I, 208. — Deux
sortes d'aveuglement. II, 111. Voy. Vivre.
Aveugler. « Jésus est venu aveugler ceux qui voyaient clair, et donner
la vue aux aveugles. «11, 50. — « Dieu a voulu aveugler les uns et éclairer
les autres. » II, 52. — « Un homme... qui déclare son dessein et d'aveugler
et d'éclairer. » II, 186. — « L'erreur qui a aveuglé tous les hommes dans le
premier. » II, 237. = S'aveugler. « Les Juifs s'aveuglaient en jugeant des
miracles par l'Ecriture. » II, 184.
Avocat. « Combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste
la cause qu'il plaide ! » 1, 33. — Nous ne pouvons pas voir un avocat en sou*
tane... sans une opinion avantageuse de sa suffisance. » 1, 34.
Avoir (V). « N'y ayant rien de si inconcevable que de dire... » J, 7. —
« N'y ayant point de certitude, hors la foi.. » 1, 113.
Axiomes. Règles pour les axiomes. 11, 301-302.
E
Babylone. Fleuves de Babylone (paraphrase mystique du Ps. Super /lu
mina). II, 103.
Babyloniens, hnnemis des Juifs. I, 209.
Bagit Courir la bague, li, 10). Voy. Monde.
\
8 TABLE ANALYTIQUE ET Lh'XIQUE.
Balancement. « 11 se fait un balancement douteux entre la vérité et la
volupté. » 11, 299.
Balle. L'homme affligé qui joue à la balle de paume. 1,52 (note 2)
Cf. 51. — Bien écrire, c'est bien placer la balle. 1, 99.
Ballet, o Le ballet des esprits. » H, 151.
Baptême. L'aine ressuscite à une nouvelle vie dans le baptême. II, 243
— Réflexions sur le baptême. 11, 323.
Baptiser. « De peur qu'une qualité ne remporte, et ne fasse baptiser
(c'est-à-dire ne fasse donner une qualification particulière), 1, 75.
Barbara. « Ce n'est pas barbara et baralipton qui forment le raisonne-
ment. » 11, 307.
Barbouiller. « Les enfants qui s'effrayent du visage qu'ils ont barbouillé.
i, 52; II, 125. — Voy. Prédicateur.
Barjésu. II, 72 Voy. Paul (Saint).
Barre. « Placer adroitement une barre. » 1,53.
Barreaux (Des). Voy. Des Barreaux.
Base. « Trouver... une dernière base constante. » l, 6.
Bassesse, pour Humilité. 1, 153 ; 11, 96. — 11 faut des mouvements de
bassesse, non de nature, mais de pénitence. » I, 188. --• Bassesse de l'homme,
I, 171. Voy. Grandeur. — Bassesse apparente de Jésus-Christ. II, 16, =
Bassesse d'esprit. Mépris intérieur qu'elle mérite. II, 35 i.
Bateau. « On ne choisit pas pour gouverner un bateau celui qui est de
meilleure maison. » I, 62 (note 1). — Voy. Vaisseau.
Batelier. Voy. Duc.
Battre. « Ton maître te flatte ; il te battra tantôt. » II, 154.
Béatitude, pour Bonheur éternel. 1, 150. — Béatitude de l'âme et béati-
tude du corps. 11, 244. Voy. Mort (La).
Beau. « L'agréable et le beau n'est que la même chose. » II, 260. =
Beau, ironiquement. « Cette belle raison corrompue. » I, 38. — « La belle
chose, de crier à un homme, etc. ! » II, 155. = Avoir beau. « Nous avons
beau enfler nos conceptions. » I, 1. — « Les philosophes ont beau dire.»
I, 118. — « On a beau se cacher. » II. 253.
Beau temps. Voy. Temps.
Beauté. « Celui qui aime une personne à cause de sa beauté, l'aime-t-il? »
I, 65. — Un certain modèle d'agrément et de beauté : en quoi consiste.
I, 103-104. Cf. 11, 253. — La beauté est l'objet propre de l'amour. II, 253 —
L'idée générale de la beauté est gravée dans le fond de nos âmes. ïbid. —
« Chacun a l'original de sa beauté. » II, 254. — « La mode même et les
pays règlent souvent ce que l'on appelle beauté. » Ïbid. — « La beauté est
partagée en mille différentes manières. » Ïbid. — « Pour la beauté, chacun a
sa règle souveraine et indépendante de celle des autres. » II, 256. = Beau-
tés. Voy. Cicl'uon.
Beauté poétique. I, 104. note 1. — Pourquoi on ne dit pas beauté géo-
métrique et beauté médicinale, comme on dit beauté poétique. 1, 104. — Ce qu'on
appelle ainsi est un jargon. ïbid.
Bénéficia eo usque lœta sunt etc. (Tac.) 1,5.
Bénignité. Voy. Epaminondas.
Besogne (La), pour L'acte charnel. Il, 150.
Besoin. « L'homme est plein de besoins. » I, 74. — Les besoins et les désirs
des hommes les attirent auprès des grands. IL 355.
Bête. « Il ne faut pas que l'homme croie qu'il est égal aux bêtes, ni aux
anges. » I, 11. — L'homme n'est ni ange ni bête. » I, 100. — « Les bêtes ne
s'admirent point. » Ïbid. — « Les autres (disent) : Baissez vos yeux... et
regardez les bêtes, dont vous êtes le compagnon. » I, 171. — Réponse à
l'objection des impies, que les bêtes vivent et meurent comme les hommes. »
11,94-95.
Biais. « A contre-biais. » 1, 35.
Bien. « Voulez-vous qu'on croie du bien de vous, n'en dites pas. » I, 87. ==
« Nous sommes incapables et de vrai et de bien. » I, 41. — Le bien comparé
au mal. 1, 88. — Se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire, secret
difficile à trouver. I, 89. — Impuissance d'arriver au bien. I, 116-118. —
Dieu est seul le véritable bien de l'homme. I, 117. — Depuis qu'il a perdu
le \rai bien, tout peut lui paraître tel. ïbid — Sentiment de ceux (les Stoï-
ciens) qui en ont plus approché. ïbid. — « Il n'y a de bien en cette vie
qu'en l'espérance d'une autre vie. » I, 138. — Le vrai bien de l'homme est
rABLË ANALYTIQUE Kl LEXIQUE, »
inséparable de la connaissance de La vraie religion. 1, 170. — Est-ce celui
que nous proposent les philosophes .' I, L82, — « Pour les philosophes, 288;
souverains biens. 11. ol<- — Recherche du vrai bien. Il, 150, note 1. — Le
touverain bien : dispute du souverain bien. II, 156, note 4. — Voy. Mal.
Bien. (Adverbe). Pour A bon titre. Il, 73.
Bienfait. « Trop de bienfaits irritent. » 1, •>.
Biens (Les). Egalité des biens. 1, 71. — Dieu a voulu priver les siens des
biens périssables. I, 205. — Ce que 1rs Juifs auraient dû entendre par biens.
I, ^09. — « J'aime les biens, parce qu'ils donnent le moyen d'en assister les
misérables. » II, 11!>. — Ordre des biens de famille : sur quel titre il est
fondé. 11, 351-352. Cf. I, il. Voy. Richesses.
Blamek. Lire blâme et loué : n'être ni loué ni blâmé. 11, 177, Cf. 11, 164.
Blasphémer. « Ils blasphèment ce qu'ils ignorent. » 1, 176. Voy. Religion.
— Blasphémer la doctrine... Blasphémer les miracles. 11,78.
Blessé. « Votre raison n'est pas plus blessée. » I, 150.
Blond. « Il y un siècle pour les blondes, un autre pour les brunes. » II, 254.
Boiteux. « D'où vient qu'un boiteux ne nous irrite pas, et un esprit boi-
teux nous irrite ? » 1, 03.
Bon. « Il faut juger de ce qui est bon ou mauvais par la volonté de Dieu. »
II, U3. = Tout de bon. « Quelquefois, en faisant semblant d'avoir compassion,
elles l'ont tout de bon. » il, 257.
Bon sens {Le). 11, 157, note 1.
Bonheur. « Le bonheur n'est ni hors de nous, ni dans nous ; il est en
Dieu, et hors et dans nous. » I, 12. Cf. I, 118. — Nous sommes incapables
de bonheur. I, 121. — Point de bonheur pour ceux qui n'ont aucune lumière
de l'éternité. I, 138. — 11 reste aux hommes un instinct impuissant du bon-
heur de leur première nature. I, 183.
Bonnet. Bonnets carrés des docteurs et des médecins. 1, 33, 34. —
« Quand un soldat prend le bonnet carré d'un premier président, et le fait
voler par la fenêtre. II, 154.
Bons mots. « Diseur de bons mots, mauvais caractère. » 1, 76.
Borgne. Epigramme des deux borgnes. I, 86.
Borné. Les hommes bornés en tout genre. 1, 5.
Bornes. « Il n'y a point de bornes dans les choses. » I, 70. — Voy#
Dieu, Infini.
Bourreau. Voy. Monde.
Branche. « Il (le Pape) tient la maîtresse branche. » II, 120. — Voy. Vices.
Branler. « Il (le terme) branle et nous quitte. » I, 5. — « Les actions
des hommes ne branlent presque que par ses secousses (de l'imagination) »
I, 33. — Tout branle avec le temps. » I, 38.
Bras. « Ce n'est pas une simple superficie, ni un simple harnais, d'avoir
plusieurs bras. Plus on a de bras, plus on est fort. » I, 64.
Brave. « Faisons tant que nous voudrons les braves. » I, 138. — « Rien
n'est plus lâche que de faire le brave contre Dieu. » I, 142. = Brave,
pour Bien mis. « Etre brave, est montrer sa force. » I, 64.
Brocatelle. « Un homme vêtu de brocatelle. » I, 64.
Brochet. Le brochet et la grenouille de Liancourt. II, 152.
Brodeur. Le métier de brodeur. I, 74.
Brouillard. Voy. Temps (Beau).
Brouiller. « Ceux qui savent brouiller et mépriser leurs idées. » II, 253.
Bruit. Il r.e faut que le bruit d'une girouette ou d'une poulie pour empê-
cher les pensées de 1 homme. I, 40. — D'où vient que les hommes aiment
tant le bruit et le remuement. I, 49.
Brûler de. « Ce saint sacrifice... a été reçu dans le sein de Dieu, où il
brûle de la gloire dans les siècles des siècles. » II, 240.
Brun. Voy. Blond.
Cabale. La cabale pyrrhonnienne. î, 43, 114. — « Entendu dans la
cabale. » II, 42.
Caché. Voy. Action, Dieu caché. Sens.
Cacher. — « Nous nous Ci*cl,,J"» ***• nous déguisons à nous-mêmes. »
H.
25
10 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
I, 75. — Que Dieu s'est voulu cacher. 1, 171, note 2. Voy. Dieu caché.
Cachette. « 11 (l'amour) s'y trouve secrètement et en cachette. » 11,253.
Cachot. « De ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers. »
1,2. — Un homme dans un cachot... Image de la vie humaine. 1, 143.
II, 95.
Caïn. II, 71.
Calomniateurs et Calomniés (Jésuites et jansénistes). Les miracles dis
cernent entre eux. II, 71.
Calvinistes. II, 90. — Source de leur hérésie. II, 92.
Campagne. Tout ce qui s'enveloppe sous ce nom. Il, 163.
Cannibales. Se rient d'un enfant roi. I, 65.
Canonique. « Les hérétiques servent à prouver les canoniques. » II, 202.
— Les livres canoniques. 11, 237. — Voy. Auteur.
Cantique. Voy. Nouveau.
Canton. « Qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la
nature. » I, 2.
Capable. « On se croit naturellement bien plus capable d'arriver au centre
des choses que d'embrasser leur circonférence. » I, 4. — « 11 n'est qu'un
homme,... c'est-à-dire capable de peu et de beaucoup, de tout et de rien. »
I, 52 (note 2). — Capable d'être mystérieux.... Capable de sottise. » 11, 42.
— « Les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu, et capables de
Dieu. ï) II, 49. — Voy. Passion.
Capacité. « Sans une capacité infinie comme la nature, » I, 3. - « 11 ne
faut pas moins de capacité pour aller jusqu'au néant que jusqu'au tout. »
I, 4. — « La capacité de connaître la vérité et d'être heureux. » 1, 11. —
Double capacité commune à tous, de la grâce et du péché. I, 187. — Choses
qui passent notre capacité présente. Ibid. — Les passions remplissent toute
la capacité de l'esprit. II, 252. — Les petites choses flottent dans la capacité
du cœur. II, 255. — 11 ne faut pas juger de la capacité d'un homme par
l'excellence d'un bon mot qu'on lui entend dire. (Montaigne.) II, 304.
Caprice. « Les hommes se gouvernent plus par caprice que par raison »
11,299. — Voy. Législateur.
Caractère. « Diseur de bons mots, mauvais caractère. » I, 70. — Le
caractère chrétien distingué du caractère inhumain et du caractère humain
II, 165. = Four -Marque, type, modèle inné. « Le caractère de la Divinité.
I, 61. — « Nous sentons en nous-mêmes des caractères ineffaçables d'excel-
lence. » I, 187. — « Jésus-Christ, qui est votre image et le caractère île votre
substance. » II, 226. — « Nous naissons avec un caractère d'amour dans nos
cœurs, etc. » II, 253.
Caractériser (Se). « Autant de fois qu'une femme sort d'elle-même pour
se caractériser dans le cœur des autres. » II, 256.
Cardinal (M. le). (Mazarin.) II, 154.
Carrosse. « Carrosse verse ou renversé. » II, 178.
Casuistes. « Le christianisme est bien différent dans les livres saints et
dans les casuistes. » II, 41.
Catéchumènes. Nom donné dans l'Eglise naissante à ceux qui prétendaient
au baptême. II, 323-324.
Catholique. Les miracles discernent entre les catholiques et les hérétiques.
L 71-72. — Ce qu'est la foi catholique. Il, 92. — Voy. I'élagiens, Religion.
Causalité. « La dignité de la causalité. » 11, 161.
Causant, Causé. « Toutes choses étant causées et causantes. » I, 7.
Causes. « Les causes sont visibles seulement à l'esprit. » 1, 63. Voy.
Effets.
Ce. Ce qui est de, devant un adjectif. « Unissant tout ce qui est de vrai
et sachant tout ce qu'il y a de faux. « I, cxxxiv. Voy. Tout.
Cendre. Voy. Terre.
Centre. Le centre des choses, I, 4. = Les deux Testaments regardent
Jésus-Christ comme leur centre. II, 18. — Voy. Sphère, Théologie.
Cérémonies. Dans l'Ancien Testament, toutes les cérémonies ordonnées sont
figures 11, 11.
Certain. « Une certaine persuasion », pour Une persuasion certaine. I, 153.
- « La religion n'est pas certaine... Rien n'est certain. II, 124.
Certainement, pour D'une manière certaine. I, 151.
Certitude. « Certitude. Incertitude. » 1. cvi. — Nulle certitude, selon les
} nhoniens. 1, 112. — Certitude, de la connaissance des Dremiers principes.
TAULE ANALYTIQUE ET LEXÎQÛE. Il
1, 119. — «Nous sommes incapables ni de certitude ni de bonheur. » I. 1-1.
— Certitude et incertitude, dans le parti. 1, 151. — Certitude de damnation.
I, 18
vu. Sa maturité opposée à la jeunesse (l'Alexandre et d'Auguste. 1,84.
Cessation. « Une cessation d'inquiétudes. » 11, "202.
Cet, Cbxtb. « Cette est la rie éternelle, qu'ils te connaissent seul vrai
Dieu. » I, c.vii. (Archaïsme, ou italianisme : Questa è lavita eterna, che, etc.)
Chacun. « l n chacun. 11, 105.
Chagrin. Voy. Ennui.
Chair. Aveuglement que la chair jette dans l'esprit quand il lui est assu
jetti. 1, 108. — o Crands de chair. » 11, 15. — Voy. Royaume,
Chambre, pour Classe. « Diverses chambres, de forts, de beaux, de bons
esprits, etc. » 1, 8i.
Chancelier (Le). « Son poste est faux.» I, 35.— Qu'est-ce qu'être chance-
lier ? I, 53.
Changer. « Le ton de voix... change un discours et un poëmede force. »I, 33.
Chaos. « Quel chaos (l'homme) 1 » I, 114. — « Il y a un chaos infini qui
nous sépare. » I, 149. — « Que nous crie donc ce chaos et cette confusion
monstrueuse, sinon... ? » 1, 187.
Chapithe. pour Capitule. 11, 180.
Charité. Au sens théologique amour de Dieu. I, 32, 209; II, 9,23. — L'ordre
de la charité : en quoi il consiste. 1, 102. — La cupidité et la charité, deux
principes qui partagent les volontés des hommes. 1. 209. Cf. II, 184. Voy.
Cupiditk. — « L'unique objet de L'Ecriture est la charité. » II, 9. — Distance
infinie des esprits à la charité. Il, 15. — « De tous les corps et esprits, on
n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité. » II, 17. — C'est le manque
de charité qui fait qu'on ne croit pas les vrais miracles, et qu'o/i croit les
faux. 11, 7i. — « La charité n'est pas un précepte figuratif. » 11, 104. — Hors
de la charité, la vérité n'est pas Dieu. 11, 116. -- Fausse image de la charité.
II, 121. Voy. Concupiscence. — «On n'entre dans la vérité que par la charité.»
II, 297. — « Dieu est environné de gens pleins de charité... : ainsi il est pro-
prement le roi de la charité. » II, 355. — Il faut aspirer à ce royaume de
charité, etc. » II, 356. = Pour Acte charitable. « Une des plus solides et plus
utiles charités envers les morts est de faire les choses qu'ils nous ordonne-
raient s'ils étaient encore au monde. » II, 245.
(Chaules 1", roi d'Angleterre). Désigné. 1,81.
(Charles II, roi d'Angleterre). Désigné. I, 37.
Charme. «Ces charmes dont Dieu récompense l'habitude dans la piété. II,
317. — « Ce charme victorieux les entraine. » II, 337.
Charnel. Erreurs charnelles. I, 206. — Sens charnel. I, 203. — Juifs char-
nels. I, 207-211. — Chrétiens charnels. I, 210 et 216. Voy. Chair et Figure.
— Grandeurs charnelles. II, 15, 16. — « Les charnels sont les riches, les rois:
ils ont pour objet le corps. » II, 199.
Charogne, a Ne considérons plus un corps comme une charogne infecte.»
II, 241.
Charron. Ses divisions attristent et ennuient. 1, 80.
Chautreux. Comparaison d'un soldat et d'un chartreux, quant à l'obéis-
sance. II, 105 —«Le chartreux fait vœu de n'être jamais quedépendant. »Ibid.
Chasse, liaison du plaisir de la chasse. I, 49, 50.
Chasteté. « Peu parlent de la chasteté chastement. » I, 75. — Exemple
de la chasteté d'Alexandre. I, 79.
Chat. Chats fourrés, parlant des magistrats. I, 33.
Chek, pour Objet ou point principal. « L'établissement des deux chefs de
cette religion. » I, 177. — Voy. Coin.
Chemin. Le vrai chemin, le véritable chemin. II, 158, 337. — Voy. Amour,
Ciel, Rivière, Vouloir.
Cher. « Rien ne me serait trop cher pour l'éternité . » 1, 197.
Chercher. Chercher Dieu de tout son cœur. I, 142. Voy. Raisonnable. —
Ceux qui s'emploient à chercher Dieu, et ceux qui vivent sans le chercher.
II, 109. — ce Console-toi : tu ne chercherais pas, si tu ne m'avais trouvé. »
II. 207. — « Chercher Dieu au dehors. Il, 228. Voy. Chose.
Cheval. « Un cheval n'admire point son compagnon. » I, 100.
Cheveux. Figures un peu tirées par les cheveux. II, 1.
Chez. Un « chez moi ». 11, 119. Voy. Moi.
12 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Chien. « Ce chien est à moi disaient ces pauvres enfants, etc. » I, 85 et
93. Voy. Usurpation.
Chiffre. « Les langues sont des chiffres. » I, 103. — « Le chiffre à deux
sens. » II, 4. Voy. Paul (Saint). — « Le vieux Testament est un chiffre. »
II, 184. — Clef de ce chiffre. Ibid.
Chimère, pour Monstre. I, 114 et 130.
Chine. Religion de la Chine. I, 198. — « Histoire de la Chine. » II, 107, 108.
Chinois. Leurs histoires. I, 201.
(Chiquenaude). « 11 (Descartes) n*a pu s'empêcher de lui faire (à Dieu)
donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement. » II, 148.
Voy. Descartes.
Choisir de. « Il a choisi d'y demeurer dans le plus étrange et le plus
obscur secret de tous. » 11, 330.
Choix. Voy. Métier. Sort.
Choquer. « La justice envers les réprouvés est moins énorme et doit moins
choquer que la miséricorde envers les élus. » I, 153. — « Si on choque les
principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule. » I, 193. —
Comment les choses choquent. Il, 162.
Chose. Peu de chose. I, 77. Voy. Peu. — « Les choses sont vraies ou
fausses, selon la face par où on les regarde. » I, 41. — « Nous ne cherchons
jamais les choses, mais la recherche des choses. » I, 80. — « Les choses ont
diverses qualités, etc. » 1,81. — « L'éloquence est un art de dire les choses, etc.»
II, 123. — Il faut connaître les choses humaines avant que de les aimer:
il faut aimer les choses divines pour les connaître. II, 297. — « Rien n'est
Îilus commun que les bonnes choses, il n'est question que de les discerner. »
I, 307. — Noms qui leur conviennent. Il, 308. — Faire les petites choses
comme grandes, et les grandes comme petites, à cause de Jésus-Christ. II, 175.
Chrétien. Les chrétiens parfaits, distingués des dévots qui ont plus de
zèle que de science. 1,60. Voy. Grands. — « Les chrétiens professent une religion
dont ils ne peuvent rendre raison. » 1, 149. Voy. Créance. — Nul n'est heu-
reux, ni raisonnable, ni vertueux, ni aimable comme un vrai chrétien. I, 188.
— Est sans orgueil et sans abjection. I, 189. — Chrétiens par sentiments. qui
croient sans preuves. I, 195. — Vrais chrétiens, et chrétiens grossiers ou
mauvais chrétiens. 1, 210-211. — Religion chrétienne comparée à la païenne
et à la juive, II, 61. Voy. Dieu et Religion. — Les chrétiens et les infidèles.
II, 72. — Mauvais chrétiens qui déchirent l'Eglise au dedans. II, 77.
Voy. EbLiSE. — Chrétiens haïs, pour avoir dit qu'il n'y a qu'un Dieu. II, 96.
Voy. Juifs et Haine. — « Les seuls chrétiens ont été contraints prendre leurs
règles hors d'eux-mêmes. » II, 106. — Les chrétiens sont les enfants libres.
II, 107. — « Il y a peu de vrais chrétiens. » II, 159. — La république chré-
tienne. II, 203. — « La vie des chrétiens est un sacrifice continuel qui ne
peut être achevé que par la mort. » 11, 237. — Comparaison des chrétiens
des premiers temps avec ceux d'aujourd'hui. II, 321-325. — « Les chrétiens
doivent reconnaître Dieu en tout. » II, 330. — Leur vie n'est pas une vie de
tristesse. II, 337. — Les préceptes chrétiens sont les plus pleins de consola-
tions. » II, 339. — « Tout ce qui arrive à l'Eglise arrive aussi à chaque chré-
tien. » II, 341. Cf. II, 243. (Voy. Ame.) — Voy. Turcs.
Christ. « Le Christ promis dès le commencement du monde. » I, 172. —
« Il fallait que le Christ souffrît. » II, 5.
Christianisme. Ce que le christianisme a d'étrange. I, 188. — En quoi
consiste le vrai christianisme. I, 193. Voy. Raison. — Un des grands prin-
cipesdu christianisme. II, 243. — Voy. Casuistes.
(Christine de Suède). Désignée. X 81. Cf. II, 164 et 217.
Cicéron. Toutes ses fausses beautés ont des admirateurs. I, 106. —
Phrase citée sur les philosophes. II. 204.
Ciel. Le pain du ciel. I, 206. Cf. II, 5-6. — Tomber en regardant le ciel.
Il, 166. — Dieu doit consumer au dernier jour le ciel et la terre. II, 224. —
Le chemin du ciel est rempli de troubles et d'inquiétudes. Il, 336-337.
Voy .Voie.
Circoncision. « La circoncision n'était qu'un signe. » II, 57. N'est plus
nécessaire après la venue de Jésus-Christ. Ibid. — Circoncision chez les sau-
vages. Il, 76. — Saint Pierre et les apôtres, plus attachés à l'Esprit-Saint qu'à
la loi, abolissent la circoncision. II, 93-94. — Celle du corps et celle du cœur.
I, 206. Cf. II, 5-6, 57, 101. Voy. Incirconcis.
Circonférence. La circonférence des choses. I, 4. — Voy. Sphère.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 13
Circulation du sang. I!, 1 T « » .
(-Ikon . L'infini dans un ciron. I, 2.
Civil. Voy. Guerre.
Clair. « Il n'est point parfaitement clair que l'Ame soit matérielle. » II,
116.
Clameur. « Les bons papes trouveront encore L'Eglise en clameurs. » II , 117.
Clarté. Clarté admirable de Jésus-Christ, II. 17. — Clarté tempérée de
Dieu. II. 18. Cf. I, 17*. Voy. Obscurité. — Les clartés divines. 11,49.
ClÉOBULINR. Sa passion. II. 164 et 317.
Ci i o pâtre. 1, 84. Voy. Nez.
Cloaque. Kn parlant de l'homme. « Cloaque d'incertitude et d'erreur. »
1,114.
u. ■< Que le cœur do l'homme est creux et plein d'ordure! » I, 48. —
« l.e cœur a son ordre. » 1, LOS. — Le cœur connaît la vérité. I, 119. —
« Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace. » Ibid. — On ne
peut connaître Dieu que par le cœur. I, 120, 194-178. Voy. Connaissanck el
roi. — La circoncision du cœur. I, 206. — « Le cœur a ses raisons, que la
raison ne connaît point, etc. II, 88. — Cœur humilié. II, 96. Cf. I, 206. —
L'imagination et le cœur. II, 109. Voy. Imagination. — « On ne consulte que
l'oreille, parce qu'on manque de cœur. » 11, 125. — « Ces gens mmquent
de cœur. » II, 175. — « Les yeux sont les interprètes du cœur. » II, 235. —
L'esprit et le cœur. Ii, 297. Voy. Porte. = « Cœur nouveau. » II, 331.
Voy. Renouvellement. — « Ce sont les bons mouvements du cœur qui mé-
ritent, et qui soutiennent les peines du corps et de l'esprit. II, 336.
Coin. « Le chef du coin (caput anguli). » II, 26.
Colosse. Voy. Corps.
Combat. C'est le comhat qui plaît en toutes choses, non pas la victoire, I, 80.
Voy. Dispute.
Comble. La mort, comble éternel de malheur. 1, 117.
Comédie. La comédie, pour Le théâtre I, 80. — Ce qui y plaît. Ibid. —
Dangers de la comédie II 116. — La comédie de la vie. II, 112. Voy. Acte.
— « Comédies fausses. » II, 176.
Comète. « La terre a vu sensiblement des comètes s'enflammer et disparaître »
II, 272.
Commandements. Dans l'Ancien Testament, tous les commandements qui ne
sont pas pour la charité en sont les figures. II, 11.
COMMÉMORATION. Voy. SACREMENT.
Commencement. II, 67, note 3. Cf.1, 183, note 1. — « La mort est le com-
mencement de la béatitude du corps. II, 244.
Commentaire. Voy. Auteur.
Commettre. « Dieu a commis tout un peuple pour la garde de ce livre. »
I, 212.
Commodité « Ils (les Jésuites) déshonorent ses miracles, quand ils sont con-
traires à leurs commodités. » II, 80.
Commun. « Le commun des hommes. » II, 155.
Communautés. Les communautés naturelles et civiles ont des membres et
sont elles-mêmes membres d'un corps plus général. 11, 111.
Communication. Si l'homme est capable et digne de la communication avec
Dieu. I. 189; II, 122. Cf. I, 171 : II, 61.
Communier. Trois manières dont Jésus-Christ s'est donné à communier. II
210.
Communion. « La comm-inion du chef de l'Eglise. » II, 328.
, Communiquer. De. « Sans espérance d'en jamais communiquer. » I ,26.
Compagnie. Les sots médisent par compagnie. 1, 87. — « Jésus cherche de la
compagnie de la part des hommes. » II, 206. Voj. Songe.
Comparaison. Voy. Chrétien et Foudre.
Voy. Etre, (substantif).
Comprendre, pour contenir (Capere). « Par l'espace, l'univers me comprend
et m'engloutit comme un point: par la pensée, je le comprends. » 1, 11.
Compter. « C'est là (le présent) où nos pensées doivent être principalement
tomptées. » II, 339.
Conatus recedendi. II, 151.
14 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Conception. « Nous avons beau enfler nos conceptions. » 1,1. — « Qu'il
épuise ses forces en ces conceptions. » I, 22.
Concevoir. «Elle (l'imagination) se lassera plutôtde concevoir que la nature
de fournir. » 1, 1.
Concile. « 11 n'y a presque plus que la France où il soit permis de dire que
le Concile est au-dessus du Pape. » 11, 12.
Conclure. Cette impuissance ne conclut autre chose que la f?:,blesse de
noire raison. » 1, 119. — « Les propositions se concluent. » Ibid.
Concupiscence. Sens de ce mot. I, 91 (note 2). — « La concupiscence est la
source de tous nos mouvements. » I, 80. — ■ « La concupiscence et la force
sont la source de toutes nos actions. » 11, 114. — Malice de la concupiscence.
1, 105. — Les trois concupiscences. I. 117; 11, 103,199. Voy. Orgueil. — Elles
ont fait trois sectes. J, 118-119. — Nos concupiscences nousdétournent d'aimer
Dieu. 1, 82. — La concupiscence est devenue la seconde nature des hommes.
I, 183. — Est l'une de nos deux maladies principales. 1, 184. Voy. Orgueil.—
Nous attache à la terre. Ibid. —Toute la morale ( c'est-à-dire la science du cœur
humain) consiste en la concupiscence et en la grâce. II, 88. — C'est la concu-
piscence, et non la raison, qui nous fait fuir la religion. 11,96. — Les trois
concupiscences comparées à trois fleuves defeu. il, 103. — « On esthaïssable
par sa concupiscence. » II, 105. — « On s'est servi comme on a pu de la con-
cupiscence pour la faire servir au bien public. » II, 121. Voy. Charité. —
Abîme de concupiscence. II, 209. — La concupiscence des membres. II, 237.
— Les grands sont desroisde concupiscence. II, 355. Cf. II, 176. — « 11 faut
mépriser la concupiscence et son royaume. » 11,356.
Concupiscible. L'appétit concupiscible. 11,247.
Condamné. Des condamnés à mort, attendant leur tour : image de la con-
dition des hommes. 1. 55, 143.
Condamner. « Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce que j'j condamne
est condamné dans le ciel. » II, 118.
Condition. Ce qui forme le bonheur des personnes de grande condition.
1,52-53. Voy. Grands (Les). — Image delà condition des hommes. 1, 54-r>5.
Voy. Condamné. — « Si notre condition était véritablement heureuse, il ne nous
faudrait pas divertir d'y penser pour nous rendre heureux. » 1, 77. — « Con-
dition de l'homme : inconstance, ennui, inquiétude. » I, 83. — « Le nœud de
fiotre condition. » I, 115. — « Nous éprouvons à toute heure les effets de notre
déplorable condition. » 1, 187. — « Les conditions les plus aisées à vivre selon
le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu. » II, 101. — Comment cha-
cun est déterminé à chaque condition. II, 166. Voy. Sort. — Inégalité de con-
dition dans l'amour. H, 255. — Voy. Ecriture, Grands.
Condrieu. Haisins de Condrieu. II, 163.
Conducteur, pour Directeur de conscience. II, 210.
Conduire. « Ce sont les admirables degrés par lesquels vous conduisez vos
ouvrages. » 11, 230. = Conduire à la mort. « Me laisser mollement conduire à
la mort », 1,140 : pour dire, y arriver insensiblement (en latin, Adduci ou delabi
ad morterri) 1. — Voy. Laisser.
Conduite. « Quelle a été la conduite de Dieu. » 1,208. — « La conduite de
Dieu... est de mettre la religion dans l'esprit parles raisons, et dans le cœur
par la grâce. » II, 87. Voy. Religion 2. — « Dieu ne fait point de miracles
dans la conduite ordinaire de son Eglise. » II, 122. — « Par l'ordre et la con-
duite de qui [cujus imperio ductuqué] ce lieu et ce temps a-t-il été destiné
à moi? II, 152. — « La conduite de Dieu sur la vie et sur la maladie. »II, 235.
— « La conduite de sa providence. » II, 236. — « Les admirables conduites
de la sagesse de Dieu. » 11, 244.
Confesseurs. Pourquoi ils demeurent chez les grands. II, 162.
Confession. Sur les confessions et absolutions sans marque de regret.
II, 116, note. — La confession est une des principales raisons qui a fait révolter
contre l'Eglise une grande partie de l'Europe. 1,27. Voy. Homme. — Sentiments
qu'elle doit laisser. 11, 102.
1 Saint-Simon a dit du prince de Conti (mort en 1709) : « Il périt lentement dans le*
regrets d'avoir été conduit à lamort par la disgrâce, et de ne pouvoir être ramené à la vio
par ce retour inespéré du roi et par l'ouverture d'une brillante carrière. » Mémoires, t. VIIi
p. 89 do l'édit in-h° de M. Chéruel.
2. « Dans le christianisme, on tâche de rendre les hommes meilleurs par la douceur de
la porsi:n<s'on. plnr*t rpp vit 1« . vMw« etnar la contrainte. » Saint Jean Chrysostome,
Du Sacerdoce, liv. 11, vli. il ip. «iu de b trud. Ut, IC.V2),
TABLE ANALYT1Q1 I BT LEXIQUE. 18
Confondre, .pour Réduire à ne savoir que répondre. La nature confond les
pyrrhoniena et U raison confond les dogmatiques. » I, 114.
Conformer. « Faites-moi la grâce, Seigneur,... de conformer mes sentiments
nu\ vôtres. » 11, 228. — Conformeras volonté a celle de Dieu. 11, 231-232. —
Membre.
ifFORMiTÉ. Voy. Idée.
i . ion. Voy. Chaos et Montaigne. = Confusion des damnés. Il, 93.
Connaissable. «Q ne Uieu ne peut se rendre connaissable et aimable à lui. »
I, 189. Cf. II, a7, 236.
Connaissance. « Connaissances du cœur et de l'instinct, fondement de la
raison. 1, I 19. — Deux connaissances également nécessaires «a l'homme. I, 177,
lSf>. — Divines connaissances, pour Connaissance delà religion. 1, 186.
CONNAISSANCE de Dieu. Coque produit la connaissance de Dieu qui se tire
sans Jésus-Christ. I, 154. — La connaissance de Dieu ne se faitque par Jésus-
hvist 11. tr2-i)3. Yoy. Dieu, Jésus-Christ. — Qu'il y a loin de la connais-
. ace de Dieu à l'aimer! » II, 153.
CONNAITRE. Comment nous connaissons les premiers principes. I, 119. —
Ce que nous connaissons et ce que nous ignorons, 1, 148 149. — Connaître
Jésus-Chris»; est connaître la raison de tout. 1, 154. — Ce qu'il nous importe
de connaître. I, 176-177, 188. — Nous ne connaissons Dieu que par Jésus-
Christ. 11, 62-63. — Connaître (Dieu). « Deux sortes de personnes con-
naissent. » II, 96. — Se connaître. Comment nous pouvons nous connaître,,
II, 94. — Voy. Soumission. — « Il faut se connaître soi-même. » II, 162.
Conscience. Différence entre repos et sûreté de conscience. II, 97. —
« Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaiement que quand on le fait
par conscience. » II, 107. — « On assure la conscience en montrant la faus-
seté. » II, 183.
Conseil. Les arrêts du Conseil. II, 117.
Consentir a. « Consentir à la conduite de l'âme, etc. » II, 112. — « Con-
sentir aux vérités. » II, 206,297.
Considération. Considération de la vie et de la mort dans la vérité que
le Saint-Esprit nous a apprise. II, 237-245 — Considération de la double in-
îinité de la nature. II, 296. — Considération que l'âme convertie fait des
choses, de Dieu, et d'elle-même. II, 315-318.
Considérer. « Qu'on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu'il est. »
I, 49. = « Considérer votre âme triste jusqu'à la mort... » II, 230.
Consister a. I, 176.
Consolatif. « Un discours bien consolatif. » II, 236. — « Un beau mot
de saint Augustin, et bien consolatif. » 11, 342.
Consolation. « Le Dieu des chrétiens est un Dieu d'amour et de consola-
tion. » II, 61. Cf. II, 229. — Lettre de consolation sur la mort de M. Pascal le
fière, II, 235-247. — « Il n'y a de consolation qu'en la vérité seulement. »
I, 236. — Aider vos consolations. » II, 244. — « Il est juste que la conso-
lation de la grâce l'emporte par-dessus les sentiments de la nature. •-> Ibid.
Consoler. « Peu de chose nous console, parce que peu de chose nous
afflige. » I, 77. — Console-toi : tu ne chercherais pas, si tu ne m'avais
trouvé. » II, 207.
Consommation. « 11 est venu en la consommation des temps. » I, 172.
Consommer. « Pour consommer plus de soins et de veilles à votre service. »
yl, 228. — Que nos afflictions soient comme la matière d'un sacrifice que
sa grâce consomme. » II, 215. Voy. Sacrifice.
Conspirkr. « Opprimé par les uns et les autres qui conspirent à sa
mort. » 11, 24.
Constant. « Une dernière base constante. » I, 6. — « Cette justice cons-
tante. 1,37. - « Des chrétiens constants. » I, 118. — « Une mort constante. »
II, 17.
Conte. « Des sots contes. » If, 42. — Voy. Sottise.
Contemporain. Voy. Acteur, Histoire, Historien.
Contenter (Se), pour Etre content, être satisfait. « Il se contente de cela. »
I, 78.
Contention. « En la contention du vrai Dieu. » II, 72.
Contestation. II, 71, 72.
Continu. « L'éloquence continue ennuie. » I, 84.
Continuité. « La continuité dégoûte en tout. » I, 84.
Contradiction. « Contradiction est une mauvaise marque de vérité. » ï, 43
!G TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE,
Voy. Incontradiction, Miracle. — <x Quel sujet de contradiction (que
l'homme) ! » I, 114. Cf. I, 121. — « En Jésus-Christ toutes les contradictions
sont accordées » II, 7 = « Saus contradiction (c'est-à-dire il n'y a pas là
de contradiction). » II, 171. — Contradiction. I, 25, note 1 ; II, 7, note 4.
Contraire « Nous naissons si contraires à cet amour de Dieu. » I, 185. —
« Ainsi, mon Dieu, je vous ai toujours été contraire. » II, 228. — Passages
contraires dans TEcriture : comment il faut les accorder. II, 7, 202. — Erreurs
contraires qui combattent l'Eglise. II, 90. — « Les deux raisons contraires. »
II, 202.= Contraires (Les). « Les sages du monde placent les contraires dans
un même sujet, au lieu que la foi nous apprend à les mettre en des sujets
différents. » 1, cxxxiv.
Contrariété, pour Contradiction. « Les contrariétés d'un même esprit. »
I, cxxvn. — « La vérité de l'Evangile accorde les contrariétés par un art tout
divin. » I, cxxxiv. — « Pour accorder ces contrariétés. » I, 185. — Contrariétés
dans la nature de l'homme. I, cxxxiv, 114, 12', 155, 175, 182, 183, 186.
Contrariétés. Après avoir montré la bassesse et la grandeur de
V homme. I, 12, note 1. — Sources des contrariétés. II, 6, note 2.
Contre ceux qui abusent des passages de l'Ecriture, et qui se pré-
valent de ce qu'ils en trouvent quelques-uns qui semblent favoriser
leur erreur. II, 180, note 2.
Contre ceux qui, sur la confiance de la miséricorde de Dieu, demeu-
rent dans la nonchalance, sans faire de bonnes œuvres. II, 103, note 1.
Contre le pyrrhonisme. I, 43, note 4.
Contre Mahomet. II, 43, note 3.
Contredire a. « Et se contredisent à eux-mêmes par leur propre senti-
ment. » I, 10. — « J'ai contredit aux saintes maximes que vous avez apportées
au monde. » II, 228. — Voy. Vér;té.
Contrefaire. Pour Jouer (un personnage). Contrefaire le gueux. I, cxxiv.
-«Contrefaire (Se). I, 141.
Contre-peser. « Orgueil, contre-pesant toutes les misères. » I, 25. Cf. II, 89.
Convaincant. « Cela n'est pas convaincant de la dernière conviction. I, 43.
Convaincre. L'art de convaincre. II, 299. Voy. Méthode.
Conversation. Les bonnes ou les mauvaises conversations forment ou gâtent
l'esprit et le sentiment. I, 100. — « L'homme fait lui seul une conversation in-
térieure, qu'il importe de bien régler. » II, 105.
Conversion. En quoi consiste la conversion véritable. I, 194. — Celle des
païens réservée à la grâce du Messie. II, 18. — Sur la Conversion dd pé-
cheur. II, 315-319.
Convertir. « Si vous continuez à discourir de la sorte, en vérité vous me
convertirez. » Mot d'une personne (Pascal?) à des libertins. 1, 142. — « Les
hommes croient être convertis dès qu'ils pensent à se convertir. » II, 109. =»■
Convertir, pour Ramener. II, 171.
Coopérateur. « Un corps soumis et coopérateur à ses volontés. » II, 243.
Coopérer. « Tout coopère en bien pour les élus. >•> II, 245.
Copernic « L'opinion de Copernic. » II, 95 et 128-131.
Corde. « Qui voudra danser sur la corde sera seul. » II, 125. = Au figuré,
a Ces cordes qui attachent le respect à tel ou tel sont des cordes d'imagina-
tion. » I, 89.
Corneille Cité, I, 83: II, 165. — Imité. I, 197. — Manière chaste et hon-
nête dont il a peint l'amour. II, 116 et 140.
CORPORELLEMENT. I, 8. Voy. SPIRITUELLEMENT.
Corps. Notre corps est un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l'égard
du néant. 1, 3. — Ce que valent les corps. II. 16, Voy. Esprit, Réussir. —
« Les corps saints sont habités par le Saint-Esprit jusqu'à la résurrection. »
11,241. Cf. II, 343. — La béatitude du corps. 11,244. — La mort du corps n'est
que l'image de celle de l'âme. » II, 245. = Au figuré, a Dieu a voulu faire des
êtres qui le connussent et qui composassent un corps de membres pensant. »
II, 112. Voy. Membre.
Correction, pour Réprimande. « Le juste, quand il reprend ses serviteurs,
attend autant de Dieu que de ses répréhensions, et prie Dieu de bénir ses
corrections. » II, 161 L
I, Molière, Le Misanthrope, a. III, se. 5 :
11 faut mettre le poids d'une vie exemplaire
Dans les corrections qu'aux autres on veut falrt
TÀRI.r AN Al.VTInl i: ET LEXIQUE. 17
Corriger. « Et corrigeons ainsi... Les sentiments d'erreur. » 11, 241. —
On se corrige quelquefois mieux par la vue du mal que par L'exemple «lu
oien. » II, 340
Corrompu. « Nous sommes misérables, corrompue, etc. » 1, 198. Cf. Il, 49.
Voy. COMDTOON.
CorrumpU7it mores hoiws coUoquia prava. (D'après un vers do Ménandre
dans saint Paul.) II. 108.
Corruption. Corruption de l'homme. I, 27, 187 : II, 48-'»9. — «Il est juste
que ceux qui sont m cet état le connaissent. » II. 90. Voy. Rédemption. —
Corruption de la raison. II, 168. Cf. 1, 38. — Corruption de la morale dans
des maisons de sainteté, et dans des livres de théologiens et de religieux.
li, .5 1 1.
Couler (actif). « Pour couler insensiblement une doctrine fausse et sub-
tile. » H, 71.
Coun. <' Ceux de la cour sont mieux reçus dans l'amour que ceux de la
ville. « II, 200.
Courage. Est-ce courage à un mourant d'affronter Dieu? Il, 107. — Donner
courage. 11, 341. Voy. A vent.
Couronne. La couronne de lagloire, offerte par Dieu. 11,333.
Couronnement. « La mort est le couronnement de la béatitude de l'âme. »
II, 2 44.
Courtisan. « Nul ne dit courtisan que ceux qui ne le sont pas. » II, 178.
Coutume. Force de la coutume : elle contraint la nature. I, 36. — Elle fait
toute l'équité. I, 38. — Fondement mystique de son autorité. Ibid. — Danger de
"examiner quand elle est établie. 1, .'19. Voy. Ktat. — Une coutume différente
donnera d'antres principes naturels. I, 41. — La coutume est une seconde
nature. 1, 42: II, 168- — Effet de la coutume de voiries rois accompagnés de
gardes, etc. 1,61. — Ne doit être suivie que parce qu'elle est coutume: mais le
f>euple la suit parce qu'il la creit juste 1.82. — « La coutume fait nos preuves
es plus fortes... C'est elle qui fait tant de chrétiens, etc. » I, 156. — Est
un des trois moyens de croire. II, 107. — « C'est une chose étrange que la
coutume se mêle si fort de nos passions » II, 254.
Couvreur. Voy. Vocation.
Couvrir, pour Cacher (Occuicre). « Couvrir ses défauts aux autres et a soi-
même. » 1, 20. — « Vous, Miton, le couvrez (le moi), vous ne l'ôtez pas. » I, 76 .
— « II (Dieu) les a couvertes néanmoins de telle sorte, etc. » 1, 136. Cf. 1,208
II, 329. Voy. Voile. = Se couvrir, pour S'envelopper, se voiler « Il s'est e a
core plus caché en se couvrant de L'humanité. » 11, '629.
Cracher. Être craché (Conspui). 11,27.
Crainte Devoir de crainte rendu à la force. I, 72. — Comme dans la
maladie les craintes nous troublent. 1, 75. Voy. Etat. = Rester en crainte.
II, 102. — Etre toujours en crainte. IL 333. — Crainte de Dieu : la bonne et
la mauvaise. II, 108. — Crainte qui conserve la joie du chrétien. II, 337
Craquer. « Tout notre fondement craque. » I, 6.
Créance, pour Croyance. Asseoir sa créance. I. cxxvi. — « La volonté est
un des principaux organes de la créance. » I, 41. — Devoir de créance rendu
à la science, 1, 72. — - Qui blâmera les chrétiens de ne pouvoir rendre raison
de leur créance? » I, 149. — Acquérir une créance. I, 156. — Soumet're sa
créance. I, 185. — « Toute la créance est sur les miracles. » II, 08. — Préoc-
cuper la créance. IL 71. — La créance des hommes s'est pliée par là. » II, 75.
— Affermir la créance. II, 104. Récrier la créance. II, 297. — « Ce qui a
rapport à nos créances. « II, 298. — Voy. Antiquité.
Créateur. « Si je voyais partout des marques d'un créateur, je reposerais
en paix dans la foi. » I, 197.
Création. Preuves de la création. 1. 212-213. Voy. Moïse.
Créature. Toutes les créatures ou affligent ou tentent l'homme, et dominent
sur lui. I, 183. — « Les créatures, quoique bonnes, sont ennemies des juste»,
quand elles les détournent de Dieu. » 1, 209. — Dignité de l'homme, par rap-
port aux créatures. II, 90. — Jouir des créatures. Il, 110. — Nous attacher
aux créatures nous empêche ou de servir Dieu ou de chercher. Ib'nl. -
Donner son cœur aux créai mes. II, 227. — Jouir des créatures est offenser Dieu.
Il, 228. — Dans la mort, la créature rend à Dieu tout l'hommage dont elle
est capable. Il, 238.
Crédule. « L'homme est naturellement crédule, incrédule. I, 121; II, 175,
Creux. Voy. Coeur.
18
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Crever. « Titre qui crève les yeux, » 1, 4. « Nous crever les yeux agréa-
blement. « 1. 35 et 46.
Crieh. « Qu'est-ce doncque nous crie cette avidité et cette impuissance? »
I, 117. — « Us crient que rien ne leur montre la vérité.» I, 137. — « Qt«
nous crie donc ce chaos, etc.?» I, 187. — « 11 faut crier d'autant plus haut
qu'on est censuré plus injustement. » 11,117.
Crime, pour Péché. « Dien que ma vie passée ait été exempte de grands
crimes. » 11, 227. -- Voy. Elus, Réprouvés.
Crocheteur. «Un crocheteur se vante. » I, 25.
Choire. Pourquoi il est dit, Croyez à l'Eglise, et il n'est pas dit, Croyez aux
miracles. II, 70. — Trois moyens de croire : raison, coutume, inspiration. 11, 107.
— « Le croire est si important! » II, 160. — « Cequi fait croire les chrétiens,
c'est la croix : » Ibid. Cf. II, 200. — Les hommes presque toujours emportés
à croire, non parla preuve, mais par l'agrément. Il, 290. — Raisons pour-
quoi on ne croitpoint. 11, 74, note 2.
Croix. « Il se joue un jeu où il arrivera croix ou pile.» 1, 149. Voy. Pari.
— La mort de la croix. 11, 6. Voy. Humilié. — Les deux croix. H, 71, 72. —
Croix de saint André. II, 76. — Figures de la croix et de la gloire. Il, 92.
Voy. Sacrement. — La folie de la croix. II, 200. Voy. Croire.
Cromwell. Cause et effets de sa mort. I, 37.
Croyance. Voy. Créance, Incliner.
Cru (partie, de Croire) . « Nos preuves les plus crues... Qu'y a t-il de plus
cru? » I, 156.
Cru (partie, de Croître). « Il est crû, il est changé. » II, 126.
Cupidité. « La cupidité use de Dieu et jouit du monde; et la charité, au
contraire. » I, 209. — Voy. Charité, Juifs.
Cuisinier. « Un cuisinier se vante. » I, 25,
Curieux. Les curieux et les savants ont pour objet l'esprit. II, 199.
CuRiosiTé. N'est que vanité. I, 25. — Curiosité inutile, maladie principale
de l'homme. 1, 101. — La curiosité, ou concupiscence des yeux: règne propre-
ment dans les choses spirituelles.il, 199.
Cyrus. Prédiction de Cyrus. Il, 190. — Voy. Evangile.
D
D'abord que. II, 67.
Dames. Les dames jvuent quelquefois la compassion. II, 257. — L'amitié
des dames. II, 259.
Damné. « Ce sera uli des confusions des damnés, de voir qu'ils seront
condamnés par leur propro raison. » II, 93.
Damner (Se). « 11 y a des gens qui se damnent si sottement, par l'avarice
par la brutalité, par les débauches, etc. ! » II, 356.
Damoiselle. « Une jolie demoiselle toute pleine de miroirs et de chaînes. »
J, 104.
Daniel. La petite pierre de Daniel, II, 24, 26. — Ses 70 semaines. II, 29. —
Extraits du livre de Daniel. II, 29-34.
Danse. Sa raison. I, 50.
Danser. Voy. Monde.
Darius. Voy. Evangile.
David. N'a point prouvé Dieu parla manquede vide. I, 155. — Sagrandeur,
Les prophéties plus claires de lui que de Jésus-Christ. II, 1. — Un mot d*
David ou de Moïse fait juger de leur esprit. II, 101. — Règne éternel de \b
race de David. II, 185. -- « David, établissement. » 11,200.
De, pour Par ou d'après. I, 2 (note I). = Avec un verbe passif. « L'on esi
également combattu de l'espérance et de la crainte. » II, 261. = « Vous agi
riez de mauvais sens... de refuser de jouer, etc. » I, 150.
De omni scibili (titre de livre). I, 4 et 19 i.
Débordé. — «Vous retenez dans l'Eglise les plus débordé?, » II, 115.
Débordement. « Mais cela ouvre la porte aux plus grands débordements* »
1,70.
1. «De falct. par tout» les carrefours de la ville (Pantagruel) mlst conclusions en nom-
bre de rienf mille sept cents soixante et quatre en tout savoir, touchant en icelles les plus
forts doubtes qui fassent en toutes sciences, d Rabelais, Pantagruel, liv. II, ch. x.
TAHLK ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 10
Débordku (Se). (> Cet amour-propre s'est étendu et débordé dans le vide que
l'amour de Dieu a quitté. » 11, -'»-•
Dkbout. « Nous demeurons debout, comme entre deux vents contraires. »
11, 132.
Décevant. « Partie décevante dans l'homme (l'imagination). » 1,31.
Déchoir. « Endangerde déchoir de leur justice. » 11, 228. Voy. Juste. —
« L'homme est déchu d'un état de gloire et de communication avec Dieu en un
état de tristesse, de pénitence et d éloignement de Dieu. » 1, 171. Cf. I, 9.
Voy. Homme.
Décider. « Un méridien décide de la vérité. » I, 38.
Décime, pour Dlme. « Manger les décimes. » 11, 7.
Décliner. « L'on décline misérablement. » II, 257.
Découvert (A), pour Sans voile. « IL i", 00.
Découvrir, opposé à cacher. Découvrir une pensée. II, 351. — « J'ai décou-
vert que... »1,4S. — Voy. Dieu caché. = Pour, dévoiler, faire comprendre
(Aperire). Découvrir une illusion. 11,353 '.
Déçu. « La nature corrompue et déçue. » II, 240. — Voy. Raison.
Dedans (Au). Voy. Trouver.
Défaire (Se). « Ceux-là se défont des fausses religions, et delà vraie même. »
II, 153.
Défaut, pour Manque. « L'extrême défaut (d'esprit). » I, 73. — Le
défaut de droite méthode. » I, 80. — Le défaut de raison en cette doctrine. »
I, 185. — Voy. Mortifier.
Défectuosité. 11, 242. Voy. Mort (La).
Défendu. « Tout ce que Dieu ne veut pas est défendu. » II, 173.
Défini. Le défini. II, 281. — « A la place des définis. » II, 301.
Définir. 11 est impossible de définir ce que c'est qu'être. I, cxxvm;
II, 383. — Tout définir et tout prouver est un ordre impossible. II, 281-2S2. —
Ce qu'on définit en géométrie. II, 282. — « 11 y a des mots incapables d'être dé-
finis. » 11, 283. — La géométrie ne peut définir les objets : pourquoi 11, 288.
Définition. Définitions en géométrie. II, 280-287. — Les définitions sont
libres. II, 281, 284. — Définition absurde de la lumière. 11,283.- Définition
du temps. II, 284-285. — Différence d'une définition et d'une proposition. II,
285-286. — Règles pour les définitions. 11, 301-302.
Degré. Voy. Fortune.
Dégi isement. « L'homme n'est que déguisement. » I, 28.
Déguiser. « Nohs nous déguisons à nous-mêmes.» I, 75. — Voy. Masquer.
Dehors (Au). Voy. Chercher.
Déisme. Presque aussi éloigné de la religion chrétienne que l'athéisme.
I, 176. Cf. II, 62. Voy. Dieu.
Déité. « Les Grecs et les Latins ensuite ont fait régner les fausses déités. »
I, 172.
Délasser. « Qui délasse hors de propos, il lasse. I, 105.
Délectation. L'empire de la délectation. I, 82.
Délibérer. « C'est une chose déplorable de voir tous les hommes ne
délibérer que des moyens, et point de la fin. » II, 166. — Voy. Heure.
Délicat. Les esprits délicats. II, 258.
Délicatesse. « Les femmes aiment à apercevoir une délicatesse dans les
hommes... La délicatesse est un don de la nature. » II, 250.
Délia opinione regina delmondo (titre de livre). I, 34.
Déluge. Miracle qui prouve le pouvoir et la volonté que Dieu avait de
sauver le monde. I, 174. — La création et le déluge, les deux choses les plus
mémorables qui se soient jamais imaginées. I, 212. Voy. Création. — Tra-
dition du déluge chez les sauvages. Il, 76.
Démarche. « Qui suivra ces étonnantes démarches? » I, 3 et 22. — « La
dernière démarche de la raison. » I, 192.
Demi-Savants. Se moquent du peuple. I, 64. — Voy. Entre-deux, Il a iules
(Les).
Démocrite. Cité. I, 4.
Démon. L'homme ne sait s'il n'est pas créé pai un démon méchant. I, H3.
— « Jésus-Christ n'a point voulu des témoignages des démons. » II, 98.
Démonstratif. « Cela est démonstratif. 1, 152. — Voy. Figure.
i CV fnt "Tir ''pin qu'il me découvrit l'esprit de la Société. » Provinciales. 5* Lettre.
20 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Démonstration. De la méthode des démonstrations géométriques,
II, 279-296. — Règles pour les démonstrations. 11, 301-302.
Démontré. « Combien y a-t-il peu de choses démontrées! » II, 155.
Dépeindre. « Elles y dépeignent ou les parties des beautés qu'elles ont,ou
celles qu'elles estiment. » II, 254. — « Les poètes n'ont pas eu raison de nous
dépeindre l'amour comme un aveugle. » II, 200.
Dépendance. II, 167. — Sentir sa dépendance. II, 154.
Dépendait. «Les capitaineset pi inces même sont toujours esclaves et dépen-
dants. » 11, 105. Voy. Chahtkei'x et Soldat.
Dépit. Voy. Ennui.
Déplaisir. Effet de l'absence. II, 4. Voy. Plaisir. — Profit que nous de-
vons tirer du déplaisir (de la mort). II. 245.
Dépositaire. « Dépositaire du vrai (l'homme). I, 114. — Voy. Adam.
Dépravé. Nous naissons dépravés. II, 111.
Dérèglement. « Ceux qui sont dans le dérèglement croient suivre la nature »
I, 70. — « Quand tous vont vers le dérèglement, nul ne semble y aller. »
I, 78. — Dérèglement de jugement. IL 149.
Dernier. « La dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage est de
savoir celle qu'il faut mettre la première. » I, 105. — Voy. Principe.
Derrière. Pensée de derrière. Voy. Pensée.
Desargues. Raisins de Desargues. Il, 163.
Désarmer. « Vous désarmez toute l'Église. » II, 76 et 85.
Des Rarreaux. I, 130.
Dès-la, pour, en conséquence. I, 213.
Descartes. Allusion à son livre des Principes de la Philosophie (Principia
Philosophiœ) . I, 4. Cf. II, 126 et 148 ; II, 151. — « Descartes inutile et
incertain. » II, 126. — (Pascal était du sentiment de Descartes sur Vautomate,
et n'en était point sur la matière subtile.. Il ne pouvait souffrir sa manière
d'expliquer la formation de toutes choses. Il, 148. Voy. Chiquenaude.) — Le
principe de Descartes, Je pense, donc je suis, se trouve déjà dans saint Augus-
tin, 11, 304. — Descartes a prétendu faire de ce mot un principe ferme et sou-
tenu d'une physique entière. Il, 305. — Descaries. II, 126, note 3.
Désespoir L'homme dans un désespoir éternel de connaître ni le principe
ni la fin des choses. I, 3. — « J'admire comment on n'entre point en désespoir
d'un si misérable état» » 1, 175. — Désespoir des athées, qui connaissent
leur misère sans Rédempteur. II, 177, Cf. II, 62. — Sans les divines connais-
sances, les hommes pouvaient bien éviter la vanité, mais c'était en se préci-
fntant dans le désespoir. I, 187. — La religion abaisse infiniment plus que
a raison, mais sans désespoir. Ibid. — « La misère persuade le désespoir.»
I, 188. — Double péril pour l'homme, de désespoir ou d'orgueil. Ibid. On
%'abaisse sous Jésus-Christ sans désespoir. II, 18. — Voy. Ennui.
Déshonorer. Voy. Miracle.
Désir. Illusion des désirs. I, 54, 75. Voy. Etat. — Désir du vrai bien
naturel à l'homme. I, 117. — Désir delà vérité et du bonheur, nous est laissé
pour nous punir. I, 121. — Voy. Resoin.
Désirer de. « Il désirerait de l'anéantir. » I, 26.
Dessous. « Voir le dessous du jeu. » I, 152. — « Nous aurons toujours du
dessus et du dessous, de plus habiles et de moins habiles, etc. II, 168.
Destituer. « Un nom que l'on destitue de tout autre sens. » II, 281, 285.
— « Considérant l'homme destitué de toute révélation. » I, cxxv. — « Ces
personnes destituées de foi et de grâce. » 11, 60.
Détacher (Se). « On ne se détache jamais sans douleur. » H, 333.
Déterminer. «La raison n'y peut rien déterminer. » I, 149. — « Leur cupi-
dité, qui déterminait ce sens aux biens de la terre » I, 209. » — « L'âge
ne détermine point ni le commencement ni la fin de ces deux passions. »
II, 251. — Déterminer un original de beauté. IL 254. — « L'amour se déterminant
autre part que dans la pensée. » U, 261. -- Pour Engager, pousser. « Ce
qui détermine chacun à chaque condition. » II, 166 1.
Détourner. « Il ne faut point détourner l'esprit ailleurs (dans un ouvrage),
ainon pour le délasser. » I, 105. — Voy. Occuper.
1. C'est ainsi que La Bruyère (De quelques usages) dit que l'étude des langues ne se peut
bien faire que dans l'enfance, lorsque tout s'imprime dans l'âme profondément, que la
mémoire est neuve, l'esprit et le cœur vides de passions, « que Von est déterminé à de longs
travaux par ceux fie qui l'on dépend ». Et, Pascal, dans les Provinciales, 2e Lettre : « Dieu
leur donne une grâce efficace qui détermine réellement leur volonté à Vaclion. *
PABLE ANALYTIQUE Eï LEXIQUE. $1
Df.ttk. Voy. Sdrp v\ i i..
Deus absconditus. \, 130, 171 : II, 6i, Voy. Dieu caché.
Di \ ,\i Qu'il est Jim. mt qu'Abraham. >• [, 207. — « Devant que l'on
eût atteint l'âge île raison. » I, 213. — Devant ce temps l'on est enfant. »
11, 252. Tour, auparavant. [, cxxvu.
Deviner. « II. le Cardinal (Mazarin) ne voulait point être deviné. » II, 154.
— hn amour, il faut deviner, mais bien deviner. Il,
Devoir. « On rend différents devoirs aux différents mérites. » I, 72. —
il d'amour, devoir de crainte, devoir île créance. Ibid. — « Il y a un
devoir réciproque entre Dieu et les hommes. » II, 00. — Le devoir de Dieu.
11. 71. — Le devoir de l'homme est de penser comme il faut. II, 1(M>. — Moyen
de ne pas oublier son devoir. 11, 149. — C'est un devoir de ne s'affliger de
rien. 11, 335. Devoirs de respect envers les rois et les grands. Il, 354. —
Justice de ces devoirs. Ibid.
Devoir. (Verbe.) Ce que les hommes doivent à Dieu; ce que Dieu doit aux
hommes. 11, 70. — Dieu ne doit que suivant ses promesses. » 11, 161.
Dévot. Les dévots opposés aux chrétiens parfaits. 1, 59-00. = a Un zèle
tout dévot. » 1,32.
Dévotion. « L'expérience fait voir une différence énorme entre la dévotion
et la bonté. » 11. Ib4. — Voy. Simiutuel.
Dextre. « Monter au ciel, et seoir à la dextre. II. 243.
Diable (Le). A troublé le zèle des Juifs avant. Jésus-Chrit. I, 212. — « Ce
lieu (Port-Royal) qu'on dit être le temple du diable... » II, 75. — « Ceux qui
guérissent par L'invocation du diable ne font pas un miracle. » 11, 81. —
« La force naturelle du diable. Ibid. — « Point de miracle qui oblige à dire
que c'est le diable. Il, 181. Cf. II, 183. — Jésus-Christ agissait contre le
diable et détruisait son empire. II, 199. — « Pénitents du diable (expression
de Tertullien). 11, 337.
Dialogue. ■< Ordre par dialogues. » II, 174. — Ce qu'il faut, en tout dia-
logue et discours, qu'on puisse dire à ceux qui s'en offensent. 11, 125.
Dieu. Le seul véritable bien de; l'homme. 1, 117. — On ne peut le con-
naître que par le cœur, 1, 120, 194-195. — A établi des marques sensibles
dans TLglise pour se faire reconnaître. I, 130. Voy. Dieu caché. — Ceux qui
vivent sans connaître et sans chercher Dieu sont méprisables. 1, 1-12. Le
malheur d'un homme sans Dieu. Ibid. Cf. II, 109, 157. — Dieu perdu (pour
la perte de Dieu). 1, 180. — Dieu n'a ni étendue ni bornes. 1, 149. — Dieu
infiniment incompréhensible : nous sommes incapables de connaître ni ce
qu'il est ni s'il est. Ibid Cf. II, 126. — Ne peut être connu que par Jésus-
Christ. I, 154; 11, 02-03, 198. — Ne se prouve pas par la nature. 1, 155 ; II,
00-02, 204. — De la preuve de Dieu par le manque de vide. I, 155. — Notre
religion est la seule qui ait ordonné d'aimer Dieu. I, 109. Voy. Aimer Dieu. —
Notre vraie félicité est d'être en lui. I, 182. Cf. II, 00. — Ce que nous dit sa
Sagesse. I, 183. Voy. Sagesse. — Réponse à l'objection que Dieu est incompré-
hensible et hors de proportion avec nous. I, 189. — « 11 est juste qu'un Dieu
si pur ne se découvre qu'à ceux dont le cœur est purilié. » I, 213. — « Que
ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur... se consolent: je leur montrerai
qu'il y a un Dieu pour eux, etc. » II, 10. — « Dieu parle bien de Dieu. »
II, 39. Cf. I, lvi. — « Les choses qui sont de Dieu. » II, 01. — Le Dieu des
Baïens et des épicuriens ; le Dieu des Juifs. II, 01. — « Le Dieu d'Abraham, le
ieu d'Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des chrétiens, est un Dieu d'amour et
de consolation. » Ibid. Cf. I, cvi. — Ce que fait le Dieu des chrétiens. II, 01-02.
— Ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ tombent ou dans l'athéisme
ou dans le déisme, II, 02. — « Dieu doit aux hommes de ne les point induire
en erreur. » II, 70. Voy. Devoir. — Sa miséricorde et sa justice. II, 102-103,
173. — Moyen de se persuader Dieu à soi-même. II, 105. — Trois sortes de per-
sonnesà l'égard de Dieu, 11, 109. — Dieu a voulu faire des êtres qui le connussent.
II, 112, — Dieu et l'Eglise. Il, 115. — Dieu ne regarde que l'intérieur. Ibid.
Voy. Pénitence. — «Il est meilleur d'obéir à Dieu qu'aux hommes. » II, 118.
— « Il est indigue de Dieu de se joindre à l'homme misérable. » II, 122 --
« Qu'il y a loin de la connaissance de Dieu à l'aimer f » II, 153. Dieu ne
peut être la fin s'il n'est le principe. II, 100. — Tout ce que Dieu ne veut
fias est défendu. » II, 173. — Chose visible, qu'il faut aimer un seul Dieu.
1, 200. — Ce que Dieu ne peut pas, parce qu'il est tout-puissant. II, 201. —
Dieu maître de la république chrétienne, de la judaïque. Il, 203. — « Enfin
tyieu parle dans les dernières oppressions. » II, 204. — Dieu n'est pas moins
22 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Dieu quand il afflige et punit. II, 223. — Dieu ne considère les hommes que par
le médiateur, Jésus-Christ. 11,238. — Dieu seul met les vérités divines dans l'âme.
11, ^'.'7. — Le service de Dieu. 11, 335-336. — « Dieu s'est réservé des serviteurs
cachés. » II, 336. — « Dieu n'abandonne jamais les siens, non pas même dans
le sépulcre. » II, 343. — « Dieu est proprement le roi de la charité. » 11, 355.
Cf. 11, 176. — Voy. Conduite, Connaissance, Jésus-Christ, Miracle, Mort (La)
Royaume, Volonté, etc.
Dieu caché. Deus absconditus. «11 ne se trouve que par les voies enseignées
dans l'Evangile » I, cvii. -• Dieu s'est caché à la connaissance des hommes.
I, 136 et 147. Cf, 1,171. — A établi des marques sensibles dans l'Eglise pour se
faire reconnaître, et les a couvertes de manière à n'être aperçu que de ceux qui
le cherchent de tout leur cœur. 1, 136. — A voulu paraître à découvert à ceux
qui le cherchent, et caché à ceux qui le fuient; aveugler les uns et éclairer les
autres. 11, 17-52. — L'Ecriture dit que. Dieu est un Dieu caché, et que ceux qui
le cherchent le trouvent, II, 61. — Dieu ne sort du secret de la nature qui le
couvre que pour exciter notre foi à le servir, etc. » II, 329. — « Il se cache or-
dinairement, et se découvre rarement. » Ibid. — « S étant caché en toutes
choses pour les autres, il s'est découvert en toutes choses pour nous. » II, 330.
Dieu par Jésus-Christ. 11, 63, note 1.
Différence. « Qu'il y a de différence d'un livre à un autre! » I, 201. —
Différence (pour Dieu) entre tenter et induire en erreur. II, 70. — Différence
entre n'être pas pour Jésus-Chrisi, et le dire, ou n'être pas pour Jésus-Christ
et feindre d'en être. II, 71. — Entre repos et sûreté de conscience. 11, 97, —
« Différence entre le dîner et le souper. » II, 201. — Voy. Disciples.
Différence entre Jésus-Christ et Mahomet. 11, 43, note 4; 11, 159, note 3.
Difficulté. Voy. Recevoir.
Dignité. « Les sens reçoivent des paroles leur dignité. » 1, 105. — Dignité
de l'homme : en quoi consistait dans son innocence, et en quoi consiste aujour-
d'hui. 11, 90. Voy. Espace, Pensée.
Dilation. « La dilation du baptême. » 11, 323.
Dilemme. Fausseté du dilemme des philosophes sur l'immortalité de l'âme.
I, 144.
Diligence, pour Soin, exactitude. I, 207.
Dîner. Voy. Différence.
Directeur. « Soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur. » I, cvn.
— « Interroge ton directeur. » II, 209.
Discernement. Faire le discernement des miracles. II, 79, 80. — « C'est un
discernement qui passe la force des hommes et des anges, etc. » II, 231.
Discerner. « Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne
1 ;s miracles. » II, 66 et 82. — « Les miracles discernent aux choses dou-
Vîuses. » II, 71. Cf. II, 78. — Voy. Chose.
Djscipliîs (de Jésus-Christ). Dorment pendant sa passion. II, 206-207. =s
différence entre les disciples et les vrais disciples. 11, 171.
Discours. « Oh ! ce discours me transporte, me ravit. » 1, 153. — Four
raisonnement, dialectique : «Que la raison y fonde tout son discours. » I, 119.
Cf. II, 101, 282, 289.,— Sots discours. » 11, 156. — Pour Style (oratio). Effet
d'un discours naturel. I, 104. — Voy. Dialogue.
Discours (Fin de ce). I, 153, note 1.
Diseur. « Diseur de bons mots, mauvais caractère. » I, 76.
Disgrâce. Les disgrâces mêmes qui arrivent aux élus sont des effets de la
miséricorde de Dieu. II, 223.
Dispenser. « Qui dispense la réputation ?» I, 32.
Disposition. La disposition différente des matières forme un autre corps de
discours. I, 99. Voy. Pensée. — La disposition du corps, pour La bonne
grâce du corps. II, 260.
Disproportion de l'homme. I, 8, note 4. — Disproportion entre notre
justice et celle de Dieu. I, 153. Voy. Justice.
Dispute. « On aime à voir dans les disputes le combat des opinions. » 1,80.
Voy. Vérité. — Etre en dispute. 11, 78. Voy. Erreur.
Dissemblance. La dissemblance des Evangélistes, utile. II, 201.
Dissiper (Se). « Pour me dissiper en des pensées inutiles de l'avenir. »
II, 339.
Distance. Voy. Esprit.
Distinguer. On a bien fait de distinguer les hommes par l'extérieur. 1, 61.
Diversité. II, 163, note 2.
TAULE ANALYtiQUÈ Et LEXIQUE. 23
Divertit,, pour Détourner. « Il ne nous faudrait pas divertir d'y penser. »
I, 77. — <■ Doui ils ne peuvent être divertis par quelques menaces. Il, 22. —
Se divertir, pour Se distraire. 1, \S,
Divertissement. Ce qu'on appelle divertissement. 1, 48, L9, 73. — Instinct
?ui porto les hommes à chercher le divertissement et l'occupation au dehors.
, 50. — « Sans divertissement, il n'y a point de joie: avec le divertissement,
il n'y a pont do tristesse. » I, 52. — <« Le divertissement est la plus grande
de nos misères .. Il nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort.
I, ■">'«. — « (He/ leur divertissement, vous les verrez se Bêcher d'ennui. » 1, 88,
— « Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne.»
II, 116. -- Il n'y en a point de plus à craindre que la comédie. Ibid. — Di-
vertissement. 1, 48, note 2 : 53, note .'5; 54, notes 1 et 4; 73, note; 89,
note 2.
Divination. Des divinations par les songes. II, 75.
Divinité. D'où viennent ces mots : Le caractère de la divinité est empreint
sur son visage. I, 61. — « Prouver la divinité par les ouvrages de la nature.»
11, 60. — La divinité de Jésus-Christ. H, 62. — Voy. Marquer.
Divisiiiu: (substantif). « Les divisibles do l'espace... Une infinité de divi-
sibles, etc. » 11, 291, — Voy. Infini.
Division. Contre les divisions en morale. 1,78. Voy. Charron. — Division
dans l'Eglise : les miracles y décident. II, 70. — « Jésus-Christ met la divi-
sion. » \i^ 171.
Docilité. Trop de docilité fait la superstition. 1, 194. Cf. Il, 150.
Docteur. Pourquoi il faut aux docteurs des bonnets carrés et des robes
trop amples de quatre parties. 1, 33. — On aime que les docteurs graves soient
infaillibles dans les mœurs. II, 120. — Le docteur de la comédie. Il, 165.
Doctrine. Doctrine de Dieu. « Les Juifs avaient une doctrine de Dieu, et
confirmée par miracles. » II. 68. — Voy. Miracle,
Dogmatique. iMatières ou connaissances dogmatiques : leur objet. 11,266.=
Dogmatiques (Les). <« La raison confond les dogmatiques.» I, 114.
Dogmatiser. Qui ne dogmatisent que sur ces vains fondements. » 1, 113.
Dogmatisme. Se ranger au dogmatisme. I, 114. — m Invincible à tout le dog-
matisme. » I, 120.
Dogmatistes. Leur unique fort. 1, 113. — Sont encore à répondre depuis
que le monde dure. Ibid. et 124. — D'où vient leur secte. I, 187.
Domestique. « La vérité est domestique du ciel. » 1, 115 (note). — « Ceux
qui ont été élevés domestiques de la foi. » II, 323.
Dominer. « Toutes les créatures dominent... sur lui. » I, 183. — Dominer
sur les créatures. II, 90. — « Que sa grâce règne et domiue sur la nature. »
II, 245. = « Dominant des uns et des autres. » II, 24.
DONATIf.TES. Il, 184.
Donner. « Donner sujet. » II, 60. = Donnera .. « Ainsi, donnant à trembler
à ceux qu'elle justifie. » I, 187. = « Ceux qui se donnent à Dieu. » II, 342.
Dormir. Voy. Disciples.
Douceur. Le plaisir d'aimer sans l'oser dire a ses douceurs. II, 257.
Douleur. Il n y a rien en nous, que nos seules douleurs, qui puisse agréer à
Dieu. 11. 229. — Voy. Plaisir, Temps.
Doute. Le doute sur l'immortalité de l'âme est un grand mal, digne de com-
passion. 1, U7-139. — Celui qui est dans ce doute, et en fait profession et
vanité, est une extravagante créature. I, 139. — « La nature ne m'offre rien
qui ne soit matière de doute et d'inquiétude. »I, 197. — La fausse ou mauvaise
crainte de Dieu vient du doute. II, 108. = < 11 est sans doute », pour 11 est
hors de doute. 1, 3, 115, 189, 155: II, 237, 302.
Douter. Peu parlent du pyrrbonisme en doutant. I, 75. — « Il faut savoir
douter où il faut. »I, 193. — L'homme sans Dieu est dans l'ignorance de tout:
il ne peut même douter. II, 157, Cf. I, 114. - « Nier, croire, et douter bien,
sont à l'homme ce que le courir est au cheval. » II, 160.
Doutkur. « Que je hais ceux qui font les doutcurs de miracles l » II, 162.
Douteux de. « Discours douteux d'être philosophes ou chrétiens. » II, 101.
Droit (Le) « Le droit a ses époques.» 1, 38. = Voy. Epiîe, Main.
Droiture. « Droiture d'esprist. » I, 96.
Du désir d'être estimé de ceux avec qui on est. I, 25, note 2.
Duc L'âme et le corps sont indifférents à l'état de batelier ou à celui de
duc. II, 352. — « Il n'est pas nécessaire, parce que vous êtes duc, que je
vous estime, mais il est nécessaire aue je vous salue. » II, 35i. Voy. Estime.
iï TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Duché (féminin). 1, 89.
Du Gas (M.). II, 328.
Dupeu. « Jamais ils n'auraient dupé le monde. » 1,33. — Juges dupés par
l'apparence de l'avocat. Ibid.
Duplicité (au sens propre). « Cette duplicité de l'homme (grandeur et misère)
est si visible, qu'il y en a qui ont pensé que nous avions deux âmes. » I, 180.
Durer. Voy. Temps.
E
Eau. « De l'autre côté de l'eau. » I. 70. Tuer. = Eau bénite, messes, etc.
pour s'aider à croire. I, 152. Voy. Extérieur.
Ebranlement. La fermeté est ruinée par l'ébranlement. II, 261.
Ebranler. « Oepuis qu'on commence à être ébranlé par la raison. » II, 252.
« Etre ébranlé par quelque objet. » II, 255. Cf. II, 261. Voy. Inondation.
Ecacher. « Ils en écachent la pointe. » I, 35.
Ecclésiaste (L'). Cité. II, 157.
Echappé. Pensée échappée : leçon qui s'en tire. 1, 85. Cf. ibid., note 2.
Echapper (actif). « Nous échappons sans réflexion le seul (temps) qui sub-
siste. » I, 36. = Echapper à. « 11 échappe à nos prises. »I, 6. — « Ma pensés
m'échappe quelquefois. » I, 85. = S'échapper à, pour Se dérober à. II, 292.
Echauffer. Jésus-Christ, saint Paul, saint Augustin, voulaient échauffer,
non instruire. I, 102. = S'échauffer. « Faites-le jouer pour rien, il ne s'y
échauffera pas. » I, 52.
Echec. « Chassez cet animal qui tient sa raison en échec. » I, 41.
Eclairer. Dieu a voulu aveugler les uns et éclairer les autres. II, 52. Voyez
Aveugler. — « Il n'y a que nous que Dieu éclaire jusque-là. » II, 340. =
Eclairer à. « Le soleil éclaire à tous. » II, 158.
Eclat. Voy. Jésus-Christ.
Éclater. « Oht qu'il (Archimède) a éclaté aux esprits 1 » 11, 16. — « Pour
éclater dans son règne de sainteté (Jésus-Christ). » Ibid. — La grandeur de
la foi éclate bien davantage, etc. » 11,244. — « Une vie d'action qui éclate en
événements. » II, 260.
Eclipses. Pourquoi on dit qu'elles présagent malheur. II, 152.
Ecole (L'). Parce qu'on vous a dit dans l'école quil n'y apoint de vide...»
A, o5.
Economie. « Sur quoi fondera-t-il l'économie du monde? » 1,37.
Ecoulement, pour Dérivation. « Cet écoulement ne nous paraît pas seule-
ment impossible. » Écoulement. I, 115. — II, 95, note 3.
Ecouler, « Voir écouler toutes les choses périssables ». II, 103.= S'écou-
ler. » C'est une chose horrible de sentir s'écouler tout ce qu'on possède. »
II, 95. Cf. II, 316.
Ecrire. 11 n'est plus permis de bien écrire, tant l'Inquisition est corrom-
pue ou ignorante!» II, 118.
(Ecrit trouvé dans l'habit de Pascal après sa mort.) I, cvi.
Ecriture (L'). N'a pas prouvé Dieu par la nature. I, 155 et 167. Cf. 11, 61.
— « Les merveilles de l'Ecriture sainte. » I, 177. — Le voile qui est sur les
livres de l'Ecriture pour les Juifs y est aussi pour les mauvais chrétiens.
I, 211. — Ce qu'il faut pour entendre l'Ecriture. If, 7. — l'Ecriture a deux sens.
II, 8, 200, 330. Voy. Sens. — « L'unique objet de l'Ecriture est la charité. »
II, 9. — « C'est le plus ancien livre du monde, et le plus authentique. » II,
42. Cf. I, 200-201; IL 169. — Moïse a ordonné à tout le monde de la lire-
II, 42. — Elle a des obscurités bizarres, mais des clartés admirables. Ibid. —
« Sans l'Ecriture, qui n'a que Jésus-Christ pour objet, nous ne connaissons
rien. » 11, 63. Voy. Obscurité. — « L'Ecriture a pourvu de passages poul
consoler toutes les conditions, et pour intimider toutes les conditions. «11, 10S.
— Difficultés de certains passages. II, 180. — Pourquoi Dieu et les apôtres
ort mis dans l'Ecriture et dans les prières de l'Eglise des mots et des sentences
cont mires. Il, 202. — L'Ecriture dit que la sagesse des hommes n'est que folie
devant Dieu. II, 334. — Voyez Contre ceux qui abusent, etc.
Effectif. « Ce que je trouve d'effectif. » I, 198, 213. — Voy. Pyrhonîen.
Effet. « Toutes ces personnes ont vu les effets, mais ils n'ont pas vu les
causes... Car les effets sont comme sensibles, et les causes sont visibles seule-
ment à l'esprit. » I, 63. — Faux effets de la lune. 11, 75. Voy. Lune. — « Lci
TABLE A.WU CIQUE ET LEXIQUE. *»
sens diversement ranges font différente effets. Il, 177. = Pour Uéalité. «Visible
ou dans la peinture ou dans L'effet. » [1,2. — Voy. liaison des effets.
KrvoNDHâ, i, 121.
Effort. « Ces grands efforts d'esprit où L'Ame bouche quelquefois. » J, 100.
— L'effort de la douleur. L'effort du plaisir. Succomber sous l'effort, il, 150.
— « Ces deux efforts contraires font cette violence. » II, 33 i .
Effroi. Entrer en effroi. 1. 17B.
Egaler. « Deux sortes de gens égalent les choses. » II, 163.
Egalité. « Sans doute L'égalité des biens est juste. » I, 71. — Une parfaite
égalité avec tous les hommes est l'état naturel des grands. II, 352.
Egard (A l'). Pour Par rapport ou par comparaison. 1, 1. — A l'égard de
l'infini; à L'égard du néant. 1, 3.
Egaré. «L'hommeest visiblement égaré, et tombé de son vrailieu.» I, 1, 121.
— « Egaré <ians ce recoin de l'univers. » I, 175. = Comme substantif. « Ces
misérables égarés... » J, 175.
Egarement. « Un égarement bien visible. » II, Sd. — L'égarement a aimer
en divers endroits est monstrueux. II. 258. — Voy. Raison.
Eglise (L'). 11 y adansl'Eglise une justice véritable et nulle violence. I, 72.
— Dieu y aétabli des marques simples pour se faire reconnaître. I, 136. — Elle
a subsisté saus interruption. I, 172. Cf. II, 80. — La vérité s'y est toujours
conservée. 1, 174. — Dans l'Eglise, la vérité est couverte, et reconnue par le
rapport à la figure. » I. 210. — Figurée dans la synagogue. II, 2. — N'offre le
sacrifice que pour les fidèles. II, 1. — Pourquoi il est dit : Croyezà l'Eglise.
II, 76. — L'Eglise a trois sortes d'ennemis, les Juifs, les hérétiques, les mauvais
chrétiens. 11, 77. — A toujours eu contre eux des miracles. Ibicl. — A toujours
été combattue par des erreurs contraires. II, 90. — Excommuniés de l'Eglise
qui sauvent l'Eglise. II. 100. — «L'histoire de l'Eglise doit être proprement
appelée l'histoire de la Vérité. » II 102. — L'Eglise ne juge que par l'extérieur.
Il, 115. Voy. Diku- — «Les bons papes trouveront encore l'Eglise en clameurs. »
II, 117. — L'Eglise et le Pape. II, 122. — « Dieu ne fait pas de miracles dans
la conduite ordinaire de s >n Eglise. » Ibid. — « Bel, état de l'Eglise quand
elle n'est plus soutenue que de Dieu. » II, 200. L'Eglise est le monde des
fidèles et particulièrement des élus. II, 240. — L'Eglise des premiers temps.
II, 321-325. — L'Eglise est redevable à chaque fidèle, comme chaque fidèle à
l'Eglise. II, 327. — « Toutes les vertus, le martyre, les austérités et toutes les
bonnes œuvres sont inutiles hors de l'Eglise et de la communion du chef de
l'Eglise. » II, 328. — Hors l'Eglise il n'y a que malédiction. Il, 336. — «Tout
ce qui arrive à l'Eglise arrive aussi à chaque chrétien. » II, 41.
Eglise, Pape. II, 122, note 3.
Egyptiens. Leur religion pas plus recevable que les autres : pourquoi.
I, 198. — Les peuples juif et égyptien visiblement prédits. II, 184. — Voy.
Ennemi, Idolâtrie.
Elévation, pour Hauteur d'esprit. « Une élévation étrangère. » II, 308.
Elever. La religion élève l'homme sans l'entier. I, 187. = S'élever, opposé
à s'abattre. 1, 186. — « On s'élève par cette passion ('amour), et on devient
toute grandeur. » II, 260.
Elie. Les miracles discernent entre lui et les faux prophètes. II, 71-72.
Cf. II, 173, 336.
Eloignement. « Les hommes sont dans l'éloignement de Dieu. I, 136.
Eloigner. « Qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent. » I, i
et 20. = S'éloigner. Voy. Naturk, Ouvrage.
r
se
II, 123. - - «L'éloquence est une peinture de la pensée. Ibid. — L'éloquence
persuade en tyran. II. 176. — L'éloquence de deux personnes. II, 253. —
L'éloquence d action II, 257. — Voy. Portrait. Silence.
Eloquence. I, 104, note 3.
Elus (Les). Miséricorde de Dieu envers les élus. I. 153. Cf. IL 223. —
« Jésus-Christ sauve les élus et damne les réprouvés sur les mêmes crimes. »
ÏI, 2. — Dans les marques que Dieu donne de soi. il y a assez de clarté pour
éclairer les élus, et assez d'obscurité pour les humilier. 11,48. — « Tout tourne
en bien pour les élus, jusqu'aux obscurités de l'Ecriture. » II, 49 Cf. Il, 2i5.
Voy. Coopérer. — « Les élus ignoreront leurs vertus, et les réprouvés la
il. 26
16 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Grandeur de leurs crimes. » II, 98. — Enfants de la promesse (expression de
. Paul). » II, 161.
Embarqué. Au figuré. « Gela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué. ï>
I, 150.
Embrouillement. « Qui démêlera cet embrouillement? » I, 114.
Embrouiller. « Gela suffit pour embrouiller au moins la matière. » 1. 43.
Emotion, « Une émotion universelle de la personne... Une émotion générale
dans le monde. » II, 340.
Empêcher. « Trop de jeunesse et trop de vieillesse empêchent l'esprit. »
I, o. Voy. Bruit.
Empesté. « Les plaisirs empestés. » I, 152.
Empire. Les grands génies, les saints, ont leur empire. II, 15. — « Il
n'y a que la maîtrise et l'empire qui fait la gloire. » II, 150. — « Comme elles
ont (les femmes) un empire absolu sur l'esprit des hommes. » II, 2">'i.
Empoisonner. Quand les passions sont vices, l'âme s'en nourrit et s'en em-
poisonne. II, 173.
Emporté. « Faire ainsi l'emporté. » I, 141. = Etre emporté à croire. II,
296.
Emporter (S'). « Je vous demande pardon... de m'emporter ainsi devant
vous dans la théologie. » I, cxxxiv. Cf. I,cxxv.
Empreindre. Vcry. Teindre.
Enceinte. Voy. Atome.
Enceinte (adjectif). « Malheur à celles qui sont enceintes ou nourrices en
ce temps-là! II, 342.
Enchantement. « C'est un enchantement incompréhensible. » 1, 141.
Encoiffer (S'). « On s'entête et on s'encoiffe. » I, 30.
Encore que. 1, 149; II, 40.
Endurci. Voy. Athée.
Enfance. Voy. Sagesse.
Enfant. Enfants qui s'effraient du visage qu'ils ont barbouillé. I, 52. Cf.
II, 125. — Les hommes sont des enfants. Il, 126 et 147. — Doit-on exciter les
enfants par la gloire? II, 164. Voy. Port-Royal. = Enfants libres. II, 107.
Voy. Chrétien. = Enfants de la promesse, pour dire les élus. II, 161.
Enfanter. « Nous n'enfantons que des atomes. » I, 1.
Knfer (L'). Plus terrible pour l'incrédule que pour le croyant. I, 153. —
Voy. Entre-deux.
Enfler. Voy. Conception.
Enflure. « Une enflure vaine et ridicule... Je hais ces mots d'en
flure. » II, 308.
Engager (S'). Voy. Prévoyance.
Engloutir, a L'infini où il est englouti. » 3. — Voy. Comprendre.
Ennemi. « Les qualités ej^essives nous sont ennemies et non pas sensibles. »
I, 5. — Sens équivoque ei mystique du mot ennemi dans l'Ecriture. 205,
206, 209; II, 10, 11,25. — Ce que les hommes et les saints appellent dece nom.
II, 93. — « Les ennemis de l'homme sont ses passions. » II, 4. — « Dans la
vérité, les Egyptiens ne sont pas ennemis, mais les iniquités le sont. » 11,10.
— « Il n'y a pas d'autre ennemi de l'homme que la coucupi«cence. » Ibid.
— L'Eglise a trois sortes d'ennemis. II, 77. — Voy. Parents.
Ennui. « L'enDui a des racines naturelles au fond du cœur. » I, 51. — Est
dans la condition de l'homme. I, 83. — « Incontinent il sortira du fond de
son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir. »
II, 155. — « L'ennui qu'on a de quitter les occupations où l'on s'est attaché.»
II, 166. — Ennui. II, 155, note 1.
Ennuyer. Voy. Amusement, Eloquence. = S'ennuyer. Voy. Roi.
Enoch. II, 72.
Enorme. « Il faut que la justice de Dieu soit énorme comme sa miséricorde. »
I, 153. Voy. Elus, Réprouvés.
Enseigne. « Les gens universels ne veulent point d'enseigne. I, 74. Voy.
Poète.
Enseignement. « Pratiquons cet enseignement que j'ai appris d'un grand
homme. » II, 236.
Ente, pour Greffe. II, 16-}.
Entendement. Voy. Entrée.
Entendu (adjectif). Voy. Faire.
Entêter (S'). « Si on y songe trop, on s'onlôte. » I, 30 et 218.
TABLE AiNÀLl HyUÉ Et LEXIQUE. «
Entre-deux. « Ceux d'entre-deux (les demi-savants). » I, 44. — « Remplis-
sant tout rentre-deux. » I, 77. « Entre nous et l'enfer ou le ciel, il n'y a
que la vie entre-deux, qui eal La chose du monde' la plus fragile. » 1, 143.
Entrés, m 11 i a deux entrées par où les opinions sont reines dans Pâme,
qui sont l'entendement et la volonté. » 11, UN).
l.\ iiiE-ELATTEti (S'). « On ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. »
1, 18.
Bntrxpbsndrb, pour Attaquer. 11, 104. Voy, Etoiles. Cf. r.xxvn.
ENTRER. « Voyez-le entrer dans un sermon. » I. 32. = Si on considère (son
ouvrage) troj) longtemps après, on n'y entre plus (c'est-à-dire, on n'est plus
dans le vrai point de vue pour en bien juger). » I, 31. — « Ils entraient dans
leurs principes pour modérer leur folie. » I, 80. — Voy. Effroi.
Entre-tenir (S'). « l outes choses s'entre-tenant (c'est-à-dire se tenant entre
elles) par un lien naturel, etc. » 1, 7.
Entre-tromper (S'). Voy. Entrë-flatter (S').
Envelopper (S'). Voy Campagne.
Envi (A l'). L'imagination rend les fous heureux à l'envi de la raison. I, 31.
— a Les sens mentent et se trompent à l'envi. » I, 45.
Epaminondas. Avait l'extrême valeur et l'extrême bénignité. 1, 76.
Epée. «Le droit de l'épée. » 1, 71.
Epictète. Sa doctrine morale. I, cxxiv. — Comparé avec Montaigne, I,
cxxxn. Voy. Sectes. — Utilité et danger de la lecture d'Epictète. 1, cxxxvi,
cxxxv. — Réponse à une question d'Epictète. I, 63. — Sa manière d'écrire. I,
101. — Cité. I, cxxiv, 118, 171. — Il ne mène pas au vrai chemin. II, 158.
Epicuriens. D'où vient leur secte. 1,187. — Voy. Sectes.
Epigramme. Pensées sur les épigrammes. I, 86.
Epine (La sainte). Voy. Miracle. Port-Royal.
Epreuve, pour Expérience. I, 116.
Epuiser. « L'on épuise tous les jours les manières de plaire. » II, 255. —
«Il est difficile qu'il n'épuise bientôt tous les mouvements dont il est agité.»
II, 257. — Voy. Conception.
Equité. « L'éclat delà véritable équité aurait assujetti tous les peuples. »
I, 37. — «La coutume fait toute l'équité. »I, 38.
Equivoque (substantif). « L'équivoque est ôtée. » II, 10.
Equivoque (adjectif). « Les lieux où le sens spirituel est caché sont équi-
voques et peuvent convenir aux deux; au lieu que les lieux où il est décou-
vert sont univoques, et ne peuvent convenir qu'au sens spirituel.» I, 108.
Errer. « Tous errent d'autant plus dangereusement qu'ils suivent chacun
une vérité. » II, 92. Voy. Hérésie.
Erreur. « Cette maîtresse d'erreur et de fausseté (l'imagination). » I, 31,
— Autres principes d'erreur qui sont en nous. I, 34, 44-45. Voy. Homme. —
« Lorsqu'on ne sait pas la vérité d'une chose, il est bon qu'il y ait une erreur
commune qui fixe l'esprit des hommes. » I, 101. Cf. I, 99-100. — Erreurs
charnelles. I, 206. — Induire en erreur : ce que c'est. Dieu ne doit point le
faire, et ne le fait pas. II, 70. — Jamais il n'est arrivé miracle du côté de
l'erreur, qu'il n'en soit arrivé de plus grands du côté de la vérité. II, 72. —
« L'Antéchrist ne peut bien indure en erreur. » II, 73. — « Quand l'erreur
est en dispute. » II, 78. — Erreurs contraires qui combattent l'Eglise. 11,70.
— Erreur du peuple touchant la noblesse. II, 352.
ESCORBARTINES (MOEURS). II, 117.
Esdras. De la tradition sur Esdras. II, 179-180. — La fable d'Esdras. IbicU
— Sur Esdras. II, 180, note 1.
Espace. « Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité. »
1, 11. — « Ces effroyables espaces de l'univers qui m'enferment. » I, 139. —
« Un espace infini, égal au fini. » 1,189 et 192. — « Le petit espace que je
remplis, abîmé dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore. » II, 152. —
«Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. » II, 153. — « Les nombres
imitent l'espace. » II, 164. — Rapports du mouvement, du nombre et de
l'espace. II, 287. Voy. Néant. — On peut concevoir un espace s'aug mentant
à l'infini, ou divisible à l'infini. II, 288. — De la divisibilité de l'espace à
l'infini. II, 289-296.
Espèces. « Les espèces de l'Eucharistie. » II, 330.
Espérance. « L'espérance nous pipe. » I, 116. — « Trouver des prétextes
d'espérance. » II, 150. — L'espérance des chrétiens est mêlée de jouissance
13 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
aussi bien que de crainte. II, 165. — Espérance, privilège spécial des chré.
tiens. II, 241.
Esprit. Presque tous les philosophes parlent des corps comme des esprits,
et des esprits comme des corps. I, 8. Voy. Mouvement. — L'esprit opposé aux
sens, et l'esprit qui voit les causes opposé à l'esprit qui voit les effets. I, 63. —
Un esprit boiteux. Ibid. — «Il est nécessaire de relâcher un peu l'esprit. » I, 70.
— « L'extrême esprit est accusé de folie. » I, 73. — « A mesure qu'on a plus
d*esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. » I, 95. — Il y a deux
sortes d'esprit : l'esprit de justesse et l'esprit de géométrie. I, 95-96. — Diffé-
rence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. 1,90-98: II, 252. — Es-
prits fins, et esprits faux. I, 97. — « L'esprit croît naturellement. » I, 99. —
Gomment on seformeou on se gâte l'esprit. I, 100. — L'esprit a son ordre.
1,102. Cf II, 15. — Le royaume de Dieu ne consiste pas en la chair, mais en
l'esprit 1,206. — Distance infinie des corps aux esprits, et des esprits à la
charité. Il, 15. — « Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses
royaumes ne valent pas le moindre des esprits. » II, 16 et 20. — Volubilité
de notre esprit. II, 104. — L'esprit opposé à l'instinct des animaux. Il, 151.
— L'esprit dans l'amour. Il, 252. Voy. Passion. — Esprits délicats. JI. 258. —
Fécondité inépuisable de l'esprit. II, 268. — L'esprit et le cœur introduisent
les vérités dans l'âme. II, 297. Voy. Porte. = Esprits, ou esprits animaux.
II, 112. — « Le ballet des esprits. » II, 151. Voy. Plaisir. — « La peti-
tesse des esprits qui entrent dans les pores. » Ibid. — Voy. Faiblesse,
Vérité.
Esprit de Dieu (L'). Est véritablement sur les chrétiens qui croient sans
preuves. I, 195. — « Le secret de l'esprit de Dieu caché dans l'Ecriture. » II, 330.
Esprit (Le Saint-). « La fin de la loi n'était que le Saint-lisprit. » II, 94.
Voy. Circoncision. — Le Saint-Esprit repose dans les corps des sain t s. 11, 241 , 343.
Estime. Etre dans l'estime d'une âme, dans l'estime des hommes. I, 10. —
« Toute la félicité consiste dans cette estime. » Ibid. — « L'estime de cinq on
six personnes nous amuse et nous contente. » I, 25. — Quelle est la seule voie
pour acquérir de l'estime. I, 141. — « Etre en estime de piété. » I. 81. —
Préférence d'estime. II, 354. — On ne doit à un duc et pair que l'estime
qu'il mérite. Ibid.
Estimer. On ne se soucie pas d'être estimé dans les villes où l'on ne fait
que passer. I, 26. — Pour être estimé, il faut le mériter. I, 65. — « On témoi-
gne estimer plus l'estime des hommes que la recherche de la vérité. »I, 197.=
Pour Apprécier {œ~timare). S'estimer son prix. 1, 11. — S'estimer k son juste
prix. Il, 296. — « Estimons ces deux cas. » I, 150. = Pour Juger, penser {exi-
stimare). «■ Nous n'estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de
peine » II, 126. — <■<■ Je crois qu'on en doit es'imer de la sorte. » II, 247. —
Du désir d'être estimé de ceux avec qui on est. I, 25, note 2.
Etabli. Voy. Coutume, Loi.
Etablir. « Il n'aurait pas établi cette maxime. . » I, 37. — a 11 (Dieu) com-
mença d'établir un peuple sur la terre, etc. » I, 205.
Etablissement. Grandeur d'établissement: respect d'établissement. II, 176.
Cf. II, 353, 354. Voy. Grandeurs, Titre.
Etat. Deux états différents de l'homme, à sa création et à présent. I. cxxxm.
Cf. I, 171.) — Où conduisent ces deux états, connus séparément. Ibid. Cf.
I, 184, 187. Voy. Nature, Orgueil, Paresse. — Nos désirs nous figurent un
état heureux. I, 5i. — Dans la maladie, la nature donne des passions et des
désirs conformes à l'état présent. I, 75. — v Les craintes nous troublent,
parce qu'elles joignent à l'état où nous sommes les passions de l'état où
nous ne sommes pas. » Ibid. — Caractère des hommes qui vivent volontaire-
ment dans l'ignorance de leur état. I, 139-143. — Misérable état de l'homme.
I, 175, 197. = Etre en état. Voy. Vivre. = Faire état, pour Faire compte,
faire estime. « Pour se plaindre du peu d'état que vous faites d'eux. » 1,65.
Cf. II, 79. z= Etat {cioitas). « L'art de bouleverser les Etats, est d'ébranler
les coutumes établies. » I, 39. — Voy. Loi, République.
Eteindre. Voy. Allumer.
Etendu. « Nous sommes finis et étendus comme lui (le fini). » I, 148.
Etendue. « L'étendue visible du monde nous surpasse visiblement. » I, 4.
— « 11 (l'infini) a étendue comme nous. » I, 148. — Dieu n'a ni étendue ni
bornes. I, 149.
Eternel. Yoy. Etre (substantif).
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 29
Eternellement. « Eternellement on joie pour un jour d'exercice sur la
terre. » I, cvu.
Eternité. Combien notre imagination l'amoindrit. I, 37. — Deux éternités.
I, 139; 11. 159. Cf I. 143. - « Rien n'est si redoutable à L'homme <|ue l'éter-
nité. » 1, 140. — «Gomme s'ils pouvaient anéantir l'éternité en en détournant
leur pensée. t> 1, j 13.
Eterndbment. m L'éternnemenl absorbe toutes les fonctions de l'Ame. »
II, I
Lu i.. m i i;, employé connue substantif Voy. Le.
Etienne (Saint). Sa morl plus forte que celle de Jésus-Christ. II, 17.
Etoiles, b On entreprenait franchement l'Ecriture sainte sur le grand nom-
bre des étoiles. » II, loi.
Etonner. « Trop de vérité nous étonne.» 1,5. — « L'éternité des choses...
doit étonner notre petite durée. » I, 7 (note 3). = S'étonner. « Le membre
séparé... s'étonne dans l'incertitude de son être. » 11, 112.
Etrangement. « La raison est étrangement ébranlée en la présence de
l'objet (aimé). » II, 261.
Etre (substantif). Impossible de définir l'être. I,cxxvm. Cf. II, 282. —
« Ce que nous avons d'être. » I, 5. Cf. II, 112. — « Notre être composé. » I, 8.
— « C'est son propre être. » Ibîd. Cf. I, 24. — « Je ne suis pas un être né-
cessaire. Je ne suis pas aussi éternel, ni infini ; mais je vois bien qu'il y a dans
la nature un être nécessaire, éternel et infini. » I. 13. — Etre imaginaire,
pour Vie imaginaire. I, 24. — « Avant qu'il fût en être. » I, 115. — « Cet
Etre infini et sans parties, auquel il soumet tout le sien. » I, 153. — La diffi-
culté de notre être. Le nœud de notre être. II, 94. — « Il faut aimer un être
qui soit en nous, et qui ne soit pas nous... Or, il n'y a que l'Etre universel
qui soit tel. » II, 105-106. — Sentir le bonheur de son être. S'étonner dans
l'incertitude de son être. II, 112. — Dieu a voulu faire des êtres qui le con-
nussent. Ibid, — « Le membre séparé... n'a plus qu'un être périssant et mou-
rant. » Ibid. — La raison fait l'être de l'homme. II, 155. — « L'Eire éternel
est toujours, s'il est une fois. » II, 168. — « En croyant que votre être a
quelque chose de plus élevé que celui des autres. » II, 352.
Etre (verbe). Etre à... « L'homme est à lui-même le plus prodigieux objet
de la nature. »I, 8. — « Quel paradoxe vous êtes à vous-même. » I, 114. —
Etre, pour Exister. « Je sens que je peux n'avoir point été. . Moi qui pense
n'aurais point été, si... » I, 13. — « L'avenir n'est point du tout à notre
égard, et nous n'y arriverons peut-être jamais. » II, 3J9.
Etude. L'étude de l'homme semble la vraie étude qui est propre à l'homme.
I, 77. Voy. Science.
Etudier. Etudier le présent, étudier l'avenir. II, 340. = S'étudier. « L'on
s'étudie tous les jours pour trouver les moyens de se découvrir. » II, 257.
Eucharistie. « Les chrétiens prennent même l'Eucharistie pour figure delà
gloire où ils tendent. II, 10. — Sottise, de ne pas croire l'Eucharistie. Il, 161.
— Impiété de ne pas croire l'Eucharistie, II, 200. — Sur l'Eucharistie. II, 201,
202, 205, 330. — On donnait autrefois l'Eucharistie dans la bouche des morts :
pourquoi l'Eglise a changé cette coutume. II, 241. — Les hérétiques ne voient
d'antre substance dans l'Eucharistie que celle du pain. II, 330.
Euclide. A exclu l'unité de la signification du mot de nombre. II, 293. —
Sa définition des grandeurs homogènes. Ibid.
Eusèse. Cité, II, 180.
Evangélique. Le- historiens évangéliques. II, 39.
Evangélistes. Observations sur la manière dont ils parlent de Jésus-Christ.
II, 17. — Plusieurs evangélistes : pourquoi. II, 201.
Evangile. Dans b>s évangiles, tout est par rapport à Jésus-Christ. II, 18. —
Le style de l'Evangile admirable en une infinité de manières. II, 39. — Qu'il
est beau de voir. . Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode
agir, sans le savoir, pour la gloire de l'Evangile 1 » II, 41 et 45. — Les fi-
guras de l'Evangile. II, 201. — Voy. Contrariété.
Eve. Il y a une Eve dans chaque homme : c'est l'appétit concupiscible,
II, 2*7, Voy. Adam.
Evénement. Les événements sont des maîtres donnés par Dieu. Il, 175,
Voy. Accommouer (S'). — « Quelque sinistre qu'ils nous paraissent, nous devons
espérer que Dieu en tirera la source de notre joie, si nous lui en remettons
la conduite. » II, 247,
90 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Évêque. « Je ne crains rien, je n'espère rien. Les évêques ne sont pas
ainsi. » II, H8.
Evidence. « L'évidence de Dieu, » 11,61. — Evidence de la religion. 11,96.
Voy. Preuve.
Ex senatus consultis et plebiscilis, etc. (Sénèque.) I, 38.
Excéder. « Ils ont excédé toute borne. » II, 117.
Excellemment. « Qui n'est pas contre eux (les pyrrhoniens) est excellem.
ment pour eux. » I, 114.
Excellence. Excellence et bassesse de rhomme. I, 171. — Excellence et
corruption de l'homme. I, 187. Voy. Caractère.
Exception. Voy. Règle.
Excès. L'excès d'une vertu. I, 76, — Deux excès. I, 194, Voy. Raison.
Excessif. Voy. Ennemi.
Exclusion. Voy. RÉDEiMPTioN.
Excuse. Mauvaise excuse. I, 85. Voy. Compliment.
Exemple. 11 y a une illusion dans la manière dont on se sert des exemples
pour prouver. I, 98. — « L'exemple ne nous instruit point. » I, 116. — Les
exemples des morts généreuses des païens ne nous touchent guère; mais
l'exemple de la mort des martyrs nous touche : pourquoi. II, 97. — Voy.
Grands hommes.
Exempt. « Avec Jésus-Christ, l'homme est exempt de vice et de misère. »
II, 63. — « Un homme exempt de tous ces maux. » II, 119.
Exemption. « L'exemption d'injustice. » II. 165. Cf. II, 157.
Exercice, pour Épreuve. I, cvn. Voy. Eternellement.
Exorcisme. Figure de la destruction par Jésus-Christ de l'empire du diable
sur les cœurs. II, 199.
Exorcistes. II, 72.
Expédient, pour Utile. II, 231, 247.
Expéruînce. o Deux choses instruisent l'homme de toute sa nature, l'ins-
tinct et l'expérience. » I, 12.
Extérieur. On a bien fait de distinguer les hommes par l'extérieur plutô»
que par les qualités intérieures. I, 61. — L'extérieur et l'intérieur dans hv
religion chrétienne. I, 170. — « L'Eglise ne juge que par l'extérieur. » II, 115.
Voy. Intérieur. — Œuvres extérieures. II, 177.
Extraordinairement. » Ceux qui ont reçu extraordinairement doivent espé*
rer extraordinairement. » II, 334.
Extravagance. Voy. Ignorance.
Extravaguer. Voy. Nature.
Extrême. « Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême. » I, 5. — « Les choses
extrêmes nous échappent, ou nous à elles. » Jbid. — Condamnation de» *«-
trêmes. I, 73. 77. — Voy. Vertu.
Extrémité. « Les extrémités... se retrouvent en Dieu, et en Dieu seule-
ment. » I, 4-5. — « Les sciences ont deux extrémités qui se touchent. » I, 4*.
— « On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais bien en
touchant les deux à la fois. » I, 77.
Ezéchiel. Cité. II, 7, 109.
F
Fable. « Un prince sera la fable de toute l'Europe, et lui seul n'en saur»
rien. » I, 28. = Fable d'Esdras. II, 179-180.
Faculté. Facultés hétérogènes. I, 45.
Faible. Les faibles. I, 32 ; IL 341.
Faiblesse. Faiblesse de l'homme. I, 30. — « La plus grande et importante
chose du monde a pour fondement la faiblesse. » I, 62. — Une pensée oubliée
fait souvenir de sa faiblesse. I, 85. — Toutes les faiblesses très-apparentes
sont des forces. » I, 212. = Faiblesse d'esprit. « Rien n'accuse davantage une
extrême faiblesse d'esprit que de ne pas connaître le malheur d'un homme
sans Dieu. » I, 142. — Faiblesse. I, 41, note 4.
Faillir. «Comme il arrive à tout le monde de faillir. » I, 80. — « U y en
a qui taillent contre ces trois principes. » I, 193.
Faim. « La faim des chosesspirituelles... Faim de la justice. » II, 164.
Faire. Emploi elliptique de ce verbe. I. 31, 54, 73. = Pour Contrefaire,
jouer (agere, simulare). — Faire le philosophe, I, 50- — F?,ire le dégoûté.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 31
I, 85. — Faire l'ange, faire la bête. I, 100. — Faire le brave, I, 138, 142. —
« Faire l'entendu. I, il ; H, 350. — Faire le prince. II, 16. — « Ceux qui
font les douteiirs de miracles. » II, 162. — Tout le momie fait le Dieu en
jugeant. » II. 175 '. — Faire pour constituer. « L'hommt »*^git point par la
raison qui fait son être » II, 155. — Faire a, faire contre, faire pour. « Tout
ce que vous dites fait à un des desseins, et rien contre l'autre. » II, 108. Cf.
II, 74, 198. — Faire de. « Nous faisons de l'éternité un néant, et du néant
une éternité. I, 37. — Se faire. Instinct qui porte à se faire Dieu. II, 111.
Famille (de Pascal). « Dieu n'a pas rendu de famille plus heureuse. » II, 205.
Fantaisie. Distinction de la fantaisie et du sentiment. I, 98. — Chacun a
ses fantaisies contraires à son propre bien. » I, 100. — Voy. Législateur,
Titre.
Fantastisque. « Par une estimation fantastique. » 1, 41.
Fastueux. Titres (d'ouvrages) fastueux. I, 4.
Fatal. Adjectif poétique. 1, 101 et 110.
Fausseté, pour Erreur. I, 44, 150.
Faute de (A). I, 104.
Fautif. Rien n'est si fautif que ces lois qui redressent les fautes. » I, 38.
Fauteuil. « Si le respect était d'être en fauteuil... I, 64.
Faux. Voy. Chrétien, Effet, Imposteur, Jiste, Miracle, Paix, Prophètes,
Religion.
Fécondité. Voy. Esprit.
Félicité, pour Bonheur, parfait. I, 115. — La félicité de l'homme est en
Dieu et avec Dieu. I, 182: II, 60. — Eu Jésus-Christ est toute notre félicité :
II, 63. — Les hommes ordinaires et les saints aspirent tous à la félicité : ils ne
diffèrent qu'en l'objet où ils la placent. II, 93. — Voy. Estime.
Femme. Comment la vue d'une femme qui plaît peut rendre un homme mi-
sérable. II, 166. — Les femmes ont un empire absolu sur l'esprit des hommes.
II, 25i. — « Le sujet le plus propre pour soutenir la beauté, c'est une femme...
Quand elle a de l'esprit, elle l'anime et la relève merveilleusement. » Ibid.
Fenêtre. Voy. Passant.
Fermeté. Voy. Ebranlement.
Ferox gens, etc. (T. Liv.) I, 81.
Feu (au sens figuré). «Elles (les passions; demandent beaucoup de feu. »
II, 251. — «Tant que l'on a du feu, l'on est aimable; mais ce feu s'éteint. »
II, 252. — « Les passions de feu. » Ibid 2. — « Le3 ims sont tout de feu.»
II, 260. — « Un feu d'esprit naturel et prompt. » II, 261 . = Feu (ardeur mys-
tique). I, cvi.
Fidèles (Les). Voy. Membre.
Figmentum malum. Voy. Fond.
Figurantes (Choses). I, 20!), 207. — « Les figurantes des exclusions. »
II, 158.
Figuratif. II, 184. — « L'Ancien Testament n'est que figuratif. » II, 2.—
Sacrement figuratif. II, 92. — Précepte figuratif. II, 104. Voy. Charité. —
Chapitre des figuratifs. II. 175. — « Parler contre les trop grands figuratifs. »
Ibid. = Figuratives. II, 184. — Que la loi était figurative. Figures. II
5, note 1.
Figure. La grâce, figure de la gloire. I, 205. Voy. Grâce. — Raison de*
figures. Toute Ta religion juive n'est que figures. I, 206-211. Cf. IL 184. -.
La figure et la vérité. I, 210; II, 2. Voy. Vérité. — « Il y a des figure*
claires et démonstratives: mais il y en a d'autres qui semblent un peu tirées
par les cheveux. » II, 1. Voy. Joseph, Pophètes, Synagogue, Testament. —
La, réalité et la figure. II, 3. Voy. Réalité. — « Tout arrivait en figures. »
II, 5. Cf. II. 6-7. — « Tout ce qui ne va point à la charité est figure. II, 9.
— « Changer de figure à cause de notre faiblesse. » Ibid. — L'Eucharistie
même est, figure. II, 10. — Secret des figures (dans l'Ancien Testament).
II, 11. Cf. 11, 101. — Figures ou sottises. II, 11. «Figures (dest)le). «Faira
des figures justes. 1, 103. Voy. Antithèse.
FÙ/ures. I, 174, note 1; I, 205, note 3 : II, 3, note 2 et 3 ; II, 4, note 2;
II, S, 6: II, 11, note 3: II, 27, note 5. Cf. II, 188. — Raisons pourquoi
Figures. I, 209, note 4.
1. D;ins les Provinciales, lre Lettre :« Je connu3 bien que Pavais trop ■'ait le janséniste.»
3. Molière, dans La Gloire du Vaï-de-Grdce, a dit de même :
Et les emplois de feu demandent tout un nomma.
32
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Figures particulières. II, 5, note 2.
Figuré. Les choses figurées. I, 20b\ — « Dans les Juifs, la vérité n'était
que figurée » I, 210.
Figurer. « Elle (la grâce) a été figurée par la loi, et figure elle-même la
gloire. » I, -Oo. — « Celle prédiction de la ruine du temple réprouvé, qui
figure la ruine de l'homme réprouvé quiest en chacun de nous. » II, 341. —
Se figurer. « La nature trompeuse se le figure (le coins) de la sorte. » II, 241.
Fille. II, 76. 99. Voy. Port-Royal, Thérèse (Sainte).
Fin (substantif). La fin de l'homme : considéré selon sa fin, il est grand et
incomparable. I, 12. Cf. II, 109. Voy. Ordre. — a Le présent n'est jamais
notre fin... ; le seul avenir est notre fin. » I, 37. — Négligence étonnante de
ceux qui passent leur vie sans penser à la dernière fin delà vie. I. 138. —
Un seul principe et une seule fin de tout. I, 185. — « La dernière fin est ce
qui donne le nom aux choses. » I, 209. — « Je ne suis la fin de personne. »
II, 106. — « Il est impossible que Dieu soit jamais la fin, s'il n'est le prin-
cipe. » II, 166. — Voy. Délidérer.
Fin de ce discours. I, 153, notes 1 et 165.
Fin (adjectif). Esprits fins. I. 97. — « Les fins qui ne sont que fins. » Ibid.
Finesse. De l'esprit de finesse. I, 96 ; II, 252. Voy. Géométrie. — « La
finesse est la part du jugement. » I, 106. — Géométrie, Finesse. I, 106,
note 1.
Fini. « Dans la vue de c\s infinis, tous les finis sont égaux. » I, 6. »
« Nous connaissons l'existence et la nature du fini. » I, 148. — Hasarder le
fini: gagner le fini I, 151-152 — « Le fini s'anéantit en présence de l'infini. :
I, 153.
Firmament. « Les astres qui roulent dans le firmament. » I, 1. Cf. I, 2;
II, 16.
Fléau. « L'inquisition et la Société, les deux fléaux de la vérité. » II, 117.
— « Que votre fléau me console. » II, 225.
Fleurs de lis. I, 33.
Fleuve. Image des trois fleuves de feu. II, 103. Voy. Concupiscence. —
Des fleuves de Babylone. Ibid, — Voy. Flux.
Flotter. « Nous voguons sur un milieu vaste, toujours incertains et flot
tants. » I, 5. — « Les petites choses flottent dans sa capacité (du cœur). »
II, 255.
Flux. « C'est un flux continuel de grâces, que l'Ecriture compare à un
fleuve. » II, 328.
Foi. Jamais personne, sans la foi n'est arrivé à être heureux. I, 116. —
Sans le sentiment de cœur, la foi n'est qu'humaine et inutile pour le salut. I,
,120. Cf. II, 109. — La foi chrétienne va principalement à établir la corruption
de la nature et la rédemption de Jésus-Christ. I, 140. Cf. I, cxxxiv. — La
foi est un pari. I, 150. — La foi est un don de Dieu. I, 157. Cf. 11, 158. — La
foi est au-dessus des sens, et non pas contre. I, 194. — Reposer dans la foi.
I, 197. — Donner foi au JVlessie. I, 207. — «■ Toute la foi consiste en Jésus-
Christ et en Adam. » II, 88. — « Voilà ce que c'est que la foi : Dieu sen-
sible au cœur, non à la raison. » Ibid. et 127. Cf. II, 297. — La foi catholi-
que. II, 92. — « Le juste agit par foi dans les moindres choses. » II, 161. —
« La foi n'est pas en notre puissance comme les œuvres de la loi. >> II, 179.
— « La grandeur de la foi éclate bien davantage lorsqu'on tend à l'immor-
talité par les ombres de la mort. » II, 234. — Marque donnée par Jésus-Christ
pour reconnaître ceux qui ont la foi. II, 331.
Foison. « Des foisons de religions. » I, 198.
Folie. La puissance des rois fondée sur la folie du peuple. I, 61, 86. —
« L'extrême esprit est accusé de folie, comme l'extrême défaut (d'esprit). »
I? 73. — Le péché originel est folie devant les hommes... Mais cette folie
est plus sage que toute la sagesse des hommes. I, 185. — La
folie des incrédules est un exemple qui garantit les autres, II, 89, — Les
vrais chrétiens obéissent aux folies (c'est-à-dire, aux institutions humaines),
par respect de l'ordre de Dieu. II, 172. — La folie de la croix. II, 200. Voy.
Fou. — C'est toujours une grande folie que de se damner. II, 356.
Fond. « Ce vilain fond de l'homme, ce figmenlum malum, n'est que
couvert: il n'est pas ôté. » II, 121.
Fondé. « Notre religion est... la plus fondée en miracles, prophéties, etc.»
II, 160.
Fondement. « Tout notre fondement craque. » I, 6* — « C'est le fond»
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 33
ment mystique do son autorité.» 1,38. — Fondement s de Iareligion chrétienne
indubitables. I, 198. - - La religion païenne sans fondement. Fondements de
la religion manométane; de la religion juive. 11,41. — De la religion chré
tienne. 11, i-\ 7.;. — ■ Los miracles sont fondement. II, C7. — Le chapitre
des fondements. 11, 17.ri. — Voy. Faiblesse.
Force. « L'empire de la force règne toujours... La force est le tyran du
monde, n 1, <>l. Yov. Opinion. — « La force est la reine du monde, et non
pas l'opinion : mais l'opinion est celle qui use de la force. » 11, 125. — « Ne
pouvant fortifier la justice, ou a justifié la force. » I, 71. — La force et la
justice. I, 72. — « La force n'est maîtresse (pie des actions extérieures. » 1,
81. — On ne peut mettre la religion dans l'esprit et dans le cœur, par la
force. II, 88. — La concupiscence et la force, source de toutes nos actions.
II, 114. — << Quand la force attaque, la grimace. .. » II, 15.'$. — « Les armes
et la force à la main. » II, 157. — Dans l'amour il ne faut rien de force. 11,
200. — « Le ton de voix... change un poëme de force. >. I, 33. = Forces,
pour, raisons, motifs : « Les principales forces des pyrrhoniens. » I, 112.
= 11 est force de, pour, on est forcé de. « Ne pouvant faire qu'il soit
force d'obéir à la justice... » I, 71. — « On appelle juste ce qu'il est force
d'observer. » Ibid. — Justice, Force. I, 72, note 1.
Forma futuri. Voy. Adam.
Formaliste (Point). II, 94, note 2.
Formalités. Ce qu'elles valent dans la religion. II, 106.
Fort (substantif). « L'unique fort des dogmatistes. » I, 113.
Fortune. «Chaque degré de bonne fortune qui nous élève... nous éloigne
de la vérité. » I, 28. — « Les plus grandes fortunes... Les moindres... »
Ibid.
Fou. L'imagination rend les fous heureux à l'envi de la raison. I, 31. —
« Un hôpital de fous (le monde). » I, 86. Voy. Aristote. — « Les hommes
sont si nécessairement fous, que ce serait être fou par un autre tour de
folie, de ne pas être fou. » II, 119. — Notre religion est folle et sage II,
160, 200.
Foudre (le). « Si le foudre tombait sur les lieux bas, etc. » I, 101. —
Avec un tel éclat de foudres. » II, 47.
Fournir. Voy. Concevoir.
France. « Il n'y a presque plus que la France où il soit permis de dire
que le Concile est au-dessus du Pape. » II, 122.
Froissé. « Je ne puis voir sans joie la superbe raison si invinciblement
froissée par ses propres armes. I, cxxxi.
Fronde. Injustice de la Fronde. 1, 72.
Fronder. « L'art de fronder. » I, 39.
Fuir. « Il (le terme) fuit d'une fuite étemelle. » 1, 7. — « Rien ne peut
fixer le fini entre les deux infinis qui l'enferment et le fuient. » Ibid.
G.
Gager. Gager sur le salut et sur l'existence de Dieu. I, 149-150.
Gagner. « Les académiciens auraient gagné. I, 43. » — « Si on peut
gagner sur lui de le faire entrer en quelque divertissement. » I, 52. — Tout
à gagner à croire que Dieu est. I, 150-153.
Gain. « Pesons le gain et la perte en prenant croix, que Dieu est... » I, 150.
— , Certitude de gain à ce jeu. 1, 151-153. Voy. Hasard.
Galilée. Ce mot, prononcé par les Juifs, fait en vover Jésus-Christ à Hérode.
II, 101.
Gamme. « C'est une bizarrerie qui met hors de gamme. » I, 100 l.
Garantir, pour, préserver. « En garantir les autres. » II, 89.
Gas (M. du). Voy. Du Gas.
Gâter. « Comme on se gâte l'esprit, on se gâte aussi le sentiment.» I, 100.
_ Généalogie. — Différence entre les deux généalogies de Jésus-Christ dans
saint Matthieu et dans saint Luc.I, 212.— Soin particulier qu'avaient les an-
1. Mettre quelqu'un hors de gamme, le déconcerter, lui rompre ses mesures, le réduire à
n» savoir plus que répondre. Dict. de V Académie.
34 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
ciens peuples de conserver leurs généalogies. I, 213, — Généalogie de Jésus-
Christ dans l'Ancien Testament. Il, 51.
Génération. Raison du petit nombre des générations dans Moïse. I, 212.
Génie. « Les grands génies ont leur empire... et n'ontnul besoin des gran-
deurs charnelles. » 11, 15. — Voy. Inquiétude.
Gens. Gens d'esprit. Leur ordre de grandeur. II, 15. = Gens honnêtes,
honnêtes gens. Voy. Honnête.— Gens de guerre. S'établissent par la force.
I. 33. = Gens (jeunes). Voy. Jeunes gens. =z Gens universels. Ce qu'ils sont.
i\ 74.
Gentil. Le peuple gentil. II, 17. =: Gentils (les). Voy. Jésus-Christ.
Gentilhomme. « Le gentilhomme croit sincèrement que la chasse est un
plaisir grand et un plaisir royal. » I, 50.
Géomètre. Genre d'esprit des géomètres. I, 96-97, 106. — Les géomètres
gont en très-petit nombre. II, 303. — Différence entre un géomètre et un duc.
II, 354.
Géométrie. « La géométrie comprend un grand nombre de principes. » 1,95
— De l'esprit de géométrie et de l'esprit de finesse. I, 96. Cf. Il, 252. —
L'objet de la géométrie consiste en preuves. I, 104. — « La finesse est la
part du jugement, la géométrie est celle de l'esprit. » I, 106. — En quoi
excelle la géométrie. II, 279. — Est presque la seule des sciences humaines qui
produise des démonstrations infaillibles. II, 280. — « Ce qui passe la géo-
métrie nous surpasse. » Ibid. — « La géométrie est une grandeur naturelle. »
H, 354. — Les nommes n'y ont attaché aucune préférence extérieure. Ibid.
Géométrie, Finesse. I, 106, note 1.
Géométrique. De l'esprit géométrique. II, 251, 278-308. — Des démons-
trations géométriques. Il, 279. — Des définitions géométriques. II, 280-281.
Gibier. « La vérité n'est pas de notre portée et de notre gibier.» I, 114
(note 6).
Girouette. Voy. Bruit.
Glisser. « Il (le terme) nous glisse... » 1,6.
Gloire. La recherche de la gloire est la plus grande bassesse de l'homme
et la plus grande marque de son excellence. I, 10. — Douceur de la gloire.
I, 24. — « Ceux qui écrivent contre veulent avoir la gloire d'avoir bien
écrit. » 1, 25. — a Gloire et rebut de l'univers (l'homme). » I, 114. = A la
gloire (locut. adverbiale). « A la gloire de la cabale pyrrhonienne. » I, 43.
= Gloire, pour, état glorieux des élus. I, 149, 205. Cf. II, 10, 92, 333. Voy.
Brûler, Grâce, Sacrement. = Gloire du royaume (la), expression orientale,
pour, le peuple. II, 33. — Gloire. I, 100,, note 3. — La gloire. II, 164, note 1.
Glorieux. Voy. Avènement.
Glorifier. « Ceux qui ont connu Dieu sans connaître leur misère ne l'ont
pas glorifié, mais s'en sont glorifiés. >• II, 63.
Gond. « Hors des gonds. » I, 33. Voy. Raison.
Gorge. « Nos misères... qui nous tiennent à la gorge. » 1,25.
Gouffre, au figuré. « Ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet
infini. »I, 117.
Goujat. « Un goujat se vante. » I, 25.
Gourmander. « Il (Montaigne) gourmande si fortement et si cruellement
la raison dénuée de la foi... » I, cxxix.
Goût. En quoi il consiste. 1, 103. — « Ceux qui ont le bon goût (pour, le
bon). » Ibid.
Goûter (probare). «Je suis ravi de ce que vous goûtez le livre de M. de
Layal. » II, 327.
Goutte. « J'ai versé telles gouttes de sang pour toi. » II, 208.
Gouverner. Voy. Laisser.
Grâce (la). I, cxiv-cxix. — La nature en est une image. I, 205; II, 5. —
« La grâce n'est que la figure de la gloire. » 1,205. — La grâce du Messie. II,
18. Voy. Conversion. — «Toute la morale consiste en la concupiscence et en
la grâce.» 11,88. — La grâce sera toujours dans le monde. » II, 93. — C'est la
grâce, et non la raison, qui fait suivre la religion. II, 96. — Peut seule faire
de l'homme un saint. II, 120. — » La grâce donne ce à quoi elle oblige. »
II, 160. — Ni l'Ecriture, ni les miracles, etc., ne sont rien sans elle. II, 225.
— Dieu veut que nous jugions de la grâce par la nature. II, 335.
Gradation. I, 59.
Grain. « Sans un petit grain de sable qui se mit dansson uretère...» 1,37.
Voy. Crûmwell.
TAULE ANALYTIQUE ET LEXIQUE, 33
Grand. «Dans une grande Anio tout est grand. » 11, 282.
Grand bbigniur. Ce que c'est que d'être grand seigneur. Il, 365. = Au fi-
guré. « Ce sont misères <l<" grand seigneur. » 1. 9. Voy. Misère, ca Le Grand
Seigneur, pour, le Sultan. I, 34; II, Ï72.
Grandeur. II, 121, note ï. — A. /'. 22. Grandeur et misère. I, 121,
note I.
Grandeur. « La grandeur de l'homme est grande eo ce qu'il se connaît misé-
rable. «1,9. — 11 faut montrera l'homme & la fois sa grandeur et sa bassesse.
1, 11. — Grandeur e1 misère de 1 homme. 1,121. — «11 faut des mouvements
de grandeur, non de mérite, mais de grâce. » 1, 188. — Grandeur de l'homme
dans sa concupiscence même. 11, 121. — Grandeur de sainte Thérèse. II, 177
— « On devient toute grandeur. » II, 260. = Ce que c'est que la grandeur
naturelle des objets. 11,292. — Les grandeurs homogènes (en mathématique) :
leur définition parEuclide. 11,293.
Grandeurs. Deux sortes de grandeurs dans le monde :des grandeurs d'éta-
blissement et des grandeurs naturelles. II, 353. Cl. Il, 176. — « Lagrandeu*
a besoin d'être quittée pour être sentie. » 1,84. — « C'est une sottise de
chercher les grandeurs. » I, 87.
Grands. Ce qui fait la différence entre les grands et les petits. I, 79. —
Analyse de la condition des grands. I, 52-53 ; 59-60. — « Le plaisir des grands
est de pouvoir faire des heureux. » II, 176. — Trois discours sur la condition
des grands II, 348-356. — « Les grands de chair. » 11, 15.
Grands hommes. Effets de leurs exemples. Ils sont par leurs vices du
commun des hommes. I, 79-80.
Gras. Terre grasse, pour, la terre promise. I, 205, 206.
Gravier. I, 37. Voy. Grain.
Grecs. Malédiction des Grecs, etc. II, 186. — Voy. Idolâtrie, Législateur.
Grenouille. Voy. Brochet.
Grimace. S'établir par grimace. I, 33. — La force et la grimace. Ibid.
Cf. 11, 153.
Grossier. Les Juifs grossiers. 1,210. — Les chrétiens grossiers. I, 211.
Guerre. «C'est un homme seul qui en juge, et, encore intéressé. » 1,72. —
Guerres civiles, le plus grand des maux. 1, 60. — Guerre intérieure de la rai-
son contre les passions. I, 120; II, 111. — La plus cruelle guerre que Dieu
puisse faire aux hommes en cette vie est de les laisser sans guerre, II, 115.
Voy. Jésus-Christ. — « Il faut se résoudre à souffrir cette guerre (entre la
grâce et la concupiscence) toute sa vie. » II, 334. — «Cette guerre... est une
paix devant. Dieu. » Ibid.
Guerrier. « C'est un bon guerrier. Il me prendrait pour une place assié-
gée. » 1,74.
Gueux. Contrefaire le gueux. I, cxxiv.
Guinder. « Il ne faut pas guinder l'esprit. » II, 307.
H.
Habiles (les). «Les habiles par imagination. » I, 31. — « Le peuple et les
habiles composent le train du monde. » I, 44. Voy. Peuple. — Les demi-ha-
biles méprisent les personnes de grande naissance; les habiles les honorent.
I, 59-61. — Voy. Dessous.
Habit. « Cet habit, c'est une force. » I, 64.
Haï. Les Juifs haïs, les chrétiens encore plus : pourquoi. II, 96.
Haine. Les hommes ont haine de la religion. II, 100. Voy. Chrétien. —
Au fond, il n'y a que haine entre les hommes. II, 121. — Voy. Justice.
Haïr (se). Est un devoir de l'homme dans la religion chrétienne. 1, 170 ;
II, 110. — Les vrais chrétiens se haïssent et ne veulent haïr qu'eux-mêmes.
I, 195, 211. — « La vraie et unique vertu est de se haïr. » II, 105. — « 11
faut n'aimer que Dieu, et ne haïr que soi. » II, 113. — « Tous les hommes
se haïssent naturellement l'un l'autre. » II, 121.
Haïssable. « Le Moi est haïssable. » I, 76 1. — « On est haïssable par
sa concupiscence. » II, 105.
1. M""-8 de Sévigné. Lettre à Bussy. du 13 nov. 1867 : « Je sais, et c'est Salomon qui le
dti, qui celui-là est /mïsmble qui parle toujours de lui. » -- Ecclésiastique , XJX, 5.
36 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Hardi « Trop de deux mots hardis. » 11, 154 et 213.
Hardiesse. Pascal admire la hardiesse de ceux qui entreprennent de
parler de Dieu aux impies. II, 60 et 66.
Harnais. Voy. Bras.
Hasard. Du hasard de gain et de perte à jouer que Dieu est ou n'est pas.
I, 149-152. — Le hasard en apparence fut la cause de l'accomplissement d'un
mystère. II, 102. — Donne les pensées et les ôte. II, 125. — Voy. Naissance,
Richesses.
Hasarder. Ce que Ton hasarde dans le parti. I, 150-151. — « Dans l'amour
on n'ose hasarder parce que l'on craint de tout perdre. » II, 261.
Héraut. Voy. Avènement, Juifs.
Hérédité. Ce qu'il faut penser de l'hérédité des biens. II, 351. — Voy.
Mal, Sot.
Hérésiarque, m Les hérésiarques sont punis en l'autre vie des péchés aux-
quels ils ont engagé leurs sectateurs. » II, 246.
Hérésie. Hérésies contraires. II, 18. — Soupçon d'hérésie. II, 77. — Source
de toutes les hérésies. II, 91. — Moyen de les empêcher et de les réfuter. II,
92. — Double hérésie sur l'explication du mot omnes.. II, 120. — Dieu, pré-
voyant les hérésies, a mis dans l'Ecriture et dans les prières de l'Eglise des
mots et des sentences contraires. II, 202.
Hérétique. Chose plaisante à considérer, que les soldats de Mahomet,
les voleurs, les hérétiques, se sont fait eux-mêmes des lois. I, 85. — Les
catholiques cl, les hérétiques. II, 72. — Les hérétiques, ennemis de l'Eglise.
II, 77. Voy. Eglise. — Les Jansénistes et les hérétiques. II, 81. Voy. Jansé-
nistes. — Les hérétiques conviennent que l'Eucharistie est figurative, mais
nient la présence réelle. Il, 92. Cf. II, 330. Voy. Eucharistie. — « Leshéréti-
ques, au commencement de l'Eglise, servent à prouver les canoniques. » II,
202. — Voy. Soumission.
Hérétiques. II, 109, note 1.
Héritier. L'homme en présence des dogmes et des preuves de la religion,
comparé à un héritier qui trouve les titres de sa maison. II, 96.
Hermine. Voy. Magistrat.
HÉRodE. Agit sans le savoir pour la gloire {de l'Evangile. II, 41. — Cru
le Messie. Il, 186. — Mot d'Auguste sur Hérode. Il, 203.
Héroïque. « Ame parfaitement héroïque. » II, 17. Voy. Jésus-Christ.
Héros. Amour des héros. II, 258.
Hésiode. I, 200.
Hétérogène. Voy. Faculté.
Heure. « 11 (les philosophes) délibèrent de passer une heure. » II, 111. —
Toute la philosophie ne vaut pas une heure de peine. II, 123. ~ Sur l'heure,
pour, à l'improviste. « Juges injustes, ne faites pas des lois sur l'heure. »
II, 80.
Heureux. « Nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que
nous ne le soyons jamais. » I, 37. — Etrange manière de rendre les hommes
heureux. I, 48. — On n'est pas heureux par le divertissement. I, 73. —
« Tous les hommes recherchent d'être heureux. » I, 116. — Comment la re-
ligion peut rendre l'homme heureux. I, 182. Cf. II, 103. — « Nul n'est heu-
reux comme un vrai chrétien. » I, 188. — « Il n'y a que la religion chré-
tienne qui rende l'homme aimable et heureux tout ensemble. II, 157. = Les
heureux. I, 86.
Heurter. « Rien ne nous heurte plus rudementque cette doctrine. » I, 115.
Hiérusalem. II, 56, 58, 103, 104, 198.
Hilaire (Saint). Cité. II, 180.
Histoire. « Leur histoire (des Juifs) enferme dans sa durée celle de toutes
;os histoires. » I, 200. — « Toute histoire qui n'est pas contemporaine est
suspecte. » I, 201. — Idée de l'histoire universelle, vue par les yeux de la
foi. Il, 41 et 45. — Histoire de l'Eglise. Voy. Eglise. — De la Chine. Voy.
Chine. — « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. »
11, 107 et 138. — « Mon histoire. » Voy. Auteur. — Histoire des choses
passée. Voy. Patriarches.
Historien. « Dieu a pourvu d'un historien unique contemporain (de la
création et du déluge). » I, 212 et 217. — Les historiens ont à peine aperçu
J sus-Christ. II, 17. — Raisons du silence des historiens sur Jésus-Christ. II,
198. — Les historiens évangéliques : leur modestie. 11,39.
Table analytique et lexkïué. 37
Historique. Matières ou connaissances historiques : leur objet et lmr
etraetère. Il, 2<'>ti.
Holocauste. « Jésus-Christ s'est offert à Dieu comme un holocauste et
une rentable victime. » II. 837. — « Noa imperfections Berriront <le matière
à ces holocaustes . » il, 248.
Homère. Antiquité des livres d'Homère, d'Hésiode, etc I , -(JO . — Homère
no s'est jamais servi (lu nom de loi. Ibid. — « Homère fait un roman, qu'il
donne comme tel, el qui est reçu pour tel. » 1,201 et 204.
Hommr. « Que L'homme considère ce qu'il est au prix de ce qui est. I, 2.
— «Qu'est-ce qu'un homme dans L'infini ? » Ibid. — L'homme, dans la nature
est nu néant à L'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant. 1, 3 — Etat
ïéi table des hommes. I. 8. — L'homme a rapport à tout ce qu'il connaît.
I, 0. — Est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature. I, 8. — (îran-
deur et misère, bassesse el excellence de l'homme. 1,9-11, 121, L82 ; II, lf>.">.
Voy. Contrariété, Grandeur, Misérable, Misère. — « Il esl déchu d'une
meilleure nature qui lui était propre autrefois. » I, 9. Cf. 1, r.xxxn, 115, 117,
121. 171, l^i). — « N'est qu'un roseau, mais c'est un roseau pensant. » 1, 11).
Cf. Il, 16 et 20. — « 11 a en lui la capacité de connaître la vérité et d'être
heureux : mais il n'a point de vérité ou constante ou satisfaisante. » I, li.
— Deux manières de considérer la nature de l'homme 1, 12. Voy. Fin,
Multitude. — Vanité ancrée dans le cœur de l'homme. I, 24. — Corruption
de l'homme, montrée par son aversion pour la confession. I, 27. — Son
aversion pour la vérité. Ibid. Voy. Fortune. — L'union entre les hommes
n'est fondée que sur une mutuelle tromperie. I, 28. — L'homme n'est que
déguisement, que mensonge et hypocrisie. Ibid. Cf. I, 75. — Faiblesse de
l'homme. I, 30. — Puissance de l'imagination sur l'esprit de l'homme. 1,31-
41. — Son esprit sujet à être troublé par le premier tintamarre 1, 40. —
« Le plaisant Dieu que voilà! » I, 41. (Cf. Il, 111 : «Cet instinct qui le
porte à se faire Dieu. ») — « N'est qu'un sujet plein d'erreur naturelle et
ineffaçable sans la grûce. » I, 44. Cf. II, 119. — Tous les soins dont on
charge les hommes dès l'enfance les empêchent d'être malheureux en les
empêchant de penser à ce qu'ils sont. I. 48. — « Que le cœur de l'homme
est creux et plein d'ordure ! » Ibid. — L'homme ne peut demeurer chez soi
avec plaisir. I, 49. — Les hommes ne cherchent que l'agitation. 1, 50. — Un
instinct secret les porte à chercher le divertissement et l'occupation au dehors,
et un autre instinct leur fait connaître que le bonheur n'est que dans le repos.
Ibid. — Heureuxparle divertissement; sans divertissement, malheureux. 1,51-52.
Cf. I, 73, 77. — Se sont avisés, pour se rendre heureux, de ne point penser
à leurs maux. I, 54. — Image de la condition des hommes. I, 54-55. Voy.
Conoamné. — « L'homme est plein de besoins : il n'aime que ceux qui peu-
vent les remplir tous. » I, 74. — Condition de l'homme: inconstance, ennui,
inquiétude. I, 83. — Vanité de l'homme, considérée dans l'amour. Ibid. —
« L'homme aime la malignité. » I, 86. — S'il y a beaucoup d'hommes origi-
naux. I, 95. Voy. Esprit. — « L'homme n'est ni ange ni bête. » I, 100. —
« Quelle chimère est-ce donc crue l'homme! etc. » I, 114. Voy. Chaos, Contra-
diction, PaRADOXE, etc. — « L'nomme passe infiniment l'homme. » Ibid. —
« Tous les hommes recherchent d'être heureux. » I, 110. — Personne n'y
arrive sans la foi. Ibid. — L'homme ne peut trouver le vrai bien qu'en Dieu.
I, 117-118. — N'est heureux qu'en Dieu : pourquoi si contraire à Dieu. I, 121.
— Est visiblement égaré et tombé de son vrai lieu. Ibid. Cf. I, 171. —
« L'homme connaît qu'il est misérable... mais il est bien grand puisqu'il le
connaît. » I, 121. — Est un monstre incompréhensible. Ibid. — Contrariétés.
L'bomme naturellement crédule, incrédule : timide, téméraire. » Ibid, Cf.
II, 175 Voy. Contrariété. — « Rien n'est si important à l'homme que son
état: rien ne lui est si redoutable que l'éternité. I, 140. Voy. Insensebiliié.
— <f Les hommes n'aiment naturellement que ce qui leur peut être utile. »
I, 141 et 148. — Malheur de l'homme sans Dieu. 1, 141; II, 60, 157. —Com-
ment raisonnent les hommes qui vivent de parti pris dans l'ignorance de leur
état. 1, 143. Cf. 139. — La connaissance de la vraie nature de l'homme et
celle de la vraie religion sont inséparables. I, 170-177. Cf. I, 188. — Hommes
dans les temps de l'idolâtrie. I, 172. — Misérable état de l'homme aban-
donné à lui-même. I, 175, 197. — L'homme par sa présomption est devenu
semblable aux bêtes. I, 183. — Maladies principales de l'homme. I, 184. —
Duplicité de l'homme. I, 186 — Sans la religion, les hommes ne peuvent
fuir ou l'orgueil ou la paresse, les deux sources de tous lee vices. Ibid. —
58 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Tous recherchent leur satisfaction. I, 205. Cf. II, 93. Voy. Saint. — Deux
sortes d'hommes en chaque religion. I, 21 i. — Les hommes se rendent indi-
gnes de leur salut et de la clémence de Dieu. II, 47. — Tout, dans le
monde, instruit les hommes et de leur corruption et de leur rédemption. II,
48-49. — « Les hommes sont tout ensembles indignes de Dieu et capables
de Dieu. II, 49. Cf. II, 122. — « 11 n'y a rien sur la terre qui ne montre...
ou l'impuissance de l'homme sans Dieu, ou la puissance de l'homme avec Dieu. »
Ibid. — Devoir réciproque entre Dieu et les hommes. II, 69-70. — Ignorance
des hommes avant Jésus-Christ, II, 87. — « Il faut que l'homme envoie assez
pour connaître qu'il l'a perdu (le bien). » II, 89. — L'homme, tombé de sa
place, la cherche avec inquiétude. Il, 90. — Sa dignité : en quoi consistait,
dans son innocence ; en quoi elle consiste aujourd'hui. Ibid. — « L'homme
est ainsi fait qu'à force de lui dire qu'il est un sot, il le croit. » II, 105. —
Fait lui seul une conversation intérieure. Ibid. — « Les hommes prennent
souvent leur imaginaton pour leur cœur. II, 109. — « L'homme est visible-
ment fait pour penser. . . Tout son devoir est de penser comme il faut. » Ibid.
Cf. II, 251. — « Toute la dignité de l'homme est en la pensée. » II, 110. Cf.
I, 11 ; II, 90. — Folie des hommes. II, 119. Voy. Fou. — Ce qu'il faut pour
faire d'un homme un saint. II, 120. Voy. Grâce. — La nature de l'homme a
ses allées et venues. Il, 124 et 145. — L'homme n'agit point par la raison,
qui fait son être. » II, 155. — Ne peut de lui-même aller à Dieu. Ibid. — Il
n'y a que deux sortes d'hommes : les justes, qui se croient pécheurs : les pé-
cheurs qui se croient justes. II, 164 — Tous les hommes ne délibèrent que
des moyens, et point de la fin. II, 166. — Description de l'homme. Nature de
l'homme. II, 167. — Les hommes jugent de Dieu par eux-mêmes. II, 174. —
L'homme comparé à des orgues. II, 175. — Dieu a créé l'homme avec deux
amours. II, 242. Voy. Amour-Propre, Amour de Dieu. — L'homme est trop
infirme pour juger sainement de la suite des choses futures. II, 247. — Ce
qu'il y a dans chaque homme. Ibid. Voy. Apam. — L'homme n'aime pas
à demeurer avec soi : il ne peut vivre sans aimer. II, 253-255. — Est la plus
belle créature que Dieu ait formée. II, 253. — Est né pour le plaisir. Il, 254.
— « L'homme n'est produit que pour l'infinité. » II, 270. — « Toute la suite
des hommes doit être considérée comme un même homme qui subsiste tou-
jours et qui apprend continuellement. » II, 271. — Disproportion de
l'homme. I, 8, note 4. — La grandeur de l'homme. I, 10, note 1 etnote3.
Homme-Dieu. « L'union ineffable de deux natures dans la seule personne
d'un homme-Dieu. » I, cxxxiv.
Homogène. Voy. Grandeur.
Honnête. Honnête homme, pour, homme du monde, ou opposé à, homme
de métier : et Honnêtes gens de même. I, 74, 75. — On n'apprend pas aux
hommes à ktre honnêtes hommes, et c'est ce qu'ils se piquent le plus d'être.
I, 80. — Platon et Aristote, qu'on ne s'imagine qu'avec des robes de pédants,
étaient des gens honnêtes et comme les autres. I, 85. — « Qu'ils soient au
moins honnêtes gens, s'ils ne peuvent être chrétiens. » 1, 142. Voy. Honnêteté
— Si vous êtes duc et honnête homme,... je ne vous refuserai point l'estime
que mérite la qualité d'honnête homme. » II, 354.
Honnêteté, pour, l'état et les quotités de Yhonnête homne, distingué du
chrétien. Il, 157, 169. — Voy. Règle.
Honneur. « Qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait in-
fâme. » I, 24.
Honte. « Il n'y a de honte qu'à n'en point avoir (c'est-à-dire, qu'à n'être
pas honteux d'être sans lumière et sans croyance). » I, 142.
Hôpital. Voy. Fou.
Horace. Cité. I, 86 ; II, 124.
Horreur. Voy. Mort (la).
Hostie, pour, victime. II, 27, 28, Cf. Il, 24 et 34 ; II, 230, 238.
Huguenots. Excluent l'unité. II, 120.
Humain. Voy. Caractère, Vie humaine.
Humanité, pour, qualité d'homme. II, 283. — Pour, nature humaine. Il
339. — L'humanité de Jésus-Christ. II, 92.
Humble. Epictète veut que l'homme soit humble. I, cxxiv.
Humeurs. « Le temps et mes humeurs ont peu de liaison. » I, 84.
Humilié. « Un Dieu humilié, et jusqu'à la mort de la croix. » II, 6. —
.* Ceux qui ont le coeur humilié, et qui aiment la bassesse. » H, 96, —
Voy. Jeûner.
TABLE! ANALYTIQUE Et LEXIQUE. 39
Humilier (s'). « lluniilie/.-vous, raison impuissante. » I, 114.
Humilité. Discours d'humilité. 1, 75. — « l'eu parlent »le l'humanité hum-
blement, a Ibul. — Humilité d'une &me chrélienue. I, 177 et 181. — Humi-
lité apparente. 1, 189. Voy. Raisonnement. - « Fausse humilité, orgueil, »
11, 100. - Les humiliations disposent à l'humilité. 11,170. Voy. Pénitence.
Hypocrisie. « L'homme n'est que mensonge et hypocrisie. » 1,28.
HYPOCRITE. Les hypocrites bien déguisés sont soufferts par l'Eglise et sont
reçus des hommes; mais ils ne sont pas reçus de Dieu, qu'ils ne peuvent
tromper. 11, 118,
Ici, pour, sur la terre, dans la vie. I, cxxiv. — « Chaque chose est ici
rraie en partie, fausse en partie. » I, 88. — « Ce n'est point ici le pays de
U vérité. » II, 78.
IoBK. « Presque tous Les philosophes confondent les idées des choses. »
I, 8. — La conformité d'idée n'est pas certaine. I, 43.
Identité. Ce que c'est. II, 202.
Idolâtrie. Générale dans le premier âge du monde. I, 172. — Idolâtrie
des Egyptiens, des Grecs et des Latins. Ibib. — Ruine de l'idolâtrie prédite.
II, 24.
Idole. « On se fait une idole de la vérité même. » II, 116.
Ignorance, a L'ignorance et l'incuriosité sont deux doux oreillers pour une
têle bien faite. » (Montaigne) I, cxxxn. Cf. I, cxxvi. — L'ignorance naturelle
et l'ignorance savante. I, 4't. — Ignorance de son état : déraison des hommes
qui choisissent d'y vivre. 1, 139-143. — v< Ce repos dans cette ignorance est
une chose monstrueuse, dont il faut faire sentir l'extravagance et la stupidité
à ceux qui y passent leur vie. » I, 14^. — L'homme sans Dieu est dans 1 igno-
rance de tout. II, 157. — Ignorance de Dieu. II, 197. — Les chrétiens sont
maintenant dans une ignorance qui fait horreur. II, 322. — Voy. Inconstance,
MOUT (LA).
Ignorer. « Ignorant ce que je suis et ce que je dois faire, je ne connais
ni ma condition ni mon devoir. » I, 197.
Il (neutre), pour, cela. I, 42, 82, 152, 208; II, 116, 164, 258, 353. Cf. 1,
lxxix, lxxxi ; 76, note 2 (phrase de La Bruyère). Voy. Le. = Explétif. « Tant
il est vrai ce que vous venez de me dire, etc. » I, cxxxm. Cf. I, cxxxiv. =»
Masculin, après le mot personne. Voy. Personne. = Impersonnel, devant
un verbe suivi d'un sujet singulier déterminé. « Il est venu enfin Jésus-Christ
dire... » II, 197.
Ile. Pascal se compare à un homme abandonné endormi dans une île dé-
serte et effroyable. I, 175 — Histoire d'un homme jeté par la tempête dans
une île inconnue : image de la condition des grands. II, 350. \
Illusion. « La vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle. » I. 28.—
« Tout le monde est dans l'illusion. » I, 60.
Image. Voy. Condition, Ile.
Imaginaire. Vie imaginaire. ; être imaginaire. 24.
Imaginant (adjectif) Faculté imaginante. I, 32.
Imagination. Etre d'imagination. 1, 24. — Critique de l'imagination. I, 31.
— Maîtresse d'erreur et de fausseté ; ennemie de la raison ; a établi dans
l'homme une seconde nature, etc. Ibid. — Force de l'imagination. I, 32. —
Ses effets. I, 33-34. — « Le roi n'a que faire de l'imagination. » I, 36. Voy.
Juge. — L'imagination grossit le temps présent et amoindrit l'éternité. I, 37.
— Grossit les petits objets et amoindrit les grands. I, 41. — « Les hommes
prennent souvent leur imagination pour leur cœur. » II, 109. =» Pour, idée.
c L'imagination qu'on prend d'abord. » II, 308.
Imbécile. Voy. Nature, Ver. = Imbécile à... I, 8 (note 4).
Imiter. « La nature s'imite. » II, 163.
Immatérialité de l'ame. II, 155.
Immédiat de. « Sa sanctification a été immédiate de son oblation. » 11,239
Immobilement. Il, 103.
Immortalité. Voy. Ame, Foi.
Impénétrabilité. Est une propriété des corps. Il, 202.
Impénétrable. « (Dieu) Impénétrable à la vue des hommes. » II, 329,
40 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Imperceptible. « L'univers imperceptible dans le sein du tout. » 1,3.
Impie. Les plus impies sont capables de la grâce. 1,187. — Les impies devraient
être étrangement forts en raison. II, 94. — Faux raisonnement des impies
fondé sur ce qu'il n'y a point de Dieu. II, 110.
Impiété. C'est elle qui fait la peine qu'il y a en entrant dans la piété. II,
114-115, 338. = Au pluriel. « Qu'ils laissent ces impiétés à ceux, etc. » I, 142.
Impliqué, pour, embarrassé ou obscur. « Les preuves de Dieu métaphysiques
sont si impliquées, qu'elles frappent peu. » I, 154.
Important. « Tout est important. » II, 121.
Importer. « Il importe de tout. » I, 100. — « Le moindre mouvement
importe à toute la nature. » II, 121.
Imposer. « Le ton de voix impose aux plus sa^es. » 1,33.
Imposteur. Ce qui fait qu'on ajoute foi à tant d'imposteurs, qui disent qu'ils
ont des remèdes, c'est qu'il y en de vrais, comme il y en a de faux. II, 75.
Impression. Impressions anciennes: faussas impressions; mauvaises impres-
sions, faire impression. I, 34-35.
Impuissance. « Notre impuissance à connaître les choses. » I, 7. — « Une
impuissance de prouver. » I, 120 -- « Impuissance à croire. » I, 152. — « La
vraie religion doit avoir connu la concupiscence et l'impuissance (c'est-à-dire
la concupiscence de l'homme et son impuissance de la vaincre en faisant le
bien). » I, 169. Voy. Prière. — « Nos impuissances. » I, 5; II, 168.
Incapacité de lliomme. I, 8, note 4.
Incarnation. Montre à l'homme la grandeur de sa misère, par la grandeur
du remède qu'il a fallu. 1, 188. — Secret de Dieu dans ce mystère. II, 329.
Incertain. Travailler pour l'incertain. I, 62, 65; II, 124.
Incertainement. I, 151.
Incertitude. « Cloaque d'incertitude (l'homme). » I, 114. — « Nous ne trou-
vons en nous qu'incertitude. » I, 120. — « Dans l'incertitude de l'éternité de
ma condition future. » I, 140. — Gagner avec incertitude. I, 151. — Voy.
Montaigne.
Incirconcis. « Les incirconcis de cœur. » II, 57. Voy. Circoncision. = Au
propre. H, 94.
Inclination. « Nous ne donnerions point cette inclination à notre volonté. »
II, 110.
Incliner. Incliner le cœur à aimer, à croire. I, 104, 194. — « La coutume
incline l'automate. » I, 156. — « L'habitude, qui incline toutes nos puissances
à cette croyance. » Ibid.
Incommoder (s'). « Le respect est, Incommodez-vous. » 1, 63.
Incompré tiens ibilite (A P. R. Commencement, après avoir expliqué V).
I, 83, note 1.
Incompréhensible. Réponse à l'objection que Dieu est incompréhensible.
I, 189. — « Incompréhensible que Dieu soit, et incompréhensible qu'il ne soit
pas. » II, 126. — « L'homme est toujours disposé à nier tout ce qui lui est
incompréhensible. » H, 290. — Voy. Monstre.
Inconsolable. « Des mouvements bien plus inconsolables. » II, 245.
Inconstance. I, 81, note 4: II, 176, note 1. — Inconstance et bizarrerie,
I 172, note 1.
Inconstance. « Le sentiment de la fausseté des plaisirs présents, et l'igno-
rance de la vanité des plaisirs absents, causent l'inconstance. » I, 84. — Voy.
Apparence, Condition.
Incontinent, (adverbe). II, 60, 90.
Incontradiction. « Ni la contradiction n'est marque de fausseté, ni Tincon-
tradiction n'est marque de vérité. » 1, 44.
Incorrompu. I, 186. 208.
Incrédule. Plaindre les incrédules etne pas les injurier. II, 88. Cf. I, 142.
— « Incrédules, les plus crédules. » II, 126. — Voy. Crédule.
Incroyable. Réponse à l'objection: incroyable que Dieu s'unisseà nous. 1, 189.
Indiens (les), I, 38.
Incuriosité (mot de Montaigne). I, cxxxn. Voy. Ignorance.
Indépendance. Désir d'indépendance. 11, 167.
Indifférence. « Il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence
de savoir ce qui en est (de l'immortalité de l'âme). » I, 137. Voy. Négligence.
Indifférent. Voy. Pyrrhonien.
Indivisible. Espace indivisible; parties indivisibles: deux indivisibles, etc.
II,283-2S0.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 41
Indubribli l, 138; II, 111. — Voy. Fondement.
InOI i 61 mi es. 11, 92.
lw. \nu. Il es1 nécessaire qu'il y on ail parmi Les nommes. 1, 70.
In, mi.ii!,ii.ii i . Contre L'infaillibilité d'un seul. Il, 122. Voy. Multitude.
Im mllidle. Voy. Docteur, Papk.
[ni \mv:. Voy. Honneur.
Infertile. « Pensées infertiles dans leur champ naturel, abondantes étant
transplantées. » 11, 72.
[ni ■mm LE, pour, qui n'a pas la foi. II, 49, 50, 330. — Les chrétiens et les
infidèles. 11, 72.
Infidélité, pour, manque de foi, incrédulité. I, 152: II, 23, 161.
Infini, rien. 1, 153, note 2.
Infini (subtantif). « Ces deux infinis desciences. » 1.4. — Les deux infinis.
I, 6. Cf. I, 9; II, 163, 168.= L'infini. « Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini? »
I, 2. — L'infini, ou le tout, opposé au néant. I, 3: 11, 288. — Nous connaissons
L'existence de l'infini, et nous ignorons sa nature, parce qu'il a étendue comme
nous, mais non des bornes comme nous. I, 148. — La nature, les espaces, les
nombres, font une espèce d'infini. II, 151.
INFINI (adjectif). « Une sphère infinie. » I, 1. — Une capacité infinie comme
la nature. » I, 3. — «Une vitesse infinie. »1I, 87. — « L'infinie immensité des
espaces. » II. 152. — « Espaces infinis. » II, 153. = A l'infini. II, 153, 288,
289, etc.
Infiniment. " Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes. » I, 3. — ■
« Divisible infiniment. » I, 4. — « La durée de notre vie n'est-elle pas infiniment
éloignée de l'éternité? »I, 6. — « La distance infiniment plusinfinie des esprits
à la charité. » II, 15. — « Ces êtres terminés se multiplient infiniment. » II,
loi
Infinité . « Une infidité d'univers, dont chacun a son firmament, etc » 1,2.
Infinité. « Une infinité d'infinités de propositions. — I, 3. — « Je ne vois
que des infinités de toutes parts. » I, 139. — « Il y a ici une infinité de vie
infiniment heureuse à gagner. » I, KiO =• La double infinité de la nature. I, 9.
Cf. 11, 296. — Les deux infinités, de grandeur et de petitesse. II, 288. — x>
L'infinité en petitesse est bien moins visible. » I, 4. — « L'homme n'est
produit que pour l'infinité. » II, 270.
(Infinitif, employé comme substantif). Voy. Le.
Infirme, pour, faible. II, 247.
Influer (actif). « Du soin que la nature a d'y influer les esprits. » II, 112.
— « Inutile au corps qui lui a influé sa vie. » II, 113.
Iniquité. Les iniquités sont les vrais ennemis de l'homme. II, 10-11.
Injustice. «Nous naissons injustes et dépravés. » II, 111. = « Et par les
justes Juifs et par les injustes. » 1,209.= Etre injuste de, avec l'infinitif. 11,355.
Injustice. L'injustice dans l'esprit. II, 258. — Injustice. 1,83, note 1; U,
167, note 5.
Inondation. « Il faut une inondation de passion pour les ébranler (les
grandes âmes) et pour les remplir. » II, 260.
Inquiétude. « L'inquiétude de son génie. » II, 154 et 213. — Saint Paul a dit
que ceux qui entreront dans la bonne voie trouveront des troubles et des inquié-
tudes en grand nombre. » II, 336. Cf. II, 340. — Voy. Condition.
Inquisition. « L'Inquisition et la Société, les deux fléaux de la vérité. » Il
117. — L'Inquisition corrompue ou ignorante. II. 118.
Insensibilité. Etrange insensibilité de certains hommes sur leur état et sur
l'éternité. I, 140-142.
Insinuer (Neutre). « Ayant pouvoir d'insinuer dans tout le corps. » II, 120.
= S'insinuer. « Il tient la maîtresse branche qui s'insinue partout. » Ibid.
Inspiration. Un des trois moyens de croire. II, 107.
Instinct. L'instinct instruit l'homme. 1, 12. Voy. Expérience. — « Nous avons
un instinct qui nous élève. » I, 25. — Deux instincts contraires dans l'homme,
du divertissement et du repos. 1,50. — « Cet instinct qui le porte à se faire
Dieu. » II, 111. — Instinct des animaux comparés à l'esprit de l'homme. II, 151 1
270. — <( Instinct et raison, marques de deux natures. » II, 152. — Instinct»
Raison. I, 120, note 3.
Instruction. Trop et trop peu d'instruction empêche l'esprit. 1, 5
Instruisant. « Toute religion qui n'en rend pas la raison n'est pas instrui-
sante. » I, 171.
Instrument. « Nos instruments (au figuré). » 1, 35, — Voy. Intérêt. Pointe.
H.
z\
»*
Table analytique et lexique.
Intelligence. Rang que tient notre intelligence dans Tordre des choses
intelligibles. I, 5. = Au pluriel, pour, connaissances. « L'homme ne peut
parvenir à ces hautes intelligences. >> II, 267.
Intérkssek (s1). <f Je vois bien que vous vous intéressez pour l'Eglise. » l ,
329. Cf. II, 331.
Intérêt. « Notre propre intérêt est encore un merveilleux instrument pour
nous crever les yeux agréablement. » I, 35.
Intérieur. L'extérieur et l'intérieur. I, 171). — Dieu ne regarde que Tinté-
rieur. » II, 115. Voy. Extérieur. =a « Joseph si intérieur dans une loi tout
extérieure. » II, 179.
Intime. « Dans l'intime de la volonté de Dieu. » II, 236.
Intimider. Voy. Ecriture.
Inventeurs. Sont rares, et on leur refuse souvent la gloire qu'ils cherchent
par leurs inventions. I, 66.
Inventions. « Archimède a fourni à tous les esprits ses inventions. » II, 16.
— Mouvement des inventions des hommes de siècle en siècle. II, 124. — « Les
inventions de l'esprit peuvent être tout ensemble sans fin et sans interruption. »
II, 268 et 273.
Invincirle a. I, 120.
Invinciblement. « Invinciblement cachés dans un secret impénétrable. »
1,3.
Irréconcujoble. » Quand elle en calme la dissension irréconciliable. » II
243.
Irréparable, en parlant de la nature. I, 186.
Irréprochable. « Témoins irréprochables. » II, 25.
Isaaé. Vivait en la foi. I, 172. — « Le Dieu d'isaac. II, 61. Cf. I, cvi.
Is.ue. Cité. I, 209, 212 : II, 5, 56, 57, 80, 340. — Le mem fermé d'Isaie.
II, 8, 50. — Traduction de plusieurs chapitres de ce prophète. II, 188-196. —
« Isaie prince du sang. » II, 200.
Israël. « Les prophètes ont dit clairement qu'Israël serait toujours aimé de
Dieu. » II, 4. — « Tous les païens disaient du mal d'Israël, » II, 109.
Itus et reditus. II, 124. Voy. Nature.
Jacob. Foi de Jacob : son attente du Sauveur. I, 172* — « Le Dieu de Ja-
cob. » II, 61. Cf. I, cvi. — Jacob mourant et bénissant ses enfants leur pré
dit la royauté de Juda. II, 187. — Voy. Prophéties.
Jacques (Saint) . Comment saint Thomas explique le lieu de saint Jacques
sur la préférence des riches.
Jamais. « Et en voilà pour jamais. » II, 112 et 139.
Janissaires. Les quarante mille janissaires du Grand Seigneur. I, 34.
Jansénistes. Ressemblent aux hérétiques par la réformation des mœurs.
II, 81. — Comparés aux jésuites sur la profession des deux contraires (le
libre arbitre et la grâce?). II, 93. Cf. II, 81. — Désignés. 11,73, 77, 100, 117,
335, 342. Voy. Port-Royal.
Jansénius. Nommé. II, 79. — Cité. II, 103. — Analysé. II, 241.
Jardin. « Jésus (dans sa passion) est dans un jardin, non de délices, comme
le premier Adam,... mais dans un de supplices. » II, 206.
Je ne sais quoi. La cause de l'amour est un « je ne sais quoi », si peu de
chose qu'on ne peut le reconnaitre, etc., 1 83-84.
Jean Baptiste (Saint). Les prophéties sont plus claires de lui que de Jé-
sus-Christ. II, 1. Voy. David. — Devait convertir le cœur des pères aux en
fants. II, 171. — A déclaré aux Juifs le mystère de la Pénitence. II, 185. —
Sa venue. II, 334. Voy. Avènement.
* Jean (Saint). Cité. II, 74, 78, 79, 80, 171, 184, 330.
(Jean-Casimir, rci de Pologne.) Désigné. I, 81.
Jérémie. II, 72. Cité. II, 87.59.
Jérodoam. II, 125. Voy. Prêtre.
Jérusalem. Première église de Jésus-Christ. II, 24. — Voy. Hiérusalem,
Rome.
Jésuites. Désignés. I, 210: II, 73, 76, 77, 78, 80, 81, 104, 106. 115, 117,
118, 119, 120, 122, 125, 175, 205, 342, - Leur doctrine, II, 77, 122. — S*
TAULE ANALYTIQUE Kl LEXIQUE. 43
joignent aux ennemis de l'Eglise. Il, 77-78. - Comparés aux Jansénistes. II,
93. — « S'il se faisait un mincie su Jésuite*? » II. 204.
Iksds-Ghbist. Dieu el Jeans-Christ. I, cvi-cvn, — «Jésus-Christ, s. uni Paul
ont L'ordre de la charité... Ilsvoulsienl échauffer, non instruire. » I, 102. —
« La rédemption de Jésus-Christ. » I, 140. Voy. Foi. — Jésus-Christ est l'ob-
i'ct de tout et le rentre où tout tend. » I. 15V. — Médiateur pour connaître
tien. ïbid. Cf. 1. 194: II, 62, 19S, 238. La connaissance «le Jésus-Christ
nous f;tit connaître Dieu et notre misère. [, 154; II, 62. — " Jésus-Christ en
particulier (prouve la vérité de la religion). » I, 177. — blst venu dans le
temps prédit, mais non dans l'éclal attendu. I, 206. Cf. II, 24. — A été en
scandale aux Juifs. I. 209. Selon les chrétiens charnels, est venu nous dis-
penser d'aimer Dieu. 1, 210, et 210'. — Jésus-Christ figuré par Joseph, II, 2.
\o\. Larron. — Ce qu'il a appris aux hommes. Il, 4-5. — Deux natures en
Jésus-Christ, deux avènements. II, 4, 6. — « En Jésus-Christ tontes les con-
tradictions sont accordées. » II, 1. — Portrait de Jésus-Christ : son ordre; sa
bassesse et sa grandeur. II, 16. — Son obscurité et son éclat. II, 17. — Sim-
plicité et clarté admirable de ses discours. Ibid. — Ame en lui parfaitement
héroique. Ibid. — Aussi difficile pour l'Eglise de montrer qu'il était homme
que de montrer qu'il était Dieu. 11, 18. — « Est un Dieu dont on s'approche
sans orgueil, et sous lequel on s'abedsse sans désespoir. » Ibid. — Centre des
deux Testaments... Est prédit et prédisant... Est universel. Ibid. — A offert
le sacrifice de la croix pour tous. II, 19. — Prouvé par les prophéties. Il, 21-
29. — Roi des Juifs et des Gentils; fait de Jérusalem sa première, et de
Rome sa principale Eglise. II, 24-25. — Jésus-Christ et ses apôtres ôtent l'ido-
lâtrie de toute la terre. II, 25. — Vocation des Gentils par Jésus-Christ. II,
27. — « Jésus-Christ est venu dans toutes les circonstances prédites. » II, 29.
- Pourquoi a fait des miracles. Il, 39. Cf. I, 174. — Comparé avec Mahomet.
II, 43, 159. — Est venu in sanctifteationem et in scandolum. II, 49-50. —
Généalogie de Jésus-Christ dans l'Ancien Testament. II, 51. — Pourquoi il
ne dit pas qu'il n'est point de Nazareth. Ibid. — Hors de Jésus-Christ toute
communication avec Dieu est ôtée. II, 61. — Jésus-Christ est le véritable Dieu
des hommes... Le réparateur de notre misère. II, 62. Nous ne nous connaissons
nons-mèmes que par Jésus-Christ... En lui est toute notre vertu et toute
notre félicité... Sans lui, le monde ne subsisterait pas. Il, 63. — Jésus-Christ
a vérifié qu'il était le Messie par ses miracles. II, 69, 73. Cf. I, 174. — Deux
manières de n'être pas pour Jésus-Christ. II, 71. Voy. Différence. — Jésus-
Christ et les Pharisiens. II, 72-73. — « Jésus-Christ ne parlait ni contre Dieu
ni contre Moise. » II, 73. — Eu quoi diffère de l'Antéchrist. Ibid. — « Toute
la foi consiste en Jésus-Christ et en Adam. » II, 88. — Si Jésus-Christ est
mort pour tous II, 90, 158 et 3612- — Vérités opposées en Jésus-Christ. II,
91-92. — Jésus-Christ n'a point voulu des témoignages des démons, mais de
Dieu et Jean-Baptiste, II, 98. — Devait être jugé parles Juifs et les Gentils.
II, 101-102. Voy. Mystère. — Est venu dter les figures pour mettre la vé-
rité. II, 104. — On aime Jésus-Christ, parce qu'il est le corps dont on est
membre. » II, 113. — Est venu apporter la guerre... Avant lui le monde vi-
vait dans une fausse paix. II, 115. Cf. II, 171, 334. Voy. Division. — A aimé
la pauvreté. II, 119, — Précepte qu'il a posé à ses disciples. II, 120. — Jésus-
Christ rédempteur. II, 148 Cf. I, 176, 177, 211 , II, 90. Voy. Rédempteur.
— Seul mène au vrai chemin. II, 158. — Tout en tous, et modèle de toutes
conditions. II, 158-159, — Veut que son témoignage ne soit rien. II, 159. —
« Jésus-Christ sera à la droite, pendant que Dieu lui assujettira ses ennemis. »
II, 170. — « Il a adopté nos péchés, et nous a admis à son alliance » II,
173. — Dit que lui et les siens seront en miracles. II, 183. — Ce qu'il a dit
à sa venue. II, 197. — Preuves de Jésus-Christ: les juifs; prophéties; figures;
silence des historiens. II, 198. — Vocation des Gentils, et ruine des Juifs et
dés païens par Jésus-Christ. Ibid. — Détruisait l'empire du diable sur les
coeurs. II, 199, Voy. Exorcisme. — N'a jamais condamné sans ouir. II, 199. —
Dit : « Je ne sais pas. » comme homme ou comme légat. II, 201. — Le Mys-
tère de Jésus. II, 206-211. Cf. I, cvi-cvh. — Ce qui est arrivé en Jésus-Christ
doit arriver en tous ses membres. II, 237. Cf. II, 243. Voy. Ame. — Consi-
dérations mystiques sur le sacrifice de Jésus-Christ. II, 238-240. — Jésus-
Christ n'a pris sa vie que pour la perdre pour l'Eglise et pour nous. IK329. —
1. Voir les Provinciales, 10e Lettre, dans la dernière partie.
2. Voir aussi la 17» Lettre dans les Provincial**.
44 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
N'est reconnu sous des espèces de pain que des seuls catholiques. II, 330. —
A donné dans l'Evangile une marque pour reconnaître ceux qui ont la foi. Il,
331. — Parole consolante de Jésus-Christ. II, 334. — Son discours à ses
apôtres sur son dernier avènement. II, 341. — Voy. Adam, Homme-Dieu,
Messie. — Jésus-Christ. Offices. II, 28, note 2. — Dieu par Jésus-Christ.
I, 63, note 1. — Sépulcre de Jésus-Christ. II, 209, note 4,
Jeu. Raison du plaisir du jeu. 1, 49, 52. = Au figuré. « Il se joue un jeu
ii l'extrémité de cette distance infinie, etc. » I, 149. — Le dessous du jeu.
I, 152.
Jeûner. « Il vaut mieux ne pas jeûner et en être humilié, que jeûner et
en être complaisant. » II, 177.
Jeunes Cens Sont tous dans le bruit, dans le divertissement, etc. I, 88.
Job. « Salomon et Job ont le mieux connu la misère de l'homme. » II, 108.
— « Les deux plus anciens livres du monde sont Moïse et Job. » II, 169. —
Cité. II, 333.
Joie. Figures de la joie future dans l'Ancien Testament. II, 101. — Joie
des chrétiens. II, 337. Cf. cvi, cvn, 214. — « Les joies temporelles couvrent
les maux éternels qu'elles causent. » II, 330. — Voy. Sentiment.
Joseph. Figure de Jésus-Christ. II, 2. — « Joseph si intérieur dans une
loi tout extérieure. » II, 179. — Recommandation de Joseph mourant à ses
enfants. II, 187.
Josèihe. Cité. I, 199; II, 179-180. — Silence de Josèphe sur Jésus-Christ.
II, 198. Voy. Historien.
Jouer. Voy, Personmage.
Joug. Ce que certaines gens appellent avoir secoué le joug. I, 141. — Le
joug de Jésus-Christ n'est léger qu'à lui et à sa force divine. II, 340.
Juda. Le sceptre de Juda. II, 40, 51. — Voy. Jacob.
Judaïque. La répub ique judaïque, II, 203.
Judaïsme. Plénitnde de maux sans consolation, état de judaïsme. II, 229.
Voy. Consolation.
Judas. Aucune invective contre lui dans les historiens évangéliques. II,
39.
Judée. Elle avait toujours des hommes choisis qui prédisaient la venue
du Messie. II, 172.
Judith. II, 204.
Juge. « Les juges, médecins, etc., n'ont que l'imagination. » I, 36. —
« Ce souverain juge du monde (l'homme). » 1, 40.
Jugé. Etre au nombre malheureux des jugés. Il, 333.
Jugement. Il est difficile de proposer une chose au jugement d'un autre,
sans corrompre son jugement. I, 82. — Peu de jugements fermes et stables.
Ibid. Voy. Assiette. — « Le jugement est celui à qui appartient le senti-
ment. » i, 106. = Jugement (le), pour, le jugement dernier ou général.
« Un petit jour du jugement. » II, 340.
Juger. « Le monde juge bien des choses. » I, 44. — Juger d'un ouvrage
par règle. I, 98. — Ceux qui sont accoutumés à juger par le sentiment ne
comprennent rien aux choses de raisonnement. I, 105. — On ne peut juger
de son ouvrage qu'en s'en éloignant un peu. II, 163 et 217. — Voy.
Volonté.
Juif (adjectif). Le peuple juif. I, 199, 205 ; II, 179. Voy. Peuple de Dieu.
— La religion juive. I, 210 ; II, 41. — Philon juif. I, 200 : II, 23, 203.
Juifs. Ennemis irréconciliables de la religion et de l'Eglise. T, 188, 214;
II, 77. — Leur loi. I, 199-200; II, 3, 5, 6. — Avants-coureurs et hérauts de
l'avènement d'un libérateur. I, 198. — Subsistent toujours, témoins admira-
bles et irréprochables de la vérité des prophéties. I, 199, 214 ; II, 22, 25, 40,
41, 59. — Avaient vieilli dans des pensées terrestres. 1,206. — Juifs charnels
grands amateurs des choses prédites, et grands ennemis de l'accomplisse-
scment. I, 207. — Leur cupidité. I, 209 ; II, 184. — Leur religion, figure de
la vérité uu Messie. I, 210. — Les Juifs charnels et les vrais Juifs : les uns
n'avaient que les affections païennes, les autres avaient les affections chrétiennes.
1, 211. Cf. II. 40, 56, 59, 72, 1S7-191. —Distinguer leur doctrine d'avec la
doctrine de leur loi. Leur doctrine n'est pas vraie, parce qu'elle n'a pas ce
point, de n'adorer et n'aimer que Dieu. Il, 6. Cf. II, 68. — Prophéties tou-
chant les Juifs. II, 24, 27, 57-59. — Les Juifs ont accompli les prophéties. II,
25, 41. — Comment, après avoir rejeté Jésus-Christ, ils n'ont pas été exter-
minés. II, 29, 40. — Témoins suspects, s'ils eussent été tous convertis par
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 45
Jésus-Christ. II, 40. — Leur unique raison do refuser Jésus-Christ. II, 40-41.
— <( La protection «le Dieu parait dans les Juifs. » 11, 49. — -Leur religion :
en quoi elle Bemblait consister essentiellement. 11. 56. — Consistait seule-
ment en l'amour de Dieu. Ibid. — Véritable doctrine <le leur loi. Il, rit 1-69.
— La portion «les Juifs. Leur Dieu distingué du Dieu d'Abraham, d'Isaac, de
Jacob, des chrétiens. IL 01. — Contestation entre les Juifs, touchant Jésus-
Christ. 11. 71-7*2. .lui l s haïs parce qu'ils disaient qu'il n'y a qu'un Dieu. IJ,
96. Cf. L 176. — Les Juifs appelés à dompter les nations, ont été esclaves
du péché. II, 107. — « Les Juifs s'aveuglaient en jugeant des miracles par
l'Ecriture. » II, 184. — Dieu s'est servi de leur concupiscence, pour les faire
servir à Jésus-Christ. Ibid. — A la fois très-conformes et très-contraires
au Messie. Ibid. — N'ont connu des mystères que la pénitence 11, 185. —
Captivité des Juifs sans retour (Prophéties). 11, 188. — Réprobation des
Juifs. II, 191, 198. — « C'est la malédiction des Juifs et des païens (d'être
abandonné aux douleurs de la nature sans les consolations de l'esprit
de Dieu). Il, 229. — » Les Juifs, voyant un homme pariait en Jésus-Christ,
n'ont pas pensé à y chercher une autre nature. » II, 330. — Voy. Peuple de
Dieu. — Avantages du peuple Juif. I, 200, note 3. — Since'rilë des Juifs.
I, 201, note 3. — Pour montrer que les vrais Juifs elles vrais Chrétiens
n'ont qu'une même religion. II, 59, note 1.
Juridicunt, Juridicié, Juridiction. « La juridiction ne se donne pas pour
le juridiciant mais pour le juridicié. >• II, 167.
JrmspRUDENCE. « Trois degrés d'élévation du pôle renversent toute la
jurisprudence. » I, 38.
Juste, (substantif). Deux hommes, deux mondes dans les justes. II, 91.
— « Des justes justifiés sans charité !... » II, 122. — « Le juste agit par foi
dans les moindres choses. » II, 561. — Les justes se croient pécheurs. II, 164.
— Comparaison de la conduite du juste à celle d'Abraham. II, 172. — Les
faux justes comparés à Dilate. II, 211. — La vie des justes doit être une péni-
tence continuelle, sans laquelle ils sont en danger de déchoir de leur justice.
II, 228. — Voy. Créature et Augustin.
Juste, (adjectif). « Rien, suivant la seule raison, n'est juste de soi. » I,
38. — « On ne voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en
changeant de climat. >: Ibid. — « On appelle juste ce qu'il est force
d'observer. » I, 71 — « Il faut faire que ce qui est juste soit fort, et que ce
qui est fort soit juste. » I, 72. — Le peuple suit la coutume et les lois parce
qu'il les croit justes. I, 82-83. = Au neutre, « Le juste est de ne point
parier. » I, 150.
Justice. « L'affection ou la haine changent, la justice de face. » I, 33. —
La véritable justice. I, 34, 72. Voy. Magistrats, Eglise. — La justice et la
vérité sont deux pointes subtiles. I, 35 — L'homme ignore la justice. I, 37. —
« Plaisante justice, qu'une rivière borne! » I, 38 Cf. I, 70. — Diverses défi-
nitions de la justice. 1, 38. Cf. 1, 83. Voy. Equité, Loi. — La mode fait la justice
I, 71. — La justice est ce qui est établi. Ibid. — « Ne pouvant fortifier la
justice, on a justifié la force. » Ibid. — La justice sans la force est impuis-
sante. I, 72. — L'empire de la justice n'est point tyrannique. I, 82. — La
doctrine du péché originel contraire aux règles de notre misérable justice.
I, 115. — Disproportion entre notre justice et celle de Dieu. I, 153 et 166.
Voy. Mséricorde, Réprouvés. La justice éternelle, opposée à la justice
légale. II, 11. — Miséricorde et justice de Dieu. II, 102. Cf. I, 153. — La
justice partie de la terre (Virgile). » II, 156 et 361. Voy. Péché. = Pour,
justification. « Dieu a promis d'accorder la justice aux prières. » II, 161. —
Justice. I, 71, note 2. — Justice, Force. I, 72, note 1.
Justifier, pour, rendre juste. I, 71. =» Justifier les pécheurs. II, 50.
La. Voy. Quitter.
L'autorité. II, 170, note 2.
La gloire. II, 164, note 1.
La grandeur de l'homme. I, 10, note 1.
La prévention induisant en erreur. II, 166, note 2.
Lacédémomens. Pourqaoi les morts généreuses des Lacédémoniens et
autres ne nous touchent guère. Il, 97. Voy. Martyrs.
46 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Lâche. Voy. Brave.
Lâchement. « Il (Montaigne) ne pense qu'à mourir lâchement et molle-
ment par tout son livre. » II, 98.
Lâcheté, pour, mollesse, paresse. I, cxwm, cxxxiv, 186.
Laisser, (dans le sons du latin omittere). Ne pas laisser de. « Celte
médecine ne laisse pas d'être amère à l'amour-propre. » I, 28. — « Elle ne
laisse pas de recevoir de très-grandes différences dans l'application. » 11,253.
= Se laisser, avec un verbe à l'infinitif, suivi de la préposition a. « Se laissant
conduire à leurs inclinations et à leurs plaisirs. » 1, 143. — Laisse-toi con-
duire à mes règles, » 11, 208. — « Avec quelle soumission se laisserait-il
gouverner à la volonté qui régit le corps! » II, 114. — « Ne nous laissons
donc pas abattre à la tristesse. » II, 338 i.
Lait (la Voie de). II, 2712.
Lamech. I, 172.
Langage. I, 105, note 4. — Miscell. Langage. I, 103, note 2. — Voy.
Morale.
Langues. <( Les langues sont des chiffres :... de sorte qu'une langue incon-
nue est déchiffrable. » 1, 103.
Languissant. Voy. Amusement.
Langueur, pour, maladie. « Pour y recevoir ces soulagements miraculeux
dans leurs langneurs. » II, 80.
Laquais. « 11 a quatre laquais...; c'est à moi àcéder. » I, 61 et 62. Cf. I, 04.
Larron. Jésus-Christ entre deux larrons. Il, 2.
Lasser. Voy. Délasser.
Latins. Voy. Idolâtrie.
Laval (M. de). II, 327.
Le (au neutre). I, 33 ; II, 257. — Le, Les, avec des infinitifs. « Le
croire... le courir. » II, 160. — « Les marchers, toussers, mouchers, éter-
nuers. » II, 163.
Le bon sens II, 157, note 1.
V Ordre. Contre Vobjection que V Ecriture [n'a pas d'ordre. I, 102,
note 1.
Le souverain bien : dispute du souverain bien. II, 156, note 4.
Lecture. Lectures des philosophes : quelle est leur utilité, comment elles
doivent être réglées. 1, cxxxiii-cxxxvi.
Légal. Justice légale. 11, 11. Voy. Justice.
Légat. Jésus-Christ parle comme légat. 11,201.
Léger a. Voy. Joug.
Législateur. Si l'homme connaissait la justice, les législateurs n'auraient
pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les
caprices des Perses et Allemands et des Indiens. I, 37. — Les anciens légis-
lateurs grecs et romains ont emprunté de la loi juive leurs principales lois.
I, 200. — L'ordre des biens n'est fondé que sur la seule volonté des législa-
teurs. II, 351.
Le xMaitre (M.). Un de ses plaidoyers cité. II, 178.
Léon (Saint). Cité. II, 334.
Lettre. « La lettre tue. » II, 5. — Voy. Peuple.
Lettres. Titres de lettres projetées par Pascal, et qui devaient entrer
dans son ouvrage. 1,156, 174. Voy. Machine. — Lettres à un Provincial^
rappelées. II, 77,118, 178. Voy. Rome.
1. Cette construction est on latinisme, comme on le voit bien par cette phrase des Pro~
vinciales (6e Lettre), dans laquelle Pascal cite et traduit un casuiste : « J'avance cette opi-
« nion ; mais parce qu'elle est nouvelle, je la laisse mûrir au temps, l'clinquo tempori
a maturandam.y> Dans ces exemples et dans tous ceux du même genre qu'on pourrait citer,
le substantif précédé de la préposition à e?t un complément indirect du premier verbe ;
le second est au présent de l'infinitif actif on vertu de la même ellipse qui, en latin, fait
mettre ce verbe au participe futur passif, accordé avec le complément direct de relinquere
ou de son équivalent. Ainsi, dans levers si connu de Racine (Iphigénie, a. II, se. I),
Je me laissai conduire i cet aimable guide
(en latin, permisi me juveni deducendam), à n'a pas, comme on l'a dit, le sens de par, puis-
qu'il ne dépend point du verbe conduire, avec lequel il ne pourrait faire qu'une équivoque
ou un non-sens. Ce vers signifie en effet : je me laissai conduire par cet aimable guide, mais
d'après une construction toute différente, et plus latine que française ; ce qui l'a fait aban-
donner avec le temps.
2. La voie lactée est encore ainsi appelée dans les Mondes de Fontenelle, V* Soir.
TAULE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 47
Levain. Mauvais levain mis dans l'homme dès l'heure ofj il est formé. II,
181, 181,
Liaison. «Nous n'avons point de liaison à eux. » II, 97.
Lincourt. Voy. Brochet.
Libéral. Voy. Avaricieux.
Libérateur. «Je tends les bras a mon libérateur. » I, 213.
Liberté. « La vérité n'a |>lns de liberté de paraître. » 11,80. = Pour, vo-
lonté. Aimer Dieu avec une liberté entière. Il, 227.
Lirertin. pour, esprit tort, incrédule. I, LXIXl.
Libertinage. Oppose -\ superstition. Il, 159.
Libre. « 11 n'est pas bon dêtre trop libre. » II, 165. — Voy. Enfant, Puis-
sance.
Librement, pour, volontairement. II, 227.
Lien. Nous avons un lien commun avec les martyrs. II, 97. — Sentir son
lien. 11, 333.
Lieu, pour, place, rang. « L'homme est visiblement égaré... et tombé de
son vrai lieu. » I, 121. = Pour, endroit, passage. « Il y a des lieux où il faut
appeler Paris Paris. » I, 102. Cf. I, 208. — « Le lieu de saint Jacques sur la
préférence des riches. » II, 172. = Pour, champ, au iiguré. « Le lieu est ou-
vert au blasphème. » II, 78. Cf. 1,176. = Avoir lieu de. « La raison seule a
lieu d'en connaître. » II, 267.
Limite. « Je prie Dieu... de me renfermer dans mes limites. » 11, 339.
Lion. « L'entrée de Saturne au Lion nous marque l'origine d'un tei crime. »
1,38.
Lire. Mahomet a défendu de lire; Moïse, les apôtres ont ordonné délire.
II, 42, 43.
Littéral. Sens littéral. Voy. Ecriture, Sens.
Livre. « Quand en voyant un homme on se souvient de son livre, c'est
mauvais signe. » 1,75. — « Qu'il y a de différence d'un livre à un autre! » I,
201. — « Certains auteurs... disent : Mon livre... Ils feraient mieux de dire :
Notre livre, etc. » 11, 118. — « Les meilleurs livres sont ceux que ceux qui les
lisent croient qu'ils auraient pu faire » II, 307. = Le livre qui contient la loi
des Juifs est le plus ancien livre du monde. I, 200-201 ; II, 42. Voy. Ecri-
ture. Moïse. — Lavres canoniques. II, 237.
Loger (se). Au figuré. « Elle s'y logerait (dans leur cœur). » II, 254.
Logique. Logique de Pascal. II, 301. — La logique a emprunté les règles
de la géométrie sans en comprendre la force. II, 300.
Loi. L'essence delà loi. I, 39. — Homère ne s'est jamais servi du nom de
loi. I, 200. e= Lois humaines: il n'y en a point d'universelles. I, 38. —Lois
naturelles. Ibid. — « En un peu d'innées de possession les lois fondamentales
changent. » Ibid. — Recourir aux lois fondamentales et primitives de l'Etat :
jeu sûr pour tout perdre. 1,39. — Pourquoi suit-on les anciennes lois. I, 61.
— Lois établies, tenues pour justes sans être examinées. I, 71. — « Il serait
donc bon qu'on obéît aux lois et coutumes, parce qu'elles sont lois. » I, 82. —
Le peuple n'y obéit qu'à cause qu'il les croit justes. I, 83. — « Il y a des gens...
qui, ayant renoncé à toutes les lois de Dieu et de la nature, s'en sont fait eux-
mêmes auxquelles ils obéissent exactement. » 1, 85. —Les Etats périraient,
si on ne faisait ployer souvent les lois à la nécessité. » I, 174. — « Deux
lois suffisent pour régler toute la république chrétienne. » II, 94. — « Dieu,
qui est le maître des biens, a permis aux sociétés de faire des lois pour les
artager; et, quand ces lois sont une fois établies, il est injuste de les violer. »
352.
Loi (la). Caractères et doctrine Je la loi des Juifs. I, 199-200; II, 3-7,
56-59. Voy. Juifs. — Loi ancienne, loi nouvelle. I, 211. — « La loi n'a pas
détruit la nature... : la grâce n'a pas détruit la loi.» II, 116. Voy. Figu-
ratif.
Lors, pour, alors. II, 152.
Louer. Voy. Blâmer.
Luc (Saint). I, 212. Voy. Généalogie.
Lumière. Explication de la lumière parle conatus recc?.en<H. II, 151. —
Définition absurde de la lumière. II, 283. = Au figuré. « Il y a (en Dieu)
assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d'obscuri é
pour ceux qui ont une disposition contraire. » 11,48. Voy. Clarté. Dieu cache
1. € C63 libertins qui n« cherchent qu'à douter de la religion. » Provinciales, 4* Lettre.
lï
48 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
— Lumière de la foi. II, 60. — « Recherchant de toute leur lumière. Ibid. et
gg t. — Si la lumière est ténèbres, que seront les ténèbres? » II, 104. — La
véritable piété est une lumière éclatante. II, 338.
Lune, Prétendue influence dç la lune. I, 101. — Faux et vrais effets de la
lune. II, 7o.
Lunettes. « Combien les lunettes nous ont-elles découvert d'êtres ! »
II, 104.
Luxuriant. Style trop luxuriant, II, 154 et 213.
M
Machine. La machine d'arithmétique: ses effets. II, 118. Cf. I, lxvii-lxviii.
r= Machine (la), pour la partie de l'homme par laquelle il est machine. « Les
choses qui ploient la machine vers le respect et la terreur. » I, 61. Cf. 1, 156.
Voy. Automate. — Preuves par la machine. I, 156 et 169. Voy. Lettres. —
« Les esprits médiocres sont machines partout. » 11, 252. — « Nous serions
des machines très-désagréables. » II, 260.
Magiciens. II, 71. Voy. Miracle.
Magistrat. Le magistrat au sermon. I, 32. — « Nos magistrats ont bien
connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines, etc. » 1, 33. — Les
magistrats n'ont pas la véritable justice. 1,34.
Magnifique. Par l'amour, on devient magnifique, sans l'avoir jamais été.
II, 259. Voy. Libéral
Mahomet. « Les soldats de Mahomet. » I, 85. Voy. Hérétique. — Sa reli-
gion n'a pas de marques de vérité. I, 198. — Mahomet comparé avec Jésus-
Christ. Il, 41-43, 159. — Son livre. 11,42,43. Vov.Alcoran. —A défendu de
lire. Ibid. — « Qui rend témoignage de Mahomet? lui-même. » II, 159. —
Païens. Mahomet. II, 197. — Contre Mahomet. II, 43, note 3. —
Voy. Différence, etc.
Mahométan. Les Mahométans n'ont pas apporté le remède à nos concupis-
cences. I, 182. — La religion mahométane. II, 41.
Main. Tomber dans les mains d'un Dieu irrité. I, 140. — « C'est un appe-
santissement de la main de Dieu » I, 144. = « Fait de main (manu factus). »
I, 206. => Défendre son droit les armes et la force à la main. II, 157.
Maintenant. Voy.VivRE.
Maison. Pour, famille, race. I, 62. — Voy. Port-Royal, Sainteté.
Maîtresse, ce Cette maîtresse d'erreur et de fausseté. » I, 31. Voy. Imagi-
nation. = Maîtresse, pour, personne aimée. II, 262. = « Maîtresse forme. »
(Montaigne) I, cxxvi.
Maîtrise, pour, supériorité. « Leur maîtrise est de divers genres. » I, 81.
— « Il n'y a que la maîtrise et l'empire qui fait la gloire. » II, 150.
Mal. Le mal à craindre d'un sot qui succède par droit de naissance. I, 60.
— « Le mal est aisé... Mais un certain genre de mal est aussi difficile à
trouver que ce qu'on appelle bien. » I, 88. Voy. Bien, Conscience. — « N'ap-
pelons mal que ce qui rend la victime de Dieu victime du diable. » II, 237.
— La vue du mal corrige quelquefois mieux que l'exemple du bien. II, 340. —
Le mal est ordinaire, le bien est rare. Ibid. = Au moins mal (locut. adver-
biale). I, 86. = Mal, pour, maladie. I, 75 ; II, 227, 229. —Voy. Maux.
Malade. Les malades de l'Evangile figurent l'âme malade. II, 201. Cf.
II, 527.
Maladie. « La maladie est l'état naturel des chrétiens. I, xc. — Les mala-
dies sont un principe d'erreur. I, 35. — Disposition de l'âme dans la
maladie. I, 75. — Maladie principale de l'homme. I, 101. Cf. I, 184. Voy.
Concupiscence. — Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies.
223-232. — Voy. Conduite.
Malchus. Voy. Pierre (saint).
Malédiction. Malédiction des Grecs. II, 186. — La malédiction des Juifs
et des païens. 11,229. Voy. Consolation. — Hors l'Eglise il n'y a que malédic-
tion. Il, 336.
Malheur. Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer
1. Dans les Provinciales, 7e Lettre, au commencement : « Ils ont eu besoin de tovtt leur
lumière pour trouver des expédients, etc. »
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 49
en repos. I, 18. - Malheur naturel de notre condition. 1,49. — Malheur d'un
homme sans Dieu. I. ni Voy. Homme.
M \i m i i.i i >.. « Plaindre 1rs malheureux D 'est pas contre la COnCUpi8C6DCe. 0
I, SI. b « Les malheureux I... (les malheureux !.. (les Jésuites). »> 11, 132.
Malice. Voy. Théologie.
Malignité* <( Quand la malignité a la raison de son coté, elle devient
fière. » I, 173. — «L'homme aime la malignité... contre les heureux su-
oerbes. » 1, 80. — La malignité est dans le cœur de l'homme dès son
mfance. II, L8i.
MAMELLE. « Les mamelles de l'Epouse », figure selon les rabbins. Il, 10
Manier. Voy. Principe, Haison.
Manière. « Les belles manières du monde. » I, 141. Voy. Air.
Manque. « Le manque de charité. » II, 74. Voy. Miracle. = De manque.
« Qu'il n'y ait rien de trop ni rien de manque. » II, 120. — « On la trouve
de manque dans son cœur. » II, 202. = Manque de, pour, faute de. « Man-
Îue d'avoir contemplé ces infinis. » I, 3. — « Manque d'y faire réflexion. »
,37. Cf. I, 77, 90, 154, 193.
Manquer a, suivi d'un infinitif. I, 70; II, 339.
Marc (Saint). Cité II, 79, 341.
Marcher (substantif). Voy. Le.
Mariage. Voy. Naissance, Paul (Saint). j
Marque. « 11 les faut laisser, c'en est la marque. » I, 102. — Marque que
doit avoir la vraie religion. I, 109. — Laisser ou donner des marques de soi.
I, 175. 205; II, 48. Voy. Dieu, Elus. — « Les marques d'un Créateur. » I, 197.
— « La dernière marque de Messie. » II, 25. — Les trois marques de la
religion. II, 77. — Marque donnée par Jésus-Christ dans l'Evangile pour re-
connaître ceux qui ont la foi. II, 331. — « Rencontrer des marques
qu'ils sont dans le véritable chemin. » II, 337. — Voy. Athéisme.
Marquer. « Si je n'y voyais rien qui marquât une Divinité. » I, 197.
= Marquer que... II, 341.
Martial. Epigrammes de Martial. I, 86.
Martyre. Voy. Eglise, Miracle.
Martyriser. « Jamais on ne s'est fait martyriser pour les miracles qu'on
dit avoir vus. » II, 108 et 138.
Martyrs. « S'il n'y avait des martyrs qu'en notre religion, Dieu y serait
bien manifeste. » I, 171. — La mort des martyrs nous touche: car ce sont
nos membres : leur résolulion peut former la nôtre. II, 97. Voy. Exemple.
Masquer. « Masquer la nature et la déguiser. I, 102.
Masse. « Masse déperdition. » II, 323.
Mathématicien. « L'enseigne de mathématicien. » I, 74.
Mathématique. « La mathématique. » II, 174. Cf. I. lxv. = C'est un bon
mathématicien, dira-t-on. Mais je n'ai que faire de mathématiques. » I. 74.
Voy. Prop sition.
Matière. « Embrouiller la matière. » I, 43. — « Matière de doute et
d'inquiétude. » I, 197. = Matières. Voy. Disposition.
Matthieu (Saint). V0y. Alcoran, Généalogie.
Maudit. Voy. Maxime
Mauvais. Voy. Volonté.
Maux. « Les philosophes ont-ils trouvé le remède à nos maux ? » I, 182.
— Les accidents que nous appelons maux ont pour unique cause la Provi-
dence de Dieu. II, 236.
, Maxime. « Toutes les bonnes maximes sont dans le monde : on ne man-
que qu'à les appliquer. » I, 70. — « Ces maudites maximes. » 336.
(Mazarin). Désigné. II, 154.
Médecine. Au figuré, parlant de la confession. I, 28.
Médecins. Leurs soutanes, leurs bonnets carrés, etc. I, 33, 34. — N'ont
que l'imagination. I, 36. — « Les médecins ne te guériront pas... mais c'est
moi qui guéris. » II, 208.
Médiatement. II, 238.
Médiateur. Voy. Jésus-Christ.
Médiocrité, v Rien que la médiocrité n'est bon. » I, 73.
Médire. Les sots médisent par compagnie. 1, 87.
Méditation. « Cette personne qui a bien plus de vertu et de méditation
que mci. » II, 340. — Méditations sur lu Grâce (titre de livre). » II, 327,
Meilleur. »> Prendre tout ce qui arrive pour le meilleur. » II, 334.
KO
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Mem. Le men fermé d'Isaïe. II, 8, 50.
Membre. Nous ne sommes que des menbres. Il, 112, 113. — « Pour faire
que les membres soient heureux, il faut qu'il aient une volonté et qu'ils la con
forment au corps. II, 114. — Les membres du corps de Jésus-Christ, c'est
à-dire les fidèles. 11,232. — Voy. Corps, Martyrs,
Membres. Commencer par là. II, 113, note 2.
Mémoire. « La mémoire est nécessaire pour toutes les opérations de l'es
prit. » II, 152. — Voy. Sentiment.
Mensonge. L'homme n'est que mensonge. I, 28. — L'homme ne connaît
naturellement que le mensonge, 11, 290.
Mentir. « H y a des gens qui mentent simplement pour mentir. » I, 79.
«= Sans mentir (locution adverbiale). II, 335.
Mépris. Certaines preuves de la religion ne sont propres qu'à en faire naître
le mépris. 11, 60-61. — « Les hommes ont mépris pour la religion. » II, 10Q
Méprise. « L'essence de la méprise consiste à ne la pas connaître. »
I, cxxvii.
Mépriser. Avantage qu'il y a à être méprisé. 11,157.
Mère. Dieu comparé à une mère qui arrache son enfant à des voleurs.
II, 115, 341. Voy Violence.
Méridien. Voy. Vérité.
Mérite. Difficulté de récompenser les mérites. I, 60. Cf. II, 174. — « Les
rrais Juifs ne considéraient leur mérite que de Dieu. » II, 56.
Mériter, au neutre : être méritant, ou méritoire. I, 60; II, 336.
Merveille. « Merveille de nos jours. » 1, 104. — Les six merveilles à l'entrée
des six âges. II, 170.
Merveilleusement. 11,254. Voy. Femme. «« Merveilleusement persuadé. »
I, LXXX.
Messc Faire dire des messes. I, 152.
Messie (le). Promis dès le commencement du monde; sa venue. I, 172 ; II,
22, Voy. Temps. — A toujours été cru. 1, 174. — Sa grandeur et son abaissement.
I, 207. — Marques et preuves du Messie. I, 174, II, 25-29. — Prédiction du
Messie. II, 39, 50, 186. — Voy. Avènement, Hérode. — Pendant la durée du
Messie. II, 27, note 4.
Mesure. A mesure, pour, en proportion. 1, 95, 121 ; II, 256.
Méthode. « Droite méthode. » 1, 80. — Deux méthodes, l'une de con-
vaincre, l'autre d'agréer. II, 299.
Métier. Choix du métier : le hasard en dispose. I, 36. Cf. II, 166. — Le
métier de poëte. I, 74. — C'est la coutume qui fait les métiers. I, 156. —
Métiers. I, 24, note 1.
Mexico. Les historiens de Mexico. II, 108.
Michée. II, 72.
Mien, tien. I. 85, note 4.
Milieu. Le milieu des choses. I, 3. — « Nous voguons sur un milieu vaste. »
I, 5. — « Deux infinis, milieu. » 1,9. — «Qui tient le juste milieu ?» I, 34. —
« C'est sortir de l'humanité que de sortir du milieu. » I, 73. — « La connais-
sance de Jesus-Christ fait le milieu. » II, 62.
Millénaires. 11, 185.
Ministres. « En montrant l'injustice des ministres, on ne la corrige pas. »
II, 183.
Miracle. Définition du miracle. Il, 81. — Divers sens de ce mot. II, 183. —
Sur ceux qui disent qu'ils se convertiraient s'ils avaient vu un miracle. I, 196.
Cf. II, 104. — Fendant combien de temps il a fallu des miracles. 11, 39, 80.—
Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne les miracles. II, 64.
72. — Règles pour les discerner. Il, 67. — « Toute la créance est sur les mira-
cles. » II, 68. — Miracles de Jésus-Christ. II, 69, 73. — Dieu doit aux hommes
que les miracles ne puissent les tromper. H, 70. Voy. Division. — Miracles
contre miracles. 11,71-72. — « Toujours le vrai prévaut en miracles. » II, 72.
Les miracles fondement de la religion. 11,73. — Miracles de l'Antéchrist. Ibid
— Importance et force des miracles. 11,74. — Ce qui fait qu'on ne croit pas les
vrais miracles, et ce qui fait croire les faux, est le manque de charité. Ibid. —
On n'en croirait pas de faux, s'il n'y en avait de vrais. II, 75. — Croire aux
miracles est natarel. 11,76. Voy. Croipe. — Les miracles, une des trois marques
de la religion. II, 77, 169. — Le miracle de la Sainte-Epine. II, 76-79. Cf. II.
204-205, 342. — Ceux qui déshonorent les miracles de Jésus-Christ. U, 80.
Voy. Jésuites. — « Les miracles prouvent le pouvoir que Dieu a sur les
TAHLK ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 81
cœurs par celui qu'il exerce sur les corps. » 11, SI. — Los miracles ne sont
pas obsolumenl convaincants. Il, 96. — l'our les miracles qu'on eroil par tra-
dition, la folie des hommes va peut-être jusqu'au martyre, mais non pour ceux
qu'on a vus. Il, IOS. — « (léserait un étrange miracle, si l'infaillibilité était
• fans un. » 11, 122. Voy. Bouse. I.«'^ incrédules croient les miracles de
Vespasien, pour ne pas croire ceux de Moïse. II, 1*26. — « Les miracles ne
servent pas à convertir, mais à condamner. » II, 158. — Sentiments de Mon-
taigne sur les miracles. II, 162. — « Je ne serais pas chrétien sans les
miracles, dit saint Augustin. » II, 169. — Miracles des faux prophètes. Il, L82
— Etre en miracles. II, 183. — Nécessite des miracles. Ibid. — a Quand
saint Xavier fait des miracles!... S'il se faisait un miracle aux Jésuites! » [1,204.
— La personne du miracle;. 11, 332. — Miracle de Pontoise. II, 342. — « Saint
Augustin ditque ceux-là voient véritablement les miracles auxquels les miracles
prolitent. » Ibid. — Miracles. I, 99. note 1 ; il, 162, note 3. — Sur le
miracle . II, 205, note 1. — Voy. Titre.
Miroirs. Voy. Damoiselle.
Miscell. Langage. I, 103, note 2. — Miscell [anea] . II, 178, note 1.
Misérable. L'homme se connaît misérable. I, 9. 26, 121. — « Nous sommes
misérables, corrompus,... mais rachetés par Jésus-Christ. » 1, 188. — « Misé-
rables comme nous (nos semblables), impuissants comme nous. » I, 197. —
« Il n'y a que l'homme de misérable. — II, 167. = Les misérables, pour les
malheureux, les pauvres. II, 119.
Misérablement. Voy. Décliner, Vie.
Misère. Misères de l'homme, misères de grand seigneur, de roi dépossédé,
I, 9. — « Orgueil, contre-pesant toutes les misères. » 1, 25. — Nos misères
nous tiennent à la gorge. Ibid. — La plus grande de nos misères. I, 54.
Voy. Mort(la). — Grandeur et misère de l'homme. 1,121/Voy. Incarnation, Job.
— Effroyable misère de l'homme. I, 175. — « La misère persuade le déses-
poir. » I, 188. — Misère de l'homme sans Dieu. II, 60. — Avec Jésus-Christ,
l'homme est exempt de vice et de misère. 11,63. — Etat éternel de misère
des réprouvés, II, 333. — Misère, 1, 54, note 3; II, 108, note 4. —
Voy. Grandeur.
Miséricorde. La miséricorde de Dieu. II, 102-103. Cf. Il, 49. — Voy. Elus,
Enorme. Justice.
Miton. I, 76 ; II, 168, 169.
Mode. La mode fait l'agrément et fait la justice. I, 71. — « La mode même
et les pays règlent souvent ce que l'on appelle beauté. » II, 254.
Modèle. Un certain modèle d'agrément et de beauté : en quoi consiste.
I, 103. — « On ne sait ce que c'est que ce modèle naturel qu'il tant imiter. »
I, 104. Voy. Testament.
Modus quo corporibus, etc., (S. Auo.) I, 8.
Moeurs. Suivre les mœurs de son pays : maxime la plus générale parmi les
hommes. I, 37. — La science des moeurs. I, 83. — La réformation des mœurs.
II, 81. — Tant de différentes et extravagantes mœurs marquent la corruption
de la raison. II, 168. — Voy. Escobartines (moeurs).
Moi. Le moi humain : sa nature. I, 26. Cf. II, 153. — « Le moi consiste
dans ma pensée. » I, 13. — Le moi distingué des qualités. I, 65. — « Le moi
est haïssable. » I, 76 et 91 — « Chaque moi est l'ennemi et voudrait être le
tyran de tous les autres. » I, 76. = « Moi qui pense. » I, 13. — « Il est injuste
qu'on s'attache à moi. » II, 106 ; Cf. II, 110. — Certains auteurs sentent
leurs bourgeois qui ont toujours un « chez moi » à la bouche. II, 119. — « Ce
n'est pas dans Montaigne, mais dans moi, que je trouve tout ce que j'y vois. »
II, 154.
Moïse. Sa foi au Messie. I, 172. — Envoyé par Dieu. I, 174. — « La tradi-
tion d'Adam était encore nouvelle en Noé et en Moïse. » Ibid. » — Moïse his-
torien de la création. I, 212. — Etait habile homme. Ibid. — Enseigna la
Trinité, le péché originel, le Messie. II, 1. — A ordonné à tout le monde de
lire son livre. II, 42. — Moïse et les magiciens. II, 71. — « Les deux plus
anciens livres du monde sont Moïse et Job. » IL 169. — Moïse opposé à
Joséphe. II, 179. Voy. David. — Preuve de Moïse. I, 212, note 4.
Moïse Maymonide. Il, 200.
Molinistes. IL, 177.
Mon. Mon livre, mon commentaire, mon histoire, etc. II, 118-119,
Voy. Auteur,
Bonde. « Sur quoi fondera-t-il l'économie du monde qu'il veut gouverner? »
52 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
I, 37. — « Le monde juge bien des choses. » I, 44. — Le train du monde.
lbid. — Le monde ne subsiste que par Jésus-Christ et pour Jésus-Christ.
II, 48, 63. Cf. II, 88. — Le monde ne pense qu'à danser, jouer du luth, courir
la bague, etc. II, 109. — Avant Jésus-Christ, le monde vivait dans une fausse
paix. II, 115. — « Le monde ordinaire. » II, 153. — Pascal s'accuse d'avoir
fait du monde l'objet de ses délices. Il, 226. — Le monde est le bourreau de
Jésus-Christ. II, 230. — « L'Eglise et le monde. II, 321. = Les deux mondes.
]I, {)] . = Le monde visible. 1,1,2. Voy. Etendue. — Notre corps est un monde, à
l'égard du néant. I, 3. — « Rendre raison... de toute la conduite du monde
en général. » I, 176.
Monnaie. Voy. Plaisir.
Monstre. L'homme est un monstre incompréhensible. 1, 121. Cf. I, 114. —
« Cette négligence... est un monstre pour moi. » 1, 138. — « Voilà un
étrange monstre et un égarement bien visible. II, 89.
Monstrueux. Une chose monstrueuse. 1, 110, 143. Voy. Egarement.
Montagne. II, 98, note 3.
Montaigne. Sa doctrine morale, I, cxxv-cxxxn. — « Son incertitude roule
sur elle-même dans un cercle perpétuel et sans repos. » I, cxxvi. — Est
pur pyrrhonien. 1, cxxvi. — Agit en païen. I, cxxxi. — Comparé avec Kpictète.
I, cxxxn. Voy. Sectes. — Utilité et danger de la lecture de Montaigne. I,
cxxxv, — N'a pas vu la raison de ce qu'on s'offense d'un esprit boiteux. I,
62-63. — « Montaigne est plaisant de ne pas voir, » etc. I, 04, — Confusion
de Montaigne. I, 80. — Critiqué. I, 80, 82, 99. — « Le sot projet qu'il a de
se peindre 1 » 1, 80 et 92. — Sa manière d'écrire. I, 101. — Dilemme dans
Montaigne. I, 144. — Renvoi à Montaigne. 1, 173; II, 48. — Défauts de Mon-
taigne. II, 98. — Ses sentiments sur les miracles. Il, 162. — Appelé par
Pascal. « l'incomparable auteur de VArt de Conférer ». II, 304. — Voy.
Capacité, Moi.
Montalte. II, 117, note 1.
Montre, pour, démonstration, parade. « Qui ne peut résister à cette montre
si authentique. » 1, 33. — Faire montre. I, 104.
Montre (d'horlogerie) « Ils ne savent pas que je juge par ma montre. »
I, 98 et 108.
Morale. Principe de la morale. I, 11, Voy. Penser. — La morale,
manque d'un point fixe pour juger. I, 71. — Critique des divisions de la mo-
rale. I, 78. — « La vraie morale se moque de la morale. » I, 106. — Toute la
morale consiste en la concupiscence et en la grâce. II, 88. — Les anciens
philosophes ont conduit leur morale indépendamment de la question de l'im-
mortalité de Pâme. II, 111. — « Morale et langage sont des sciences particu-
lières, mais universelles. » II, 116. — « La corruption de la morale. »
II, 342. — Morale. II, 112, note 2.
Mordre, au figuré. Voy. Pluralité.
Mort (La). La mort d'un Dieu a été le remède du péché. I, cxxxv. — « Les
hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés,
pour se rendre heureux, de ne point y penser. » I, 54. — « La mort est plus
aisée à supporter sans y penser, que la pensée de la mort sans péril. »
I, 87. — L'espérance..., de malheur en malheur, nous mène jusqu'à
la mort, qui en est un comble éternel. I, 117. — La mort nous menace
à chaque instant. I, 138. — « Ce que j'ignore le plus est cette mort
même que je ne saurais éviter.» 1,139. — Comment il faut craindre la mort...
Mort soudaine seule à craindre. II, 162. — Lettre sur la mort de M. Pascal
le père. Il, 235-217. — Erreur de croire la mort naturelle à l'homme. II, 237.
— La mort est une peine dn péché, lbid. — Peut seule délivrer l'âme de la
concupisc nce des membres lbid. — Sans Jésus-Christ, elle est horrible,
détestable; en Jésus-Christ elle est la joie du fidèle. II, 240. — Horreur de
la mort naturelle à Adam innocent. II. 242. — Origine de l'horreur de la
mort, et cause de sa défectuosité, lbid. — « La mort est le couronnement de
la béatitude de l'âme, et le commencement, de la béatitude du corps. » II,
244, — « Les ombres de la mort » (Expression biblique), lbid. — La mort
du corps n'est que l'image de celle de Pâme. II, 215. — Ce qui fait souhaiter
la mort. II, 334, 313. — Voy. Conduire, Martyrs, Repos.
Mort (adjectif). Le juste : mort, vivant: vivant, mor4. II, 91. = Les
morts. II, 211,215. Voy. Charité, Eucharistie.
Mortifier, Ceux qui avertissent des défauts mortifient. II, 157. — « La
ÎÀBLE \\ \\a riQI E Et LEXIQUE. te
mort est oécessa ire pour mortifier entièrement cette malheureuse racine (du
péché). " II. '>V-'>.
Mot, Diseur de bons mots. I, 70. — Mois répétés dans le discours- 1, 102.
— « Les mots diversemenl rangés tout un divers sens. » 11,177. Cf. 1, 99.
=-• «« 11 y a des mois incapables d'être définis. » 11, 283. — « Mois pri ■
mi tifs. » 11, 186. Montaigne montre qu'il ne faut pas juger de la capacité
d'un homme par l'excellence d'un bon moi qu'on lui entend dire. Il, 304. —
K Je liais ces mois d'enflure. » II, 308.
Motus, etc. Il, 285. Voy. Mouvement.
Moochb. Une mouche tient la raison de l'homme en échec. I, 40. — « La
puissance 'les mouches. >- II, 176.
Moucheb (substantif). 11, 163. Voy. Le.
MOURIR. « On mourra seul. » I, 197. - <» Ne suis-je pas prêt à mourir? et
ainsi L'objet de leur al lâchement mourra. » 11, 106. Cf. 1, iaxxiv. — Est-
ce courage a un homme mourant d'affronter Dieu? Il, 107. — « Plusieurs
pensent se porter bien quand ils sont pioche de mourir. » II, loi. •= Mourir
à. « Jésus-Christ est morl à cette vie mortelle. » 11, 243. — « L'âme souffre
et meurt au péché dans la pénitence et dans le baptême. » Ibid.
Moussk. « Nos instruments sont trop mousses. » I, 35.
MOUVEMENT. Les philosophes attribuent aux esprits le mouvement d'une
place à une autre, 1, 8. — Le mouvement perpétuel. I, 89. — « Le moindre
mouvement. » U, 150. — Prétendue définition du mouvement [Motus nec
Simpliciter actus, etc.). II, 285. — Rapports du mouvement, du nombre et
de l'espace. II, 287. = Au figuré. Mouvements naturels de crainte. 1, cxxxi.
— Mouvement de l'àme. I, 77. — Mouvements de bassesse; mouvements de
grandeur et de gloire. I, 183, 188. — Mouvements de grâce. 11,201. — Mou-
vements d'horreur. II, 241. — Voy. Charité, Coeur.
Moyen. Voy. Croire. Délibérer, Passé, Pauvreté.
Muet. c( Cm regardant tout l'univers muet. » I, 175.
Multitude. Considération de la nature de l'homme selon la multitude. I,
12. — L'unité et la multitude (dans l'Eglise). II, 120, 122. — L'infaillibilité
dans la multitude paraît naturelle. II, 122.
Mystkke. « Nos magistrats ont bien connu ce mystère. I, 33. — On se
fait des mystères des obscurités de l'antiquité. II, 266. — Le mystère le plus
éloigné de notre connaissance est celui de la transmission du péché. I, 115.
— Mystère du jugement de Jésus-Christ II, 101-102. — Le Mystère de Jésus.
II, 206-211. Cf. II, 330. — Voy. Pénitenck.
Mystérieux. Etre capable d'être mystérieux. II, 42.
Mystique. Sens mystique. Voy. Ecriture, Sens. = Pour, mystérieux, se-
cret. I, 38. Voy. Fondement.
N
N. (M.) II, 331, 354.
Nabuchodonosor. II, 40.
Naissance. Par droit de naissance. I, 60. Voy. Mal. — Hasard de la nais-
sance. II, 351. — Elle dépend des mariages, qui dépendent de mille hasards.
lbid. — Première naissance, seconde naissance, II, 03. Voy. Pélagtens.
Naïveté. « Vous le devez faire (le personnage de gueux) avec toute la naï-
veté qui vous sera possible. » I, cxxiv.
Nature. La nature, pour l'universalité des choses créées. Vue générale
de' la nature. I, 1. — Tout ce monde visible n'est qu'un trait imperceptible
dans l'ample sein de la nature. » Ibid,. — Qu'est-ce que l'homme dans la
nature? » I, 3. — « L'étendue de la nature. » I, 5. — « L'homme n'est
qu'un roseau, le plus faible de la nature. » 1, 10. — La nature ne peut prou-
ver Dieu I, 155: II, 60. — « La nature ne m'offre rien qui ne soit matière
de doute et d'inquiétude. » I, 197. = Pour, la puissance des choses natu-
relles. « La nature ne s'assujettit pas à ses propres règles. » I, 43. — « La
nature soutient la raison impuissante, et l'empêche d'extravaguer jusqu'à ce
point (dans le pyrrhonisme). » I, 114. — « La nature confond les pyrrho-
niens. » lbid. — « Taisez-vous, nature imbécile! » lbid. — Ce que notre
âme appelle et croit la nature. I, 148. Cf. II, 108. — La nature n'est que
l'image de Dieu. II, 119. — La nature agit par progrès} itus et reditus. »
54 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
11, 12 V. — « La nature recommence toujours les mêmes choses. » II, 151. -
« Quelle raison a eue la nature... ? » 11, 153. — « Il ne faut pas juger de
la nature selon nous, mais selon elle. » lbid. « La nature s'imite. » 11, 163.
— Les deux infinis naturels et moraux de la nature. Il, 168. Cf. I, 3-4. Voy.
Infini. = Pour, l'essence, les attributs, la condition naturelle d'un être ou
d'une chose. La nature du moi. I, 26. — La nature du fini, de l'infini, de
Dieu, etc. 1, 140-149. — La nature de l'homme. 1, 170, 178; 11. 150, 167.
Voy. Homme. — Corruption de la nature (humaine). 1,140, 176, 183,184, 186; 11,
60, 168. — Les deux natures, humaine et divine, unies en Jésus-Christ. 1, 176.
Voy. Rédempteuk. — L'union des deux natures en Jésus-Christ, source de
plusieurs vérités qui semblent se contredire. II, 91. — Deux états, deux na-
tures en nous. I, 184 ; II, 152. Voy. Instinct. — « La nature de l'homme est
toute nature, omme animal. » II, 167. — La vraie nature étant perdue,
tout devient sa nature. » lbid. «=• Pour, le naturel. La nature opposée à la
coutume. 1, 36. — J'ai bien peur que cette nature ne soit elle-même qu'une
première coutume. » I, 42. Cf. II, 168. — S'éloigner de la nature. Suivre la
nature. 1, 70. — « Masquer la nature et la déguiser. » 1, 102. — « La nature
peut parler de tout, et même de théologie. » I, 105. — « La nature, qui
seule est bonne, est toute familière et commune. » II, 307. — Après avoir
entendit la nature de Vhomme. I, 170, note 1. — Nature corrompue.
II, 155, note 3.
Naturel. Principes naturels. I, 41. — Modèle naturel qu'il faut imiter. I,
104. — Effet d'un discours naturel, lbid. — « Il n'y a rien qu'on ne rende
naturel; il n'y a naturel qu'on ne fasse perdre. » II, 167. — Voy. Mort (la).
Nazareth. Pourquoi Jésus-Christ ne ait pas qu'il n'en est point. Il, 51.
Ne. Ellipse de ne dans l'interrogation. Il, 161.
Ne quid nimis. I, 75.
Néant. L'homme dans la nature est un néant à l'égard de l'infini, un tout à
l'égard du néant. I, 3. — «Il ne faut pas moins de capacité pour aller jus-
qu'au néant que jusqu'au tout. » I, 4. — Grande marque du néant de notre
propre être. I, 24. — « Nous faisons de l'éternité un néant, et du néant une
éternité. » I, 37. — Tomber dans le néant. 1, 140. — « Vous verrez... tant
de néant, de ce que vous hasardez. » I, 153. — Sentir son néant. Il, 154. —
Les mouvements, les nombres, les espaces, les temps se soutiennent tous
entre le néant et l'infini. II, 288. — « Un pur néant de durée. » lbid . —
« Il y a bien de la différence entre n'être pas une chose et en être un néant. »
II, 293. — L'âme convertie considère comme un néant tout ce qui doit
retourner dans le néant. II. 316.
Nécessaire. « Il n'est pas bon d'avoir touc le nécessaire. » II, 165. — « Je
ne suis pas un être nécessaire. » I, 13.
Nécessité (participe), pour, forcé, contraint. « Etant nécessités d'être con-
vaincus. » II, 79.
Négligence, pour, indifférence en fait de religion. I, 137, 138. =*> Négli-
gent, dans le même sens. I, 212.
Nemo ante obitum beatus est. II, 156.
Net, pour, propre, II, 165. = « Un esprit grand et net. » II, 252.
Netteté. « La netteté d'esprit cause aussi la netteté de la passion. »
11,252.
Neutralité. Est l'essence de la cabale pyrrhonienne. 1,114.
Neutre. « Demeurer neutre. » I, 114. — « Ils sont neutres, indifférents. »
lbid. Voy. Pyrrhonien.
Nez. Le nez de Cléopâtre. I, 84.
Niaiser (nugari). « H y a des temps de niaiser. » II, 292.
Nicodème. II, 69.
(Nicole). Désigné. II, 300.
Niveau « Ils y sont tous à même niveau. » I, 79 et 91.
Noblesse. « Le peuple... ne connaît pas peut-être ce secret. Il croit que
la noblesse est une grandeur réelle. » II, 352. — Que la noblesse est un
grand avantage, qui dès dix-huit ans met un homme en passe. I, 65.
Noé. Figure du Messie. I, 172. — Envoyé et sauvé par Dieu. I, 174.
Noeud. « Le nœud de notre condition prend ses replis et ses tours dans
cet abîme. » I, 115 et 219. — Dieu nous a caché le nœud de notre être. II, 94.
Noirceur (alra bilis). Voy. Ennui.
Nombre. « Le nombre infini. » I, 189 et 191. — « Les nombres imitent
i'esjiace. » II, 164. — Rapports du mouvement, du nombre et de l'espace.
BLË ANALYTXMï; ET LEXÎQllA. 5°*
IL 287. Voj.Nrant. — Signification «lu mot dénombre. 11,29;*. Voy. Euclide.
Non. « !.. Où non les 'lettres .sont changées <m lettres, mais, etc. (ctrastr.
latine). » i. 103. \ua pas, entre deux que. 11, 94. — Entre que et £wewd .
Il,
Nonchalance. Voy. Cont>< < , uw qui sut la confiant e etc.
Nonobstant. « Et, nionobstaut toutes ces oppositions, etc. (terme da
Palais). » 11, 25.
\ iurrici. Voy- Enceinte (adjectif).
RSia, Nourriture (dans les attributs de Jésus-Christ). II, 27.
Nouveau. Comment Pascal est nouveau. 1, 99. = Langage nouveau, cœur
nouveau, esprit nouveau, cantique nouveau. U, 331-332. Voy. Vieil (hom )•
Nouveauté. Los charmes de la nouveauté. 1, 34. Cf. Il, 237. — « Quelle
nouveauté (que L'homme) t » I, Il i. — « Quand on aime fortement, c'est ion-
jours une nouveauté île voir la personne aimée. » 1J, 262. — « Cette nouveauté
(|ui ne peut déplaire à Dieu... est ditlérente des nouveautés de la terre. » 11,
332.
Nouvelle. » Je leur annonce une heureuse nouvelle : il y a un libérateur
pour eux. » II, 10.
Nument. « L'on ne souhaite pas nûmont une beauté. » 11, 251.
Numéro. « Identité de numéro. » 11, 202.
0 ridicolosissimo eroe f I, 41.
Obéir. « Il serait bon qu'on obéit aux lois et coutumes parce qu'elles sont
lois. » I, 82. — « Il est meilleur d'obéir à Dieu qu'aux hommes. » II, 118. —
Voy. Chartreux.
Obéissance. « On ne fût entré dans l'obéissance de l'Evangile... » II, 244.
Oblation. L'oblatiou et la sanctification, dans le sacrifice de Jésus-Christ.
11, 238-239.
Obligé. « Vous lui êtes bien obligée (à l'Eglise). » II, 329.
Obscurcir. « Pour éclairer les uns et obscurcir les autres. » II, 96.
Obscurcissement. « Les obscurcissements de l'âme.!, cxxvni.
Obscurité. «Je ne vois partout qu'obscurité. » I, 197. — Sans 1 Ecriture...
nous ne voyons qu'obscurité et confusion dans la nature de Dieu..- » 11, 63.
= Au pluriel. « Des obscurités se multiplient par le commentaire. » I, cxxvi.
— Obscurités de l'Ecriture et de la religion. 1, 174; II, 1, 4-2.48-52, 89, 96.
— « Qui mêle des obscurités parmi des choses claires qui arrivent. » 11, 186.
= Pour, état obscur. Obscurité de Jésus-Christ. 11. 17. — On peut aimer
l'obscurité totale ; un peu d'obscurité déplaît. II, 116.
Occasionné. Passions occasionnées par le corps II, 252.
Occupation. « Toutes les occupations des hommes sont à avoir du bien. »
I, 41. — « Ils ne cherchent en cela qu'une occupation violente et impétueuse
qui les détourne de penser à soi. » 1, 50. Voy. Divertissement. — Ennui de
quitter ses occupations, et d'y retourner. II, 166.
Occuper. « On ne peut trop occuper les nommes et les détourner. » I, 48.
Cf. 1, 52.
Odorer. « Dieu a odoré et reçu l'odeur du sacrifice. » II, 238.
OEil. Voy. Yeux (les).
Œuvres. Œuvres extérieures. II, 177. — Les bonnes œuvres. II, 328. Voy.
Ppr TOIT
Offices. II, 28, note 2.
Oiseaux. Le ciel et les oiseaux ne prouvent pas Dieu. II, 204.
Ombre. Voy. Mort (la).
Omne animal. Voy. Nature.
Omnes. Voy. Hérésie.
Opinion Vanité et faiblesses des opinions. 1, cxxvi-cxxvn. — « Ainsi se
vont les opinions succédant du pour au contre, selon qu'on a de lumière. »
— Les opinions du peuple sont saines. I, 60,64. — « L'opinion est comme la
reine du monde. » 1, 61. Cf. I, 34. — « Le combat des opinions. » I, 80. Voy.
Vérité. — « Toute opinion peut être préférable à la vie. » I, 82. — « La
vérité de Jésus-Christ demeure parmi les opinions communes. » II, 51. — La
force et l'opinion. II, 125.— Les opinions relâchées. II, 117. — Deux entrées
86 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
des opinions dans l'âme. II, 296. — Opinions du peuple saines, f, 60, note
5;6i, note 2.
Opposition. « Ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre
bien. » I, 182. Cf. II, 25,
Oppression. « Les dernières oppressions. » II, 201.
Ordinaire. Il faut mesurer la vertu d'un homme par son ordinaire.
I, 79.
Ordre. « Le cœur a son ordre ; l'esprit a le sien. I, 102. — L'ordre de la
charité : en quoi consiste. Ibid. — Trois ordres différents de grandeur.
II. 15. — L'ordre de Dieu. « Il ne faut adorer que son ordre » II, 116. =
« L'ordre de la pensée est de commencer par soi, et par son auteur et sa fin. »
II, 109. — Ordre géométrique. II, 279, 282. — Ordre par dialogues, II, 174.
— En quoi consiste le véritable ordre. II, 281-282. — Voy. Dernier. =
D'ordre {ex ordine) : « En exposant d'ordre les causes de l'amour. » I, 102.
— Ordre. I, 78, note 4 : II, 90. note 1 : 101, note 1 et 4 ; 174, note 2; 204,
note 1. Cf. I, 156.
Ordure. « Que le cœur de l'homme est creux et plein d'ordure ! » I, 48.
Oreille. Voy. Coeur.
Oreiller. Voy. Ignorance.
Orgueil. « Orgueil, contre-pesant toutes les misères. I, 25. Cf. II, 89. —
Une des deux maladies principales de l'homme. I, 184. — L'orgueil et la pa-
resse sont les deux sources de tous les vices. I, 186 Cf. I, cxxxm . II, 102. —
« L'orgueil persuade la présomption. » I, 188. — Orgueil et désespoir. II, 18,
62. Cf. I. 187. — « Orgueil de la vie. » II, 103, 199. Voy. Concupiscence,
- Orgueil. 1, 26, note 1.
Orgues. L'homme comparé à des orgues. Il, 175.
Orient. « Les six orients à l'entrée des six âges. » II, 170.
Original. « A mesure qu'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes
originaux. » I, 95. — « A mesure que l'on a plus d'esprit, l'on trouve plus
de beautés originales. » II, 256. = « Chacun a l'original de sa beauté. » II,
254.
Originel. Voy. Péché.
Osée. Ses prédictions. II, 7.
OTER.La maladie ôte la science. 1,41. — « L'équivoque est ôtée. » II, 10. —
« Ce vilain fond... n'est pas ôté. » II, 121. — « Otés ceux qui sont intéressés. »
II, 235. — Voy. Sceptre.
Ourli. « Oubli du monde et de tout, hormis Dieu. » I, cvn.
Ourlier. « Cela me fait souvenir de ma faiblesse, que j'oublie à toute
heure. » I, 85. Voy. Pensée. = S'oublier, pour, ne pas connaître ce qu'on est.
II, 353.
Outre. Voy. Passer.
Ouvrage. Quelle est la dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage.
I, 105. — S'éloigner de son ouvrage, pour en juger. II, 163. Voy. Entrer,
Peintre.
Ouvrir. « La mort, qui la doit ouvrir (l'éternité). » I, 143.
Païen. La religion païenne. II, 41. Voy. Fondememt. — Le peuple païen.
H, 71.
Païen . Comparaison des païens avec les Juifs et les chrétiens. I, 211. —
La conversion des païens réservée à la grâce du Messie. II, 18. — « L'aban-
don de Dieu paraît dans les païens. » II, 49. — Prophéties sur les païens.
II 56-58. — La part des païens et des épicuriens. II, 61. — Les exemples
des païens ne nous touchent pas. II, 97. — « Tous les païens disaient du mal
d'Israël. » II, 109.
Paix. I, cvi. — La paix est le souverain bien. I, 71. — Peuples qui aiment
mieux la mort que la paix. I, 81-82. — Fausse paix du monde avant Jésus-
Christ. II, 115. — Paix apportée par Jésus-Christ. 11,334.
Pan. « Le grand Pan. » Voy. Prophétie.
Pape. On ne propose plus que le pape... Le pape a été surpris, prévenu...
Ce qui en résulte. Il, 80. — « Jusqu'à ce qu'il vienne un pape qui écoute
les deux parties. » II, 117. — Désigné. II, 118. — On aime que le pape soit
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE, 5?
infaillible en la foi. » II, 120. — Comment il faut juger le pape... Puissance
du pape. Ibid. — Ce qu'est le pape dans l'Eglise. II, 122 — Le con-
cile est au-dessus du pape. Tbid. Voy. FRANCE. — l'oint de salut hors de la
Communion du pape : Pascal ne s'en séparera jamais. II, 328 et 347. Voy.
Zble. — Eglise, Pape. 11. l--\ note 3.
Papier. « Il faut mettre papiers sur table. » II, 108.
PAPISTES. Les papistes excluent la multitude. II, 120.
Paradoxe. L'homme est on paradoxe à lui-même. 1, 114.
Paraître [conspici). « Nous nous efforçons pour cela de paraître. » I, 24.
— Faire paraître. « Il y a si peu île personnes à qui Dieu se fasse paraître
par ces coups extraordinaires. » II, 319,
Par-dessus. « Que la consolation de la grâce l'emporte par dessus les sen-
timents de la nature. » II, 244.
Parents. Une âme véritablement touchée de Dieu considère comme un
néant ses parents, ses amis, ses ennemis, etc. II, 316.
Paresse. Source de tous les vices. I, 186. Voy. Orgueil.
Parfait. Voy. Science.
Parier. Il faut parier pour ou contre Dieu. I, 150 et 159-166. — «< On me
force à parier, et je ne suis pas en liberté. » I. 152.
Paris. « Il y a des lieux où il faut appeler Paris Paris, etc. » I, 102.
Parler. Il y en a qui parlent bien et qui n'écrivent pas bien : pourquoi.
I, 99. =« Si un animal parlait par esprit ce qu'il parle par instinct... »
II, 151.
Parole. « Les sens reçoivent des paroles leur dignité. » I, 105. = La
parole de Dieu. Quand elle est fausse littéralement, elle est vraie spirituelle-
ment. II, 8.
Part. « C'est la part des païens et des épicuriens. » 11,61. Voy. Portion.
— La part que y prends à votre déplaisir. II, 154.
Partace. « Le partage qu'il y a entre les femmes sur l'estime des unes
ou des autres fait aussi le partage entre les hommes, etc. » II, 254.
Partagé. Voy. Beauté
Parti. Les partis, ou la règle des partis. 1,62, 151 et 161; II, 95, 124
— Dans le même sens : « Le parti. » I, 151, 154; II, 168. — « Cela est tout
parti. » 1, 151. — Partis. II, 95, note 4.
Participation. La religion chrétienne élève les justes jusqu'à la partici-
pation de la divinité même. I, 187.
(Participe, en construction absolue.) « N'y ayant rien de si inconcevable
que de dire. .. » I, 7. — « Etant juste et qu'ils nous connaissent .. et qu'ils
nous méprisent. » 1,27. — « N'y ayant point de certitude, hors la foi... » I,
113. — « Etant nécessaire... et qu'ils subsistent... et qu'ils soient misé-
rables. » II. 40. — « Etant difficile que ceux qui se regarderaient intérieu-
rement, etc. » II, 353.
Partie. Première et seconde partie (du plan de Pascal). II, 60. Voy. Pré'
face, et Seconde partie : etc.
Pas aussi. Pour, pas non plus.I, 13, 26, 89, etc. Voy. Aussi.
Pascal. Son amour de la pauvreté et des pauvres. I, lxxx, lxxxvi, xc. —
Son zèle pour la gloire de Dieu et pour le service du roi. I, lxxxv. — Ses
idées sur la puissance royale. Ibid. Voy, Répurlique. Ce qui l'a le plus tôt
conduit à la véritable, religion. I, 186. — Ses sentiments expliqués par
lui-même. II. 118-119. — Sur la philosophie de Descartes. II, 148. — Sa
tendresse pour ses sœurs. 11,246. — Sa logique II, 301. — Voy. Famille.
Pascal (M.) le père. Lettre sur sa mort. II, 235-247. — Son fils lui doit
son salut. II, 246.
Passant. « Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants,...
puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir? » I, 65.
Passe. Mettre en passe. 1,65. Voy. Norlesse.
Passé. « Nous rappelons le passé, pour l'arrêter comme trop prompt. »
I, 36. — Nos pensées sont toujours occupées au passé et à l'avenir. I, 37.
— « Le passé et le présent sont nos moyens; le seul avenir est notre fin. »
Ibid. — « Le passé ne nous doit point embarrasser. » II, 339.
Passer, pour, être au-dessus de la portée de l'esprit: « L'homme passe
infiniment l'homme. » I, 114. — « Ce ?ont choses... qui passent notre
capacité présente. » I, 187. Cf. II, 231. = Passer outre I, 1, 6.
Passion. La passion de Jésus-Chist s'achève dans ses membres, c'est-a-
diredans les fidèles prédestinés. 11,232, 237.
h. 28
5» TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Passions. « Les passions de l'âme troublent les sens. » I, 45. — « Il y a
du plaisir à voir deux passions contraires se heurter. » I, 80. — « En
sachant la passion dominante de chacun, on est sûr de lui plaire. » I, 100.
— « Les passions sont toujours vivantes dans ceux qui y veulent renoncer. »
I, 120. — Guerre intestine de l'homme entre la raison et les passions, II,
111. — Ce que le juste doit accorder à ses passions. II, 172. — « Les passions
dominées sont vertus. » Ibid. et 219. Voy. Vice. — Quelque étendue
d'esprit que l'on ait, l'on n'est capable que d'une grande, passion » 11,251.
— Les passions sont en proportion de l'esprit. II, 252. — « Il y a des passions
qui resserrent l'âme,... ily enaqui l'agrandissent. » 11,259. —Voy. Plénitude.»
Pour, affections (physiques), infirmités. II, 100. Cf. I, cxxvn, 75; II, 251
Patois. « Elle est toute le corps de Jésus-Christ, en son patois. ».
II, 201 .
Patriarches. La longueur de leur vie servait à conserver les histoire*
des choses passées. 1,213.
Patrie. Voy. Sort.
Paul (Saint). Est venu apprendre aux hommes la doctrine des figures.
I, 200. Voy. Royaume. — Nous donne le chiffre. II, 5. — Opposé à Barjesu.
II, 72. — « Saint Paul est venu en sagesse et signes. » II, 160. — Saint
Paul et Corneille rapprochés. II, 165. Voy. Caractère. — Comment parle
du mariage. II, 184. Voy. Ratière. — Cité II, 74, 332, 336, 338. — Voy.
Echauffer.
Paul-Emile, comparé à Persée. 1,9,10.
Pauvre. « J'ai remarqué (disait Pascal) que. quelque pauvre que Ton soit,
on laisse toujours quelque chose en mourant. » I, lxxx.
Pauvreté. « J'aime la pauvreté, parce que Jésus-Christ l'a aimée. » II
119. Cf. 1, lxxxvi. — « Je suis merveilleusement persuadé (disait Pascal),
que la pauvreté est un grand moyen pour faire son salut. » I, lxxx.
Pays. « Des pays sont tous de maçons, d'autres tous de soldats, etc. »
I, 36. — Voy. Mode, Vérité.
Péché En quoi consiste l'essence du péché. II, 335. — Le mystère de la
transmission du péché d'Adam explique seul la nature humaine. I, 115, 187.
Voy. Justice. — « Nulle religion que la nôtre n'a enseigné que l'homme
naît en péché. » I, 171. — Le Rédempteur en a retiré les hommes. I. 176-
177. — « Le péché originel est folie devant les hommes. » I, 185. — « Les
Séchés vrais ennemis de l'homme. II, 10 II. Voy. Iniquité. — Deux sources
e nos péchés, orgueil et paresse; deux remèdes pour les guérir, miséricorde
et justice de Dieu. Il, 102. — « Incompréhensible que le péché originel soit
et qu'il ne soit pas. » II, 126. — Les anciens, pour avoir dit que la justice
est partie de la terre ont-ils connu le péché originel? II, 156. — Jésus-Christ
a adopt • nos péchés. II, 173. — « Tradition ample du péché originel selon
les Juifs. » II, 181. — « Le péché n'est pas achevé, si la raison ne consent. »
II, 247. — (( Les péchés sont péchés... seulement parce qu'ils sont contraires
à la volonté de Dieu. » II, 335.
Pécheur. Justes qui se croient pécheurs; pécheurs qui se croient justes.
II, 164. — « Des pécheurs purifiés sans pénitence!... » II, 122.
Pédant. « On ne s'imagine Platon et Aristote qu'avec de grandes robes
de pédants. » I, 85.
Peindre. Se peindre- Voy. Montaigne.
Peine. Il faut deux choses pour sanctifier, peines et plaisirs. II, 336-337.
— Voy. Piété.
Peint. « Il n'y a rien de mieux peint. » II, 342.
Peintre. Comment les peintres jugent leur ouvrage. II, 163 et 217.
Peinture. Vanité de la peinture I, 105. — « L'éloquence est une pein-
ture de la pensée. » II, 123.
Pélagiens. « H y aura toujours des pélagiens, et toujours des catholiques...
La première naissance fait les uns, et la grâce de la seconde naissance fait
les autres.» II, 93.
Pendant la durée du Messie. II, 27, note 4.
Pendant que (quamdiu). I, cxxiv. Voy. Tandis que.
Pénétrer. « Le voile de la nature qui couvre Dieu a été pénétré par plu-
sieurs infidèles. » II, 330.
Pénitence. « Si nos sens ne s'opposaient pas à la pénitence,... il n'y aurait
en cela rien de pénible pour nous. » il, 115. — « Dieu absout aussitôt, qu'il
Toit la pénitence dans le cœur; l'Eglise, quand elle la voit dans les œuvres, d
TABLE ANALYTIQUE Et LEXIQUE. 59
Tbid. — « Les pénitences extérieures disposent à l'intérieure. » II, 179. —
Le seul mystère de la pénitence a été déclaré manifestement aux Juifs par
saint Jean, précurseur. Il, 185.
l'i munis Voy. Diable.
Pensée. « Je ne puis concevoir l'homme sans pensée. » 1, 9. — Toute notre
dignité consiste en la pensée. I, 11. Cf. 11, 109-110. — Parla pensée l'homme
comprend L'univers. 1. 11. — « En écrivant ma penséi . elle m'échappe quel-
quefois: mais cela me lait souvenir de ma faiblesse... : ce qui m'instruit autant
3ue ma pensée oubliée. » I, 8."i. — Les mêmes pensées forment un autre corps
e discours, comme les mêmes mots forment d'autres pensées, par une dispo-
sition différente. 1, 99. — L'ordre de la pensée. 11, 109, Voy Okure. — «L'élo-
quence est une peinture de la pensée. » II, 123. Voy. Portrait, Tableau.
— La pensée est sotte. 11, 110. — « Le hasard donne les pensées, le hasard
les ôte.»ll, 125. — « Lesmèmes pensées poussent quelquefois tout autrement
dans un autre que dans leur auteur. » 11, 305. = Pensée de derrière. « 11 faut
avoir une pensée de derrière, et juger de tout par là. » II, 12i. — « J'aurais
aussi mes pensées de derrière la tête. » II, 124, 205. — Les grands doivent
avoir une double pensée. 11, 351-352. — Pensée. II, 110, note i. — Pensées.
I, 77, note 3 : 11, 160, note 3.
Penser. « Travaillons à bien penser : voilà le principe de la morale. » I, 11.
— « Moi qui pense. » 1, 13. — «L'homme est visiblement fait pour penser...;
tout son devoir est de penser comme il faut. » II, 109. Cf. II, 251. Quand
nous voulons penser à Dieu, plus d'une chose nous tente de penser ailleurs.
II, 110. = Pour, croire, se flatter de. « Qui pensera demeurer neutre... »
I, 114.
Pente. « La pente vers soi est le commencement de tout désordre. »
II, 110.
Perceptible, a Notre corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans l'uni-
vers... » 1, 3.
Perdre (se). « Voici comment il se perd dans la présomption de ce que
l'on peut. » 1, cxxv. — Se perdre en honnête homme. Il, 356.
PÈRE. <( Père juste, le monde ne t'a point connu. » I, cvn.
Pères (Saints). II, 200. — Autorité de l'Ecriture et des Pères. II, 268
Pekfection. Voy. Prendre, Science.
Péri. « Elle considère les choses périssables comme périssantes et même
déjà péries. » II, 315-316 Cf. 11,241 i.
Périlleux. « Il n'y a rien de si périlleux que ce qui plaît à Dieu et aux
hommes. » II, 177.
Perpétuité. I, 174, note 2; IJ, 29, note 1. — Perpétuité de la religion.
I, 177. Cf. I, 175-174; II, 28. — La perpétuité, une des trois marques de la
religion. II, 77.
Perroquet. Le bec du perroquet. II, 165.
Persécution. Confiance qu'on doit avoir dans les persécutions qui travaillent
l'Eglise. II, 102. — « Le silence est la plus grande persécution. » II, 117. —
« C'est une chose qui fait trembler... de voir la persécution qui se prépare...
contre la vérité. » II, 335.
Persée. Voy. Paul-Emile.
Perses. Voy. Allemands.
Personnage. « Souvenez-vous (dit Epictète),... que vous jouez le personnage
d'une comédie... C'est votre fait déjouer bien le personnage qui vous est
donné... » I, cxxiv.
Personne. Ce qui forme le bonheur des personnes de grande condition. 1,52
— « On n'aime jamais personne, mais seulement des qualités. » 1,66. — Les
personnes simples croient sans raisonnement. 1,194. — Personne, pour, nul
homme, 1,28, 1 13. — « Il n'y a personne raisonnable qui puisse parler de la
sorte. » 1,137. = Pour, quelqu'un. 1,142; II, 102. = Pour, homme. 1,63, 175 .
II, 42, 338. = Deux personnes, pour, un homme et une femme, II, 253, 258;
(Dans presque tous ces exemples, personne est suivi du pronom il.) ^Per-
sonne, pour, femme. 1,65 ; II, 257, 339, 340. = Deux sortes de personnes. 1,142.
Voy. Raisonnable. — Quatre sortes de personnes. Il, 10 J. Voy. Zèle. — Trois
sortes de personnes. 11,109. Voy. Dieu.
1 . « Si elle (la vérité) n'avait point d'autres protecteurs,, elle serait périe en des main
si faibles. » Provinciales, 2e Lettre. Et dans la 18* : o Puisque cela a procuré la connais
•ance de l'Evangile à tant de peuples, qui fussent pêrU dans leur infidélité. »
m
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Perspective. Voy. Point.
Persuadé. \y:'^ comme adjectif. « ... Si Ton n'en est pas assez persuadé;
on le deviendra bien vite, et peut-être trop. » 1,113.
Persuader. On se persuade mieux par les raisons qu'on a soi-même trouvées
que parcelles des autres. 1.99. — Sur l'art de persuader. 11,296-308.— Ses
trois parties essentielles, II, 300. — Ses règles. 11,301. — Les deux principes
dans lesquels il se renferme. II, 303. Voy Misère, Orgueil.
Petit, pour, faible. « Pour aider vos consolations par mes petitsefforts. II,
2i4. = Pour, un certain. « Un petit zèle. » 11,328. — «Un petit jour du juge-
ment. » II, 3i0.
Peu. (( Peu de chose nous cousole, parce que peu de chose nous afflige. *
I, 77. «= Peu [pauci). Voy. Humilitp;. Pyhrhonisme.
Peuple. Le peuple secoue le joug dès qu'il le reconnaît. 1,39. — Honore les
personne- de grande naissance. I, 59. Cf. II, 352. Voy. Noblesse. — Est
vain, mais pas si vain qu'on dit. 1,60. — Ses opinions à la fois très-fausses et
très-saines. I, 60, 64. — Croit les lois et coutumes, et y obéit, mais est sujet
à se révolter dès qu'on lui montre qu'elles ne valent rien. 1,83. — Comment il
raisonne. 11,75. = Le peuple, pour, le vulgaire, opposé aux habiles. « Il faut
que le peuple entende l'esprit de la lettre, et que les liabiles soumettent leur
esprit à la lettre.» 1, 170. Cf. I, 44. = Pour, le peuple juif. I. 212; II, 40.
Peuple de Dieu (le). 1, 173, 198, 205.= « 11 (Jésus-Christ) devait... pro-
duire un grand peuple;... en faire le temple de Dieu;... le délivrer de la ser-
vitude du péché,... donner des lois à ce peuple,... se sacrifierpour eux; etc.»
U, 27-28.
Pharao. Son incrédulité. II, 70.
Pharisiens. II, 72, 73. — Paroles des Pharisiens (dans 8- Jean) citées,
par allusion à Port-Royal. II, 78-79. — « Pharisien, publicain {Luc, xvm, 9-
14). » II, 177. Voy. Jeûner.
Philon. Cité. I, 200; II, 23, 203.
Philosophe (adjectif). 1, 86 ; H, 101.
Philosophes. « Presque tous les philosophes confondent les idées des
choses. » I, 8. — Erreurs des philosophes sur le bonheur. I, 12. — Les phi-
losophes mêmes veulent des admirateurs, I, 25. Cf. II, 114. — « Ceux qui
font sur cela les philosophes... ne connaissent guère notre nature. » I, 50.
— Fausseté des philosophes qui ne discutaient pas l'immortalité de l'âme. I,
144. — Nulle secte de philosophes n'a dit que l'homme naît en péché. I, 171.
— Les philosophes n'ont pas trouvé le remède à nos maux. 1, 182, 184 t.
— D'où viennent les diverses sectes des philosophes. I, 187. — « Les philo-
sophes ne prescrivaient point des sentiments proportionnés aux deux états
(de l'homme). » 1, 188. Cf. I, cxxxm, 171. — Phrase de Cicéron sur les phi-
losophes. II, 204. — Voy. Bien, Vice. — Philosophes. 1, 118, note 1 ; 114,
note 4 ; 155, note 4,
Philosopher. Voy. Philosophie.
Philosophie. « Se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher. » I,
106. — « Nous n'estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de
peine. » II, 126 et 148.
Physionomie, pour, portrait. « On ne peut faire une bonne physionomie
qu'en accordant toutes nos contrariétés. » II, 6
Physique (la). Est affaire de raisonnement, non d'autorité. II, 268. = Dans
le sens de science générale de la nature, y compris Dieu et l'âme. « Un prin-
cipe ferme et soutenu d'une physique entière. » II, 305. Voy. Descartes.
Pièce, pour, partie. « Nos deux pièces » (l'esprit et l'automate). 1, 156.
Pied. « Ils (les grands hommes) ont les pieds aussi bas que les nôtres. » I,
79. — Devoir du pied envers le corps. II, 113-114. Voy. Membre.
Pierre. Voy. Daniel.
Pierre (Saint). Comment saint Pierre et les apôtres délibérèrent d'abolir
la circoncision. Il, 93. — Saint Pierre frappe Malchus. 11,210 et 221.
Piété. « La piété est différente de la superstition. » I, 193. — On est tou-
jours obligé de n'en point détourner. II, 98. — « Il faut renoncera toute piété
1 . « Pensera-t-on que ces philosophes qui vantaient si hautement la puissance de sa
nature en connussent l'infirmité et le médecin ?... Qui pourra croire que les épicuriens,
qui niaient la Providence divine, eussent des mouvements de prier Dieu? eux qui disaient
qui c'était Jui faire injure de l'implorer dans nos besoins, comme s'il eût été capable de
^'.amnser a penser à nous. » Provinciales. 4e Lettre.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 61
•î on no viMit :ui moins mourir chrétiennement ■ » Ibid. — Peines de la piété.
IL 114-115: 33(3-337; 339-3*1 Voy. Impiété. — La bonne piété. 11, 178. —
« Ne croyons |>as qne la piété né consiste qu'en ane amertume sans consolation. »
11. 338. — La véritable piété esl pleine de satisfaction. Ibid.
Pignon « Ils sentent leurs bourgeois qui on1 pignon sur rue. » II, II'.'.
Pilatk. Aucune invective des historiens évangéliques contre Judas, Pilate.
ni aucun «les Juifs. 11, 39. — hausse justice de Pilate : image des faux justes.
11. 211.
PlPER. « Pour le bien des hommes, il faut souvent les piper. » 1,39. — Se
piper soi-même. I. 52. — « L'espérance nous pipe. » I, 110.
Piperik. 1,45. Voy. Sens (les).
Piquer (se). « !.s ne se piquent de savoir que la seule chose qu'ils n'ap-
prennent point. « 1. 80. Voy. Honnête.
Piquet. Condamné à mort jouant au piquet. I, 143-144 et 148.
Place. « Place au soleil. » 1, 85. — Il n'y a rien dans la nature qui n'ait été
capable de tenir à l'homme la place de Dieu. I, 117. — « Il semble que nous
avons une place à remplir dans nos cœurs. » 11, 253. — « 11 y a une place
d'attente dans leur cœur. » II, 254. — Notre amour-propre nous représente à
nous-mêmes comme pouvant remplir plusieurs places au dehors. Il, 235. —
Voy. Guerrier, Mouvement. = Place, pour, ville : au figuré. « Entrer dans
celte place rebelle (mon cœur) que les vices ont occupée. » 11,226.
Plaies. « Jésus-Christ ne laissa toucher que ses plaies, après sa résurrec-
tion. » II, 210.
Plaindre. « Plaindre les malheureux n'est pas contre la concupiscence. »
I, 81 et 92.
Plaire. Difficulté de plaire. I. 100. Cf. II, 300. — « L'on épuise tous les
jours les manières de plaire : cependant il faut plaire, et l'on plaît. » II, 255.
— II y a des règles sûres pour plaire : mais il est impossible d'y arriver. II,
299. — Voy. Agréer. Combat. = Se plaire. « Que Dieu ne se plaisait pas aux
temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié. » I, 200.
Plaisant. « Montaigne est plaisant de ne pas voir, etc. » I, 64. — « Nous
sommes plaisants de nous reposer dans la société de nos semblables. » I, 197.
— Voy. Justice.
Plaisir. « Xous ne pouvons prendre plaisir à une chose qu'à condition de
nous fâcher si elle réussit mal. » I, 89. — Le plaisir est la monnaie peut
laquelle nous donnons tout ce qu'on veut. I, 105. — « Tous nos plaisirs ne
sont que vanité. » I, 138. — « Les plaisirs empestés. » I, 152. — Quitter les
Îilaisirs. I, 153. — Un portrait porte absence et présence, plaisir et déplaisir. >
I, 4. — « Il n'est pas honteux à l'homme de succomber sous la douleur, et il
est honteux de succomber sous le plaisir. » II, 150. — Le plaisir n'est que le
ballet des esprits II, 151. — ce L'homme est né pour le plaisir : il le sent, etc. »
II, 254. — « Un plaisir vrai ou faux peut remplir également l'esprit. Ibid. — Les
Erincipes du plaisir ne sont pas fermes et stables. Us sont divers en tous les
ommes, et variables en chaque particulier. » II, 300. — Plaisirs très-différents
chez les hommes. Ibid. — Peines et plaisirs de la vie chrétienne. II, 336-337.
— Voy. Aimer, Douceur, Inconstance.
Planté, pour, établi. I, 38.
Platon. Comparé au christianisme. II. 23. — « Platon, pour disposer au
christianisme.» II, 111. — Sa définition de l'homme. II, 283. — Voy. Aristote.
Plein. « Un plein repos. » II, 154. — « L'esprit est plein (dans l'amour). »
II. 259. = A plein, pour, pleinement. « Qui voudra connaître à plein la vanité
de l'homme... » I, 83.
Plus poetice quant humane locutus es. (Pétr.) I, 105.
Plénitude. «Plénitude de consolation. .. Plénitude de maux.» 11,229.—
« Dans la plénitude de son temps. » II, 236. — « Il y a une plénitude de pas-
sion. >» II, 259. Cf. II, 257.
Plerumque gratœ principibus vices. (Hor.) II, 124.
Pleurer. D'où vient donc qu'on pleure et qu'on rit d'une même chose. I, 81.
Ployable. « La raison est ployable à tous sens. » I, 98.
Ployer. « Les choses qui ploient la machine vers le respect et la terreur. »
I, 61. Voy. Incliner. = «Il fautque toutes les passions ploient et lui obéissent. »
II, 255.
Pluralité. « Pourquoi suit-on la pluralité ? » I, 61. — La pluralité est la
règle dans les choses extraordinaires. Force qui est en elle, I, 71. — a La
62 TABLE ANALYTIQUE ET. LEXIQUE.
pluralité est la meilleure voie. » Jbid. — « C'est la pluralité qui a 'établi cela
et qui mord quiconque s'en échappe. » I, 73. — Voy. Roi.
Plus. « Tant plus » répété. Il, 258.
Poésie. L'agrément est l'objet de la poésie. I, 104.
Poète. « L'enseigne de poëte... Le métier de poëte. » I, 74. — « Si la
foudre tombait sur les lieux bas, etc., les poètes... manqueraient de preuves. »
I, 101. — Pourquoi les poètes représentent l'amour comme un enfant. II, 255.
— N'ont pas eu raison de dépeindre l'amour comme un aveugle. II, 260.
— Voy. Théologie.
Poétique. Voy. Beauté poétique.
Point. Ce que nous appelons point indivisible dans les choses matérielles.
I, 4. — Il n'y a qu'un point indivisible qui soit le véritable lieu (de la pers-
pective). » I, 31. — « Où prendrons-nous un point dans la morale? » I, 71.
— Hypothèse d'un point se mouvant partout d'une vitesse infinie. II, 87. —
Trouver le point. 1,89.
Point aussi, pour, point non plus. 1, 138. Voy. Aussi.
Point formaliste. II, 94, note 2.
Pointe. « La justice et la vérité sont deux pointes si subtiles, que, nos ins-
truments sont trop mousses pour y toucher exactement. » 1, 35. Voy. Ecacher.
— « Ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très-délicate. » I, 1.
Police, pour, administration, gouvernement. II, 111.
Politique. Comment Platon et Aristote ont écrit de politique. I, 86. =
Pour, conduite {consilium). « C'est une mauvaise politique de les séparer. »
II, 118. Voy. Port-Royal.
Pologne. Voy. Roi.
Poltron. « Nous serions volontiers poltrons pour acquérir la réputation
d'être vaillants. » I, 24.
Pomme. La pomme d'or. I, 201. Voy. Troie.
Pompée. Voy. Évangile.
Pontoise. Voy. Miracle.
Porphyre. Celse et Porphyre n'ont jamais désavoué l'Evangile. II, 43.
Port. « Le port juge ceux qui sont dans le vaisseau. » I, 70-71.
Port-Royal. Les filles ou religieuses de Port-Royal désignées. II, 76. —
Dieu fait de ce lieu son temple et le sanctuaire de ses grâces. Ibid . — Port-
Royal calomnié. II, 77. — « Cette maison n'est pas de Dieu... — Cette mai-
son est de Dieu... »II, 79. — « Le P. R. craint, et c'est une mauxaise poli-
tique de les séparer, car ils ne craindront plus, et se feront plus craindre. »
II. 118. —Education des enfants de Port-Royal. II, 164. — Voy. A P. R. etc.
Porte. L'esprit et le cœur sont les portes par où les vérités sont reçues
dans l'âme. 11,297. = Ouvrir la porte : au figuré. Voy. Débordement.
Portée. « Connaissons donc notre portée. » I, 5. — « La vérité n'est pas
de notre portée. » I, 115 (note). — Les vérités de notre portée. Il, 297
Portentum. II, 183.
Porter, pour, comporter. II, 4. — Voy. Plaisir.
Portion. « C'est la portion des Juifs. >> II, 61. — «... De vos saints dont
j'espère par votre grâce faire une portion. » II, 231.
Portrait. Ce que porte un portrait. II, 4. Voy. Plaisir. — L'éloquence
doit être le portrait de la pensée. II, 123. — Voy. Physionomie.
Posséder. « Posséder Dieu à découvert et sans voile. » I, 136. — « C'est
une chose horrible de sentir s'écouler tout ce qu'on possède. » II, 95.
Poule. Voy. Vierge.
Poulie. Voy. Bruit.
Pour, devant un infinitif, équivalant à quoique ou à parce que. I, 6, 77.
Voy. Extrémité.
Pour montrer que les vrais Juifs et les vrais chrétiens n'ont qu'une
même religion, II, 59, note 1.
Pourquoi. « Il n'y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi
à présent plutôt que lors. » II, 152 : cf. 153.
Pratiques. Voy. Eau (bénite), Extérieur.
Préadamites. Il, 185.
Précepte. « Les préceptes chrétiens sont les plus pleins de consolations. »
II, 339.
Précipice. Puissance de l'imagination sur la raison, à l'idée d'un précipice.
Jt 32. = « Nous courons sans souci dans le précipice. » I, 144.
Précipitation. L'amour est une précipitation de pensées. Il, 25&
TADLK ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 63
Précipiter. Se précipiter dans le désespoir. I, IS7.
PRÉCURSEUR. Voy. Iban-Baptisti 'Saint).
bstination. « Une prédestination Bana mystère!... » II, 122.
Prédicateur. Le prédicateur mal rasé el barbouillé. 1,32. Voy. Magistrat.
Prédiction. Il, 24, note l. — Prédictions. 11,23, note 3. — Prédictions
des choses particulières. 11, 187. — Prédiction de Cyrus. II. 190.
Prédire. Pourquoi Dieu a voulu prédire des choses qu'il n'a pas voulu
lécouvrir à son peuple. I. 200.
face. 1, 155, note 1. — Prt'face de la première partie. I, SI, note 1.
— Préface de la seconde partie. II, 60.
Préférence. Préférence d'estime, et préférence extérieure. Il, 354. Voy.
GÉOMÉTBlK.
Premier. Voy. Dernier.
Prendre, neutre, et au figuré. « Ses plus saintes paroles ne prennent
point en nous. » II, 244."" Se prendre, pour, s'abuser {decipi). « On se prend
à la perfection même. » II. 103. = S'en prendre a Ne nous en prenons donc
pas a la dévotion, mais à nous-mêmes. » II, 338.
Préoccuper. Voy. Créance.
PrÉORDONNÉ. « De tous temps prévu et préordonné en Dieu. » II, 236.
Présence. Ceux qui nient la présence (réelle) sont hérétiques. II, 92.
Présent. « Nous ne nous tenons jamais au temps présent. » I. 30. —
« Le présent n'est jamais notre fin. » I, 37. — Notre imagination nous grossit
le temps présent. Ibid. — « Le présent est le seul temps qui est véritable-
ment à nous. » II, 339.
Président. Qu'est-ce qu'être premier président? I, 53.
Présomption. Voy. Orgueil, Perdre (se), Raisonnement.
Présomptueux. Combien nous sommes présomptueux. I, 25.
Presser. « Prendre le vrai et le bien sur la première apparence, sans les
presser (sentiment de Montaigne). » I, cxxxi. Voy. Vrai.
Présu, pour, su d'avance. Il, 236. Voy Préordonné.
Prêt a, pour, destiné à. « Ne suis-je pas prêt à mourir? » II, 106. = Pour,
disposé à « Ceux qui seraient prêts à consentir au mensonge. » Ibid.
Prétendre. « Ne peuvent rien prétendre aux démonstrations géométriques. »
II, 295. = Prétendre de. I, 4.
Prêtre. « Est fait prêtre qui veut l'être, comme sous Jéroboam. » II. 125
et 146. — Les uns défendent aux chrétiens ce qui est défendu aux prêtres
les autres permettent aux prêtres ce qui est permis aux chrétiens. II, 163
Preuve. « On trouve toujours claire la chose qu'on emploie à la preuve. »
I, 98. Voy. Exemple. — « C'est en manquant de preuve qu'ils (les
chrétiens) ne manquent pas de sens. » I, 149. Voy. Prouver. — Les preuves
de Dieu métaphysiques frappent peu. I, 154. — « Les preuves ne convainquent
?[ue l'esprit. La coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues. »
, 155-156. — Preuves de la religion. I, 177; II, 60. — « Les preuves que
Jésus-Christ et les apôtres tirent de l'Ecriture ne sont pas démonstratives. »
II, 68-69. — Les preuves delà religion ne sont pas absolument convaincantes;
mais l'évidence est telle, qu'elle surpasse ou égale pour le moins l'évidence
du contraire. II, 96. Voy. Héritier. — Il faut ouvrir son esprit aux preuves
de la religion II. 107. — Preuves de Jésus-Christ. II, 198. Voy. Prophétie. —
Preuves que l'Ecriture a deux sens. II, 200. — Preuve de Moïse. I, 212,
note 4. — Preuve des deux Testaments à la fois. II, 2, note 2. — Preuve
de Jésus-Christ. II, 38, note 1. — Preuves de Jésus-Christ. Il, 17, note 2;
II,, 40, note 2.
Prévention. « De peur que cette prévention ne me suborne. » II, 88. —
La prévention induisant une erreur. II, l(i6, note 2.
Prévenu. Etre prévenu de son ouvrage. I, 31. — « Ils ont été prévenus
chacun que c'est le meilleur. » II, 166. — Pape.
Prévoyance. Au pluriel. « Par les prévoyances des besoins et des utilités
3ue nous aurions de sa présence. » II, 246. — « Ne nous fatiguons pas par
es prévoyances indiscrètes et téméraires. » II, 247. — « Lorsque je sens que
je m'engage dans ces prévoyances. » II, 339.
Prière. La prière est un remède à la concupiscence et à l'impuissance.
I, 169. Cf. I, 182: II, 168. — « Pourquoi Dieu a établi la prière. » II, 161.
Voy. Justice — Prière pour demander à Dieu le bon usage de la maladie.
II, 223-232.
Prince. « Un prince sera la fable de toute l'Europe, et lui seul n'en saura
64 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
rien. » I, 28. — Archimède était prince. II, 16, — « Prince, à un ro;, plaît,
f>arce qu'il diminue sa qualité » II. I6i. — « Le prince de ce monde », poui,
e démon. II, 79. — « Un prince chassé de son pays par ses sujets a des ten-
dresses extrêmes pour ceux qui lui demeurent fidèles dans la révolte publique. »
II, 345. — « Il faut se tenir debout dans la chambre des princes. » II, 354. —
Voy. Roi.
Principe. « Les principes qu'on propose pour les derniers... sont appuyés
sur d'autres, qui, en ayant d'autres pour appui, ne souffrent jamais de
dernier. » I, 4. — Vaine prétention des philosophes d'arriver aux principes
des choses. — Ibid. — « Des principes de la philosophie » (livre de Des-
cartes). Ibid. — Principes d'erreur. I, 34-35. — « Qu'est-ce que nos principes
naturels, sinon nos principes accoutumés?» I, 41. — Deux principes de vérité,
la raison et les sens. I, 44. — « Les uns tirent bien les conséquences de peu
de principes... Les autres... des choses où il y a beaucoup de principes. »
I, 95. — « L'omission d'un principe mène à l'erreur. » I. 96. — « Les principes
nets et grossiers de géométrie. » 1, 97. — Manier les principes. Ibid. —
Ceux qui raisonnent par principes ne comprennent rien aux choses de senti-
ment. I, 106. — Les premiers principes sont connus par le cœur. 1, 119. —
« Les principes se sentent, les propositions se conchient. » Ibid. — « Tous
leurs principes sont vrais, des pyrrhoniens, des stoïques, d\>â athées, etc. Mais
leurs conclusions sont fausses, parce que les principes oj. posés sont vrais
aussi. » II, 155. — « Un principe, jeté dans un bon esprt, produit. » II, 164.
Voy. Superbe, Théologie.
Pris. « Cela est si mal pris », pour, si mal conçu. I, 141.
Prise. « Il échappe à nos prises. » I, 6. Cf. 11, 118 fnote 6). = Pourquoi
on aime mieux la chasse que la prise. I, 49, 50.
Prison. D'où vient que la prison est un supplice si horrible. I, 49.
Privilège. Voy. Espérance.
Prix. Voy. Estime a. = Au prix de. 1, 1, 2.
Probabilité. I, 107, note i. — « Us détruisent la perpétuité par la proba-
bilité. » II, 77. — « Est-il probable que la probabilité assure? » II, 97. Cf.
II, 120. — « Otez la probabilité, on ne peut plus plaire au monde; mettez la
probabilité, on ne peut plus lui déplaire. » 11, 119.
Proche (préposition). « Proche de mourir. » II, 151.
Prodige, « Les prodiges de l'imaginstion humaine. » I, 39. — « Quel pro-
dige (que l'homme)! » I, 114.
Prodigieux. Voy. Homme.
Production. Il est juste déconsidérer dans les productions des esprits les
efforts qu'ils font pour imiter la vérité essentielle. I, cxxxm. — « Production
de science. » II, 16.
Produire « Qu'estai plus difficile, de produire un homme ou un animal,
que de le reproduire? » II, 97.
Profession. Voy. Vanité.
Progrès « La nature agit par progrès, ilus et reditus. » II, 124. — » Tout
ce qui se perfectionne par progrès périt aussi par progrès. »II. 126. — «L'homme
s'instruit sans cesse dans son progrès. » II, 270. — » Tous les hommes ensem-
ble font un continuel progrès dans les sciences, à mesure que l'univers vieil-
lit. » 11,271.
Projet. Voy. Dialogue, Lettres, Montaigne.
Promesses. La promesse des biens temporels dans les prophètes, n'est que
figurative. H, 2 3. — » Dieu ne doit que suivant ses promesses. » II, 161. —
« Les enfants de la promesse », pour, les élus. Ibid.
Prophètes. « Tandis qne les prophètes ont été pour maintenir la loi, le
peuple a été négligent. Mais depuis qu'il n'y a plus de prophètes, le zèle a
succédé. » 1,212 — « Les prophètes entendaient par les biens temporels d'autres
biens. «11,2. —Ce qu'ils voyaient dans la loi et les sacrifices. II, 4, 5, 8. — «Les
prophètes ont prédit, et n'ont pas été prédits. » II, 18. — « Dieu a suscité
des prophètes durant seize cents ans. » 11,21. — Les prophètes mêlés de cho-
ses particulières, et de celles du Messie : pourquoi. 11,29. — Que disent les
propriétés de Jésus-Christ?. . . Leurs desseins formels. 11,50. — Faux prophètes.
U, 72, 73. — « On n'entend les prophètes que quand on voit les choses arri-
vée • » II, 179. — «Les prophètes prophétisaient par figures. » II, 184. — Ont
prédit que le sceptre ne sortirait pas deJuda jusqu'au roi éternel. II, 185.
Prophétie. La religion chrétienne seule a des prophéties I, 175. — Les
prophéties sont plus claires de David que de Jésus-Christ. II, 1. — Ont deux
TABLE ANALYTIQUE KT LEXIQUE. 65
aens. II, ?. Cf. ], 208. Voy. Sens. — La prophétie de Jacob. II, 7 et 13. — Les
prophéties Boni la plus mande tics preuves de Jésus-Christ. II, 2i. t'>2. — Les
prophéties «lu Messie mêlées de prophéties particulières. IL 29. — Les pro-
phéties citées dans l'Evangile sont rapportées pour vous éloigner de croire. II, 52.
— « La prophétie n'es! point appelée miracle. » II. 68. — Les prophéties ne
sont pas absolument convaincantes. 11,96. — « Prophéties. Le grand l'an est mort. »
II. 186. — Prophéties (extraits). IL 189, 173. — Prophétie, II, 24, note 4. —
Prophéties. IL 22, notes 2 et 3: 29, note a: 170, note 1.
Prophétiser. Il, l. — Ce que c'est. II, 183. — «Jésus-Christ prophétisé. »
II, 273. = Prophétiser de. Il, 200.
Propos. Etre à propos. 11, 342.
Proposer, pour, mettre en avant. 11,80. Voy. Lape.
Proposition. « Les propositions se concluent. » I, IL). — » Les propositions
géométriques deviennent sentiments. » I, 120. Voy. Sentiment. — Il (un ma-
thématicien) me prendrait pour une proposition. » 1, 74.
Propre. « De mon propre. II, 244.
(Propriété). Voy. Hérédité, Usurpation.
Prosopopee [A. P. R. pour demain.) I, 184, note 2. Voy. Sagesse.
Prouver. Ce que valent les exemples pour prouver. I, 98. — «Nous avons
une impuissance de prouver invicible à tout le dogmatisme. >• I, 120 — Les
chrétiens ne prétendent pas prouver la religion. I, 149. — Pascal n'entreprend
pas de prouver par des raisons naturelles ou l'existence de Dieu, ou la Trinité,
ou l'immortalité de l'âme, etc. I, 134-155.
Provence. Comment les sauvages n'ont que faire de la Provence. II, 100.
Providence. La providence de Dieu est l'unique et véritable cause des acci-
dents que nous appelons maux. II, 236.
Provincial. « Nul ne dit provincial, <
qu'un provincial. » II, 178. — « Let-
tres au Provincial. » Ibid.
Provoquer. « Provoquer à courroux, à jalousie. » II, 57.
Psaumes. « Les psaumes chantés par toute la terre. » II, 159.
Pugio fvdei. II, 182. Cf. II, 8, note 6.
Puissance. Idées de Pascal sur la puissance royale. I, lxxxv. = Puissances;
Sour, facultés de l'âme. « Que ces deux puissances (l'esprit et la volonté) sont
onc libres. » I, cxxv. — «Commencer par là le chapitre des Puissances
trompeuses. » 1, 45.
Puissant. « Qu'il était puissant de leur donner les (biens) invisibles. » II, 5.
Pur. « Pensées pures. » II, 251. — Voy. Pyrrhonien.
Pureté. Voy. Religion.
Pyrénées. Vérité au deçà, erreur au delà. I, 38. Cf. II, 174.
Pyrrhonien. « II (Montaigne) est pur pyrrhonien. » I, cxxvi. — «La cabale
pvrrhonienne. » 1, 43. — Principales forces des pyrrhoniens. I, 112. — « Qui
n est pas contre eux est excellemment pour eux. » I. 114. — « Ils sont neutres,
indifférents, suspendus à tout. » Ibid. — « Il n'y a jamais eu de pyrrhonien
effectif parfait. » Ibid. — La nature les confond. Ibid. — Travaillent inuti-
lement à combattre les premiers principes. I, 119. — « Il faut avoir ces trois
qualités, pyrrhonien, géomètre, chrétien soumis. » I, 193 (note). — « Pyrrho-
nien, pour opiniâtre. II, 178.
Pyrrhonisme. « Rien ne fortifie plus le pyrrhonisme que ce qu'il y en a qui
ne sont point pyrrhoniens. » I, 30. — « Peu parlent du pyrrhonisme en dou-
tant. » I, 75. Voy. Affirmatif. — Dogmatisme et pyrrhonisme. I, 114. — « Nous
avons uneidée de la vérité invincible à tout le pyrrhonisme. » I, 120. — «Le
pyrrhonisme est le vrai. » II, 87. — « Le pyrrhonisme sert à la religion. » — II.
156. Voy. Rabattre. — Pyrrhonisme. 1,59. note 1; 73. note4;88,note i.
Pyrrhus. « Le conseil qu'on donnait à Pyrrhus... recevait bien des difficul-
tés. » I, 51.
Qualité. Les qualités excessives nous sont ennemies, et non pas sensibles. »
I, 5. — Les qualités distingués du moi. I, 63-00. Voy. Moi. — On n'aime que
des qualités. » I, 00. — a On n'aime personne que pour des qualités emprun-
tées. Ibid. — « Cette qualité universelle (d'honnête homme) me plaît seule. »
lj 75. — « Je voudrais qu'on ne s'aperçût d'aucune qualité que par la rencontre
6fl TABLE ANALY1TQUE ET LEXIQUE.
et l'occasion d'en user. » Ibid. — L'amour fait naître des qualités que l'on
n'avait pas auparavant. II, 259. — Voy. Noblesse.
Quasi. « Quasi sans exemple. » II, 332. Cf. II, 3"23.
Que, pour, si ce n'est. I, 137, 177 ; II, 97, 157. = Que non pas que. Voy. Non.
Que Dieu s'est voulu cacher. I, 171, note 2.
Que la loi était figurative. Figures. II, 5, note 1.
Que sais-jel Devise de Montaigne. I, cxxvi.
Quel (qualis). «Qu'ils apprennent au moins quelle est la religion qu'ils
combattent. » II, 130.
Querelle. Voy. Temps.
Qui (si quis) . « Qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-lb serait
infâme. » 1. 24. — Qui, au commencement d'une phrase, pour, celui qui. I,
38, 39, 83,88, 89, 104, 114, etc.
Quitter, pour, abandonner. « Mon Dieu, me quitterez-vous? » I, cvu. =
Pour, laisser. On quitte tout là. » I, 105. — Dans le vide que l'amour de
Dieu a quitté. » 11, 242.
Quod curiositate cognoverint superbia amiserunt. 1, 154 l.
Quoi, conjonclif neutre. « Je manque à faire plusieurs choses à quoi je suis
obligé. » II, 339. — « En quoi consiste cette illusion que je tâche de vous
découvrir. » II, 353. Cf. I, t.xxiu, 193. = Quoi? que... (Quid, quod..?)\l,
151. — Voy. Je ne sais quoi.
Quant veritatem, qua liberetur, etc. (S. Aug.) I, 39.
B
Rabattre. « Pyrrhonisme... rabattra cette vanité. « II, 156.
Rabbinisme. « Chronologie du Rabbinisme. » II, 182.
Rabbins. Cités; leurs principes. Il, 181-182.
Racourci. Voy. Atome.
Race. « Roture de race. » I, 62. Voy. Suisses. — Règne éternel de la
race de David . Il, 185.
Racine. « Couper la racine, des doutes d'où naissent les procès. » I, cxxvi.
— Toutes ces dispositions... ont une racine naturelle dans son cœur. » I, 28.
— « Tout cela a ses racines si vives en nous. » I, 37. — Où il a des racines
naturelles. » I, 51.. Voy. Ennui. — La racine du péché. 11,343.
Radical, pour, fondamental. « Beauté radicale. » II, 254.
Raison. Montaigne incomparable pour convaincre la raison de son peu de
lainière et de ses égarements. I, cxxxv. — « Notre raison est toujours déçue
par l'inconstance des apparences. » I, 6. — « La raison a beau crier, elle ne
S eut mettre le prix aux choses. » I, 31. — L'imagination la contrôle et la
omine. Ibid. — Choses qui emportent la raison hors des gonds. I, 33. —
a Plaisante raison qu'un vent manie! » Ibid. — « Cette belle raison corrom-
pue a tout corrompu. » I, 38. — « La raison et les sens... s'abusent réci-
proquement. » I, 44. — « La raison nous commande bien plus impérieuse-
ment qu'un maître. » I, 70. — « La raison s'offre (pour règle), mais elle est
ployable à tous sens. » I, 98. Cf. II 89. — « Humiliez-vous, raison impuis-
sante! » I, 114. — Il faut que la raison s'appuie sur la connaissance des pre-
miers principes. I, 119. — La raison n'est pas seule capable de nous ins-
truire. Ibid. — « La raison rend les sentiments naturels, et les sentiments
naturels s'effacent par la raison. » I, 120. — Guerre intérieure de la raison
contre les passions : ses effets. Ibid. — Dans l'examen de ce point : Dieu
est ou il n'est pas; de quel côté pencher? La raison n'y peut rien détermi-
ner. I, <49. — « Votre raison n'est pas plus blessée... en choisissant l'un
que l'autre. » I, 150. — Une infinité de choses surpassent la raison I, 193.
— « Soumission et usage delà raison, en quoi consiste le vrai christianisme. »
Ibid. et II, 200 Voy. Religion. — ce Deux excès : exclure la raison, n'ad
mettre que la raison. » I, 194. — Faiblesse de la raison pour persuader le»
vérités de la religion. II, 89. — « Toutes les religions et les sectes du
monde ont eu la raison naturelle pour guide. » II, 106. — Différence de la
1. S. Augustin, Serm. CXLI; t. V, p. 683, E de l'édit. des Bénédictins. Le texte est: Quod
eurtositate invenerunt (philosoptn), superbia perdiâerun'. Voir aussi les Confessions, V, 3.
T\BLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 67
raison et du sentiment, par rapport a la foi. II, 100. — <• Instinct et raison,
marques de deux natures. » il. Loi. — « L'homme n'agit poinl parla raison,
qui tait son être.» Il, 185. — « Que j'aime à voir cette superbe raison humi-
liée et suppliante, a II, 1,*>7. Cf. t, i:\wi. •< La Corruption de la raison
parait par tant de différentes et extravagantes moeurs. » 11. 168. — On a
>ppOSé sans fondement la raison et l'amour. II, 259. Voy. AMOUR. — La
aiaon seule • lieu de connaître des sujets qui tombent. SOU 8 le sens ou sous
e raisonnement. 11. "207. — Raisons. « On se persuade mieux par les raisons
ju'on a soi-même trouvées. » I, 99. — Inutilité «les raisons naturelles pour
prouver ou Dieu ou l'immortalité de lame, etc. 1, 155. — a Le cœur a ses
raisons, que la raison ne connaît point. » 11, 88. — Les raisons de ce qui
l'abord agrée ou choque ne viennent qu'après. II, 162. Voy. Roannez (M.dk).
— Raison pourquoi Figures. 1, 209. note 4. — Raisons des effets. 1, 60,
notes 2, 3, 4; 64, note 3; II, 124, note 2: 124, note 5. Cf. 1, 63; IL 121, —
Raisons pourquoi on ne croit point. 11, 74, noie 2.
Raisonnable. « Il n'y a que deux sortes de personnes qu'on puisse appe-
ler raisonnables : ou ceux qui servent Dieu de tout leur cœur,... ou ceux qui
le cherchent de tout leur cœur. » I, 142. — Voy. Raisonnement.
Raisonnement. « Tout notre raisonnement se réduit à céder au sentiment. »
I, 98. — Les choses de raisonnement. I, 106. — Le raisonnement n'a point de
part à la connaissance des premiers principes. 1, 119. — « Toutes les autres
(connaissances) ne peuvent être acquises que par le raisonnement. » I, 120. —
Raisonnement supposé de celui qui doute par profession et par vanité. « Com-
ment se peut-il faire que ce raisonnement-ci se passe dans un homme raison-
nable? » I, 139. — Présomption insupportable dans des raisonnements sur
Dieu, fondés sur une humilité apparente qui n'est ni sincère ni raisonnable.
I, 189. — Le raisonnement, ne mène pas à la foi. II, 158.
Raisonner. Pourquoi nous nous fâchons de ce qu'on dit que nous raison-
nons mal. 1, 63. — Ceux qui sont accoutumés à raisonner par principes ne
comprennent rien aux choses de sentiment. I, 106.
Ramassé. « Elle est toute ramassée en soi : elle est loi, et rien davantage. »
1,39.
Ramasser (se), pour, se recueillir. « Je me rainasse dans moi-même, et je
trouve, etc. » II, 339.
Rang. « L'homme ne sait à quel rang se mettre. » I, 121.
Ranger a (se). I, 114.
Rapport. Avoir rapport à. I, 6, 7, 149.
Rapporter, pour, se rapporter. « L'amour pour soi-même serait fini et
rapportant à Dieu. » 11, 242.
Ratière. Saint Paul parle du mariage aux Corinthiens d'une manière qui
est une ratière. II, 184.
Ravir. Voy. Discours, RoyAUME.
Réalité. « Au prix de la réalité des choses. » I, 1. = La réalité et la
figure. II. 3.
Rebut. " Gloire et rebut de l'univers (l'homme). » I, 114. — « Dans le
dénûment et dans le rebut des hommes. » II, 337.
Réception. Voy. Recevoir.
Recevoir. Si les Juifs reçoivent Jésus-Christ, ils le prouvent par leur
réception. I, 210. Voy. Renoncer. — «Les (Juifs) saints le reçoivent, et non
les charnels. » II, 40. Voy. Refuser. — a 11 est visible que ce n'est que sa
vie qui les a empêchés de le recevoir. » II, 41. = Recevoir des difficultés.
I, 51. Voy. Pykrhus. — Recevoir des différences. II, 253. == Recevoir, pour,
prendre (au figuré). « Je ne sais comment vous aurez reçu la perte de vos
lettres. » II, 331.
Recherche. « La recherche des choses. » I, 80. — Voy. Repos, Science.
— Recherche du vrai bien. II, 156, note 1.
Rechercher de, avec l'infinitif. I, 116.
Recolx. « Comme égaré dans ce recoin de l'univers. » I, 175.
Récompense. « Ridicule de dire qu'une récompense éternelle est offerte à
des mœurs escobartines. » II, 117.
Rédempteuk. La religion chrétienne consiste proprement au mystère du
Rédempteur, qui, unissant en lui les deux natures, a retiré les hommes de la
corruption du péché pour les réconcilier à Dieu en sa personne divine. I, 176-
177. — « Il n'y a de rédempteur que pour les chrétiens. » I, 211. — « Je
68 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
bénis tous les jours de ma vie mon rédempteur. » II, 119. — « Jésus-Christ
rédempteur de tous. » Oui et non. 11, 158.
Rédemption. Preuves de la corruption et de la rédemption. 1, 188. — Le
monde instruit les hommes et de leur corruption et de leur rédemption.
11, 48. — « 11 n'est pas juste que tous voient la rédemption. » II, 90. —
Figures de la totalité de la rédemption. 11, 158. — Figures de l'exclusion de
la rédemption. Ibid.
Redresser, pour, corriger, remettre dans la bonne voie. 1, 141.
Réel. « Il faut de l'agréable et du réel. » I, 104. Voy. Vrai.
Refuser. « J'aurais refusé la religion de Mahomet, etc. » 1, 198. — « Les
Juifs le refusent (Jésus-Christ), mais non pas tous. » 11, 40. Voy. Recevoir.
Réfusion. Une réfusion d'amour. II, 246.
Règle. La règle des partis. Voy. Paiiti. — « Les seules règles univer
selles sont les lois du pays aux choses ordinaires, et la pluralité aux autres. >
1, 71. — Des règles en critique. 1, 98. — La règle et l'exception. 1, 99. -
Règle pour les miracles. 11, 67. — Les chrétiens ont été astreints à prendre
leurs règles hors d'eux-mêmes, et à s'informer de celles que Jésus-Christ a
laissées aux anciens. II, 106. — « La règle est l'honnêteté. » II, 125. — S'il
y a des règles pour plaire. II, 299. Voy. Plaire. - Règles de l'art de per-
suader. II, 301.
Règlement. Le règlement de la pensée. I, 11.
Régler. « Comme pour régler un hôpital de fous. » I, 86. Voy. Aristote.
Règne. « Pour éclater dans son règne de sainteté. » II, 16.
Reine. La reine de Suède. Voy. Roi. = Reines de village. I, 104. Voy.
Sonnet.
Relâché. Voy. Opinion.
Religieuses. Voy. Port-Royal. = Religieuse de Pontoise guérie d'un
mal extraordinaire par une dévotion à la Sainte-Epine. II, 342.
Religieux. Voy. Corruption.
Religion. Rien heureux ceux à qui Dieu a donné la religion par senti-
ment de cœur. I, 120. — Marques de la vraie religion. I, 136, 169-170: II,
68, 77. — De quelle manière agissent ceux qui s'en instruisent avec négli-
gence. I, 137. « Il est glorieux à la religion d'avoir pour ennemis des
hommes si déraisonnables. » 1, 140. — La religion nous oblige de regarder
toujours les impies, tant qu'ils sont en cette vie, comme capables delà
grâce. 1, 142. — « Les chrétiens professent une religion dont ils ne peuvent
rendre raison. » I, 149. Voy. Preuve. — C( Nulle religion (que la nôtre) n'a
demandé à Dieu de l'aimer et de le suivre. » I, 169. — Est la seule propor-
tionnée à tous, aux habiles et au peuple. I, 170. — La seule qui ait ensei-
gné que l'homme naît en péché. I, 171. — A toujours subsisté sur la terre.
I, 172, 174, 175; 11. 157. — « Je vois plusieurs religions contraires, et par-
tant toutes fausses, excepté une. » I. 175. — La religion chrétienne a des
prophéties. Ibid. — La seule religion contre la nature, contre le sens com-
mun, contre nos plaisirs Ibid. — Consiste en deux points et enseigne deux
vérités. I, 176. — Rlasphémée par ceux qui la connaissent mal. Ibid. — En
quoi elle diffère du déisme. Ibid. Voy. Déisme. — Résumé des preuves de la
religion. I, 177. — La religion chrétienne est la seule qui satisfasse aux
conditions d'une véritable religion. I, 182, 187. — La véritable religion peut
seule nous enseigner les remèdes à nos impuissances et à nos faiblesses, et
les moyens d'obtenir ces remèdes. 1, 182-185. Cf. Il, 16*. — « Toutes ces
contrariétés, qui semblaient le plus m'cloigner de la connaissance de la reli-
gion, est ce qui m'a le plus tôt conduit, à la véritable. » I. 186. — « Si on
soumet tout à la raison, notre religion n'aura rien de mystérieux et de sur-
naturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde
et ridicule. » I, 193. — « Je vois la religion chrétienne fondée sur une reli-
gion précédente. » 1, 198. Cf. II, 42. — Les religions de Mahomet, de h.
Chine, des anciens Romains, des Egyptiens, n'ont ni morale ni preuves, e
doivent être refusées également. I, 198. — Deux sortes d'hommes en chaqut
Teligion. I, 211. — Religion païenne, mahométane, juive. 11, 41. Voy. Fon-
dement. — Obscurités de la religion. II, 47, 89. — Religion des Juifs. Il, 56,
61. Voy. Juifs. — « Fondement de la religion. C'est les miracles. » II, 73.
— Les hommes ne se fussent pas imaginé tant de faites religions, s'il n'\
en avait une véritable. II, 75-75, — Religion des sauvages. Il, 76. — « Vou-
loir mettre la religion dans l'esprit et dans le cœur par la force
et par les menaces, ce n'est pas y mettre la religion, mais la terreur. » U
fABLK ANAL1 HQUE ET LEXIQUE. 66
88. Voy. Conduite. — « 11 faut avouer que la religion chrétienne a quel-
que chose d'étonnant. » II, 88. - Deux manières «le persuader les vérités de
l.i religion : la force de la raison et l'autorité de celui qui parle. II. 88-89.
La vérité de la religion se prouve suffisamment par son seul établissement.
II. 04. Comment il faul guérir les hommes du mépris, de la haine et de
la peur qu'ils ont à l'égard de la religion. II. 180. — « La pureté d<> la reli-
gion est contraire à nos corruptions. » 11, 117. — « Sur ce que la religion
chrétienne n*esl pas unique. » 11. 12'A. — Elle n'esi pas certaine. [I, 124. —
Comment se conservent les fausses religions, et In vraie même, à l'égard de
beaucoup de gens. [I, i:>:>. — « Nulle secte ni religion n'a toujours été sur
la terre, que la religion chrétienne. » II, lf>7. — « Il n'y a que la religion
chrétienne qui rende l'homme aimable et heureux tout ensemble. », Jbid. —
a Notre religion est sage et folle. » II, 160, 200. — Grandeur de la religion.
11, W2U). = Religion catholique. Ne commande de découvrir le fond de son
cœur qu'à un seul homme, I, 27. Voy. Confession.
Reliques. Pourquoi nous honorons les reliques des morts. 11, 241. — Ce
qui rend les reliques des saints si dignes de vénération. II, 343.
Reluire, au figuré. Il, 48.
Remède. Voy. Religion.
Remplir. Voy. Capacité, Egaler, Inondation, Place, Plaisir, Vide.
Remuement. Les hommes aiment le bruit et le remuement. 1, 49. — Sentir
des remuements. II, 257.
Remuer (se). « Quand tout se remue également, rien ne se remue en appa-
rence, » I, 77.
Renoncer. Si les Juifs renoncent Jésus-Christ, ils le prouvent par leur
renonciation. I, 210. Voy. Recevoir. — « Je l'ai fui, renoncé, crucifié. » I, cvil.
Renonciation, pour renoncement. « Renonciation totale et douce. »
I, GVH.
Renouvellement. «Le renouvellement des pensées et des désirs cause
celui des discours. » II, 331. Cf. II, 341. Voy. Nouveau.
Renversement. « Renversement continuel du pour au contre. » I, 00. —
« Un étrange renversement dans la nature de l'homme. » I, 141. — « Un tel
renversement de la nature (au dernier jour). » II, 47.
Répandre. « Répandre on verser, selon l'intention. » II, 178.
Réparateur. « Qu'il y a un réparateur. » II, 60. — Jésus-Christ est le
réparateur de notre misère. II, 63. Cf. I, cxxxiii.
Répétitions. Les répétitions de mots ne sont pas toujours fautes. I, 102-
103.
Repos. Un instinct secret porte les hommes à y tendre par l'agitation. 1, 50-
M. — Après les obstacles surmontés, le repos devient insupportable. I, 51. Cf.
.1, 154. — « Rien ne donne le repos que la recherche sincère de la vérité.
j, 97. Voy. Conscience. — Le repos entier est la mort. » II, 150.
Reposer. Reposer en paix dans la foi. I; 197. — Voy. Esprit (le Saint).
Répréhension. Quand le juste reprend ses serviteurs, il prie Dieu de les
corriger, et attend autant de Dieu que de ses répréhensions. Il, 161.
Reprendre. Manière de reprendre avec utilité. I, 78.
Représenter, pour, figurer. II, 341. = Pour, remontrer. 143 : II, 340.
Réprobation. Des Juifs. II, 57, 191. — Du temple. II, 192. = De Joseph
par ses frères. II, 2.
Reproche. « Des témoins sans reproche. » II, 41. Voy. Irréprochable.
Reprocher. Reprocher de ce que. . 1, 10.
Reproduire. Voy. Produire.
Réprouvés. Justice de Dieu envers les réprouvés. I, 153. — « Jésus-Christ
sauve les élus, et damne les réprouvés, sur les mêmes crimes. » II, 2. — Dans
les marques que Dieu donne de soi, il y a assez d'obscurité pour aveugler les
réprouvés, et assez de clarté pour les condamner. II. 48. — Les réprouvés
ignoreront la grandeur de leurs crimes. II, 98. — Voy. Rome, Ruine.
République. Pascal disait que, dans un Etat établi en république, comme
Venise, c'était un grand mal de contribuer à y mettre un roi. 1, lxxxv. —
« Deux lois suffisent pour régler toute la république chrétienne, » II, 94. —
« La république chrétienne, et même judaïque, n a eu que Dieu pour maître. »
II, 203. = La république, pour, l'Etat. Il, 352. — République. II, 203.
note 1.
Répudier. Voy. Synagogue.
70 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE
Répugnance, pour, contradiction. I, cxxxvi 1,
Répugnant, pour contradictoire. « Un grand nombre de vérités et de foi
et de morale, qui semble répugnantes. » II, 91.
Réputation. Voy. Dispenser.
Résider. II, 341, 343.
Résolution. Epictète veut que l'homme cache ses bonnes résolutions : rien
ne les ruine davantage que de les produire. I, cxxiv. = Au sens chrétien. La
résolution des martyrs : comment elle peut former la nôtre. Il, 97.
Respect. « Le respect est: Incommodez-vous. » I, 63. — Cordes qu'attache
ou qui attachent le respect. I, 88, 89. — Recevoir des respects. 11, 351. —
Respects d'établissement dus aux grandeurs d'établissement : respects naturels
dus aux grandeurs naturelles. II, 354.
Ressemblance. Deux visages semblables font rire par leur ressemblance.
I, 106.
Ressentiment, pour, sentiment. « Qui vient du ressentiment de leurs
misères continuelles. » I, 50. — « Ce n'est pas que je souhaite que vous soyez
sans ressentiment (c-à-d. insensibles). » II, 244.
Ressentir (se), pour, avoir du ressentiment, s'offenser. « Se ressentir d'un
soufflet. » I, 65.
Resserrer. « IL y a des passions qui resserrent l'âme. » II, 259.
Ressusciter. « Quelle raison les athées ont-ils de dire qu'on ne peut res-
susciter ? » II, 97.
Résurrection. « Qu'ont-ils à dire contre la résurrection ? » II, 96.
Réussir, pour, sortir, résulter {riuscire). « De tous les corps ensemble, on
ne saurait en faire réussir une petite pensée. » II, 16 2. = Réussir mal. I, cxxxvi.
Revancher (se). I, 42.
Revenir. « Etant revenu à soi. » I, 2.
Rêver. Voy. Songe.
Révérence. « Révérence parler. » I, 85.
Riches. Explication par saint Thomas du passage de saint Jacques sur la pré-
férence des riches. II, 172.
Richesse. « Le propredela richesse est d'être donnée libéralement. » II, 176.
= Les richesses qu'on tient des ancêtres ont été acquises ou conservées par
mille hasards. II, 351.
Ridicule. La morale de la religion juive est ridicule, dans la tradition du
peuple. II, 41. Voy. Récompense.
Rire. Voy. Pleurer.
Rivière. « Les rivières sont des chemins qui marchent. » I, 106. Voy.
Justice.
Roannez (M. de). Observation de Pascal sur le mot de M. de Roannez : Les
raisons me viennent après, etc. II, 162.
Roannez (Mlle de). Extraits Je neuf lettres que Pascal luiécrivait. 11,327-343.
Robe. Voy. Docteur, Magistrat, Pédant.
Roi. Les rois n'ont pas l'habit seulement, ils ont la force. I, 34, 36. Voy.
Imagination. — Misère d'un roi réduit à lui-même. I, 49, 53. — Ce qui fait que
le visage des rois, mêmeseul, imprime le respect et la terreur. I, 61. — Leur
puissance est fondée sur la raison et sur la folie du peuple. I, 61-62. — Enfant
roi. I, 65. Voy. Cannibales. — Les rois, parce qu'ils ont la force d'ailleurs,
ne suivent pas la pluralité de leurs ministres. I, 71. — « Qui aurait eu l'amitié
du roi d'Angleterre, du roi de Pologne et de la reine de Suède, aurait-il cru
pouvoir manquer de retraite et d'asile au monde? » I, 81. — « Les princes et
les rois ne sont pas toujours sur leurs trônes: ils s'y ennuient. » I, 84. — « Les
rois de la terre s'unissent pour abolir cette religion naissante. » II, 25. — « Roi,
tyran. » II, 205. — Différence entre les rois de la terre et le roi des rois. II,
335. Voy. Prince. — « Il faut parler aux rois à genoux. » II, 354.
Romains. Religion dan anciens Romains. 1, 198. Cf. 1, 172. — Voy. Evangile,
Législateur.
Rome. Principale église de Jésus-Christ. II, 25. — « Que Jérusalem serait
1. Dans les Provinciales, lr« Lettre : Vous y verriez une répugnance et une contradiction
•1 grossière, que vous aurez peine à me croire. »
2« Voyons ce qui pourra de ceci 7'éussir.
Molière, Le Tartufe, a. Il, 80. 4.
TABLE ANALYTIQUE BT LÉXIQUÏ. 71
réprouvée, et Rome admise. » 11, £>S. a Si mes Lettres «ont condamnées à
Home, ce que j'y condamne est. condamné dans le ciel. » 11, ii8.
Roseau. « L'homme n'est qu'on roseau,... mais c'est un roseau pensant. »
1, 10. — Roseau pensant, 1, 11.
Roture, Roturier. Voy. Suisses.
Royaume. Saint Paul a appris au hommes que le royaume de Dieu ne con-
sistait pas en l.i chair, mais on l'esprit. 1, 200. — Le royaume de Dieu est
dans ses fidèles. U, 228. —Jésus-Christ a dit nue le royaume de Dieu Booffre
violence et que les violents le ravissent. 11. 35». — Voy. Charité, Concupis-
cence.
Royauté. « La royauté est le plus beau poste du monde. » I, 49.
Ruink. La ruine du temple réprouvé figure la ruine de l'homme réprouvé
qui est en chacun de nous. II, 34l.
Ruiner. « Ils ruinent les vérités aussi bien que les faussetés l'un de l'autre.»
1, cxxxrv. — « Elles (les passionsdc l'amour ei de l'ambition) s'affaiblissent l'une
l'autre réciproquement, pour ne pas dire qu'elles se ruinent. » 11, 251. — L'at-
tachement à une même pensée fatigue et ruine l'esprit de l'homme.» Il, 256.
Voy. Résolution.
Ruth. II, 51. — « Pourquoi le livre de Ruth conservé. » II, 198.
Saci (M. de). Entretien de Pascal avec M. de Saci. I, cxxi-cxxvm. — Pas-
cal se soumet entièrement à sa direction. I, cxxxm.
Sacrement. Vraie doctrine du Sa in I -S acre nient : commémoration de la croix
et de la gloire ; sacrifice et commémoration de sacrifice. II, 92.
Sacrificateur. Voy. Sacrifier
Sacrificature (ou Sacrification). U, 58.
Sacrifice. Les sacrifices et cérémonies dans l'ancien Testament, figures ou
sottises. 11,11». — «Que les sacrifices des païens seront reçus de Dieu, etqueDieu
retirera sa volonté des sacrifices des Juifs. » II, 58. — Sacrifice de Jésus-
Christ, continuel ou sans interruption. II, 238. — « Que ces sacrifices particu-
liers (de nos afflictions) honorent et préviennent le sacrifice universel où la
nature entière doit être consommée par la puissance de Jésus-Christ. »
II, 245.
Sacrifier. « Il devait (le Messie)... se sacrifier pour eux, et être une hostie
sans tache, et lui-même sacrificateur, etc. » II, 28. Cf. II, 27.
Sage. C'est parmi les plus sages que l'imagination a le don de persuader les
hommes. I, 31. — « Le ton de voix impose aux plus sages. » I, 33. — Les
sages unis avecles savants et les rois contre Jésus-Christ. 11,25. — Sages per-
sécutés pour avoir dit qu'il n'y a qu'un Dieu. II, 96. — Les sages ont pour
objet la justice. II. 199. = Notre religion est sage et folle. II, 160, 200.
Sagesse. La Sagesse (divine). Discours ou prosopopée où Pascal la fait parler.
I, 183-184 et 190. La grandeur de la Sagesse. U, 15, 16 et 20. — « La Sagesse
nous envoie à l'enfance. » II, 167. — Sagesse humaine. « La sagesse vous éga-
lera à Dieu, si vous voulez la suivre (disent certains philosophes). » I, 171. —
L'orgueil y règne. II, 199. Voy. Superbe. — Dieu seul la donne. Ibid. — Voy.
Stoiques.
Saint. « Saint, saint à Dieu. » II. 16. — « Pour faire d'un homme un saint,
il faut bien que ce soit la grâce. » 11,120. — Les saints : quels ilsétaient dans
dans le premierâge du monde. 1,172. —Les saints recherchent leur satisfaction
comme les hommes ordinaires, et ne diffèrent qu'en l'objet où ils la placent.
I, 205. Cf. II, 93. Voy. Félicité. — « Les saints ont leur empire, leur éclat,
etc. » II, 15. — Les saints étaient des hommes comme nous. II, 99-100. —
« L'ardeur des saints à rechercher et pratiquer le bien était inutile, si la
probabilité est sûre. » II, 120. — Sentence des saints sur la connaissance des
choses divines. II, 297. Voy. Charité. — Dieu n'abandonne pas les saints, même
dans le sépulcre. II, 343. Voy. Reliques.
Saint-Sacrement (le). II, 208.
Sainteté. « Une sainteté exempte du mal. » 1, 188. — L'ordre de sainteté.
II, 16. Voy. Règne. — Marque de sainteté. II, 77. — Maisons de sainteté. II,
342. Voy. Corruption. — Sainteté. II, 23, note 4.
Saison, pour, temps (tempestas). I, 101.
72
TABLE A N AL Y TIQUE ET LEXIQUE.
Salomon. Salomon et roi. II, 185. — Voy. Job.
Salomon de Tultie. (Louis de Montalte) . I, 101.
Salut. « Dieu a voulu... ouvrir le salut à ceux qui le chercheraient. » II, 47.
Sanctification. Voj. Oblation.
Sanctifier. Il faut deux choses pour sanctifier : peines et plaisirs. 11,336.
— Voy. Souffrance.
Sang. Voy. Goutte.
Santé. « J'ai fait un usage tout profane de la santé. » II, 223. — « Oui,
Seigneur, je confesse que j'ai estimé la santé un bien, etc. » II, 228.
Satisfaction. Voy. Saint. Piété.
Saturne. Voy. Lion.
Sauter. « Il (Montaigne) l'évitait(le défautd'une droite méthode), en sautant de
sujet en sujet. » I, 80. = « Elle y saute seulement (en parlant de l'âme.) »
I, 100. Voy. Toucher.
Sauvages. Les sauvages ont une religion : réponse à l'objection qu'on tire
de ce fait. II. 76. — N'ont que faire de la Provence. II, 166.
Sauveur. Un des attributs de Jésus-Christ. II, 27. Cf. I, 172.
Savant, (adjectif). « Ignorance savante, qui se connaît. » 1,44.
Savants. Voy. Curieux, Sage.
Savoir. Nous sommes incapables de savoir certainement et d'ignorer abso-
lument. I, 5. Cf. II. 157. — Savoir qu'on ne sait rien. I, 44. — « Les hommes
ne se piquent de savoir que la seule chose qu'ils n'apprennent point. » I, 80.
— « Seigneur, je sais que je ne sais qu'une chose : c'est qu'il est bon de vous
suivre, et qu'il est mauvais de vous offenser, etc. » II, 231.
Scandaliser (se.) « Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de
Jésus-Christ. II, 16.
Scaramouche. 11,165.
Scène. Voy. Sévérité.
Sceptre. Le sceptre éternellement en Juda, et ôté de Juda pour jamais.
II, 40, 51.
Schismatiques. « Un miracle parmi les schismatiques n'est pas tant à
craindre. » II, 78.
Schisme. Quand il n'y a point de schisme, et que l'erreur est en dispute, le
miracle discerne. » II, 78.
Scibili (deomni). Voy. De omni scibili.
Sciemment. « Et qu'en suite vous croyiez sciemment. » I, 185.
Science « Toutes les scienses sont infinies en l'étendue de leurs recher-
ches. » I, 3. — La maladie ôte la science. I, 41 . — « Les sciences ont deux
extrémités qui se touchent. » I, 44. — Sciences abstraites, ne sont pas propres
à l'étude de l'homme. I. 77. Voy. Etude. — Science des choses extérieures et
science des mœurs. I, 83. — Science sans zèle. II, 100. Voy. Zèle. — Sciences
universelles. II, 166. Voy. Morale — « Toutes les sciences qui sont soumises à
l'expérience et au raisonnement doivent être augmentées pour devenir par-
faites... Leur perfection dépend du temps et de la peine. » II, 268. — Progrès
des sciences » II, 271.
Séance. « Sa séance éternelle à la droite. » II, 237.
Sebonde. (Raymond de). Son apologie par Montaigne. I, cxxvii. Cf. II, 48.
Second. «Il faut qu'il (homme) trouve un second pour être heureux. »
, 2oo.
Seconde partie : Que Vhomme sans la foi ne peut connaître le vrai
bien ni la justice. I, 117, note 3.
Secousse. Les secousses de l'imagination. I, 33.
Secret. Le secret dans lequel Dieu s'est retiré. II, 329-330. = Le secret
d'entretenir toujours une passion. II. 257. — Voy. Noblesse.
Sectes. Montaigne et Epictète les deux plus grands défenseurs des deux
plus célèbres sectes du monde. 1, cxxxn = Source des erreurs de ces deux
sectes 1, cxxxm. Cf. 1,187. — « Toutes les sectes du monde ont eu la raison
naturelle pour guide. » II, 106.
Seigneur. Voy. Grand Seigneur.
Selon que, pour, a proportion que. II, 357.
Sem. I. 213.
Semaine. Les 70 semaines de Daniel. II, 29 et 36.
Semblant. « L'on ne peut presque faire semblant d'aimer, que l'on ne soit
bien près d'être amant... Il faut avoir l'esprit et les pensées de l'amour pour
ce semblant. » II, 261.
TAULE ANALYTIQUE Kl LEXIQUE. 73
Sénateur, pour, magistrat. « le parie la perte de la gravité de notre séna-
teur. » I, M
Si nèqi i: Voy. Sociute.
s. Les prophéties onl un sens caché el spirituel sous le charnel. I, 208.
— Toute la question est de savoir si elles onl deux sens II, 2. — « Le chiffre
à deux sens. » II, 1. a Pour entendre L'Ecriture, il tant avoir un sens dans
lequel tous les passages contraires s'accordent. » II, 7. = L'écriture a deux
srii^. II. 8,200. — H y a dans l'Ecriture deux sens parfaits, le littéral et le
mystique. II,J330.e=« Les sens reçoivent des paroles leur dignité. II, 105. —
'(Les mots diversement ranges fonl un divers sens. II, 77. Cf. » 1. 99. Voy.
Ei-ket. = « Sens commun. La religion chrétienne est la seule contre le sens
commun. I, 165. — Sens droit. Diverses sortes de sens droit. I, 95.
— Le bon sens. II, 157, note 1.
Sens (les). « Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême. » 1, 5. Voy. Trop. —
Illusion des sens. 1, 35. — « Ces deux principes de vérités, la raison et les
sens,... s'abusent réciproquement l'un l'autre. » I, 44. — « Cette même pipe-
rie qu'ils apportent à la raison, ils la reçoivent d'elle à leur tour. » I, 45. —
« Les appréhensions des sens. » I, 79. — Indépendants de la raison, et sou-
vent maîtres de la raison, emportent l'homme à la recherche des plaisirs. 1, 181.
— Voy. Pénitence.
Sensible. Voy. Foi, Qualité.
Sentence, pour, principe. « Dont ils ont fait une de leurs plus utiles sen-
tences. » II, 297. Voy. Saint.
Sentiment. I, cvi. — « Tout notre raisonnement se réduit à céder au sen-
timent. » 1, 98. — On ne peut distinguer entre la fantaisie et le sentiment.
lbid. — On se forme ou on se gâte le sentiment par les conversations. I, 100.
Voy. Esprit. — Ceux qui jugent par le sentiment... Les choses de sentiment.
I, 105, 106. — « La mémoire, la joie sont des sentiments, et même les propo-
sitions géométriques deviennent sentiments. » I, 120. — Les sentiments natu-
rels et la raison. Ibid. — Ma raison et le sentiment. II, 109. — « Il faut
mettre notre foi dans le sentiment. » Ibid. Voy. Foi.
Sentir. « Nous ne sentons ni l'extrême chaud ni l'extrême froid. » I, 5. —
« Les principes se sentent. » I, 119. — « Il sent alors son néant, son aban-
don,... son vide. » II, 154. — Voy. Souffrir.
Seoir . Seoir à la dextre ; seoir à la droite. II, 243. 244.
Séparer. <» Se séparer de Jésus-Christ.... Etre séparé de Dieu éternelle-
ment. » I, CVH.
Sépulcre de Jésus-Christ. II, 209, note 4.
Sérail. « Le grand Seigneur... dans son superbe sérail. » I, 34.
Sermon. Le magistrat qui rit au sermon. I, 32. — « Il y a beaucoup de
gens qui entendent le sermon de la même manière qu'ils entendent vêpres. »
F, 106.
Serpent. Voy. Adam.
Service. « Le service qu'on rend à Dieu. » II, 335. Cf. II, 336.
Servir. « Ceux qui servent Dieu de tout leur cœur. » I, 142.
Seul. « On mourra seul; il faut donc faire comme si on était seul. » l, 197
et 202.
Sévérité. « Dans la comédie, les scènes contentes sans crainte ne valent
rien,... ni les amours brutaux, ni les sévérités âpres. » I, 80.
Si. « Si ne marque pas l'indifférence. » II, 170. — « Si faut-il. » II, 160.
Sibylles. Leurs livres sont suspects et faux. 1, 201.
Siècle. « Siècle d'or. » I, 104 et 110.
Signe, pour, miracle. IL 78. — Voy. Livre.
Silence. « Il faut se tenir en silence autant qu'on peut, et ne s'entretenir
que de Dieu. » II, 105. — « Le silence est la plus grande persécution. » II, 117.
— « Le silence éternel de C9s espaces infinis m'effraie. » II, 153. — « En
amour, un silence vaut mieux qu'un langage... Il y aune éloquence de silence. »
II, 258.
Simple. Les personnes simples croient sans raisonnement : Dieu leur donne
l'amour de soi et la haine d'eux-mêmes. I, 194. — Les simples jugent par le
cœur comme les autres par l'esprit. 1, 195.
Sincérité des Juifs. I, 201, note 3.
Six. «Les six âges. Les six Pères des six âges. Les six merveilles, etc. »
II, 170. 6
Société (de Jésus). Voy. Inquisition.
ii. 2U
74 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Socrate. Socrate et Sénèque n'ont rien de persuasif pour consoler de la
mort. II, 237.
Soi. « Tout tend à soi. Cela est contre tout ordre... La pente vers soi
est le commencement de tout désordre. » II, 110. — Vivre en soi-même.
II, 168.
Soldat. Un soldat veut avoir ses admirateurs, 1. 25. — Différence
entre un soldat et un chartreux quant à l'obéissance. II, 105. Voj. Dépen-
dant. — « Le soldat espère toujours devenir maître, et ne le devient jamais. »
Ibid.
Soleil. Les cinq soleils des Mexicains. Il, 108. — Marche apparente du
soleil. II, 124. Cf. 1, 1. Voy. Copernic. = « Place au soleil. » I, 185.
Solitude, « Le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible. »
1, 49.
Sommeil. « Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous pensons veiller
n'est pas un autre sommeil un peu différent du premier, etc. ? » I, 113 et
135. Voy. Songe.
Songe. Diversité et effets des songes. I, 42. — «Alors on dit : Il me
semble que je rêve; car la vie est un songe un peu moins inconstant. » Ibid.
Cf. I; cxxix, 113 (notel).
Songer. « Le monde ordinaire a le pouvoir de ne pas songer à ce qu'il ne
veut pas songer... Mais il y en a qui n'ont pas le pouvoir... et qui songent
d'autant plus qu'on leur défend. » II, 153.
Sonnet. Ridicule d'un faux sonnet, 1, 103. — « Nous appelons les sonnets
faits sur ce modèle-là les reines de village. » 1, 104.
Sort. « Pour le choix de la condition, et de la patrie, le sort nous le
donne. » II, 16G.
Sohtiléges. 11 yen a devrais. 11,75.
Sortir. « L'ennui... ne laisserait pas de sortir du fond du cœur. » I, 51.
— « Il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, etc. » II, 155.
Sot. « Les plus sots de la bande. » 1, 51. — Mal à craindre d'un sot qui
succède par droit de naissance, I, 60. — En désobéissant à la raison on est un
sot. 1,70. — Les sots sont des amis inutiles. I, 87, Voy. Médire. = Sot pro-
jet. 1,80. — Dire des sots contes. II, 42. « Mais qu'est-ce que cette pensée?
qu'elle est sotte ! » II, 110. — Sots discours. II, 156.
Sottise. Dire des sottises par hasard et par faiblesse est un mal ordinaire;
mais en dire par dessein n'est pas supportable. I, 80. — Les chrétiens décla-
rent, en exposant leur créance, que c'est une sottise, stultitiam. 1, 149. —
Figures ou sottises. Il, II. Voy. Sacrifice. — « Ily ades choses claires trop
hautes, pour les estimer des sottises. » Ibid. — « Incapable de telle sottise...
Capable de sottise. » 11, 42.
Soufflet. Le vulgaire a raison de s'offenser d'un soufflet. I, 65.
Souffrance. « Aimez mes souffrances, Seigneur, et, que mes maux vous
invitent à me visiter. « 11, 229. — « Jésus-Christ a souffert et est mort pour
sanctifier la mort et les souffrances. » 11,238. Cf. 11, 230, 232.
Souffrir. Opposé à sentir. I, 5. = On souhaite la présence de sa maîtresse
par l'espérance de moins souffrir ; cependant, quand on la voit, on croit souf-
frir plus qu'auparavant. \i, 202.
S<»uler (se), (v Qu'il s'en soûle (des plaisirs des sens) et qu'il y meure. »
il, 10.
Soumettre. Se soumettre où il faut. 1,193. — « 11 est juste que la raison
0e soumette quand elle juge qu'elle se doit soumettre. » Ibid.
Soumission. « Soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur. ))I,cvii.
— « Soumission et usage de la raison, en quoi consiste le vrai christianisme. »
I, 193: il. 200. — «Les hérétiques nous reprochent cette soumission supersti-
tieuse. « Ibid. — « Ce n'est pas par les agitations de la raison, mais par la
simple soumission de la raison, que nous pouvons véritablement nous con-
naître. » II, 94. — Soumission. 1, 192, note 2.
Soupçon. Voy. Hérésie.
Souplesse. « Uni» souplesse de pensée. » 11, 252.
Sources des contrariétés. II, 6, note 2.
Soutane. Voy. Avocat, Médecins.
Soutenir. « Soutenir la piété jusqu'à la superstition. » I, 193. — « Si un
Dieu la soutient (la nature). » I, 197. — « S'il pouvait toujours les soutenir
(les pensées pures). » II, 251. — « Le sujet le plus propre pour la soutenir
(la beauté), cest une femme. » II. 254. — Voy. Suer. = Au neutre. « 11 les
TAULE ANALYTIQUE BT LEXIQUE. 75
prie de soutenir un peu avec lui. » II, 206. = Se soutenir, a L'amour se sou-
tient par l'esprit. » II, 888. Cf. II, 260.
Spécial* Voy. Ebpérance.
Sphère. « C est une sphère infinie, dont le centre est partout, la circonfé-
rence nulle part. » 1, 1 et 17.
Spirituel. « Le zèle pieux d'une dévotion spirituelle. 1, 138. — Sens
spirituel. I. 208. Voy. Prophétie. — lirandeurs spirituelles. II, 15.
SFIRITOSLLBMBNT. « Presque tous les philosophes confondent les idées des
choses, et parlent des choses corporelles spirituellement et des spirituelles
corporelleruent. » I, 8.
Spongia solis. I, 43, note 5.
Stoïque (adjectif). Voy. Vertu.
Stoï\)ies (stoïciens). * Les diverses sectes des stoïqueset des épicuriens. »
I, 187. Cf. I, 12. — Leurs principes sont vrais, mais leurs conclusions sont
fausses. II, 155. — « Ce que les stoïques proposent est si difficile et si vain! »
II, 178. — Pensent que tous ceux qui ne sont point au haut degré de sagesse
sont également vicieux. Ibid. — Stoïques. I. 118, note 2.
Stupidité. Voy. Jgnorance.
Style. Le style de l'Evangile est admirable. II, 39. — Remarques de style.
II, 154. Voy. Discours.
Subsister, pour, demeurer, persister. « Ceux qui subsistent dans le service
de Dieu. » IL 336.
Succéder (se). Voy. Opinion.
Succomber Voy. Plaisir.
Suède. Voy. Roi.
Suer. « Plusieurs n'en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer. »
1, 32. Voy. Précipice. = Au figuré. « Les autres suent dans leur cabinet pour
montrer aux savants qu'ils ont résolu une question d'algèbre qu'on n'aurait pu
trouver jusqu'ici. » 1, 5i.
Suffisance, pour habileté, talent. Voy. Avocat.
Suisses. S'offensent d'être dits gentilshommes, et prouvent la roture de
race. I, 62. Cf. 1, 89.
Suivre. Suivre une hypothèse. II, 38. — « Qu'on suive cela. x> Ibid. = Suivre
Dieu. II, 231. Voy. Savoir.
Sujet. « Donner sujet de croire. » II, 60. = Sujet propre à soutenir h
beauté. H, 254. Voy. Femme.
Summum jus summa injuria. I, 71.
Superbe, pour, orgueil. » Ces principes d'une superbe diabolique. » cxxv.
— « Ce qui le mène au comble de la superbe. » cxxxm. Cf. I, 170, 171, 177,
184, 186 (note 2), 187. — « Abaisser la superbe. » II, 48. — « Le lieu propre
à la superbe est la sagesse. » II, 199. — « Par une sainte humilité, que Dieu
relève au-dessus delà superbe. » II, 317.
Superbe (adjectif). « Les superbes. » I, 170. — Etre superbe. II, 199. Voy.
Superstitieux.
Superficie. Voy. Bras.
Superstitieux. « C'est être superstitieux, de mettre son espérance dans les
formalités; mais c'est être superbe, de ne vouloir s'y soumettre. » II, 106.
Superstition. Attendre de l'extérieur le secours est superstition. I, 170. —
« La piété est différente de la superstition Soutenir la piété jusqu'à la su-
ferstition, c'est la détruire. » I, 193. — Trop de docilité fait la superstition.
, 194; II, 159. Voy. Libertinagk.
Supposition. Diverses suppositions selon lesquelles il faut vivre dans le
monde. II, 95.
Suppôt. « Un homme est un suppôt. » II, 163. Cf. 1, 8 (note). Voy. Sujet.
Sur Esdras. II, 180, note 1.
Sur le miracle. II, 205, note 1.
Sur les confessions et absolutions sans marques de regret. II, 116,
note 1.
Surcroît. « Si le hasard l'a encore barbouillé de surcroît. » I, 32.
Surintendant. Qu'est-ce qu'être surintendant? I, 53.
Surnaturel. « Que si les choses naturelles la surpassent (la raison), que
dira-t-on des surnaturelles? » 1, 193. — « Un aveuglement surnaturel. » II, 111.
Surpayer. «■ Nous voulons avoir de quoi surpayer la dette. » I, 5. Voy.
Bienfait.
Surprendre, pour, saisir vivement. « La vie de tempête surprend, frappe
76 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
et pénètre. » II, 260i. = Pour, prendre par surprise. Ibid. = «Surpris, pour,
trompe Voy. Pape.
Susceptible. «Le peuple n'est pas susceptible de cette doctrine. I, 82.
Suspendre. « Elle (l'imagination) suspend les sens. » I, 31.
Suspendu. « Ils (les grands hommes) ne sont pas suspendus en l'air, tout
abstraits de notre société. » I, 79. — « Suspendus à tout. » I, 114. Voy. Pyr-
RHONIEN.
Symétrie. Ce que c'est, et sur quoi fondée. 11, 165 et 361. — Voy. Antithèse.
Synagogue. « Et cette synagogue qui est prédite, et ces misérables qui la
suivent. » I, 214 et 217. — La Synagogue, figure de l'Eglise. II, 2. — Pour-
quoi tombée dans la servitude. Ibid. — « Quel est ce libelle de divorce par
lequel j'ai répudié la Synagogue? » 11, 195.
Tableau, pour, image. « Un tableau de la charité. » II, 121. = Pour, des-
cription. « Ceux qui, après avoir peint, ajoutent encore, font un tableau, au
lieu d'un portrait.») II, 123. Voy. Portrait.
Tables (Les Douze). Empruntées de la loi des Juifs. I, 200.
Talent. « Talent principal qui règle tous les autres. » II, 178.
Talmud. Détails historiques sur le Talmud. II, 181-182. Cf. II, 41. —Cité.
II, 193.
Talon. « Talon bien tourné... Talon de soulier. » II, 166.
Tandis que, pour, aussi longtemps que. I, 212.
Tant plus, répété. II, 258.
Teindre. « Nous les teignons (les idées des choses) de nos qualités, et
empreignons de notre être composé toutes les choses simples que nous con-
templons. » I, 8. — « Afin de nous abreuver et de nous teindre de cette
créance . » I, 156.
Téméraire. L'homme est naturellement timide et téméraire. I, 121 ; F*. 175.
Témérairement, pour, au hasard [temere). I, 33.
Témérité. « La témérité du hasard. » I, 38.
Témoignage. De quel témoignage Jésus-Christ a voulu. II, 98. — Il veut
que son témoignage ne soit rien. Il, 159.
Témoins. Voy. Histoire, Reproche.
Tempérament, pour, ménagement. « Tant de détours et de tempéraments. »
I, 27,
Tempête. « La vie de tempête. II, 260.
Temple. « En faire (d'un peuple saint) le temple de Dieu2. II. 272. — Pré-
diction de la réprobation du temple. II, 192, 341. — Gloire du nouveau temple.
II, 197. — Voy. Port-Royal.
Temporel. « Le sens spirituel a été couvert sous le temporel en la foule des
passages. » 1. 208.
Temps, a Lt temps guérit les douleurs et les querelles. » I, 83. — « Le
temps ne vous dure guère... Que le temps me dure. » I, 98. — Le temps de la
venue du Messie. II, 22. Voy. Avènement. — Diverses définitions du temps.
II, 284. — Voy. Présent.
Temps (Beau). « J'ai mes brouillards et mon beau temps au dedans de moi. »
I, 84.
Tendresse, a J'ai une tendresse de cœur pour ceux à qui Dieu m'a uni plus
étroitement. » II, 119. — « Un prince chassé par ses sujets a des tendresses
extrêmes pour ceux qui lui demeurent fidèles. » II, 335.
Tendu. « Les manières tendues et pénibles. II, 307-308.
Tenir, pour, croire. « Je tiens impossible. & I, 7. = Se tenir à. « Nous ne
nous tenons jamais au temps présent. » I, 36.
Tenter. « Dieu tente, mais il n'induit pas en erreur. » II, 70.
Terbe. « Comme il était terre et cendre (Epictète).. . » cxxv. — « Que la
terre lui paraisse comme un point, au prix du vaste tour, etc. » I, 1. — « On
1. C'est là ce qui surprend, frappe, saisit, attache.
Boileau, Art Poét., m, 188.
2. Toy. S. Paul, / Cor. ni, 16-17 ; vi, 19 ; II Cor. vi, 16.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 77
jette enfin de la terre sur la tète, et en voilà pour jamais. » II, 112. = Au
figuré : « Malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu
embrasent I » U, 103. Voy. Concupiscence.
Terreur. Voy. Religion.
Terrorem potius (/><" >>> religionem. 11, 88.
Terti i i ii UN t'.ité. Il, ;537.
Testament. Preuve des deux Testaments 11,2. — L'Ancien n'est que figu-
ratif. Ibid. Cf. 11, 11. — Fait pour aveugler les uns et éclairer les autres. Il, 5.
— Les «leuv Testaments regardent Jésus-Christ, l'Ancien comme son attente,
le Nouveau comme son modèle ; tous deux connue leur centre. II, 18. — « L'An-
cien Testament, contenait les figures de la joie future, et le nouveau contient
les moyens d'y arriver. » II, 101.
Tète. On peut concevoir un homme sans tête : on ne peut concevoir l'homme
sans pensée. 1, 9. — Les grands hommes ont la tête plus élevée que nous,
mais ils ont les pieds aussi bas. 1, 79. Voy. Terre.
Thamar. II, 51, 19S.
Théologie. « La théologie est le centre de toutes les vérités. « 1, cxxxiv.
— « La nature peut parler de tout, et même de théologie. » I, 105. — « Les
f>oëtes ont fait cent diverses théologies. » I, 172. — C'est dans la théologie où
'autorité a la principale force. II, 207. — « Ses principes sont au-dessus de
la nature et de la raison. » Ibid. — Il faut avoir de l'horreur pour la malice de
ceux qui emploient le raisonnement seul dans la théologie. II, 208.
Théologien. Voy. Corruption.
Thérèse (Sainte). De son vivant, n'était qu'une fille. Il, 99. Voy.
Athanase (Saint). — Péril d'une grandeur telle que celle de sainte Thérèse.
H, 177.
Thomas (Saint). N'a pas gardé l'ordre. II, 174 et 2 19-220.
Tien. Voy. Mien, tien.
Timide. Voy. Téméraire.
Tintamarre. L'homme est sujet à être troublé par le premier tintamarre
qui se fait autour de lui. I, 40.
Tirer. Voy. Avantage, Cheveux, Evénement.
Tison. Comparaison tirée du tison de feu en mouvement, pour figurer l'agi-
lité de l'âme. I, 77.
Titre. « Les hommes ne sauraient avoir de titre pour montrer qu'il pos-
sèdent du bien par justice, car ils n'ont que la fantaisie des hommes. » I, 41.
— « Tout le titre par lequel vous possédez votre bien n'est pas un titre de
nature, mais d'un établissement humain. » II, 351-352. = Titres. Voy. Héri-
tier. — Titre. D'où vient qu'on croit tant de menteurs qui disent qu'ils
ont vu des miracles, et qu'on ne croit aucun de ceux qui disent qu'ils ont
des secrets pour rendre l'homme imnviv tel ou pour rajeunir. Il, 76, note 1.
Tomber. Au figuré. « L'homme est visiblement égaré, et tombé de son vrai
lieu sans le pouvoir retrouver. » I, 121. — « H y en aura tant qui tomberont
de la gloire. » II, 333. — « Afin qu'ils ne tombent pas d'un si grand bonheur,
et d'un si grand honneur que Dieu leur a faits. » II, 336. — Voy. Main, Néant.
Torrent. « Le torrent de l'incertitude. » I, cxxvi.
Totalité. Voy. Rédemption.
Toucher, pour, être près jusqu'à toucher. « Malgré la vue de toutes nos mi-
sères, qui nous touchent. » I, 25. = Au figuré : « En touchant l'homme. »
II, 175. Voy. Orgues. = Touché à. « Ces grands efforts d'esprit où Pâme
touche quelquefois. » I, 100. = Toucher (de la grâce), « Avant que l'on soit
touché, on n'a que le poids de sa concupiscence. » II, 331.
Tour, cercle. «Au prix du vaste tour que cet astre décrit. » I, i.
Tour, édifice : au figuré. » Pour édifier une tour qui s'élève à l'infini. »
I, 6 et 218.
Tous. Voy. Hérésie.
Tousser. « Les toussers. » II, 163. Voy. Le.
Tout. « Un tout. » I, 3. Voy. Corps, Infini (substantif). — Il importe donc
de tout. » I, 100. — « Il s'agit de nous-mêmes, et de notre tout. » I, 137. Cf.
I, 138. — '< Chacun est un tout à soi-même. » II, 153. — « Elle est toute le
corps de Jésus-Christ,... mais il ne peut dire qu'elle est tout le corps de Jésus-
Christ. » II, 201. Voy. Eucharistie. = Tout, exprimant le superlatif. « Il (Jésus-
Christ) a été tout, ce qu'il y a de grand et tout ce. qu'il y a d'abject ( c.-à.-d.
ce qu'il a de plus grand et ce qu'il y a de plus abject). » II, 2 3 S. Cf. II, 159»
Voy. Ce. — < On devient toute grandeur. » II, 260.
78 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Tracas. Nous cherchons le tracas, qui nous divertit. I. 49.
Tracasser. «Des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour. » 1,48.
Tradition. La tradition des livres saints, et la tradition du peuple. 11, 41.
— Voy. Adam, Déluge, Péché.
Train. « Le peuple et les habiles composent le train du monde. » 1, 44. »
■a « Suivre le train de leurs pères. » 11, 166.
Traiter. « On nous traite comme nous voulons être traités. » 1,28. = Trai-
ter de. « Ont traité d'une superbe ridicule ces sentiments de grandeur. » I, 171.
— « 11 se laissa traiter de roi. » II, 351. = Traiter avec. « Il traitait avec le
peuple... Il traitait avec soi-même. » Ibid.
Transir. « J'entre en une vénération qui me transit de respect. » II, 332.
Transporter. Voy. Discours.
Travailler (se). « En traitant avec mépris ceux qui se travailleront de ce
soin. » 1, 140.
Travers (a). « Les chrétiens hérétiques l'ont connu à travers son humanité. »
II. 330.
Trinité. Pascal n'entreprend pas de prouver la Trinité par des raisons
naturelles. 1, 154-155.
Trismégiste. Ses livres suspects et faux. I, 201.
Tristesse. Les bienheureux ont une joie sans aucune tristesse. H, 337. —
Tristesse des gens du monde, et tristesse des vrais chrétiens. Ibid. — Dans
la piété, la tristesse vient de nous et non pas de la vertu. 11, 338. — Mauvaise
tristesse, qui donne la mort, opposée à la tristesse qui donne la vie (S. Paul).
Ibid.
Trogne. « Ces trognes armées qui n'ont de mains et de force que pour eux
(pour les rois). » 1, 34 et 46.
Troie. « Personne ne doutait que Troie et Agamemnon n'avaient non plus
été que la pomme d'or. » I, 201.
Tromper (se). Ce que c'est. I, 78. — On ne veut pas s'être trompé. D'où
vient cela. Ibid.
Trompeur. Voy. Apôtres.
Tronc. Voy. Vice.
Trône. « Dans un de ces trônes où ceux qui auront tout quitté jugeront le
monde avec Jésus-Christ. » II, 332.
Trop. « Trop de bruit nous assourdit ; trop de lumière éblouit; trop de
vérité nous étonne. . . trop de plaisir incommode, etc. » 1, 5.
Trouble. Voy. Inquiétude.
Troubler. « Voilà ce que je vois et ce qui me trouble. » I, 197. — « Cet
homme qui... était ce matin si troublé. » I, 52.
Tultie. Voy. Salomon de Tultie.
Trouver. Trouver Dieu en soi-même. II. 228.
Tuer. « Pourquoi me tuez-vous? Eh quoi ! ne demeurez-vous pas de l'autre
côté de Peau ? » I, 70. = « La lettre tue. » II, 5. = Se tuer, au figuré. « Et
enfin les autres se tuent pour remarquer toutes ces choses. » 1, 51.
Tumultueux. « La vie tumultueuse est agréable aux grands esprits. »
II, 252.
Turcs. C'est la coutume qui fait les Turcs. I, 156. Cf. II, 166. — Réponse
à l'objection des impies, que les Turcs meurent et vivent comme les chrétiens.
II, 94-95. — Miracles qu'ils croient par tradition. 11, 108.
Tyran. C( C'est être faux et tyran de dire, etc. » I, 73. — Voy. Moi, Roi.
Tyrannie. « La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu'on ne peut
avoir que par une autre. » I, 72. — « Consiste au désir de domination univer-
selle et hors de son ordre. » I, 81. — Voy. Unité. — Tyrannie. 1,73, notel.
Tyrannique. « La force sans la justice est tyrannique. » I, 72. — « Ces
discours sont faux et tyra uniques. » Ibid.
Uni. « C'est une vie unie à laquelle il ne peut s'accommoder. » H, 251.
Unique. Sur ce que la religion chrétienne n'est pas unique. II, 123.
Unité. « L'unité jointe à l'infini ne l'augmente de rien. » I, 153. — Voy.
Euclide. = L'unité et la multitude. II, 120. — l'Eglise considérée comme
unité et comme multitude. II, 122. — « La multitude qui ne se réduit pas à
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 79
l*nnite est confusion; l'unité qui ne dépend pas de la mnltitnde est tyrannie.»
Ibid.
I mvkrs. d Qu'il y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firma-
ment, etc. » 1, 2 et 15-91 . — L'univers imperceptible (huis le sein du tout.
1, 3. — « Ce recoin de l'univers. » I, 176. — Voy. GàCH
Universel. Les seules règles universelles. I, 71. — Los cens universels.
1,74. — Qualité universelle. 1,75. — Sciences universelles. Il, 160. — Uni-
versel. Il, ltib\ note I .
Univoqbe. Lieux univoques. I, 208. Voy. Equivoque.
Usage. Voy. Raison.
Usurpation. « L'usurpation a été introduite autrefois sans raison, elle est
devenue raisonnable. » I. 39. — Commencement et. imago de L'usurpation de
toute la terre. I, 85.
Ut olim vitiis, sic nunc legibus laboramus . (Tac.) 1, 3K.
Utilité. Au pluriel. IJ, 246. Voy. Prévoyance.
Vaillant. Voy. Poltron.
Vain, pour léger, frivole (dans le sens du latin vanus) ; en parlant de per-
sonnes : I, 25, 36, 52, 60, 88. etc.: en parlant de choses : 1, 63, 6i.
Vaisseau. « On ne choisit pas pour gouverner un vaisseau celui qui est de
la meilleure maison. » I, 62. Voy. Bateau. — « Ceux qui sont dans un vais-
seau croient que ceux qui sont au bord fuient. » I, 70. Cf. I, 78. Voy. Dérè-
glement.
Valoir. Voy. Philosophie.
Vanité. Ancrée dans le cœur de l'homme. I, 25. = « Curiosité n'est que
vanité. » lbid. — Vanité de l'homme. I, 83. Voy. Vain. — Vanité des plai-
sirs. I, 84. — Vanité du monde. I, 87. — « Qui ne voit pas la vanité du monde
est bien vain lui-même. » I, 88. = Pour orgueil. Faire profession et faire
vanité, d'un état d'indifférence et de doute. I, 139. — « Us pouvaient bien
éviter la vanité, mais c'était en se précipitant dans le désespoir » I, 187. —
« H y a sujet d'en prendre quelque vanité. » II, 338. — Vanité. I, 87, note
3. — Vanité des sciences: 1, 83, note 2.
Vanter. L'objet que l'homme a dans ses plus grands travaux est de se
vanter ensuite. 1, 51. — Voy. Abaisser.
Variétés, pour variations. '< Incapable de telle et si soudaines variétés. »
I, 186.
Vaste. « Il (l'homme) a le cœur trop vaste. » II, 253. - Voy. Milieu,
Vour.
Venise. Du rétablissement des Jésuites à Venise. II, 205. — Voy. Répu-
blique.
Vent. Voyez Debout.
Venue. Voy. Allée, Messie.
Vêpre, pour soir. « Au temps du sacrifice du vêpre. » II, 29, note 5 t.em
Vêpres. Voy. Sermon.
Ver. « Imbécile ver de terre (l'homme). » 1, 114. — - « Avec combien peu
d'abjection un chrétien s'égale-fc-il aux vers de la terre! » I, 189.
Vérité. « Trop de vérité nous étonne. » I, 5. — « Nous haïssons la vérité,
et ceux qui nous la disent. » 1, 27. — Cette aversion pour la vérité est, dans
tous en quelque degré, parce qu'elle est inséparable de l'amour-propre. Ibid. —
« Nous haïssons la vérité, on nous la cache. » I, 28. — Ceux qui disent la
vérité se font haïr 2. Ibid. — « L'homme ne veut pas qu'on lui dise la vérité,
il évite de la dire aux autres. » Ibid. — « La justice et la vérité sont deux
pointes subtiles. » I, 35. — « Un méridien décide de la vérité. » I, 38. Voy.
Pyrénées. — « 11 ne faut pas qu'il sente la vérité de l'usurpation. » I. 39. —
Marque de vérité. I, 43-44. Voy. Contradiction. — Rien ne montre à l'homme
la vérité. 1, 44. — Le peuple pense que la vérité est où elle n'est pas. 1, 60. —
1. Ainsi dans Molière : « Je donne le bon vfipre à tonte l'honorable compagnie. » Lm
ctmtesse (FEscarbagnas, se. xvu.
%. Obsequium amicos, veritas odium parit.
Ter. Andr 1, 1, 43,
30 TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
Dans 'es disputes on aime le combat des opinions, non la conquête de la
vérité, I, 80. — «La vérité essentielle... est toute pure et toute vraie. »
l, 88. Cf. 1, cxxxiii. Voy. Production. — « Xous connaissons la vérité, non-
seulement par la raison, mais encore par le cœur. » 1, 119. — Nous sommes
incapables de ne pas souhaiter la vérité, et incapables de certitude. I, 120. —
« Il y aurait trop d'obscurité, si la vérité n'avait pas des marques visibles. »
[, 174. — Trois états de la vérité (du Messie), dans les Juifs, dans l'Eglise,
et dnns le ciel. 1, 210. — « La figure a été faite sur la vérité, et la vérité a été
"econnue sur la figure, » Ibid. — « La vérité ne s'altère que par le changement
les hommes. » 1. 212. — C( La figure a subsisté jusqu'à la vérité, » II, 2. —
Miracles du côté de la vérité. II, 72 Voy. Erreur. — « Ce n'est point ici le
pays de la vérité : elle erre inconnue parmi les hommes. » II, 78. — La foi
embrasse plusieurs vérités qui semblent se contredire. 11, 91-92. — La vérité
donne l'assurance. Il, 97, Voy. Repos. — « On se fait une idole de la vérité
même. » II, 116. — Elle n'est rien hors de la charité. Ibid. — Est toujours
plus ancienne que toutes les opinions qu'on en a eues. 11,273. — Trois prin-
cipaux objets dans son étude, II, 2/8. — Méthode de la prouver. 11,298-279. —
Vérités qui ne se peuvent démontrer. II, 288. — L'homme ne possède pas la
vérité directement. II, 290. — Les vérités divines, infiniment au-dessus de la
nature : Dieu seul peut les mettre dans l'âme. II, 296 297. — « On n'entre dans
la vérité que par la charité. » II, 297. Voy. Porte. — Combat de la vérité
et de la volupté. II, 299. Voy. Balancement. — « Il y a un art pour faire voir
la liaison des vérités avec leurs principes. » II, 300. — Voy. Eglise, Vivre. =
La vérité, ou, la vérité de Jésus-Christ, pour désigner le Jansénisme. II, 51.
80, 159 et 215, 335. — Fléaux de la vérité. II, 117. Voy. Inquisition.
Verjus. Voy. Vigne.
Vermisseau. « Un si chétif vermisseau (l'homme). » II, 318.
Vers, pour envers. « Elle est plutôt une action de Dieu vers la créature,
que de la créature envers Dieu. » II, 238 l.
Verser. Voy. Répandre.
Vertu. Comment on peint la vertu stoïque. I. cxxxn. — Vertus que nous
attachons à notre être imaginaire. I, 24. — « Je n'admire point l'excès d'une
vertu, si je ne vois en même temps l'excès de la vertu opposée. » I, 76. — Par
où doit se mesurer la vertu d'un homme. I, 76. — La vertu des bêtes se sa-
tisfait d'elle-même. I, 100. — « La vraie vertu et la vraie religion sont choses
dont la connaissance est inséparable. » I, 170. — Toute notre vertu est en
Jésus-Christ. 11,63. Cf. II, 173. Voy. Abomination. « La vraie et unique vertu
est de se haïr. » II, 105. — Nous ne nous soutenons dans la vertu que par le
contre-poids de deux vices opposés. II, 152. — « Les chrétiens ont consacré
les vertus. » II, 155. « Quand on veut poursuivre les vertus jusqu'aux
extrêmes, il se présente des vices qui s'y insinuent, etc. « II, 162-163, —
Comment les passions sont vertus. II, 172. — Toutes les vertus sont inutiles
hors del'Eglise. 11,328. = Vertu, pour, force. Vertu apéritive, attractive. II,
178. — « Par la vertu de cet esprit qui réside en eux. » II, 250.
Vespasien. Ses miracles. II, 126. — Vespasian. II, 179.
Vice. « Il y a des vices qui ne tiennent à nous que par d'autres, et qui, en
ôtant le tronc, s'emportent comme des branches. » I, 73. — Vices des grands
hommes. I, 79. — Le vice nous est naturel; il résiste à la grâce surnaturelle.
II, 115. — « Les philosophes ont consacré les vices, en les mettant en Dieu
même. » H, 155. — « Vices et vertus. II, 162-163. — Quand les passions sont
vices. II, 173. Voy. Vertu.
Victime. Victime de Dieu, victime du diable. II, 237.
Victoire. Voy. Combat
Victorieux. « Qu'il serait victorieux de ses ennemis. » H, 27. — « La der-
nière devient victorieuse de l'autre. » II, 261 2.
1, Ce monarque, en un mot, a vers vous déteatô
Sa lâche ingratitude et sa déloyauté.
Molière, Le Tartufe, a. V, so. S*
2. Ménage, sur Malherbe (2* édit., p. 256), a traité de l'emploi du mot victorieux avec
de, et entre autres exemples, il cite cette expression de Balzac (dans «a consolation au
Cardiu'-il de La Valette), l'ennemi (t Je victorictix des Barbares.
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE. 81
Vide. Question du vide. I, 35. — Le vide employé à prouver Dieu. I, 551.
— Contre la prétendue horreur du vide. Il, 205. Cf. II, 262-273. — Fragment
d'un Traité du vide. Il, 266-273, = Au figuré. Vide dans le cœur de l'homme.
« Il sent alors son néant, son abandon,... son vide. » II, 154. — « Dans le
vide une l'amour de Dieu a quitté. « II, 242. — « L'homme cherche de quoi
remplir le grand vide qu'il a fait en sortant de soi-même. » II, 253. — « Ne
aléser naitre aucun vide dans l'esprit. » II, 257. — Faire une place vide dans
s >u cœur. II, 256.
Yik. « Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous :
nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire. » I, 2k —
Nous perdons la vie avec joie, pourvu qu'on en parle. » I, 25. — « La vie
humaine n'est qu'une illusion perpétuelle. » I, 28. — h La vie est un songe
nn peu moins inconstant. » I, 42. Cf. I, 113. — Brièveté de la vie. I, 139. —
« La vie est la chose du monde la plus fragile. » I, 143. Voy. Entre-deux. —
Image de la vie humaine. Ibid. Voy. Cachot. — La vie religieuse : rien
n'est si difficile selon le monde; rien n'est plus facile que de la passer selon
Dieu. II, 101. — La vie des chrétiens considérée comme un sacrifice con-
tinuel, qui ne peut être achevé que par la mort. II, 237. — Amour pour
la vie naturel et donné à l'homme par Dieu. II, 243. — « Une vie unie. » II,
251. — « La vie humaine est misérablement courte. » Ibid. — Le chrétien
souhaite la mort, en souffrant néanmoins de bon cœur la vie pour l'amour de
Celui qui a souffert pour nous la vie et la mort. II, 33 i. — Vies brutales,
où plusieurs personnes de condition se laissent emporter. II, 356. — Voy. Cet,
Vivre.
Vieil. « Trop vieil. » I, 30, 84. — « Le vieil homme; notre vieil homme.
II, 332, 341.
Vierge (La). Les Évangiles ne parlent de sa virginité que jusqu'à la nais-
sance de Jésus-Christ. II, 18, — Enfantement de la Vierge expliqué par la
poule qui fait des œufs sans coq. II, 97.
Vigne. « Par cette raison que la vigne élue ne donnerait que du verjus. »
II, 24. Cf. II, 188.
Violence. Violence amoureuse que Dieu fait à l'âme. II, 115, 334, 341. —
Voy. Royaume.
Visible. « Tout ce monde visible. « I, 1. — L'étendue visible du
monde nous surpasse visiblement. I, 4. — « Visible, pour évident, mani-
feste. « Il est visible que, etc. » II, 335. — « C'est une injustice visible. »
II, 353.
Vivre. • Nous voulons vivre dans ridée des autres d'une vie imagi-
naire. » I, 24. — Nous ne vivons jamais, nous espérons de vivre. » I, 7.
— « Si c'est un aveuglement surnaturel de vivre sans chercher ce qu'on est,
c'en est un terrible de vivre mal en croyant Dieu. » II, 111. — « Il a fallu
que la vérité soit venue, afin que l'homme ne vécût plus en soi-même. »
II, 168. — « On ne pense presque jamais à la vie présente et à l'instant où
l'on vit, mais à celui où l'on vivra. De sorte qu'on est toujours en état de
vivre à l'avenir et jamais de vivre mainienant. » H, 339. — Voy. Suppo-
sition.
Vocation. « Hommes naturellement couvreurs, et de toutes vocations, hor-
mis en chambre. » l, 36. — « Ceux qui n'avaient pas vocation. » II, 98. — « H
ne faut pas examiner si on a vocation pour sortir du monde, mais seulement
si on a vocation pour y demeurer. » II, 342.
Voguer. « Nous voguons sur un milieu vaste. » I, 5.
Voie. La voie parfaite. II, 24. — « Ceux qui entreront dans la bonne voie
trouveront des troubles et des inquiétudes en grand nombre. » II, 336.
Voy. Lait (la Voie de).
Voile, au figuré. « Sous le voile de la nature qui nous le couvre (Dieu). »
II, 329. — « Toutes choses sont des voiles qui couvrent Dieu. » II, 330. —
Voy. Ecriture.
Voir. « Pour connaître qu'on a perdu, il faut voir et ne voir pas. » II,
Ou.
Voix. « Le ton de voix impose aux plus sages. » I, 33.
Voler, pour, s'élever. « Pourquoi ils (les hommes) ne peuvent voler plus
haut. » II, 169.
Voleurs. Voy. Hérétique.
Volonté. « La volonté est un des principaux organes de la créance. I, 41.
— La volonté aime naturellement. I, 99. La volonté ne fait jamais
82
TABLE ANALYTIQUE ET LEXIQUE.
la moindre démarche que vers cet objet (d'être heureux). >• J, 116. — La cupi-
dité et la charité partaient les volontés des hommes. 1, 209. — « Dieu veut
plus disposer la volonté que l'esprit. » II, 48. — On ne peut, être plus heureux
qu'en renonçant à sa volonté propre. Il, 105. — « Si les pieds et les mains
avaient une volonté particulière, jamais ils ne seraient dans leur ordre qu'en
la soumettant à la volonté qui gouverne le corps entier. » II, 113. — « La
machine d'arithmétique... ne fait rien qui puisse faire dire qu'elle a de la
volonté, comme les animaux. » II, 118 et 361. — L'entendement et la volonté.
II. 296. Voy. Entrée. = La volonté de Dieu. Il faut juger de ce qui est bon ou
mauvais par la volonté de Dieu, et non par la nôtre. 11,93 *. — Conformer sa
volonté à celle de Dieu. II, 231-232. — « La volonté de Dieu est accomplie
en lui. » II, 240. — Les péchés y sont contraires. Il, 335. — Les événements
nous la découvrent. Ibid. Cf. II, 175. — Voy. Sacrifice.
Volubilité. « Rien n'arrête la volubilité de notre esprit. » II, 104.
Vouer. ■
240.
Vouloir.
Voyager
en parler. I
Sa vie était vouée à Dieu.. . Il a donc fait ce qu'il avait voué. »II,
Le vrai chemin est de vouloir ce que Dieu veut. II, 158 l.
On ne voyage pas sur la mer pour le plaisir de voir, mais pour
, 25-26.
Vrai. Le vrai et le bien, selon Montaigne, sont si peu solides, que, quelque
peu quon serre les mains, ils s'échappent entre les doigts. I, cxxxi. —
« Nous sommes incapables et de vrai et de bien. » I, 41. — « Rien n'est
purement vrai ; et ainsi rien n'est vrai, en l'entendant du pur vrai. » I, 88.
Voy. Ici. — Il faut que l'agréable soit pris du vrai. I, 104. — « Nous n'avons
aucune idée du vrai. » 1, 113. — « Vous avez deux choses à perdre, le vrai et
le bien. ■>■> 1, 150. — Le vrai a toujours été dans l'Église. I, 174. — « Le
pyrrhonisme est le vrai. » IL 89. Cf. II, 155. Voy. Principe. — « 11 y a bien
des gens qui voient le vrai, et qui n'y peuvent atteindre. » II, 117. — Vrais
Juifs, vrais païens, vrais chrétiens. I, 210; II, 56,59 (note), 170. — Voy. Reli-
gion.
Vraisemblance, au pluriel. I, cxxxi.
Xaviek (Saint). « Quant saint Xavier fait des miracles!.. » II, 204.
Y, pronom. « Compare-t'y (à moi). Mais qui compareras-tu ? « II, 210.
Yeux (les). La concupiscence des yeux (la curiosité). II, 103, 192 2. —
« Des yeux il va jusques aux cœur, d II, 252. — Langage des yeux. II, 255 2.
Voy. Coeur. — « Les yeux s'allument et s'éteignent dans un môme moment. »
II, 257. — Au figuré : « Aux yeux du cœur, qui voient la Sagesse. II, 16.
Zèle. Le zèle du peuple, chez les Juifs, depuis qu'il n'y a plus eu de pro-
phètes. 1, 212. Voy. Diable. — « Quatre sortes de personnes : zèle sans science ;
science sans zèle; ni science ni zèle : zèle et science. » H, 100. — « Je loue
de tout mon cœur le petit zèle que j'ai reconnu dans votre lettre pour l'union
avec le pape. » II, 328.
Zéro. « J'en sais qui ne peuvent comprendre que qui de zéro ôte 4 reste
zéro. » 1,5. — « Le zéro... est un véritable indivisible de nombre, comme l'in
divisible est un véritable zéro d'étendue. II, 204.
1.
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
Qui nous met en repos.
Malherbe, Consolation à Du Perier.
2. Voir le chap. xxxv du X° livre des Confessions de S. Augustin
TABLE
DES NOMS PROPRES
POUR
L'INTRODUCTION ET LE COMMENTAIRE
Acon et Léonilla. I, 86, notes.
Annat (le Père), cix.
Archimède. Figure Pascal lui-même.
II, 21.
Apistote. Dit que la coutume est une
secondenature. 1,42, notes.— Cité
sur la question de l'amour de Die u.
I, 179, 219 et 221. — Ses erreurs
en physique. II, 271, 272, notes.
— Sa définition du mouvement.
II, 285, notes. — Sa II hé torique.
11, 143, 343. Cf. II, 13.
Arnauld. Critique une pensée de Pas-
cal. I, 47. — Ses Pensées sur les
miracles. II, 87.
Arnobe. Cité sur l'argument du pari.
I, 159.
Arnoul (M.). I, lxxvi, note; lxxxviii,
notes, et cvu.
Augustin (Saint). Le Père du jansé-
nisme. I, cxvi, 219. — Son livre
De la véritable religion. I, 8, no-
tes, 220 ; II, 332, notes, 361. — Ci-
tation de sa Cité de Dieu. I, 39,
notes, 219; II, 275. — Ses idées
bizarres sur les âges du monde.
II. 218, 275. — Son « Je doute, donc
je suis ». II, 303, notes, et 313.
Bacon (François). Sur la superstition
de l'antiquité. II, 274.
Bacon (Roger). Ibid.
Balzac (Guez de). Passages de son
Arislippe. I, 35 et 37, notes. —
Du Socrate chrétien. I, 100, 164,
118, notes; II, 34 et 87, notes et
359-360. — De la Relation à Mé-
nandre. 1, 173, notes. — De la Ré-
ponse à quelques questions, etc. I,
131.
Barthélémy (l'abbé). Cité sur l'amour
de Dieu. I, 219.
Bautru. Mot de lui.
Bayle. I, 159. Voy. Arnobe. — Son
fameux article sur David. II, 12.
Belley (l'évêque de). I. lxx, note.
Bertrand (M. Joseph). II, 131, notes.
Besonone (l'abbé). I, lxxiv, notes.
Beurrier (le Père). 1, lxxxviii, notes.
Blois (les pauvres de).I, lxxx, notes.
Boileau. Son Epître sur l'Amour de
Dieu. I, 216; II, 136,
Boileau (l'abbé). Sur une hallucina-
tion de Pascal. I, cvm.
Boissonade(J.-F.) Son témoignage sur
mon commentaire. I, 204.
Bordas-Demoulin. I, xliv, note.
Bossuet. Comparé avec Pascal. I, xxxi
xxxiv, et xxxvn. — Pascal l'a-t-il
imité? I, 123. — Cité. I, 154, no-
tes, 181, 191, 220; 11,37, 102, no-
tes; 142, 242, notes, 250. — Sa
doctrine sur la Grâce. I, cxiv. —
A, dans le Discours sur l'histoire
universelle , rempli un plan tracé
par Pascal. I, 203.
Bossur. Son édition de Pascal. 1, xlii
et xcvii.
Bruscambille. Rapproché de Pascal.
I, 131.
Bruyère (La). Voy. La Bruyère.
Buffon. Sur la mémoire. II, 212. —
Son analyse de la Mort. II, 2i8.
BussY(le comte de). Son témoignage
sur les Pensées. I, xxxix, note.
Calvin. Cité. II, 54.
Caulier (Clément). Trisaïeul de l'au-
teur du présent commentaire.
Extrait d'un Journal manuscrit
qu'il a laissé. II, 146.
Chaise (La.) Voyez La Chaise.
Charron. Défendu par Saint-Cyran
contre le P. Garasse. 1, xi. — Sur
l'antithèse qui est dans la nature
de l'homme. I, 130.
Chateaubriand. Rapproché de Pascal.
I, 58. — Cité sur Pascal. I, xlii,
93.
Chavaisnes (M. Frédéric). A déchiffré
84
TABIE DES NOMS PROPRES
le nom de Salomon de Tultie. I,
101, notes. — A établi la date d'une
lettre à Mlle de Roanne/. II, 342,
note.
Chevreuse (le duc de). C'est à lui que
sont adressés les Discours sur la
condition des Grands. Il, 350.
Christine de Suède. Est la Cléobuline
du Cyrus. II, 218.
Cicéron. Jugé sévèrement par de
grands esprits. I, 112. — Cité sur
la question de l'amour de Dieu. I,
219. — Sur la mort. II, 247.
Clément IX (Paix de). I, xciv.
Clerc (Le). Voy. Le Clerc.
Colrert, évêque de Montpellier. I,
xcvi, et II, 81.
Collet (M.). Sa découverte sur les
rapports de Méré avec Pascal. I,
civ. Voy. Méré.
Condorcbt. Son jugement sur l'élo-
quence de Pascal. 1, xxxviii. —
Son édition des Pensées. I, xl,
xcvii. — Cité. I, 111; II, 136. —
Réfutation de sa critique de Pas-
cal sur l'argument du pari. I, 160.
Copernic. Sur l'opinion de Copernic.
II, 128-131.
Corneille. Citation de Rodoqune. I,
84, notes. — De Mèdée. 'lbid. Cf.
II, 140. — WHéraclus. I, 197, no-
tes. — Voy. Voltaire.
Cousin (M.). A montré le besoin que
le jansénisme a du pyrrhonisme.
I, xii. — A établi le scepticisme de
Pascal. I, xiu. — Son livre des
Pensées de Pascal (1842). I, xliii,
xcvii. — De la Société française
au xviie siècle. II, 217. — Sa dé-
couverte du Discours sur les pas-
sais de Vamour. II, 262. — Voir
encore 1, 166.
Daniel (le livre de). Sa date. I, xxn;
II, 34.
Daniel (le Père). Critique qu'il adresse
à Pascal. II, 125, notes.
De Long-Champ. Voy. Rruscambille.
Delzons (M.). Voy. l'Avis.
De Maistre (Joseph). — Son senti-
ment sur Pascal. I, xlii, note.
Desargues, le géomètre. 1, lxvii, no-
tes; II, 163, noies.
Descartes. I, xxx, I, 219. — Son
homme sans tête. I, 9, notes. —
Mot de lui sur les comparaisons.
I, 109. — Son objection contre la
valeur de nos connaissances. 1,
122, 123. — Son sentiment sur
X automate. I, 16S. — Découragé
par la condamnation de Galilée.
II, 129. Voy. Galilée. — Mot de
Pascal sur lui. II, 148. — Sa
physique, II, 151, notes. — Nie
qu'il ait emprunté ses principes
à saint Augustin II, 305, notes.
Deschanel (M.). Cité au sujet du nez
de Cléopdtre, I, 93.
Des Molets (le Père). I, xli, xcvi et
cxxn.
Des Pennes (Mme). II, 217.
Domat. II, 106, notes.
Duclos. Mot qu'on lui attribue. 1,146,
Duguet. Son livre sur les Figures. I,
xxiv, note, 214.
Egger (M.). I, 179.
Emi-krocle. On lui rapporte l'image
de la sphère dont le centre est
partout. T, 19.
Enoch (le livre d'), 11,83, 360.
Epictète. Citations prises de ses En-
tretiens. 1, 118, notes; II, 114, no-
tes. — Du Manuel. I, 73, notes. —
Fragment. I, 64, notes.
Esdras (le IVe livre d'). II, 361.
Etemare (l'abbé d'). Son témoignage
sur YEntrelien de Pascal avec
M. de Saci . I, cxxi.
Eutychès. Son hérésie. II, 18, notes.
Faugère(M. Prosper). Son édition des
Pensées de Pascal. II, xcviu. Cf.
I, 21, etc. — Son édition des Let-
tres, opuscules et mémoires des
sœurs et de la nièce de Pascal.
I, lxxi, notes. — A publié le Tes-
tament de Pascal. I, lxxxi, notes.
— Son Eloge de Pascal. I, xliv,
notes. — Voir encore I, 125.
Fayette (La) Voy. La Fayette.
Fénelon. Citation de sa Lettre à
Cévêque d'Arras. II, 47, 54, 213.
— De sa Lettre à l'académie fran-
çaise. II, 144.
Fiurelli (Tiberio), <>u Scaramouche.
II, 164, notes.
Fléchier. Anecdote sur Pascal dans
ses Mémoires sur les Grands-Jours
d'Auvergne. I, civ.
Fleury (l'abbé). I, 218.
Floquet (M.). Cité sur la question,
si Pascal a imité Rossuet, I, 125.
Flottes (l'abbé). Ses Etudes sur l'as-
cal. I, xliv, notes. — Ses Etudes
sur saint Augustin. II, 313, note.
Flourens (M). Cité sur l'autopsie de
Pascal. I, cxii, notes.
Fludd (Robert), alchimiste. II, 8
notes.
Fom aine. Est la source pour VEntre-
tien de Pascal avec M. de Saci.
I, exxi. — Cité. 11,211, 217.
Fontanes. Son jugement sur Pascal.
I, xlii et 135.
Fontenelle. Cité. 7,, lvst, note. —
Ses Entretiens sur la pluralité
des mondes. I, 15. — Son His-
toire d^s Oracles. II, 45. — Sa
Digression sur les anciens et les
modernes. Il, 275.
Forton (Jacques), dit frère Saint-
Ange. I, lxx, notes.
TABLE DES NOMS PROPRES
85
Franck (M.). Son article Pascal dans
le Dictionnaire des sciences philo-
sophiques. I, vin, notes.
Fin initie II. Cite sur le système de
Copernic. 11 131.
Gal.vhn (Pierre). II, 37.
Gai. ii. ii'. A donne aux hommes un
sentiment plus vif de l'infini. I,
46. — Sentiments de Pascal sur
l'opinion de Galilée. II, 129-130,
Gandar. 1, 219.
Gakcin de Tassy. II, 360.
Godefroy (M. Frédéric). T, 54, notes.
Gonod (B.). Ses Recherches de la mai-
son où Pascal est né, etc. 1, lxiii,
notes.
Gournay (MMe de). Pascal lui a pris
l'image de la sphère dont le cen-
tre est partout. 1, 17.
Gréard. I, 221.
Grotius. Sou livre de Véritable reli-
gionis christianse cité. I, 155, no-
tes, 199, notes; II, 43, notes, 58
et 60, notes, 148, etc. — Prouve
Dieu par le vide. I, 155, notes.
Guerrier (le Père). I, xcx.
Giuzot (M.). Voy. Saint-Évremond.
Hamon. Son livre sur lePsaumecxv m.
I, lxxvii, notes.
Hélinard. Rapportait à Empédocle
l'image de la sphère dont le cen-
tre est partout. I, 19.
Hénoch. Voy. Enoch.
Hermès Trismégiste. I, 17.
Héron d'Alexandrie. II, 272, notes.
Hobbes, 1, 220.
Homère. Mal connu de Pascal. I, 203.
Horace. Opposé à Pascal. I, 89.
Hugo (M. Victor). Son Booz endormi.
II, 221.
Humboldt (Alexandre de). II, 104,
notes, 131.
Isaie. Passage d'où est sortie la doc-
trine du Dieu qui aveugle. 11,52.
Jacqueline Pascal. Lettre de Pascal
à son sujet. I, lxxxiv, notes. —
Lettre d'elle à M. Perier. lxxxiii,
notes. — Son Mystère de Jésusy
lxxxvii, notes. — Sa lettre à la
sœur Angélique. II, 133. — Let-
tre à Mme Perier sur la conver-
sion de son frère. II, 319. — Sa
mort. I, ex. — Voir aussi I, 112.
Jansknius. Réflexions sur sadoctrine.
1, cxv.
Jehovah. L'amour de Jehovah n'est
pas ce que nous appelons amour
de Dieu. I, 178.
Joubert (Joseph). I, 99, notes.
Juvénal. Cité. I, 179. — Rapproché
de Pascal. I, 218.
Kant. Sa doctrine en germe dans
une phrase de Pascal. I, 159. —
Ses antinomies. II, 147 et 310.
La Bruyère. Son témoignage sur
Pascal. I, xl. — Pensées qu'il a
prises de lui. I, 34, notes; 44,
notes; 76, notes; II, 265. — Au-
tres, où il le contredit. I, 84,
n tes; II, 141. — Rapproché de
Pascal. I, 15, no, 94, 147.
La Chaise (M. de). Ses Discours à
l'occasion des Pensées de Pascal.
I. i.xxiv, notes.
La Fayette (M111* de). Ce qu'elle pen-
sait de Pascal. I, zzxix.
Lauiïre (M.). Edition complète de
Pascal publiée par lui. ic, notes.
Lamartine (M. de). Vers où il s'ins-
pire de Pascal. 1, xxxv, note. —
Autres citations. I, 9, notes; II,
320.
La Motqe le Vayer. Son livre De
la vertu des Païens. II, 132.
Laplace. — Sa critique d'un calcul
de Pascal. I, 160-162.
Le Clerc (M. Victor). Cité sur la
sphère dont le centre est par-
tout. I, 18. — Sur les mots Spon-
gia solis. I, 43, notes. — Sur la
question de l'amour de Dieu. I,
219. — Sur un passage où Pascal
rend hommage à Montaigne. II,
305, notes. — Son édition de Mon-
taigne. I, IV.
Lélut (M.). Son livre De l'Amulette
de Pascal. I, cvm.
Lescoeur (M. Léon). Son livre De la
méthode philosophique de Pascal.
I, xliv, notes.
Letronne. Cité sur la question de
l'amour de Dieu. 1, 179.
Locke. I, 160, note, et 163, note.
Louis XIV. I, 56, 67.
Lucrèce. Cité. I, 15, 56.
Luynf.s (le duc de). II, 327, notes,
350, note.
Mahomet. Cité. II, 45.
Maistre (De). Voy. De Maistre.
Malherbe. Ses beautés poétiques. I,
410.
Malebranche. î, cvm. — Cité. II,
130.
Manilius. I, 37, notes.
Martin (M. Henri). Son chapitre sur
Pascal dans son Histoire de France.
I, xliv, note.
Martin (Raymond). Voy. Raymond
Martin .
Martini (le Père). II, 108, notes, 137.
Maynard(M. l'abbé). Ses travaux sur
Pascal. I, xliv, note. — Cité au
sujet de la montre de Pascal. It
98, notes.
Méré. Ses rapports avec Pascal. I,
civ. — Critique une idée de Pas-
cal.1,16. — Souvenirs de Méré dans
Pascal. Sur l'honnête homme. I,
74, notes. — Sur les périphra-
ses. 1, 102, notes. — Sur les répé-
86
TABLE DES NOMS PROPRES
titions. I, 103, notes. — Qu'il ne
faut pas écrire en auteur. I, 105,
notes. — Sur l'esprit de finesse.
I, 107. — Que l'éloquence est une
peinture. II, 123, notes. — Qu'il
ne faut pas se laisser deviner, II,
15 i, notes. — Ne prend pas de
parti sur le système du monde.
II, 129. — N'était pas géomètre.
II, 289, noie.
Mersenne (le Père). I, x, lxvi, note.
Michelet (M.). Cité sur les deux in-
finis. I, 16.
Mirandole (De la). Voy. Pic.
Miton. Ses rapports avec Pascal. I,
cv.
Moigno (M. l'abbé). Sur la question
du nombre infini. I, 192.
Molets (Des). Voy. Des Molets.
Molière. Son Don Juan rapproché de
Pascal. I, 146.
Molina. Sa doctrine. I, cxv.
Molinoir (Auguste). 1, 219.
Monaierqué (L. J. N.). Cité sur les
carrosses à cinq sous. I, lxxx,
note.
Montaigne. Etablit sa religion sur
son pyrrhonisme. I, xi. — Les
souvenirs de Montaigne sont trop
multipliés dans Pascal pour qu'il
soit possible de les recueillir dans
cette Table. Voir I, 39, notes, etc.
Montesquieu. Rapproché de Pascal.
I, 111 et 215. — S'est trompé
sur un verset de la Bible. II, 13,
note. — Son mot sur l'opposition
du judaïsme au christianisme. I,
215.
Morel. Il, 301.
Mothe (La). Voy. La Mothe le Vayer.
Nestorius. Son hérésie. II, 18, notes.
Nicole. Dit que fhérésie de son
temps est l'athéisme. I, x, 167. —
A publié les Discours sur la con-
dition des Grands. I, xcvi et II,
348. — Son jugement sur Pascal.
I, xl et 57. — Ses idées sur la
justice de Dieu. I, 58. — Voir
encore II, 53 et 360.
Nisard (M.). Son chapitre sur Pas-
cal. 1, xliii. — Son jugement sur
la Prière pour la maladie. II,
233.
Nodier (Charles). I, n.
Noël (le Père). Sa définition de la
lumière. II, 283, notes.
Pascal (Biaise). Sa foi. I, ix. — Son
pyrrhonisme. xm. — Sa thèse,
xvu-xxx. — Comparé à Descartes
et à Bossuet. xxx-xxxm. — In-
fluence de son génie, xxxiy. —
Sa rhétorique, xxxvi. — Son ima-
gination, xxxvm. — Son manus-
crit, lv, note. — Aventure qui
Jm arriva quand il avait un an.
en. — Fait la cour à une dame
d'Auvergne, civ. — Mémento qa'il
portait sur lui. cvi. — Accident
qu'il éprouve au pont de Neuilly.
cvn. — Hallucination habituelle
qu'on dit qu'il ressentait, cxu. —
Ce qu'il dit des Provinciales, étant
prêt de mourir, cxi. — Son au-
topsie, cxn. — Renvois aux Pro-
vinciales. 1, 46; II, 53,77; notes,
85, 92, notes, 117 et 118, notes,
129, 136, 347. — Vers qu'on lui
attribue, I, 111. — Cité sur Yopi-
nion de Copernic. II, 129. — Ses
sentiments sur la philosophie de
Descartes. II, 148. — Son dédain
des sciences historiques. II, 177.
— Voy. Galilée.
Pascal (Etienne), père de Pascal. I,
Lxm, notes.
Pascal (Gilberte). Voy. Perier (M»').
Pascal (Jacqueline). Voy. Jacqueline
Pascal.
Paul (Saint). Explication de son jan-
sénisme. I, cxvi. — N'est pas un
témoin. II, 44.
Pennes (Mme Des). Voy. Des Pennes.
Perier (Mm°). I, lxiii, note; lxxi,
notes, et eu.
Perier (Etienne), auteur de la Pré-
face de l'édition de Port-Royal.
I, xlvii, note.
Pbiuer (Marguerite). Miracle dont
elle est l'objet. I, cvm. — Ses
Mémoires cités. I , en , exi ,
note, etc.
Perrault (Nicolas), docteur de Sor-
bonne, frère de Claude et de
Charles Perrault. Cite. II, 100.
Pétrone. Phrase de lui citée par
Pascal. I, 105, note. — Voy. Saint-
Evremond.
Pic de la Mirandole. I, 19.
Pilate. Traité favorablement dans
les Evangiles. II, 44.
Piobert (M. le général). Son expli-
cation d'un fragment de Pascal.
II, 103, note.
Platon. Semble demander une révé-
lation. I, xi. — Rapproché de
Pascal. 1, 129-130, 145, 153, note;
II, 144, 234. — Cité sur la ques-
tion de l'amour de Dieu. 1, 219.
Plaute. Cité. I, 219.
Plotin. Cité, I, 218.
Plutarque. Rapproché de Pascal. I„
35, notes; II, 217.
Pope. Rapproché de Pascal. I, 135.
Port-Royal (Messieurs de). I, 134. —
— Leur édition des Pensées. I,
xcv, 13; 55, 157, etc. — Leur
Epigrammatum delectus. I, 86,
notes.
Postel (Guillaume). Sa République
des Turcs. II, 272, notes.
TABLE DES NOMS PROPRES
87
Alévost-Paradol. I, 210.
Quintilien. Opposé à Port-Royal. Il,
217.
Rabelais. Cite à propos de l'image
de la sphère dont le centre est
partout. 1, 17. -- Souvenirs de
Rabelais dans Pascal. I, 33, notes
106, notes.
Racan. Vers cités. II, 213.
Racine. Citations de son Histoire de
Port-Royal. I, i.xxxv, notes, exi,
cxi. — Son cantique sur la Sa-
. I, 100.
Racine (Louis). Cité. I, 217; II, 53,
135.
Ravaisson (M.). II, 218.
Raymond Martin. Son Pugio fidei. II,
8, notes, et 37.
Raymond Sebond. Voy. Sebond.
Renan (M.). II, 220. — Sa traduction
de Job. IL 169, notes, 218, etc.
Reuchun (Jean). De arte cabbalistica.
II, 8, noirs.
Reuchlin (M. le docteur). I, xlv,
notes.
Rigault (Hippolyte). II, 274, notes.
Roannez (Le duc de). Prononcez Roa-
nais. I,lxxvui, notes. — Sa liaison
avec Pascal. I, civ. Sa part dans
la première édition des Pensées.
xcvi. — La concierge de sa mai-
son veut poignarder Pascal. II,
340, notes.
Roannez (Mlle de). II, 327 et 329, no-
tes 343-345.
Rousseau (Jean-Jacques). Sa grande
objection contre la révélation. I,
xvm. — Trace le plan d'une cri-
tique des religions. I, xxi. — Rap-
proché de Pascal. I, 93.
Sablé (Mme De). II, 140.
Saci (Le Maître de). I, cxxur, cxxix,
cxxxv, cxxxvi; II, 217, et 333, 334,
notes.
Saint-Ange (Frère). Voy. Forton.
Saint-Cyran (Du Vergier de Hau-
ranne, abbé de). Prend la défense
de Charron. I, xi. — Cité sur le
petit nombre des élus. II, 54. —
Sur la sainteté du prêtre. II, 146.
Sainte-Beuve (M.). — Ses études sur
Pascal dans son Port-Royal. T.
xliv. — Cité. II, 65, 133, 145, 249,
etc. — Sur l'Entretien avec Saci.
I, cxxi, cxxxvm, note.
Sainte Marthe (M. Dr). î, lxxxviii,
notes.
Saint-Evrbmond. Mot sur Yhonnéle
homme à propos de Pétrone. I, 74,
note.
Saint-Hilaire (M. Barthélémy). M,
314.
Sauiun (Jacques). Cité. 1, 166: II, 53.
Scudkiu fM»« I)k). II. 218, 219.
Scudéri (Mme De). I, xxxix, note.
Sebond (Raymond). Citation de sa
Thr'oloffie naturelle. I, 130. — A
entrepris de prouver La Trinité
par des raisons naturelles. I, 167.
Sénèque. Cité sur l'amour de Dieu. I,
219. — Pressent l'avenir de la
science {Questions naturelles. VII,
xxix, 3 et suiv.). Il, 276.
Sévigné (Mmc De). Ce qu'elle pensait
de Pascal. I, xxxix. — Mot de Pas-
cal qu'elle relève. II, 127. — Citée
sur Cléobuline. II, 217. — Sur
Messieurs de Port-Royal. I,xxxix;
II, 300, note.
Singlin (Antoine). I, lxxxiv, note
cxxiu; II, 349, notes.
Spinoza. Son traité théologico-poli-
tique. I, ix.
Strauss (le docteur de). II, 12.
Swammerdam. I, 17. Voy. Galilée.
Tacite. Sur les miracles de Vespasien.
11, 126, notes.
Taine (M.). I, 135.
Thomas d'Aquin. Cité. II, 158, notes.
284, notes.
Thurot. II, 363.
TlMÉE DE LOCRES. I, 16.
Utrecu (le Recueil d') . I. ex.
Vauvknargues. Son témoignage sur
Pascal. I, xl.
VlLLEMAIN (M.). I, XLII, 164.
Vincent de Beauvais. I, 18.
Vinet (Alexandre). I, xliv, note, et
102, notes.
Voltaire. Ses Remarques sur les
Pensées de Pascal. I, xl, xli, 216;
1, 139, notes. — Son Commentaire
sur Corneille. I, xli, note. — Prend
contre Pascal la parti de l'huma-
nité. 1, 29. — Vers ci Lés. I, 108;
II, 2 7. — Sa critique d'une pen-
sée de Pascal. I, 203.
Xénophon. I, 62, notes.
372-17. - Coulommiers. luip. Paul BRODARD. - 5-18.
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